Numărul 1 / 2014 STUDII
L'IMPORTANCE DU STATUT CONSTITUTIONNEL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ROUMAINES ET FRANÇAISES
Elena SFERLEA*
Résumé : En tenant compte de la constitutionnalisation du droit local dans le contexte plus général de la globalisation du droit, l'analyse comparative des grands principes constitutionnels consacrés aux collectivités territoriales roumaines et françaises montre une importante évolution juridique en leur faveur. Depuis 1991, l'autonomie locale et la décentralisation sont des principes constitutionnels de l'administration locale roumaine, alors que l'organisation décentralisée de la République figure, depuis 2003, à l'article 1er de la Loi fondamentale française, parmi les traits fondamentaux de l'État. Bénéficiant ainsi de la protection maximale conférée par le statut constitutionnel, la décentralisation exprime le choix commun et pratiquement irréversible assumé par chacun des deux pays concernés.
Mots-clés : collectivités territoriales, statut constitutionnel, décentralisation administrative, autonomie locale
Introduction
La constitutionnalisation du droit des collectivités territoriales
Le “triomphe du constitutionnalisme européen”[1] à la fin du millénaire et, par la suite, la constitutionnalisation des différentes branches du droit, y compris du droit administratif, justifie une approche constitutionnelle des collectivités territoriales roumaines et françaises. Intégrées dans la Loi fondamentale, les catégories auxquelles elles appartiennent ne peuvent être supprimées que par la Constitution. De la même manière, une simple loi ne peut plus modifier leur régime juridique constitutionnel. Il convient de faire une mention spéciale, notamment en France, de la contribution que la jurisprudence constitutionnelle a eue dans la construction du nouveau droit des collectivités territoriales[2]. En Roumanie, le rôle de la Cour Constitutionnelle[3], consacrée par la Constitution de 1991, est plus complexe dans le contexte de la longue transition vers la réaffirmation des valeurs démocratiques. Si la décentralisation territoriale jouit d'une valeur constitutionnelle dans les deux pays, il faut également souligner que les collectivités territoriales roumaines et françaises bénéficient d'un statut constitutionnel propre. Elles sont ainsi régies par un certain nombre de dispositions du texte constitutionnel formant un véritable statut qui s'impose au Parlement. En France, ces dispositions ont d'ailleurs été redécouvertes à l'occasion des réformes décentralisatrices opérées à partir de 1982 et interprétées de manière importante par le Conseil constitutionnel, souvent saisi depuis lors de lois relatives aux collectivités. En matière d'administration locale, l'apport des révisions engagées dans les deux cas en 2003 est sensiblement plus significatif en France qu'en Roumanie, ce qui s'explique par une différence à l'égard des objectifs poursuivis par la révision. Afin d'arriver à une bonne compréhension du socle constitutionnel consacré aux collectivités territoriales dans les deux systèmes comparés, on se penchera, dans cette étude, sur l'approfondissement des grands principes régissant actuellement le droit des collectivités. Cette démarche est censée relever les grands principes communs consacrés dans les Constitutions révisées au sujet des collectivités territoriales, tout en montrant les raisons des dernières révisions entamées en la matière, leurs principales nouveautés et, par la suite, les progrès que le constituant a souhaité rendre possibles, du moins juridiquement, dans le domaine de la décentralisation. On soulignera ainsi l'importance du statut constitutionnel, à nouveau accordée en Roumanie, et amplifiée en France. Cette analyse est indispensable pour comprendre en quoi les statuts constitutionnels dont jouissent les collectivités roumaines, d'une part, et les collectivités françaises, d'autre part, se rapprochent ou se différencient. Plus concrètement, cela nous conduit à présenter un tableau comparatif des principes en vigueur du statut constitutionnel des collectivités territoriales roumaines et françaises. Il convient d'ajouter qu'une partie des principes figurant expressément dans la Loi fondamentale française ne bénéficie que d'une consécration législative en droit roumain, alors que leur protection constitutionnelle pourrait être considérée implicite en vertu du principe général de l'autonomie locale.
Pourquoi la Roumanie et la France ?
Cette étude comparative fait partie d'une recherche plus ample visant l'administration locale et, plus particulièrement, l'évolution de la décentralisation en Roumanie et en France depuis les années 1990, un bon cas d'étude pour permettre de mieux saisir les caractéristiques du phénomène administratif au niveau local dans deux États unitaires engagés distinctement sur la voie de la réforme administrative. En dépit de leur enracinement historique, culturel et politique spécifique, la Roumanie et la France ont connu, pendant les derniers vingt ans, un parcours juridique ascendant, même si parfois sinueux, preuve de l'omniprésence des efforts de modernisation administrative dans toute société démocratique. Plusieurs raisons rendent cette comparaison possible. C'est d'abord l'appartenance commune à la tradition juridique romano-germanique. Cette parenté n'est pas à sous-estimer, bien que la Roumanie soit placée par la doctrine parmi les systèmes de droit qui témoignent des problèmes juridiques dans un ensemble régional, celui des États d'Europe Centrale et d'Europe de l'Est[4]. S'y ajoute ensuite un argument d'ordre méthodologique. Puisque la comparaison des textes se situe ordinairement au premier niveau d'une recherche de droit comparé, il convient de faire valoir que le droit positif français a très souvent servi de modèle d'inspiration pour le législateur roumain de toutes les époques. Cette influence est restée présente même après la chute du régime communiste en décembre 1989. Y a sans doute contribué aussi le fait que nombre de créateurs roumains du droit public moderne ont été formés dans les universités françaises. Les conséquences en sont visibles notamment dans la littérature juridique roumaine de l'entre-deux guerres, car il s'agit d'une “période de cristallisation de la doctrine classique en Europe”[5], marquée par de nombreuses disputes théoriques dont celles de l'école française sont connues. Si l'on se place au niveau des institutions administratives des deux pays, les ressemblances de leur organisation politique et constitutionnelle représentent un argument de plus. Une comparaison entre deux systèmes politico-administratifs hétérogènes en effet, bien qu'à la rigueur possible, serait finalement moins productive. Notre étude concerne deux États unitaires caractérisés par une République semi-présidentielle. Si la France est citée par les auteurs de droit constitutionnel[6] comme étant l'exemple classique du régime semi-présidentiel, la Roumanie, quant aux choix démocratiques faits après la Révolution de décembre 1989, s'inspire principalement du modèle français, plus exactement de la Constitution de 1958, et adopte pratiquement le même régime politique[7]. Sur le plan des relations bilatérales, la France est souvent présentée comme le “partenaire privilégié de la Roumanie”[8]. En réalité, il s'agit d'une longue tradition de coopération, aussi bien au niveau politique que culturel. En ce qui concerne la coopération décentralisée, la France a été considérée le premier partenaire de la Roumanie avec quelque 800 partenariats impliquant non seulement les collectivités territoriales, mais aussi des institutions publiques, selon la mission française à Bucarest. De manière plus spécifique, un Protocole de coopération conclu par le Ministre français de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et le Ministre roumain de l'administration et de l'intérieur, le 10 janvier 2005 à Bucarest, a été signé pour assurer l'encadrement de la coopération sectorielle dans le domaine de l'administration publique. Ses dispositions touchent trois volets : la coopération opérationnelle et institutionnelle en matière de sécurité intérieure, la réforme de l'administration publique et la coopération décentralisée. Dans le cadre de ce protocole, la Roumanie a bénéficié d'expertises françaises pour la formation des élus et des fonctionnaires, en particulier d'un corps préfectoral professionnel. Enfin, depuis l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne au 1er janvier 2007, la France et la Roumanie font désormais partie de la même grande famille des États membres. Au sein de l'Europe, les deux pays appartiennent au groupe des États unitaires décentralisés, même si avec un nombre différent de niveaux d'administration territoriale[9].
L'importance commune du statut constitutionnel des collectivités territoriales : à nouveau accordée en Roumanie, amplifiée en France
Comme les collectivités territoriales bénéficient, aussi bien en France qu'en Roumanie, de la protection juridique maximale assurée par la Loi fondamentale, on peut parler d'une importance commune de leur statut constitutionnel, sans pour autant ignorer les différences de forme ou de fond. On relèvera l'importance du statut constitutionnel des collectivités territoriales étudiées non seulement dans la perspective de la technique juridique employée par le constituant ou sur le plan quantitatif, mais en prenant également en considération la signification des grands principes fixés en la matière et, notamment, les avancées qu'ils permettent sur la voie de la décentralisation administrative. Les particularités historiques et politiques de chaque pays expliquent, en grande partie, l'évolution spécifique du régime constitutionnel de leurs collectivités. Comme son intitulé l'indique, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 “relative à l'organisation décentralisée de la République” est destinée à renforcer l'ancrage constitutionnel de la décentralisation en France, avec “pour but de lever les obstacles constitutionnels à une évolution de la place et du régime des collectivités territoriales”[10]. C'est donc par rapport aux Constitutions antérieures que cette importance doit être soulignée. À la différence de la France, et puisque son but est de permettre, en premier lieu, l'intégration euro-atlantique du pays, la Loi roumaine de révision n° 429/2003[11] touche assez peu au statut des collectivités. Après une longue période marquée par l'absence d'une réelle autonomie locale, c'est par la consécration de la décentralisation territoriale dans le texte constitutionnel de 1991 que l'on revient à une institution traditionnelle roumaine de valeur constitutionnelle[12]. Une sommaire présentation des aspects formels, suivie par une approche comparative du contenu des grands principes constitutionnels en la matière s'avère donc nécessaire pour avoir un tableau synthétique de l'évolution constitutionnelle du régime des collectivités dans les deux pays, contenant aussi bien des éléments de progrès que des imperfections. Cela permettra, en même temps, de connaître les buts différents des révisions lancées en 2003, et de percer la vraie signification du statut actuel des collectivités. On évoquera successivement la Roumanie et la France.
Le parcours politico-historique différent de chaque pays et les particularités de leur carte administrative expliquent en partie l'option du constituant pour certains principes ou formes d'organisation à l'égard des collectivités territoriales. La présentation du statut constitutionnel dont elles jouissent actuellement en Roumanie et en France doit aboutir à une meilleure compréhension de la place ainsi que des garanties que l'on a souhaité leur consacrer dans la Loi fondamentale. Dès le début, on notera que les modifications et les innovations de la révision constitutionnelle de l'année 2003, en matière d'administration locale, sont sensiblement plus nombreuses en France qu'en Roumanie, si l'on prend en considération la longueur du texte de la Loi constitutionnelle du 28 mars 2003. Concentré sur l'objectif essentiel de l'adhésion euro-atlantique, le constituant roumain se contente de fixer les grands principes, tout en laissant au législateur organique la charge d'une réglementation plus ample relative aux collectivités territoriales. C'est pourquoi le point de départ pour la définition du terme roumain de la comparaison doit être la Constitution de 1991, l'ancienne Loi-cadre de la décentralisation n° 339/2004[13] et le texte qui l'a assez récemment abrogée, la nouvelle Loi-cadre n° 195/2006[14], ainsi que la Loi sur l'administration locale n° 215/2001[15] avec toutes ses mises à jour. On doit remarquer, ensuite, une certaine hétérogénéité du statut constitutionnel des collectivités territoriales françaises due à la présence de l'outre-mer dans la Constitution et des collectivités à statut particulier, voire à statut incertain, ce qui fait allusion à ce que l'on a appelé le “régime juridique de l'autonomie territoriale différenciée”[16]. S'y ajoutent quelques différences terminologiques ou de principes en raison du contexte politique de l'édiction des normes spécifique à chaque État. La France bénéficie d'une longue expérience démocratique, alors que la Roumanie y revient en 1990, après presque cinq décennies de totalitarisme. Un noyau commun de règles est cependant facile à repérer, car l'intérêt du constituant est toujours celui d'assurer aux collectivités des garanties d'existence et de fonctionnement dans les limites fixées soit par le texte même de la Constitution, soit par la loi. C'est ce que l'on pourrait englober sous le nom de “décentralisation de droit commun”[17]. Cette démarche comparative, opérée directement sur les textes en vigueur, est censée relever d'abord certains éléments de forme (A) relatifs à la technique et au vocabulaire juridiques utilisés dans chaque cas, pour s'arrêter ensuite aux grands principes constitutionnels (B) qui régissent le statut des collectivités[18].
A) Les aspects formels
“L'administration publique locale” correspond à l'intitulé de la seconde section du Vème chapitre (“L'administration publique”) du Titre III (“Les autorités publiques”) de la Constitution roumaine révisée. À la différence du texte constitutionnel de 1923 où la question de l'administration locale faisait l'objet d'un seul article (art. 108), la Constitution actuelle y consacre quatre articles (art. 120-123). Le changement d'optique est visible même dans l'aspect quantitatif. À ce sujet, la doctrine parle d'une certaine distance prise par rapport à “l'esprit traditionnel”[19]. Comme précisé par le même auteur, le statut constitutionnel des collectivités territoriales roumaines est l'expression d'une formule intermédiaire choisie par le constituant pour consacrer les organes des communes, des villes et des départements, d'une part, et les autorités étatiques situées au niveau départemental ainsi que leurs rapports avec les collectivités décentralisées, d'autre part. En termes comparatifs, la Constitution roumaine de 1923 est très proche de la conception du constituant français de 1958 qui limite son intervention en la matière à une norme de renvoi (l'ancien article 72), ce qui n'est plus valable aujourd'hui. Au moins sur le plan quantitatif, les douze articles de la seizième révision de la Constitution française[20] dépassent de loin le texte constitutionnel actuel de la Roumanie. On en trouve l'explication principale dans une évolution politique et juridique différente et, par la suite, dans des priorités distinctes suivies lors de la révision entreprise en 2003. La prudence[21] du constituant roumain tient compte des évolutions rapides que le bouleversement de 1991 devait entraîner dans toute la société. On doit également signaler un aspect matériel lié aux particularités de la situation géographique et administrative de la France qui donne à l'organisation constitutionnelle des collectivités roumaines une apparence moins compliquée. Sans avoir préalablement nommé les différentes catégories de collectivités territoriales, la Constitution roumaine les désigne, dès le premier alinéa de l'article 120[22], par la terminologie ancienne d'“unités administratives-territoriales”, pour rappeler la double nature de la commune, de la ville et du département. En France, la révision constitutionnelle de mars 2003 apporte une clarification de vocabulaire par la consécration de la notion de “collectivités territoriales” au lieu de “collectivités locales” (nouvel art. 34 al. 14 de la Constitution). Un tel changement échappe à la Loi roumaine de révision (Loi n° 429/2003). Définie à l'article 3 al. 4 de la Loi relative à l'administration locale n° 215/2001, l'expression de “collectivité locale” exprime, en droit roumain, “la totalité des habitants de l'unité administrative-territoriale”. C'est le sens de communauté qui est là prioritairement mis en évidence. L'expression réapparaît dans le nouvel article 52 al. 1er de la loi précitée, à la suite de sa modification par la Loi n° 286/2006, cette fois-ci employée dans son sens classique de personne morale de droit public. Le législateur roumain tient à souligner que, “pendant l'exercice du mandat, les conseillers locaux sont au service de la collectivité locale”. On ne peut pas avoir une image complète du nombre des dispositions constitutionnelles relatives aux collectivités roumaines sans corroborer les quatre articles de la section consacrée exclusivement à l'administration locale aux différents autres articles de la Constitution ayant une incidence sur leurs organisation et activité. Aux articles 1er concernant l'État roumain, 3 relatif au territoire de la Roumanie, 73 consacré aux différentes catégories de lois et 102 relatif au rôle et à la structure du Gouvernement, on doit ajouter les articles 51 relatif au droit de pétition devant les autorités publiques, 52 relatif au droit de la personne lésée par une autorité publique, 138 concernant le budget public national, 139 relatif aux impôts, taxes et autres contributions et, à titre général, même l'article 156 qui dispose une nouvelle publication de la Constitution. Il est également intéressant de noter que le renvoi à la loi organique (“dans les conditions prévues par la loi organique” ou “sont établies par la loi organique”) ou à la loi tout simplement (“dans les conditions fixées par la loi”) est utilisé à plusieurs reprises dans le texte constitutionnel roumain consacré à l'administration locale, plus précisément dans les articles 120 al. 2, 121[23] al. 1 et 2, 122[24] al. 2 et 123[25] al. 3, sans pour autant toucher à la souplesse de la réglementation en la matière. Vu la longueur des dispositions consacrées aux collectivités territoriales dans la Constitution française, les références à la loi dans le titre XII sont sensiblement plus nombreuses et ne font qu'accentuer la complexité de leur statut. Nouvellement composé de neuf articles en 2003[26], le Titre XII révisé de la Loi fondamentale française porte l'intitulé de “Des collectivités territoriales”. Enrichis d'une multitude d'alinéas, ces articles forment une importante réglementation constitutionnelle des collectivités territoriales, que l'on pourrait diviser en dispositions d'ordre général et dispositions spécifiques à l'outre-mer. À la différence du cas de la Roumanie, le statut constitutionnel des collectivités françaises apparaît à la fois plus détaillé et plus diversifié. La forte volonté d'accroître le degré de décentralisation dans l'administration locale ainsi que la nécessité de prendre en compte les particularités des collectivités ultramarines expliquent cette option du constituant français de 2003. Sur le plan quantitatif, les douze articles de la Loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République témoignent, une fois de plus, de l'ampleur du changement souhaité. Dans l'ensemble du texte constitutionnel, six articles nouveaux sont créés et huit articles sont modifiés de manière significative. Les articles 72, 73 et 74 sont presque entièrement réécrits et ils doublent ou triplent de volume. Le seul article qui échappe à la révision c'est l'article 75. Comparée aux révisions antérieures, la révision de 2003 jouit d'“une certaine audace”, car, même si elle ne touche pas à la pyramide des collectivités et aux échelons territoriaux, “elle met fin à un immobilisme en matière d'organisation administrative et à une forte tradition centralisatrice”[27]. Selon M. Verpeaux, cette révision de la Constitution est la plus importante depuis 1958 en matière d'organisation administrative et territoriale, car elle contient de très nombreuses et riches innovations et “souhaite mettre fin aux tâtonnements juridiques consistant à innover dans un cadre qui ne le permettait sans doute plus”[28]. Il y a des auteurs qui vont plus loin et soutiennent qu'une “rupture nette à l'égard du principe de l'unité de statut”[29] des collectivités s'est produite. Au-delà de la diversité des points de vue doctrinaux exprimés à ce sujet, il y a, certes, une volonté de réformer le système ainsi qu'une évolution importante, au moins terminologique, par rapport aux règles de droit antérieures en la matière.
B) Des grands principes communs
Le statut constitutionnel des collectivités territoriales roumaines établit les principes généraux qui régissent leur existence et fonctionnement, ce qui laisse au législateur organique la charge d'une réglementation plus approfondie. Faisant preuve d'une conception flexible, le constituant roumain fixe le cadre général de l'autonomie locale au niveau des communes, des villes, des municipalités et des départements, tout en donnant au législateur une assez grande liberté d'expression dans les limites imposées par le respect du caractère unitaire de l'État. Par ailleurs, un important nombre de textes en la matière ont vu le jour depuis 1990 jusqu'à présent. À titre symbolique, on rappellera la Loi-cadre de la décentralisation n° 195/2006, qui abroge l'ancienne Loi-cadre n° 339/2004, ainsi que la Loi générale dans le domaine de l'administration locale n° 215/2001 avec ses dernières mises à jour. À la différence du cas roumain où la question de la décentralisation n'est pas contestée[30] quant à sa nécessité et s'inscrit parmi les réformes impulsées par Bruxelles recueillant le consensus de la classe politique, elle est accompagnée, en France, de nombreux débats non seulement parmi les élus, mais aussi parmi de très nombreux spécialistes. En témoigne la grande richesse des prises de position doctrinales à ce sujet. Le développement du statut constitutionnel des collectivités territoriales françaises connaît une évolution différente et s'explique plutôt par une exigence d'ordre interne. Même si les collectivités territoriales n'apparaissent sous cette dénomination que dans le texte constitutionnel de 1946 (art. 85 et suiv.), elles figurent également dans les Constitutions antérieures, mais dans une logique différente de celle qui gouverne les Lois fondamentales de 1946 et 1958 (art. 72 et suiv.). La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 pose les nouveaux principes d'un cadre juridique “arrivé à bout de souffle”[31] et marque, ainsi, un approfondissement de la décentralisation. Plusieurs lois organiques seront adoptées par la suite[32] afin d'assurer leur mise en application et d'opérer un important transfert de compétences au profit des collectivités.
1°) La décentralisation[33], l'autonomie locale[34] et la libre administration[35]
Les principes de base régissant l'administration locale roumaine figurent à l'article 120 de la Constitution dont l'intitulé est d'ailleurs “Principes de base”. La version de 1991 du premier alinéa de l'article concerné fixe seulement deux principes d'ordre constitutionnel en la matière : l'autonomie locale et la décentralisation des services publics. Tel qu'il est formulé, ce dernier principe fait, à plusieurs reprises, l'objet de quelques critiques fondées de la part de la doctrine. L'opinion quasi-unanime des spécialistes roumains[36] soutient qu'il est question, en réalité, de la déconcentration[37] des services publics. La correction de cette inadéquation terminologique interviendra lors de la révision d'octobre 2003. La version actuelle du premier alinéa de l'article 120 de la Constitution contient désormais une énumération de trois principes distincts dont l'ordre de priorité est : la décentralisation, l'autonomie locale et la déconcentration des services publics. Suivant le texte constitutionnel, ces principes régissent “l'administration publique dans les unités administratives-territoriales”[38]. Les commentaires de la Constitution attribuent à l'expression d'“administration publique” le sens d'activité des autorités créées en vertu du principe de l'autonomie locale[39]. De ce même point de vue, le principe de l'autonomie s'applique aussi bien aux rapports entre les organes élus des communes, des villes et des départements qu'entre ces derniers et les services déconcentrés. Cette perspective correspond à la conception initiale du constituant qui lie l'application des principes de base à l'activité de chaque organe et aux rapports qu'ils établissent. Sur le plan terminologique, on remarque que le constituant roumain préfère employer la notion d'“autorités de l'administration publique locale” pour désigner les organes des collectivités. Revenant à l'énumération des grands principes dans le premier article de la section consacrée à l'administration locale roumaine, il est facilement observable que la décentralisation et l'autonomie locale y occupent une position de premier rang. En France, on ne parle que d'une “organisation décentralisée”, mais elle figure parmi les caractères fondamentaux de la République énumérés à l'article 1er de la Loi fondamentale révisée. Les deux alinéas de l'article 120 de la Constitution roumaine mettent en évidence une conception classique de l'administration territoriale, qui englobe, dans le cadre des circonscriptions, des collectivités territoriales et des services déconcentrés. Cette vision intégratrice est confirmée à l'article 123 al. 4 de la Constitution, disposition qui souligne qu'il n'y a aucun rapport de subordination entre les organes des collectivités et les préfets. Réécrit en totalité par la Loi constitutionnelle du 28 mars 2003, l'article 72 de la Constitution française enrichit le droit antérieur de nouveaux principes de décentralisation, en application de la nouvelle rédaction de l'article 1er de la Constitution. Ainsi la France est-elle désormais une République décentralisée. L'ajout de cette caractéristique de la République française à l'article 1er de la Constitution a au moins une valeur symbolique. Le principe de la décentralisation est davantage mis en exergue, cela d'autant plus que le mot “décentralisation” n'avait jamais figuré dans une constitution française. On considère que l'addition de cette dernière phrase “Son organisation est décentralisée” (art. 1er) exprime, en réalité, “la volonté de relativiser les grands principes traditionnels, l'indivisibilité de la République et le principe d'égalité, au bénéfice des collectivités territoriales dont l'autonomie et la diversité seraient renforcées”[40]. Suivant une autre opinion, les répercussions de cette nouvelle disposition concernent la structure et le fonctionnement de l'État et non plus les collectivités territoriales[41]. Pour d'autres encore, l'introduction de la décentralisation parmi les attributs de l'État français “relève plus de «l'effet d'annonce» que du changement profond”[42] et, en accord avec la position exprimée par le Conseil d'État dans son avis du 10 octobre 2002, elle est “finalement inutile”[43]. L'alinéa 3 de l'article 72 de la Constitution française réitère le principe de la libre administration des collectivités territoriales. À la différence du constituant roumain qui n'hésite pas à imposer la décentralisation et l'autonomie locale l'une après l'autre dans un seul et même article, le constituant français fait preuve d'une certaine prudence et utilise une terminologie plus modeste. On en déduit qu'il souhaite rappeler en premier que la France est un État unitaire (art. 2 de la Constitution) qui ne connaît pas de souveraineté locale (art. 3), et que l'exercice de la libre administration doit se faire “dans les conditions prévues par la loi”. Le même alinéa 3 de l'article 72 consacre l'élection des conseils, puisque la libre administration s'exerce “par des conseils élus”, et le pouvoir réglementaire local.
2°) Le pouvoir réglementaire[44] local
La consécration d'un pouvoir réglementaire au profit des collectivités territoriales françaises[45] par le nouvel article 72 al. 3 de la Constitution contribue à la mise en place d'un cadre rénové pour l'exercice de leurs compétences. Ce pouvoir doit, cependant, respecter les dispositions législatives et réglementaires en vigueur et, selon la décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 2002, il ne fait pas concurrence au “pouvoir réglementaire d'exécution des lois que l'article 21 de la Constitution attribue au Premier ministre”. L'expression “dans les conditions prévues par la loi” montre bien qu'il ne s'agit pas d'un pouvoir initial, mais subordonné. Même si parfois placée parmi les réformes symboliques, cette nouvelle disposition constitutionnelle “n'est pas pour autant inutile puisque cette affirmation ne permet plus de soutenir la thèse contraire”[46]. Selon l'article 107 al. 1er (première phrase) de la Constitution roumaine, “le Premier-ministre dirige le Gouvernement et coordonne l'activité de ses membres, dans le respect des attributions qui leur reviennent”. Conformément à l'article 11 lettre d) de la Loi relative à l'organisation et au fonctionnement du Gouvernement de la Roumanie et des ministères n° 90/2001[47], c'est le Gouvernement qui est chargé d'assurer “l'exécution par les autorités de l'administration publique des lois et des autres dispositions normatives adoptées pour leur application”. Il en résulte que le pouvoir d'exécution est confié au Gouvernement qui a à sa tête un Premier ministre. L'exercice par le Gouvernement d'une “fonction de réglementation” est prévu, à l'article 1er al. 5, lettre b) de la même loi, afin d'assurer “l'élaboration du cadre normatif et institutionnel nécessaire à la réalisation des objectifs stratégiques” de son programme. Constitutionnellement protégé, le principe de l'autonomie donne aux autorités locales roumaines le droit d'avoir des initiatives dans tous les domaines, à l'exception de ceux qui reviennent expressément à la charge des autres autorités publiques (art. 5 al. 2 de la Loi n° 215/2001). Tout comme en France, ce droit est encadré par la loi. L'autonomie locale concerne l'organisation, le fonctionnement, les compétences exclusives, partagées et déléguées (nouvel art. 5 al. 1er de la Loi n° 215/2001), la gestion des ressources de la commune, de la ville ou du département, ainsi que ce que l'on appelle en droit roumain “l'autonomie réglementaire”[48], c'est-à-dire son aspect juridique. Cette dernière bénéficie d'une consécration à la fois constitutionnelle et législative. Dotée d'un large champ d'application, elle concerne “les affaires publiques des communes et des villes” (art. 121 al. 2 de la Constitution) que les conseils élus ont le droit de réglementer et d'organiser (art. 36 al. 1[49] de la Loi n° 215/2001). À titre d'exemple, on notera que les conseils locaux et départementaux ont le droit d'établir le règlement de leur propre organisation et fonctionnement (articles 36 al. 3, lettre a) et 91 al. 2, lettre c) de la Loi n° 215/2001 modifiée). D'autres lois encore précisent l'autonomie réglementaire des autorités locales, telle que la Loi relative au Code fiscal n° 571/2003[50] en matière d'impôts et de taxes locaux. On devrait ajouter la compétence du maire et du président du conseil départemental d'émettre des dispositions à caractère normatif (art. 68 al. 1er et 106 al. 1er de la Loi 215/2001). Dans tous les cas, cette possibilité de réglementation établie en faveur des organes délibérants et, dans une moindre mesure, des organes exécutifs des collectivités est encadrée par la loi.
3°) La subsidiarité
Le deuxième alinéa de l'article 72 consacre un principe totalement nouveau dans la Constitution française : la subsidiarité. L'objectif poursuivi est “celui de l'adéquation des compétences à l'échelon le mieux adapté”[51]. On vise la répartition des compétences entre l'État et les collectivités, d'une part, et entre ces dernières, d'autre part. Comme le terme “subsidiarité” n'est pas expressément employé dans le texte, la formulation de cet alinéa paraît imprécise. Y contribue la difficulté de définir l'expression “le mieux” à même à mettre en oeuvre. Malgré ces problèmes d'interprétation, on est en présence de l'idée que l'on gère au mieux au plus près des administrés. On lui a aussi attribué un caractère de “rupture à l'égard du «jardin à la française» fondé sur une répartition unitaire des compétences entre collectivités territoriales”[52]. En tout cas, la définition de sa portée réelle exige l'intervention du Conseil Constitutionnel. En droit roumain, la subsidiarité au niveau local bénéficie d'une consécration législative expresse. Dans sa version initiale, l'article 7 al. 1er de la Loi relative à l'administration locale n° 215/2001 stipule que “l'exercice des compétences et des attributions établies par la loi revient aux autorités de l'administration publique locale qui se trouvent au plus proche du citoyen”. Selon le deuxième alinéa du même article, on ne peut fixer des compétences et des attributions à la charge d'autres autorités que celles prévues au premier alinéa, sans tenir compte de l'ampleur et de la nature de la responsabilité qui leur incombe, ainsi que des critères d'efficience et d'efficacité. Le nouvel article 7 de la Loi n° 215/2001 modifiée renvoie désormais aux principes et aux règles de la Loi-cadre en matière de décentralisation. La subsidiarité figure parmi les principes énumérés à l'article 3 al. 1er, lettre a) de la nouvelle Loi-cadre de la décentralisation n° 195/2006. Elle y est définie comme “l'exercice des compétences par l'autorité de l'administration publique locale située au niveau administratif le plus proche du citoyen et qui dispose de la capacité administrative nécessaire” à cet égard. L'on constate que, par rapport à la définition antérieure du législateur de 2001, la subsidiarité est, cette fois-ci, mise en relation avec l'échelon disposant de la capacité administrative nécessaire à l'exercice d'une certaine compétence. L'accent est donc mis non seulement sur la proximité, mais aussi sur la qualité de la réponse offerte au citoyen. Dans cette optique orientée vers l'idée de performance, la capacité administrative est une condition de l'efficacité dans l'acte de la gouvernance locale.
4°) L'expérimentation
L'alinéa 4 de l'article 72 de la Constitution française ouvre la voie à l'expérimentation. Comme la solution de l'expérimentation conduit à une dérogation aux règles générales applicables dans un domaine donné, elle va à l'encontre du principe d'uniformité d'application des règles de droit en France ainsi que du principe d'égalité devant la loi. Même si la démarche expérimentale existait déjà notamment au niveau de l'État, le Conseil Constitutionnel s'est montré relativement restrictif à ce sujet. On peut en citer, à titre d'exemple, la décision du 28 juillet 1993. L'expérimentation a été également refusée à la Corse par la décision du Conseil Constitutionnel n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, en ce qui concerne les lois[53]. Cette faculté de dérogation à titre expérimental prévue par la Constitution doit donc respecter certaines limites. Une loi ou un règlement doit, d'abord, la prévoir. L'objet et la durée de l'expérimentation doivent être limités. Elle vise uniquement la dérogation aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice des compétences des collectivités. On remarque que les groupements de collectivités bénéficient également du droit à l'expérimentation, et apparaissent, ainsi, “placés sur un pied d'égalité avec les collectivités”[54]. La dérogation ne peut pas mettre en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti. L'expérimentation pose aussi le problème de son évaluation. Une évaluation est effectuée par le Gouvernement et c'est à la loi qu'il revient de déterminer s'il y a lieu de maintenir et de généraliser les mesures prises à titre expérimental, de prolonger l'expérimentation ou d'y renoncer. Le régime des expérimentations organisé par la loi organique du 1er août 2003 paraît confirmer l'idée que “le droit à l'expérimentation est étroitement conditionné”[55]. Bien que la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains dite loi SRU du 13 décembre 2000 montre bien que l'expérimentation existait en France avant la réforme constitutionnelle de 2003, on ne peut pas nier l'apport de la révision en la matière. Le statut constitutionnel des collectivités territoriales s'enrichit d'un nouveau concept, ce qui prouve, si besoin en était, la volonté de poursuivre le processus de décentralisation. Considérée par certains comme “l'innovation la plus audacieuse de la présente loi constitutionnelle”[56], l'expérimentation permet, en même temps, l'entrée des groupements de collectivités dans le texte constitutionnel par ce que l'on appelle la “petite porte”. Ce droit est également reconnu au profit de l'État par le nouvel article 37-1 de la Constitution. Il s'agit, cette fois-ci, d'une disposition de portée générale qui ne limite pas le champ d'application de la dérogation et qui, par la suite, peut concerner n'importe quelle question. En droit roumain, l'expérimentation ne jouit pas d'une consécration constitutionnelle expresse. Quant à la nouvelle Loi-cadre de la décentralisation n° 195/2006, elle ne prévoit plus l'expérimentation au profit des collectivités[57]. Elle a été consacrée par l'article 6 de l'ancienne Loi-cadre de la décentralisation n° 339/2004. Restée en vigueur pendant deux ans, cette disposition crée en faveur des “autorités de l'administration publique locale” le droit à l'expérimentation (art. 6 al. 1er). Le second alinéa du même article prévoit la possibilité d'organiser, pendant une durée déterminée, des centres-pilote pour la mise en application des décisions relatives à la décentralisation des compétences du niveau central vers le niveau local, avant leur généralisation à l'échelon national par la future Loi de la décentralisation des responsabilités locales[58]. Le changement d'optique intervenu en 2006 s'explique non seulement par des raisons d'efficacité et d'harmonisation législative dans la perspective du rattachement à l'Europe, mais aussi par une nouvelle politique gouvernementale en la matière.
5°) L'interdiction de la tutelle entre collectivités, le statut de chef de file et l'intercommunalité
Bénéficiant déjà d'une protection législative en cas de compétences complémentaires ou concurrentes, le principe de l'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale française sur une autre reprend la jurisprudence du Conseil Constitutionnel (Décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, Loi relative à la Corse). Il est censé servir de contrepoids à la possibilité désormais constitutionnelle de désigner une collectivité comme chef de file, lorsque l'exercice d'une compétence implique plusieurs collectivités. À la différence du mot “tutelle” qui fait sa réapparition dans la Constitution, l'expression même de “collectivité chef de file” ne figure pas dans l'alinéa 5 de l'article 72. Dans le contexte de l'enchevêtrement des compétences entre les différentes catégories de collectivités, l'expression “chef de file” a déjà été employée lors des débats suscités par l'adoption de la loi Pasqua de 1995 sur l'aménagement du territoire. Puisqu'un groupement de collectivités territoriales peut également avoir le rôle de “chef de file”, le texte constitutionnel reconnaît implicitement, là encore, l'existence même des établissements publics territoriaux, y compris des établissements intercommunaux. On remarque, en même temps, que la question des conséquences de la violation par une collectivité des règles définies par la collectivité ou le groupement chef de file n'est pas réglée. Si l'on tente un parallèle en matière d'intercommunalité[59], la coopération entre les collectivités roumaines prend la forme des associations de développement intercommunautaire, définies à l'article 1er al. 2 lettre c) de la Loi n° 215/2001 modifiée. Inclues, par le même texte, dans la catégorie des organismes prestataires de services publics et d'utilité publique d'intérêt local et départemental[60], elles sont des structures de coopération de droit privé ayant la personnalité morale, créées par les collectivités pour la mise en place de projets communs de développement d'intérêt zonal ou régional, ou pour fournir aux bénéficiaires des services publics communs[61]. Leur conseil d'administration se compose de représentants des collectivités, désignés par le conseil local ou départemental, sur la proposition du maire ou du président du conseil départemental, d'une part, et sur la proposition des conseillers locaux et départementaux, d'autre part (art. 13 al. 1er de la loi précitée). Il est à préciser que, selon l'article 12 al. 1er du même texte, le financement des associations de développement intercommunautaire est partiellement assuré par des contributions en provenance du budget local des collectivités membres. Selon le deuxième alinéa de l'article susmentionné, le Gouvernement s'engage à soutenir l'association des collectivités dans le cadre de programmes nationaux de développement. À leur tour, les conseils départementaux ont la faculté d'initier et de développer de tels programmes au niveau du département, tout en assurant leur financement (art. 12 al. 3 de la Loi n° 215/2001). Si les programmes départementaux de développement ont un caractère facultatif, les programmes nationaux de développement sont financés annuellement et sont distinctement prévus dans le cadre du budget du Ministère des Affaires Intérieures. On remarque que, à la différence des établissements publics intercommunaux français, les structures homologues roumaines ne bénéficient que d'une protection législative, d'ailleurs assez récente, et elles sont des simples personnes morales de droit privé. Avant l'intervention des modifications apportées par la Loi-cadre n° 195/2006, l'ancienne Loi-cadre en matière de décentralisation consacrait à “la coopération entre les autorités de l'administration publique locale” un chapitre entier (le chapitre III). L'article 17 al. 1er de la première Loi-cadre en matière de décentralisation n° 339/2004 prévoit, ainsi, en faveur des collectivités roumaines la possibilité de décider librement la création d'organismes de coopération entre elles et de leur déléguer une partie des compétences. Tout comme en France, on retrouve au second alinéa du même article le principe portant sur la désignation d'une “collectivité chef de file“. Par rapport au constituant français, le législateur roumain emploie l'expression même. Au cas où plusieurs collectivités s'associent, l'une d'entre elles “peut exercer un rôle de coordination en ce qui concerne les intérêts communs, dans les conditions de l'accord qui est intervenu entre elles et des dispositions législatives” (art. 17 al. 2). L'exercice du chef de filat est ainsi encadré par les dispositions de l'accord conclu, d'une part, et par celles de la loi, d'autre part. Puisque la collectivité chef de file n'a qu'une mission de “coordination”, toute forme de tutelle d'une collectivité sur une autre est implicitement exclue. Cela correspond également à la conception du constituant roumain, qui définit le conseil départemental comme “l'autorité de l'administration publique pour la coordination de l'activité des conseils communaux et des villes” (art. 122 al. 1er de la Constitution). Cette mission spécifique de coordination confiée au département roumain exclut la subordination des conseils locaux, son but déclaré ne visant qu'à assurer les services publics d'intérêt départemental. Après avoir entièrement réécrit le texte de 2004[62], l'actuelle Loi-cadre de la décentralisation ne fait plus référence aux principes de l'ancien article 17. L'article 13 de la Loi n° 195/2006 consacre la simple faculté des collectivités de s'organiser en associations de développement intercommunautaire “afin d'exercer [leurs] compétences en conditions d'efficacité” et renvoie, pour plus de détails, à la Loi n° 215/2001. Dans son article 11 al. 3, la Loi sur l'administration locale n° 215/2001 modifiée rappelle à titre général que la coopération entre collectivités reste possible non seulement sur le plan interne, mais aussi international. L'article 23 de la Loi-cadre sur la décentralisation actuellement en vigueur rajoute les rapports de “collaboration” entre les autorités locales, rapports qui sont mentionnés en relation avec l'exercice des compétences partagées.
L'ancrage constitutionnel des collectivités territoriales roumaines et françaises fait de la décentralisation administrative un processus pratiquement irréversible
Cette approche comparative des textes constitutionnels nous aura déjà permis de comprendre que la légitimité constitutionnelle des collectivités territoriales roumaines et françaises confère au mouvement décentralisateur une dynamique irréversible dans les deux pays. Comme remarqué plus haut, la décentralisation est le premier principe de rang constitutionnel consacré dans la section relative à l'administration locale de Roumanie, appuyée par l'idée d'autonomie locale qui suit immédiatement dans l'énumération des principes de base en la matière. Aspect déjà pointé, la décentralisation fait, en même temps, l'objet d'une loi-cadre relativement récente. Cela témoigne de la place essentielle que l'on souhaite accorder aux collectivités territoriales dans le système politique, institutionnel et juridique roumain. La Constitution actuelle offre les garanties d'existence et de fonctionnement pour les communes, les villes, les municipalités et les départements, dans les limites du contrôle de légalité exercé par le préfet et dans les conditions fixées par la loi. Comme le département se voit attribuer un rôle spécifique de coordination, l'échelon privilégié pour l'application de l'autonomie locale semble être, dans la vision du constituant roumain, celui de la commune et de la ville, dont les organes élus s'inscrivent dans le traditionnel schéma organe délibérant–organe exécutif. À la suite de la révision opérée en 2003, les collectivités territoriales jouissent, en France, d'un riche cadre constitutionnel qui place la décentralisation au coeur de “la République des proximités” défendue par le Gouvernement Raffarin au début des années 2000. La France est désormais une République décentralisée où le Sénat voit son rôle de représentant des collectivités renforcé. Alors que les régions sont directement consacrées par la Constitution, les groupements y sont reconnus de façon implicite. La subsidiarité, l'interdiction de la tutelle entre les collectivités et le statut de chef de file, ainsi que le droit à l'expérimentation sont les nouveaux principes qui régissent la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales. Les garanties en matière d'autonomie fiscale, la compensation des charges transférées et les dispositifs de péréquation assurent, au moins sur le plan juridique, un développement non-négligeable de l'autonomie financière des collectivités. Sans ignorer la constitutionnalisation du droit de pétition en faveur des citoyens, les référendums décisionnels et consultatifs locaux témoignent du renforcement de la démocratie participative. Pour compléter un tableau constitutionnel à la fois novateur et complexe[63], il reste à souligner la diversité du régime juridique de l'outre-mer. En comparaison avec les dispositions homologues de la Loi fondamentale roumaine, le statut constitutionnel des collectivités territoriales françaises, tel qu'il résulte de la révision de mars 2003, met en évidence une approche à la fois plus développée et plus approfondie de la décentralisation. On en trouve l'explication dans un parcours de l'administration locale et une option du constituant différents. S'y ajoute la spécificité de l'organisation administrative française, compte tenu du nombre supérieur d'échelons territoriaux et du régime dérogatoire des collectivités ultramarines. Le nouveau texte constitutionnel témoigne de la volonté du Gouvernement de l'époque d'ancrer fortement la décentralisation, les nouvelles règles permettant d'éviter les fréquentes censures du Conseil Constitutionnel. La Loi constitutionnelle du 28 mars 2003 introduit de nouvelles règles de droit, parfois très techniques, et modifie, en même temps, la place ou le rôle des institutions locales. Les innovations de la révision et l'intervention ultérieure des lois organiques en matière d'expérimentation, de référendum local, d'autonomie financière des collectivités, de statut de l'outre-mer et de responsabilités locales montrent bien l'ampleur de l'acte II[64] de la décentralisation en France. Si ce que l'on a vite appelé “acte II de la décentralisation” est défini comme une amplification de la réforme initiée en 1982 par Gaston Defferre, la décentralisation, elle aussi, “semble, à nouveau, se poser comme «la grande affaire» du gouvernement Raffarin”[65]. Si les lois fondatrices de la décentralisation datant des années 1980 sont de simples lois ordinaires, cette fois-ci, on s'engage sur la logique de sa légitimation constitutionnelle. Bien qu'elle ait donné lieu à un grand débat national, la décentralisation constitutionnelle ne bénéficie pas de la large adhésion qu'avait connue la première vague de décentralisation. En revanche, la méthodologie des transferts de compétences, de personnels et de moyens financiers prévus par la loi du 13 août 2004 est similaire à celle de l'année 1983. Même si à la richesse des réformes entreprises en 2003 on oppose leur caractère de “désordre”[66], cet ensemble loi constitutionnelle – lois organiques – lois ordinaires et textes d'application poursuit plusieurs objectifs à la fois. Il y a, d'abord, la classique extension des compétences et des moyens alloués aux collectivités dans le cadre de la politique de décentralisation. L'introduction du référendum décisionnel local contribue, ensuite, au renforcement de la démocratie participative au détriment de la tradition française exclusivement représentative. Par la voie de l'expérimentation, on met en cause le fameux principe d'égalité devant la loi. Enfin, des dispositions de portée effective et immédiate sont associées à des articles dont la valeur est plutôt symbolique. Il en résulte que la rupture avec la réforme administrative mise en oeuvre par Gaston Defferre se veut a priori nette. Dans les deux cas étudiés, la décentralisation est le principe directeur du statut constitutionnel local. Elle jouit, cependant, d'une position et d'une forme d'expression différentes. Vu la longue tradition centralisatrice française et le fort désir d'y mettre fin, le constituant français introduit l'”organisation décentralisée” parmi les caractères de la République énumérés à l'article 1er de la Loi fondamentale. Dans la Constitution de la Roumanie, la décentralisation, l'autonomie locale et la déconcentration des services publics sont les principes de base de l'administration locale, expressément mentionnés dans le premier article de la section distinctement consacrée à cette matière. Adepte d'une conception souple, le constituant roumain ne fixe que le cadre général de l'autonomie locale afin de permettre au législateur d'exercer la liberté de son approfondissement par des lois organiques et ordinaires. Cela correspond aussi à l'exigence d'adaptation aux changements que la société roumaine subit après la chute du régime communiste et, plus récemment, à l'obligation d'intégrer l'acquis communautaire. L'on constate, ainsi, que de nombreuses dispositions constitutionnelles françaises en la matière font, en droit roumain, l'objet des lois organiques. On y retrouve quasiment les mêmes principes d'organisation et de fonctionnement des collectivités. Il convient de souligner à cet égard que le principe constitutionnel de l'autonomie locale assure une protection implicite aux développements issus de la loi. La richesse des textes législatifs relatifs à l'administration locale reflète la préoccupation continue des différents gouvernements roumains de moderniser le socle juridique de la décentralisation. Les deux Lois-cadre adoptées en matière de décentralisation dans un intervalle de deux ans ainsi que les dernières modifications de la Loi relative à l'administration publique locale en servent d'exemples. À la différence concernant la technique juridique choisie par le constituant, on doit ajouter l'organisation administrative plus simple de la Roumanie, avec seulement deux échelons territoriaux : la commune (en milieu rural)/la ville (en milieu urbain) au niveau de base et le département au niveau intermédiaire. La distinction rural/urbain et le rôle de coordination confié au département sont des éléments spécifiques au droit roumain. Ils expriment la volonté du constituant de privilégier en quelque sorte l'autonomie locale des collectivités de base. Comme déjà précisé, la région roumaine de développement ne représente pas une catégorie distincte de collectivités, mais un simple cadre de coopération. De même, les récentes structures de coopération intercommunautaire n'ont pas la qualité de personnes morales de droit public. Le régime de droit commun des collectivités roumaines ne connaît pas autant d'exceptions qu'en France. Un parallèle reste toutefois possible entre la protection des minorités nationales, en droit roumain, et celle dont bénéficient les populations d'outre-mer, en droit français. Les deux marquent une importante avancée de la démocratie locale au niveau constitutionnel. Pour conclure, le statut constitutionnel des collectivités territoriales roumaines et françaises est d'autant plus important qu'il est en conformité avec les prescriptions de la Charte européenne de l'autonomie locale[67]. Les principes généraux de la Charte, tels que les garanties constitutionnelles et législatives de l'autonomie locale, l'élection des conseils, les compétences préservées et adaptables des collectivités, les moyens en adéquation avec les compétences ou la coopération entre collectivités, forment un cadre souple et respectueux de la diversité des États. Bien que des évolutions soient envisageables en raison de certains dysfonctionnements ou difficultés qui persistent, ce “noyau dur” de principes et de règles constitutionnels est commun aux deux pays concernés et donne plus de légitimité au développement considérable du droit des collectivités territoriales durant la dernière vingtaine d'années. Bref, la décentralisation représente désormais le choix commun du constituant, assumé de manière pratiquement irréversible par chacun des deux pays étudiés.
* Docteur en Droit, Université Paris XII ; ileanamarcu@yahoo.com. [1] F. B. Vasilescu, Constituţionalitate şi constituţionalism, éd. Naţional, Colecţia Juridică, Bucarest, 1999, pp. 13-38. L'étude fut présentée par l'auteur à l'occasion de la IVème édition des Journées constitutionnelles franco-roumaines, organisée à Bucarest et Constanţa pendant la période du 28 mai au 2 juin 1996, et fut publiée par deux fois en France en 1997. [2] À ce sujet se rapporter à O. Gohin, La révision du titre XII : pouvoir constituant et jurisprudence constitutionnelle dans Y. Gaudemet et O. Gohin (sous la dir. de), La République décentralisée, L.G.D.J. Diffuseur, éd. Panthéon-Assas, Paris, 2004, pp. 25-42. [3] Inspirée de l'expérience française en la matière et suivant le “modèle européen” du contrôle de la constitutionnalité des lois, la Cour Constitutionnelle roumaine présente, selon la doctrine, certaines particularités par rapport à l'institution homologue française. À ce titre, sont mentionnées les différences concernant le caractère obligatoire du contrôle dans certains cas (en France, il est toujours nécessaire pour les lois organiques et les règlements des deux Chambres parlementaires), le délai (un mois en France, pas précisé en Roumanie), les traités considérés inconstitutionnels (ils n'entrent pas en vigueur en France), les cas de violation du pouvoir réglementaire du Gouvernement (attribution spécifique à la France) et l'exception d'inconstitutionnalité devant les instances (reconnue et pratiquée en Roumanie, prévue par la loi de révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 en France). Source : V. Duculescu, C. Călinoiu, G. Duculescu, Drept constituţional comparat, 2ème édition, Lumina Lex, Bucarest, 1999, tome I, p. 282. [4] R. Legeais, Grands systèmes de droit contemporain. Approche comparative, Éditions du Juris-Classeur, Paris, 2004, p. 159. [5] A. Iorgovan, Tratat de drept administrativ, Nemira, Bucarest, 1996, tome I, p. 6. [6] P. Ardant, Institutions politiques et droit constitutionnel, 7ème édition, L.G.D.J., Paris, 1995, p. 221 apud V. Duculescu, C. Călinoiu, G. Duculescu, op. cit., tome II, p. 952. [7] I. Muraru, M. Constantinescu, Influenţe franceze în elaborarea Constituţiei României din anul 1991 dans Studii constituţionale, Édition Actami, Bucarest, 1998, tome 2, p. 55 et les suivantes apud V. Duculescu, C. Călinoiu, G. Duculescu, op. cit., tome I, p. 258. [8] Source : le site de l'Ambassade de France en Roumanie, www.ambafrance-ro.org, rubrique “Coopération”. [9] Trois en France (la commune, le département et la région) alors que la Roumanie n'en connaît que deux (la commune et le département). Il faut ajouter que les régions roumaines de développement n'ont pas encore le statut de collectivités territoriales. [10] G. Marcou, Décentralisation : approfondissement ou nouveau cycle? dans Décentralisation, État et territoires. Un nouveau processus de décentralisation, Cahiers français n° 318, La Documentation française, janvier-février 2004, p. 9. Pour une opinion similaire, voir également O. Gohin, op. cit., p. 25. Selon cet auteur, «si la nouvelle rédaction du titre XII de la Constitution de 1958 s'inscrit bien dans la continuité de l'État unitaire, elle vise, néanmoins, à casser le moule de l'uniformité en permettant d'élargir les marges dont le droit administratif doit disposer pour la mise en oeuvre de la nouvelle République décentralisée [...]». [11] Publiée dans Monitorul Oficial al României, Partie I, n° 758 du 29 octobre 2003. [12] J.H. Vermeulen, Evoluţia descentralizării în România, Institutul de Arte Grafice « Vremea », 1946, p. 30 et les suiv. dans C. Manda, C.C. Manda, Dreptul colectivităţilor locale, 2ème éd. révisée et complétée, Lumina Lex, Bucarest, 2005, p. 68. [13] Publiée dans Monitorul Oficial al României, Partie I, n° 668 du 26 juillet 2004. [14] Publiée dans Monitorul Oficial al României, Partie I, n° 453 du 25 mai 2006. [15] Publiée dans Monitorul Oficial al României, Partie I, n° 204 du 23 avril 2001, republiée dans M. Of., Partie I, n° 123 du 20.02.2007. [16] M. Mazza, Decentramento e riforma delle autonomie territoriali in Francia (Décentralisation et réforme de l'autonomie territoriale en France), G. Giappichelli Editore, Torino, 2004, pp. 45-130. L'auteur prend comme exemples le cas de la Nouvelle-Calédonie et celui de la Corse. [17] Ibidem, pp. 1-43. L'auteur prend en considération les catégories de collectivités territoriales du droit commun et les réformes décentralisatrices des années 1980 en France. [18] Afin de compléter le tableau, on doit ajouter l'organisation et les missions qui leur sont assignées par la Loi fondamentale, l'institution préfectorale qui agit communément dans le cadre du contrôle étatique, les dispositions qui assurent leur autonomie financière et celles qui facilitent l'exercice de la démocratie locale. La question de l'outre-mer en France, d'une part, et la protection des minorités nationales et le rôle particulier du conseil départemental en Roumanie, d'autre part, sont susceptibles de faire l'objet d'une analyse distincte portant sur les spécificités de chaque statut constitutionnel local. [19] M. Constantinescu, A. Iorgovan, I. Muraru, E. S. Tănăsescu, Constituţia României revizuită – comentarii şi explicaţii –, All Beck, Bucarest, 2004, p. 252. [20] Le texte de la Constitution du 4 octobre 1958 a été modifié à vingt-quatre reprises depuis sa publication par le pouvoir constituant, soit par le Parlement réuni en Congrès, soit directement par le peuple à travers le référendum. La dernière révision de la Vème République date du 23 juillet 2008. [21] Elle pourrait être interprétée comme exprimant à la fois une forme de réticence, héritée du régime Ceauşescu, et un certain manque d'expérience. [22] Pour une meilleure compréhension du texte, on rappellera la teneur de l'article 120 de la Constitution roumaine : “(1)L'administration publique dans les unités administratives-territoriales est fondée sur les principes de la décentralisation, de l'autonomie locale et de la déconcentration des services publics. (2) Dans les unités administratives-territoriales où les citoyens appartenant à une minorité nationale ont un poids significatif, il est assuré l'usage de la langue de la minorité respective, écrit et oral, dans les relations avec les autorités de l'administration publique locale et avec les services publics déconcentrés, dans les conditions prévues par la loi organique.” [23] Pour une meilleure compréhension du texte, on rappellera la teneur de l'article 121 de la Constitution roumaine : “(1) Les autorités de l'administration publique, par lesquelles l'autonomie locale se réalise dans les communes et dans les villes, sont les conseils locaux élus et les maires élus, dans les conditions fixées par la loi. (2) Les conseils locaux et les maires agissent, dans les conditions fixées par la loi, comme autorités administratives autonomes et règlent les affaires publiques des communes et des villes. (3) Les autorités prévues à l'alinéa (1) peuvent également être constituées dans les subdivisions administratives-territoriales des municipalités.” [24] Pour une meilleure compréhension du texte, on rappellera la teneur de l'article 122 de la Constitution roumaine : “(1) Le conseil départemental est l'autorité de l'administration publique chargée de coordonner l'activité des conseils communaux et des villes, afin de réaliser les services publics d'intérêt départemental. (2) Le conseil départemental est élu et fonctionne dans les conditions fixées par la loi.” [25] Pour une meilleure compréhension, on citera intégralement le contenu de l'article 123 de la Constitution roumaine : “(1) Le Gouvernement nomme un préfet dans chaque département et dans la municipalité de Bucarest. (2) Le préfet est le représentant du Gouvernement sur le plan local et dirige les services publics déconcentrés des ministères et des autres organes de l'administration publique centrale dans les unités administratives-territoriales. (3) Les attributions du préfet sont fixées par la loi organique. (4) Entre les préfets, d'une part, les conseils locaux et les maires, ainsi que les conseils départementaux et leurs présidents, d'autre part, il n'existe pas de rapports de subordination. (5) Le préfet peut attaquer, devant l'instance de contentieux administratif, un acte du conseil départemental, du conseil local ou du maire, au cas où il considère l'acte illégal. L'acte attaqué est suspendu de droit.” [26] Dix en 2008, à la suite de l'ajout de l'article 75-1 sur la reconnaissance des langues régionales par la Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. [27] M. Verpeaux, L'organisation décentralisée de la République (loi constitutionnelle du 28 mars 2003), R.F.D.A., n° 4 juillet-août 2003, p. 661. Voir également O. Gohin, op. cit., p. 25. Selon l'auteur, le long texte de la Loi constitutionnelle du 28 mars 2003 conduit à « une modification en profondeur du droit constitutionnel », car « elle redéfinit, en pas moins de huit articles, la base constitutionnelle des institutions administratives françaises ». [28] M. Verpeaux, op. cit., p. 662. [29] S. Regourd, La révision constitutionnelle de mars 2003 et l'unité de la République, Cahiers français n° 318, Décentralisation, État et territoires. Les enjeux de la réforme, La Documentation française, janvier-février 2004, p. 59. [30] Les éventuelles contestations formulées visent notamment les modalités de sa mise en place. Voir la très récente décision de la Cour Constitutionnelle datant du 10 janvier 2014 qui déclare inconstitutionnelle la Loi de la décentralisation initiée et assumée devant le Parlement par le Gouvernement Ponta au mois de novembre 2013. [31] M. Verpeaux, Droit des collectivités territoriales, PUF, Paris, 2005, p. 36. [32] Parmi les plus significatives lois organiques et ordinaires publiées par la suite, il faut mentionner la loi organique n° 2003-704 du 1er août 2003 relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales, la loi organique n° 2003-705 du même jour relative au référendum local, la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française (et la loi ordinaire du même jour qui la complète), et notamment la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Cette dernière régit le grand chantier des transferts de compétences. [33] Sans entrer dans les détails, on peut s'accorder sur le fait qu'elle suppose l'idée d'un transfert d'autorité et de responsabilité administrative et financière du niveau central à des organes élus situés au niveau local. [34] La Charte européenne de l'autonomie locale définit ce principe à l'article 3. L’accent est visiblement mis sur le caractère effectif de la capacité dont jouissent les collectivités pour régler et gérer une part importante des affaires publiques. [35] Il faut remarquer que le constituant de 1958 n'utilise pas la notion de “décentralisation” et préfère l'expression plus symbolique de “libre administration”, également évoquée par le Conseil constitutionnel (Décision n° 79-104 du 23 mai 1979,Loi modifiant les modes d'élection de l'assemblée territoriale et du conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et définissant les règles générales de l'aide technique et financière contractuelle de l'État). Jusqu'à la révision de mars 2003, la décentralisation n'est jamais consacrée comme telle dans un texte constitutionnel français. On en trouve l'explication principale dans la forte tradition centralisatrice de la France. [36] Voir en ce sens M. Constantinescu, A. Iorgovan, I. Muraru, E. S. Tănăsescu, op. cit., p. 262; C.-L. Popescu, Autonomia locală şi integrarea europeană, All Beck, col. Juridica, Bucarest, 1999, p. 92; R. N. Petrescu, Drept administrativ, Accent, Cluj-Napoca, 2004, p. 138; R. N. Petrescu, Reflecţii asupra autonomiei locale şi descentralizării serviciilor publice, în lumina proiectului noii legi a administraţiei publice locale, Revista Transilvană de Ştiinţe Administrative n° 1(4)/2000, Cluj-Napoca, p. 87; E. Popa, Autonomia locală în România, All Beck, Bucarest, 1999, p. 10; A. Iorgovan, op. cit., tome II, p. 537; C. Manda, C. C. Manda, op. cit., p. 132; D. Apostol Tofan, Drept administrativ, All Beck, tome I, pp. 221-222; C. Manda, Drept administrativ. Tratat elementar, 3ème éd. révisée et complétée, Lumina Lex, Bucarest, 2005, p. 135; V. I. Prisăcaru, Tratat de drept administrativ român. Partea generală, Lumina Lex, Bucarest, 1993, p. 432; I. Vida, Puterea executivă şi administraţia publică, Regia Autonomă MONITORUL OFICIAL, Bucarest, 1994, p. 168. [37] Pour les deux pays, on peut parler d'un accompagnement commun de la décentralisation par des mesures de déconcentration. [38] En droit roumain, la notion d' « unité administrative-territoriale » incorpore deux acceptions : elle désigne à la fois la collectivité locale et la circonscription administrative de l'Etat. [39] M. Constantinescu, A. Iorgovan, I. Muraru, E. S. Tănăsescu, op. cit., p. 253. [40] G. Marcou, La France est une République indivisible [...] son organisation est décentralisée dans Actualité de l'article 1er de la Constitution de 1958 / textes rassemblés par F. de La Morena, IDETCOM Toulouse, Presses de l'Université des sciences sociales de Toulouse, 2005, pp. 14-15. [41] J. Moreau, Administration régionale, départementale et municipale, 14ème éd., Dalloz, Paris, 2004, p. 21. [42] H. Rihal, Le statut constitutionnel des collectivités territoriales issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 : entre innovation et complexité, Revue française d'administration publique n° 105/106, 2003, p. 220. [43] Idem, p. 221. [44] En droit constitutionnel, c'est “le pouvoir que détiennent certaines autorités administratives d'édicter des mesures à portée générale et impersonnelle. Les règlements émanant du président de la République et du Premier ministre sont des décrets réglementaires et ceux édictés par les autres autorités administratives (maires, préfets) sont des arrêtés réglementaires”. Source : Le Droit de A à Z. Dictionnaire juridique pratique, Éditions Juridiques Européennes, 3e éd., Paris, 1998, p. 455. [45] M. de Villiers, A. Le Divellec, Dictionnaire du droit constitutionnel, 6e éd., Dalloz (Sirey), Paris, 2007, pp. 238-239. D'après ces auteurs, le pouvoir réglementaire local c'est “en particulier le pouvoir réglementaire des autorités décentralisées, qui est une conséquence du principe constitutionnel de la décentralisation selon lequel les collectivités territoriales «s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences» (art. C. 72, al. 3). Ce même article 72 permet aux collectivités territoriales de déroger, sous certaines conditions, à des dispositions réglementaires nationales”. [46] J. Moreau, op. cit., p. 16. [47] Publiée dans Monitorul Oficial al României, Partie I, n° 164 du 2 avril 2001. [48] C. Manda, C. C. Manda, op. cit., p. 158. [49] Selon le texte, le conseil local a le droit d'initiative et de décision dans toutes les questions d'intérêt local, à l'exception de celles attribuées par la loi dans le champ de compétence des autres autorités de l'administration publique locale ou centrale. [50] Publiée dans Monitorul Oficial al României, partie I, n° 927 du 23 décembre 2003, rectifiée dans M. Of. n° 112 du 6 février 2004. Depuis son adoption, le texte a fait l'objet de très nombreuses modifications (128 jusqu'au mois de décembre 2013). [51] S.-L. Formery, La Constitution commentée article par article, 11ème éd., Hachette Supérieur, Paris, 2007-2008, p. 131. [52] S. Regourd, op. cit., p. 64. [53] Lors de l'adoption de la loi de janvier 2002, le législateur avait tenté d'utiliser l'expérimentation au profit de la Corse. Il s'agissait de permettre à celle-ci de prendre à titre expérimental des mesures relevant du domaine de la loi, à titre expressément dérogatoire et limité dans le temps. Comme cela était l'équivalent d'un véritable pouvoir législatif remis à la Corse, la censure de l'instance constitutionnelle n'a pas tardé à intervenir par la fameuse décision du 17 janvier 2002 relative au statut de la Corse. [54] J. Moreau, op. cit., p. 18. [55] Ibidem, p. 18. [56] H. Rihal, op. cit., p. 226. [57] Selon l'exposé de motifs qui accompagne le projet de loi présenté en procédure d'urgence devant la Chambre des Députés, l'initiateur (le Gouvernement) de la nouvelle Loi-cadre en matière de décentralisation souhaite corriger les imperfections de l'ancienne loi et propose, par la suite, des principes et des règles plus clairs, une structure institutionnelle plus efficace, des compétences mieux définies et des transferts mis en corrélation avec la capacité administrative des collectivités. Les exigences du programme gouvernemental fixé pour la période 2005-2008, les engagements internationaux du pays (notamment la préparation à l'adhésion à l'Union Européenne) et la nécessité d'un cadre juridique adéquat à une décentralisation sectorielle sont les principales raisons invoquées pour justifier l'abrogation totale de la Loi-cadre n° 339/2004. [58] Il s'agit d'un texte qui n'a plus vu le jour. [59] Vu la réglementation relativement récente en matière de coopération intercommunale en Roumanie (Loi n° 286/2006), on ne dispose pas de suffisamment de recul pour en apprécier la pratique actuelle. On constate toutefois une tendance favorable au recours à cette forme de coopération entre les collectivités, notamment en vue d'accéder aux financements communautaires. Dans quelques années, il est bien possible que l'on en parle d'un bilan positif. [60] Conformément à l'article 1 al. 2, lettre g) de la Loi n° 215/2001 modifiée. [61] Par la consécration des associations de développement intercommunautaire, le législateur roumain envisage le renforcement de la capacité administrative des collectivités roumaines, alors que, par la création des établissements publics territoriaux, son homologue français tente de résoudre notamment le problème de l'émiettement communal. [62] Voir supra n. 57. [63] H. Rihal, op. cit., pp. 219-234. [64] Ce que la doctrine française communément appelle «acte I de la décentralisation» comprend les réformes menées dans les années 1980. [65] R. Delbo, La décentralisation depuis 1945, L.G.D.J., Paris, 2005, p. 95. [66] J. Moreau, op. cit., p. 15. [67] Une analyse plus détaillée concernant la compatibilité avec les principes de la Charte est susceptible de faire l'objet d'une autre étude. |