Numărul 3 / 2014 ARTICOLE
LE STATUT DES FINANCES LOCALES DANS LA CONSTITUTION DE LA ROUMANIE ET DE LA FRANCE
Elena SFERLEA*
Résumé : La comparaison des dispositions de la Constitution consacrées, en droit roumain et français, à la question des finances locales montre la valeur constitutionnelle commune dont bénéficie l’autonomie financière des collectivités territoriales, bien qu’elle soit affirmée de manière différente. La révision de la Loi fondamentale française de mars 2003 marque un développement significatif du volet financier de la décentralisation, soutenu par la loi organique du 29 juillet 2004. Le contexte politique des évènements de 1991 explique le choix différent du constituant roumain et donc la façon plutôt générale d’aborder le sujet des finances locales. Formulées globalement en accord avec les prescriptions de la Charte européenne de l’autonomie locale, on retrouvera la plupart des dispositions constitutionnelles françaises en la matière dans les nombreux textes législatifs adoptés au long des années en droit roumain. Cependant, la protection explicite conférée au principe de l’autonomie locale dans l’article 120 de la Constitution roumaine assure le fondement constitutionnel implicite pour l’indépendance financière des collectivités.
Mots-clé : finances locales, collectivités territoriales, autonomie financière, Constitution, budget, ressources, équilibre budgétaire, transfert, fiscalité locale Cuvinte cheie : finanţe locale, colectivităţi teritoriale, autonomie financiară, Constituţie, buget, resurse, echilibru bugetar, transfer, fiscalitate locală
À la suite de la révision opérée en 2003, les collectivités territoriales jouissent, en France, d’un riche cadre constitutionnel qui place la décentralisation au coeur de “la République des proximités” défendue par le Gouvernement Raffarin au début des années 2000. Les garanties en matière d’autonomie fiscale, la compensation des charges transférées et les dispositifs de péréquation assurent, au moins sur le plan juridique, un développement non-négligeable de l’autonomie financière des collectivités françaises. Adepte d’une conception très souple, lisible dans les quatre articles consacrés au domaine de l’administration locale, le constituant roumain de 1991 ne fixe que le cadre général de l’autonomie locale afin de permettre au législateur d’exercer la liberté de son approfondissement. L’on constate, ainsi, que la plupart des dispositions constitutionnelles françaises en matière d’autonomie financière font, en droit roumain, l’objet de lois organiques. Il convient de souligner, en même temps, que le principe constitutionnel de l’autonomie locale assure, néanmoins, une protection implicite aux développements issus de la loi.
La valeur constitutionnelle commune de l’autonomie financière des collectivités territoriales roumaines et françaises
Le nouvel article 72-2 de la Constitution française crée les garanties financières de la décentralisation. Composé de cinq alinéas, il témoigne de l’importance accordée au volet financier du statut constitutionnel des collectivités territoriales. Le premier principe qui garantit l’autonomie financière des collectivités est fixé à l’alinéa 1er de l’article 72-2. Il est ainsi prévu que les collectivités bénéficient de ressources propres dont elles peuvent disposer librement, tout en respectant les conditions imposées par la loi. En matière d’autonomie fiscale, il est en outre stipulé en faveur des collectivités la possibilité de recevoir tout ou une partie du produit des impositions de toutes natures. Selon la Constitution, la loi peut autoriser les assemblées délibérantes à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle déterminera par la suite (art. 72-2 al. 2). Les ressources propres des collectivités doivent représenter, pour chaque catégorie de collectivités, “une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources” (art. 72-2 al. 3). Pour la mise en oeuvre de cette règle, le texte constitutionnel renvoie à la loi organique. La doctrine souligne la difficulté de préciser le sens de l’expression “part déterminante”[1]. Selon le professeur Jacques Moreau, “déterminant” n’est pas l’équivalent de “prépondérant”, mais pourrait se situer autour de 30-50%[2]. Le quatrième alinéa de l’article 72-2 constitutionnalise l’accompagnement de tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales par des ressources équivalentes, alors que le dernier alinéa introduit, au niveau constitutionnel, la mise en place par la loi de mécanismes de péréquation afin de “favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales”. La seconde phrase de l’alinéa 4 du même article établit également que toute création ou extension de compétences entraînant une augmentation des dépenses des collectivités “est accompagnée de ressources déterminées par la loi”. Il faudrait noter que, pour certains, le contexte de la révision constitutionnelle de mars 2003 est marqué, en France, par une “situation de démantèlement progressif de la fiscalité [des collectivités] et d’atteinte caractérisée à leur autonomie fiscale par le législateur”[3], validée par le juge constitutionnel. Bien qu’il rappelle l’existence d’“une limite à la restriction des ressources fiscales par le législateur en deçà de laquelle la libre administration serait entravée”[4], le Conseil constitutionnel ne censure pas les différentes mesures qui amputent les marges de manoeuvre fiscales des collectivités territoriales françaises. Cette érosion progressive de la fiscalité locale, suite aux mesures intégrées dans les lois annuelles de finances, fait également l’objet des observations de la part des rapporteurs européens[5]. Compte tenu des nouvelles dispositions constitutionnelles garantissant l’autonomie financière des collectivités territoriales, aussi bien dans sa dimension juridique que matérielle, on parle désormais d’un “système financier local globalement en harmonie avec les principes contenus dans la Charte européenne de l’autonomie locale”[6], et cela bien avant la ratification de ce texte international par la France. Le dispositif constitutionnel est complété par la loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales n° 2004-758 du 29 juillet 2004. Composée de 5 articles, cette loi définit, à l’article 2, la notion de “catégories de collectivités territoriales” au sens de l’article 72-2 al. 3 de la Constitution[7]. Elle précise également la signification de la notion de “ressources propres” et fixe une limite inférieure pour ce que constitue la “part déterminante”, mais “sans nullement garantir que celui-ci [le plancher] corresponde à un état satisfaisant du rapport entre ressources propres/ressources allouées”[8]. Ainsi la part des ressources propres ne peut-elle être inférieure au niveau atteint en 2003. La décision du Conseil constitutionnel n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004 ne censure pas la nouvelle loi sur ce point[9]. Une décision un peu plus récente, relative à la loi de finances pour 2006 (décision n° 2005-530 DC, 29 décembre 2005) dénote encore plus de souplesse et laisse entendre que le plancher de 2003 peut ne pas être respecté dès lors que “le degré d’autonomie financière d’une catégorie de collectivités territoriales” ne se dégradera pas “dans une proportion incompatible avec la règle fixée par l’article L.O. 1114-3”[10] du C.G.C.T. L’évolution des finances locales connaîtra, en France, une autre étape avec la suppression de la taxe professionnelle[11] par la loi de finances pour 2010 et la promulgation de la loi sur la réforme des collectivités territoriales le 16 décembre 2010. La réforme de la taxe professionnelle, remplacée désormais par une "contribution économique territoriale"[12] devient applicable aux collectivités dès 2011. La principale nouveauté prévue par le texte de décembre 2010 est la création de la "métropole", structure nouvelle pour les zones urbaines atteignant 500 000 habitants, qui se substituera sur son territoire aux collectivités préexistantes et percevra la totalité de la fiscalité locale et des dotations de l’État, sauf la taxe foncière. Alors que certains considèrent ce texte comme marquant un Acte III de la décentralisation en France, d’autres soulignent qu’il entame plutôt un mouvement de recentralisation. La section de la Constitution roumaine consacrée à l’administration publique locale ne contient aucune référence expresse au sujet des finances locales. On trouve toutefois des dispositions constitutionnelles abordant de manière directe ou indirecte ce thème dans le chapitre III (“Les devoirs fondamentaux”) du Titre II (“Les droits, les libertés et les devoirs fondamentaux”), ainsi que dans le Titre IV dont l’intitulé est “L’économie et les finances publiques”. La plupart des principes visant à garantir l’indépendance financière des collectivités territoriales roumaines ont un caractère législatif, alors que le droit français leur offre souvent une protection constitutionnelle expresse. L’article 138 al. 1er de la Constitution roumaine énumère “les budgets locaux des communes, des villes et des départements” parmi les composants du budget public national[13]. Le budget public national comprend le budget de l’État, le budget des assurances sociales de l’État et les budgets locaux des communes, des villes et des départements (art. 138 al. 1er de la Constitution). Le Gouvernement est chargé d’élaborer le projet du budget de l’État et celui des assurances sociales de l’État (art. 138 al. 2), alors que l’alinéa 4 du même article 138 de la Constitution renvoie à la loi pour ce qui est des modalités d’élaboration, d’approbation et d’exécution des budgets locaux. Conformément aux articles 19 et 20 de la Loi relative aux finances publiques locales n° 273/2006[14], l’élaboration, l’approbation et la rectification des budgets locaux entrent dans la compétence des autorités locales, afin de garantir juridiquement l’autonomie financière des collectivités. La gestion efficiente des fonds publics locaux est également prévue dans la compétence et la responsabilité des autorités locales (art. 20 al. 1, lettre h) de la même loi). Selon l’article 139 al. 2 du texte constitutionnel, ce sont les conseils locaux et départementaux qui fixent les impôts et les taxes locaux, mais toujours “dans les limites et les conditions de la loi”[15]. Au niveau des collectivités, les maires et les présidents de conseils départementaux ont la qualité d’ordonnateurs principaux de crédits (art. 21 alin. 2). Il en résulte que, tout comme en France, le budget des collectivités est distinct du budget de l’État. Le cadre constitutionnel roumain affirme donc clairement l’existence propre des budgets locaux des collectivités (art. 138 al. 1) et renvoie au législateur pour ce qui concerne les conditions de leurs élaboration, approbation[16] et exécution (art. 138 al. 4). Conformément à la règle inscrite à l’alinéa 5 du même article de la Constitution, l’approbation[17] de toute dépense budgétaire exige l’identification de la source de son financement. La disposition de l’alinéa 5 établit une règle à caractère général, valable pour toutes les catégories de budgets. Comme déjà précisé, en matière de fiscalité, la Loi fondamentale roumaine autorise les assemblées locales des collectivités à fixer les impôts et les taxes locaux, mais cela doit se faire toujours dans le respect des conditions fixées par la loi. Il s’agit notamment de la Loi organique relative aux finances publiques locales n° 273/2006 qui abroge l’O.U.G. n° 45/2003[18]. Entrés en vigueur le 1er janvier 2007, au moment où la Roumanie devient État membre de l’Union Européenne, les 86 articles de la nouvelle loi en matière de finances locales viennent enrichir les dispositions de principe de la Loi-cadre de la décentralisation n° 195/2006[19]. Introduisant l’exigence de la performance dans la gestion des budgets locaux et la prestation des services publics, ce dernier texte définit distinctement les notions de “standards de qualité” et “standards de coût”. L’article 2 lettres m) et n) de la Loi-cadre relative à la décentralisation administrative définit également l’équilibre horizontal et l’équilibre vertical des budgets locaux. Le premier vise le transfert de ressources de l’État vers les collectivités, afin d’éliminer les différences au niveau de leur capacité financière. En réalité, il s’agit d’un dispositif similaire à la péréquation prévue par la Constitution française, dont le but est aussi de favoriser l’égalité entre les collectivités. Le second type d’équilibre correspond toujours à un transfert de ressources de l’État vers les collectivités, mais il sert à “compléter ou à assurer en totalité, selon le cas, le financement nécessaire à la prestation des services publics et d’utilité publique décentralisés”. Le même article lettre r) de la Loi-cadre fait la distinction entre les sommes défalquées pour l’équilibre des budgets locaux et les sommes défalquées recevant une destination spéciale. Tout comme en France, le principe de l’accompagnement de tout transfert de compétences par les ressources nécessaires est l’un des principes de base de la décentralisation en Roumanie, consacré à l’article 3 lettre b) de la Loi-cadre n° 195/2006. La lettre f) du même article ajoute le principe de la contrainte budgétaire qui “interdit l’utilisation par les autorités de l’administration publique centrale des transferts spéciaux ou des subventions pour l’élimination des déficits finaux des budgets locaux”. Par les dispositions très claires de ses deux alinéas, l’article 6 de la même Loi-cadre vient renforcer le principe consacré à l’article 3 lettre b). Au premier alinéa de l’article 6, le législateur souligne la simultanéité du transfert des compétences et des ressources nécessaires. L’exercice des compétences devient possible “uniquement” après la transmission des ressources nécessaires (seconde phrase de l’alinéa 1 du même article). En ce qui concerne les compétences déléguées, leur financement est entièrement assuré par l’administration centrale (art. 6 al. 2). Le chapitre 5 de la Loi-cadre n° 195/2006 porte entièrement sur “le financement des autorités de l’administration publique locale”. Selon l’article 29, “les budgets locaux des autorités de l’administration publique locale ont dans leur composition une section de fonctionnement et une de développement, dans les conditions de la loi”. L’article 31 du même chapitre permet l’accès inconditionné des collectivités aux informations relatives à l’allocation des ressources budgétaires prévues à l’article 30 al. 2 du même texte. L’obligation d’assurer cet accès incombe, selon la même disposition de l’article 31, au Ministère des Finances Publiques et à ses services déconcentrés. Les autres articles du chapitre 5 renvoient soit aux dispositions de la Loi des finances locales, soit à celles de la Loi du budget de l’État. L’article 6 de la nouvelle Loi des finances publiques locales n° 273/2006 réitère le principe de l’accompagnement obligatoire du transfert des compétences vers les collectivités par les ressources nécessaires à leur exercice, principe qui fait l’objet d’une mention constitutionnelle en France. Le transfert de charges se fait par la loi, “uniquement en assurant les ressources financières nécessaires à leur réalisation”. Par analogie avec le modèle français, le nouvel article 9 al. 1er de la Loi sur l’administration locale n° 215/2001 pose le droit des collectivités roumaines à des “ressources financières propres” que leurs organes “établissent, administrent et utilisent pour l’exercice des compétences et des attributions qui leur reviennent, dans les conditions de la loi”. Le second alinéa de l’article cité exige une corrélation entre les ressources dont les autorités locales “disposent” et leurs attributions. Dans son intitulé, l’article 16 de la Loi roumaine sur les finances locales n° 273/2006 affirme expressément le principe de l’autonomie locale financière, principe qui bénéficie d’une protection constitutionnelle en France. L’alinéa 1er de cet article consacre le droit des collectivités roumaines à “des ressources financières suffisantes” qu’elles “peuvent utiliser dans l’exercice de leurs attributions, en vertu et dans les limites prévues par la loi”. De manière semblable au cas français, le deuxième alinéa de l’article 16 accorde aux autorités locales “la compétence d’établir les niveaux [taux] des impôts et des taxes locaux, dans les conditions de la loi”. Conformément à l’alinéa 3 du même article, l’allocation des ressources pour l’équilibre des budgets locaux ne doit pas empiéter sur les politiques budgétaires des autorités locales dans leur domaine de compétence. Au dernier alinéa de l’article 16, le législateur organique renvoie aux "dispositions de la loi" pour ce qui concerne l’utilisation des sommes défalquées à destination spéciale par les collectivités. Enfin, l’article 27 de la longue Loi n° 273/2006 souligne, une fois de plus, que c’est aux assemblées locales et départementales d’“approuver” les impôts et les taxes locaux, et cela toujours dans le respect des dispositions législatives en vigueur. Au niveau de la Municipalité de Bucarest, cette compétence est exercée par le Conseil Général toujours « dans les limites et les conditions de la loi » (même art. 27). Il faut ajouter que les ressources des collectivités roumaines “doivent être proportionnelles aux responsabilités des autorités de l’administration publique locale fixées par la loi” (art. 17 de la Loi des finances publiques locales). Au titre de l’article 18 du même texte, les autorités locales, par l’intermédiaire de leurs structures associatives, “doivent être consultées à l’égard du processus d’allocation des ressources financières du budget de l’État vers les budgets locaux”. Il s’agit là d’une disposition impérative, donc d’une obligation à respecter dans le cadre du processus de consultation. Au-delà de l’imprécision de certains termes comme “suffisantes” ou “proportionnelles”, ou des problèmes que pose le processus d’interprétation et d’application des normes, il y a incontestablement un renforcement législatif des droits financiers des collectivités roumaines, de façon similaire à l’évolution constitutionnelle du statut des finances locales françaises. Par ailleurs, comme leur intitulé l’indique expressément, les dispositions des articles 7-13 et 15-18 de la Loi n° 273/2006 ont la valeur de principes budgétaires. Si tous les principes évoqués bénéficient d’une reconnaissance constitutionnelle expresse en France, ils ont au moins une valeur législative en Roumanie. Néanmoins, comme ils découlent du principe général de l’autonomie locale inscrit à l’article 120 de la Constitution roumaine, on peut considérer qu’ils jouissent d’une protection implicite au niveau constitutionnel. En ce sens, l’article 4 al. 1er de la Loi n° 215/2001 en matière d’administration locale souligne que “l’autonomie locale est uniquement administrative et financière”, s’exerçant dans le cadre fixé par la loi. Bien que globalement conformes à la Charte européenne de l’autonomie locale[20], certaines de ces dispositions à caractère général restent encore perfectibles, comme en fait preuve le grand nombre de textes modificatifs adoptés par la suite. Ils sont apparus dans le contexte d’un important transfert de compétences et de services publics vers les collectivités roumaines, ce qui exigeait une adaptation du cadre juridique dans le sens de l’adéquation des moyens, mais aussi dans le contexte plus récent de la crise économique mondiale. On mentionnera, à ce dernier titre, notamment l’O.U.G. n° 46/2013[21] relative à la crise financière et à la faillite des unités administratives-territoriales. Préoccupation commune aux collectivités territoriales des deux pays, la question financière explique aussi la crainte de certains maires français pour la survie des petites communes rurales ou l’équilibre de leur budget[22].
Conclusions
En droit français, l’autonomie financière des collectivités territoriales est une composante juridique du principe constitutionnel de libre administration, consacré à l’article 72 al. 3 de la Loi fondamentale. Lors de la réforme du 28 mars 2003, elle a été constitutionnalisée par l’introduction dans la Constitution d’un article 72-2, alors que son respect était, déjà auparavant, vérifié par le Conseil constitutionnel qui s’assurait que les règles posées par la loi “n’ont pour effet ni de restreindre la part des recettes ni de diminuer les ressources globales des collectivités concernées au point d’entraver leur libre administration”[23]. C’est donc l’article 72-2 qui précise le contenu de l’autonomie financière des collectivités françaises. La loi organique du 29 juillet 2004 définit les ressources propres des collectivités et détermine le niveau minimum de ce que doit être la part déterminante qu’elles représentent. Vu le contexte politique de 1991, le constituant roumain préfère fixer le cadre général en matière d’administration locale, tout en laissant au législateur la liberté de développement des grands principes constitutionnels. Expressément mentionné après la décentralisation, le principe de l’autonomie locale occupe la deuxième position parmi les principes énumérés à l’article 120 al. 1 de la Constitution. La révision du texte constitutionnel opérée en octobre 2003 n’apportera pas des nouveautés en matière de finances locales. Néanmoins, de nombreuses lois[24] adoptées par la suite marqueront une évolution juridique importante, y compris en matière d’autonomie financière des collectivités roumaines. Si l’on tient compte de la toute récente faillite de certaines collectivités, du financement inadéquat d’une bonne partie des services publics décentralisés, des inégalités existantes entre les collectivités ou du poids encore significatif des transferts étatiques envers les collectivités[25] , des progrès restent encore à faire. Instituant une sorte de droit commun européen en matière du droit des collectivités territoriales, le texte de la Charte européenne de l’autonomie locale fait partie du droit interne, depuis 1998 en Roumanie et depuis 2007 en France. Malgré l’existence de certaines ambiguïtés, limites ou insuffisances de la part du législateur national, la plupart des dispositions financières de la Charte ont un fondement constitutionnel ou législatif en droit roumain et français. Il en résulte que, sur le plan juridique, l’autonomie financière des collectivités territoriales bénéficie de la protection nécessaire pour son développement. Bien que des améliorations soient encore nécessaires, les deux systèmes analysés consacrent les grands principes qui garantissent, du moins juridiquement, l’indépendance financière au niveau local. En droit français, nombre de ces garanties sont directement consacrées par la Constitution, alors qu’elles bénéficient d’une protection constitutionnelle implicite en droit roumain.
* Docteur en Droit de l’Université Paris XII; maître assistant, Université Agora d’Oradea ; ileanamarcu@yahoo.com [1] Voir R. Hertzog, L’ambiguë constitutionnalisation des finances locales, AJDA, mars 2003, p. 549; Y. Luchaire, F. Luchaire, Décentralisation et Constitution : Commentaire de la loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République, Economica, Paris, 2003, pp. 40-42; F. Labie, Finances locales et autonomie financière, Cahiers français n° 318, Décentralisation, État et territoires. Les enjeux de la réforme, La Documentation française, janvier-février 2004, pp. 86-87; H. Rihal, Le statut constitutionnel des collectivités territoriales issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 : entre innovation et complexité, Revue française d’administration publique n° 105/106, 2003, p. 227. Dans le même sens, le Professeur Olivier Gohin qualifie la signification de la notion de « part déterminante » des recettes fiscales et des autres ressources propres dans le droit de l’autonomie financière des collectivités territoriales comme étant « évasive ». Voir O. Gohin, La révision du titre XII : pouvoir constituant et jurisprudence constitutionnelle dans Y. Gaudemet et O. Gohin (sous la dir. de), La République décentralisée, L.G.D.J. Diffuseur, éd. Panthéon-Assas, Paris, 2004, p. 39. [2] J. Moreau, Administration régionale, départementale et municipale, 14ème éd., Dalloz, Paris, 2004, p. 20. [3] F. Labie, op. cit., p. 85. [4] Décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991, décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991, décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, décision n° 2000-432 DC du 12 juillet 2000. [5] Rapport sur la situation de la démocratie locale et régionale en France (23-25 mai 2000) - CG (7) 7 Partie II, Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux, rapporteurs : MM. M. Bucci et J.C. Van Cauwenberghe, pp. 8-10. [6] S. Baziadoly, La Charte européenne de l’autonomie locale et l’autonomie financière des collectivités locales françaises, RGCT n° 29, mai-juin 2003, p. 721. Il convient de préciser que la Charte a été signée par la Roumanie le 4 octobre 1994 et ratifiée le 28 janvier 1998. Bien que la France la signe dès son élaboration, elle la ratifiera beaucoup plus tard, le 17 janvier 2007. Quant à son entrée en vigueur, il y a un décalage de 9 ans entre les deux pays. La Charte intègre le droit roumain le 1er mai 1998, alors qu’elle entre en vigueur sur le territoire de l’Hexagone le 1er mai 2007. On pourrait expliquer cet écart temporel par une plus grande ouverture de la part de la Roumanie, due notamment à ses efforts de rapprochement de l’Europe et des valeurs démocratiques en général, menés après 1989. [7] L’énumération de l’article 2 de la loi du 29 juillet 2004 comprend : “1° les communes; 2° les départements auxquels sont assimilées la collectivité départementale de Mayotte, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et les collectivités à statut particulier issues de la fusion d’une ou plusieurs communes et d’un département ;3° Les régions et la collectivité territoriale de Corse auxquelles sont assimilées les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution autres que celles mentionnées au 2°, [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004] les collectivités à statut particulier issues de la fusion de départements et de régions et les collectivités mentionnées au dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution”. [8] J.-B. Auby, J.-F. Auby, R. Noguellou, Droit des collectivités locales, 4e éd. mise à jour, coll. Thémis Droit public, PUF, Paris, 2008, p. 69. [9] Sont déclarés contraires à la Constitution les mots “les provinces de la Nouvelle-Calédonie” (art. 2 de la loi organique du 29 juillet 2004) et “est déterminante, au sens de l’article 72-2 de la Constitution, lorsqu’elle garantit la libre administration des collectivités territoriales relevant de cette catégorie, compte tenu des compétences qui lui sont confiées. Elle” (art. 4 de la même loi organique). [10] Le troisième alinéa de cet article reprend, en fait, la règle concernant le « niveau constaté au titre de l’année 2003 », fixée par la loi du 29 juillet 2004. [11] En partie calculée sur les dépenses d’investissement. [12] Assise en partie sur la valeur foncière des terrains occupés et en partie sur la "valeur ajoutée" dégagée par l’entreprise. [13] C’est peut-être une notion étonnante pour les spécialistes français des finances publiques. Les débats de 1991 devant l’Assemblée Constituante montrent l’existence de deux amendements pour le remplacement de la notion de “budget d’État” par celle de “budget public des organes centraux” ou de “budget administratif central d’État”, les deux rejetés. Bien qu’elle n’ait pas recueilli le nombre de voix nécessaires devant l’Assemblée, une autre proposition visant l’introduction de l’expression de “budget public national” à la place de celle de “budget de l’État” est reprise dans le Projet de Constitution (art. 136), ce qui explique sa présence dans le texte constitutionnel en vigueur. Voir en ce sens, A. Iorgovan dans M. Constantinescu, A. Iorgovan, I. Muraru, E. S. Tănăsescu, Constituţia României revizuită – comentarii şi explicaţii – (La Constitution de la Roumanie révisée – commentaires et explications –), All Beck, Bucarest, 2004, p. 301. [14] Publiée dans Monitorul Oficial al României (Journal Officiel de la Roumanie), partie I, n° 618 du 18 juillet 2006 et rectifiée dans M. Of. n° 627 du 20 juillet 2006. Il est intéressant de noter que le texte a déjà subi une cinquantaine de modifications depuis son adoption. [15] Entré en vigueur en 2004 et amendé plus de 100 fois depuis son adoption, le Code fiscal contient un chapitre distinct (ch. IX) concernant les impôts et les taxes locaux. [16] Le terme d’ ”approbation” est utilisé, dans ce cas, de manière inadéquate pour exprimer, en réalité, le droit du conseil local de décider, car c’est l’assemblée qui décide le contenu du budget local. Tout comme en France, le vote du budget est une prérogative de l’assemblée. Voir en ce sens O. Podaru, Legea 215/2001 a administrației publice locale comentată (La Loi n° 215/2001 sur l’administration publique locale commentée), Sfera Juridică, Cluj-Napoca, 2004, p. 86. [17] Notion utilisée avec le sens d’ “engagement”, d’ “inscription dans le budget”, et non pas de “tutelle hiérarchique”. [18] Publiée dans Monitorul Oficial al României (Journal Officiel de la Roumanie), partie I, n° 431 du 19 juin 2003. [19] Publiée dans Monitorul Oficial al României (Journal Officiel de la Roumanie), partie I, n° 453 du 25 mai 2006. [20] Voir le Rapport d’information sur la démocratie locale et régionale en Roumanie (avril 2002), réalisé dans le cadre du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux d’Europe par les rapporteurs MM. J.-C. Frecon et L. Van Nistelrooij, texte disponible sur le site officiel du Conseil de l’Europe, www.coe.int., p. 32. [21] Publiée dans Monitorul Oficial (Journal Officiel de la Roumanie), partie I, n° 299 du 24 mai 2013. [22] Si les collectivités locales françaises ont vu leurs dépenses progresser considérablement depuis 30 ans, leurs ressources ont connu des périodes plus ou moins fastes avec des fortes disparités selon les collectivités. Le cas du maire de Sevran qui entame, en novembre 2012, la grève de la faim pour attirer l’attention sur la situation financière de sa commune est déjà notoire. [23] C. Constit., 28 déc. 2000, 2000-442 DC, LFI 2001. [24] Parmi les textes les plus importants, on peut en mentionner à titre d’exemple : la Loi nº 571/2003 concernant le Code fiscal, l’Ordonnance d’urgence n° 45/2003 concernant les finances publiques locales, la Loi-cadre relative à la décentralisation n° 339/2004, la nouvelle Loi-cadre de la décentralisation n° 195/2006, la nouvelle Loi relative aux finances publiques locales n° 273/2006, l’Arrêté du Gouvernement relatif au financement des établissements d’enseignement préuniversitaire d’État, financés par les budgets locaux, sur la base des standards de coût par élève/préscolaire pour l’année 2010 n° 1618/2009, l’O.U.G. nº 46/2013 etc. [25] Voir à ce sujet, A. Profiroiu, M. Profiroiu, Autonomia financiară a colectivităţilor locale din România – premisă a succesului descentralizării (L’autonomie financière des collectivités locales de Roumanie – prémisse du succès de la décentralisation), dans Transylvanian Review of Administrative Sciences n° 19/2007, pp. 77-85. |