Numărul 2 / 2013

 

PROBLEMES DE CONFLITS DE LOIS EN MATIERE D’ETABLISSEMENT DE FILIATION[1]

 

Alina Oprea*

 

 

 

 

            Résumé : L’établissement de la filiation, la clé qui ouvre à l’enfant la voie vers un ensemble de droits importants, suscite aujourd’hui un intérêt croissant en plan international. L’évolution des structures familiales en société et le progrès des sciences médicales ont déterminé, dans le temps, reformes sensibles des législations internes en matière familiale. Leur application aux rapports de droit affectés d’éléments d’extranéité est conditionnée par la mise en œuvre des règles de conflit de lois, dont l’adaptation aux nouvelles réalités n’est pourtant pas évidente. Dans le cadre de cette étude, nous nous proposons de passer en revue les principales difficultés soulevées par les normes roumaines de droit international privé en la matière, analysant en quelle mesure ces dernières tiennent compte de différents intérêts en présence et comment répondent-elles aux évolutions imposées par le progrès technique et scientifique.

 

                Mots clés : famille, filiation, droit international privé, successions

 

 

 

1.La filiation, le lien juridique qui permet la construction de l’identité de l’enfant, attirant des droits spécifiques, tels ceux en matière successorale, et assurant son insertion dans une généalogie, soulève aujourd’hui des questions complexes. Celles-ci sont générées, d’un part, par l’évolution des structures et des modèles familiaux, construits en fonction des choix de vie personnels ou de l’orientation sexuelle de chaque individu et qui impliquent une croissance du nombre des familles monoparentales, des familles recomposées, des familles de facto, dans lesquelles les parents vivent ensemble sans être mariés, des familles issues de mariages entre personnes de même sexe ou d’unions alternatives au mariage ; la consécration d’un lien de filiation dans chacun de ces cas, avec les droits et les obligations correspondantes, n’est pas évidente[2]. Des difficultés sont soulevées également par le progrès de la science médicale, avec l’avènement des tests ADN, qui permettent l’établissement de la vérité biologique, ou des méthodes de procréation assistée qui impliquent la présence d’un tiers donneur de matériel génétique ou d’une mère porteuse. Enfin, la mobilité transfrontière croissante des personnes implique une multiplication des relations familiales avec éléments d’extranéité, pour lesquelles l’application systématique de la lex fori n’est pas possible, du moins en droit international privé roumain[3] ; l’incidence des règles de conflit - avec les aspects spécifiques liés à la qualification, à l’application concrète de ces règles ou à l’intervention de l’exception d’ordre public - peut compliquer encore la situation.

2. La présente étude aborde la problématique de l’établissement de la filiation d’un enfant par les autorités roumaines, dans un cas présentant d’éléments d’extranéité. Pour cela, deux alternatives sont possibles, selon qu’il est demandé la reconnaissance d’un jugement étranger intervenu en matière de filiation ou d’un document étranger qui atteste la naissance, d’un part, ou l’établissement direct de la filiation en Roumanie, comme acte juridique, d’autre part. Chacune implique l’intervention des normes différentes – la première, supposant une filiation déjà établie à l’étranger, attire l’application des normes du Nouveau Code de Procédure Civile[4] et éventuellement des dispositions de la Loi n°119/1996 sur les actes d’état civil[5]. Pour la deuxième, l’établissement de la filiation dans le contexte de la naissance, lorsqu’elle n’a pas fait l’objet d’une décision étrangère, seront prises en considération les règles de conflit prévues aux articles 2603-2605 NCC[6]. Ce sont seulement ces dernières qui seront analysées dans cette étude ; notre objectif est celui d’observer en quelle mesure elles tiennent compte des intérêts en présence et de la multiplication des modèles familiaux, et quels sont les réponses concrètes qu’elles offrent devant les  évolutions imposées par le progrès technique et scientifique.

3. Même si le droit interne ne distingue plus entre la filiation issue du mariage et la filiation hors mariage, le législateur est assez conservateur et n’opte pas pour une règle de conflit unitaire pour les relations internationales. Suivant la division consacrée par les textes du Code, la problématique de la filiation de l’enfant né dans le cadre du mariage (art. 2603-2604 NCC) sera continuée, dans ce qui suit, par celle relative à la filiation de l’enfant né hors mariage (art. 2605 NCC).

 

I. La filiation de l’enfant issu du mariage

 

4. Etablissement de la filiation de l’enfant issu du mariage. Pour l’établissement de la filiation de l’enfant issu du mariage, l’article 2603 NCC impose l’application de la loi qui gouverne les effets généraux du mariage des parents[7]; selon l’article 2589 NCC, il s’agit, hiérarchiquement, de la loi du pays de la résidence habituelle commune des époux, de la loi de leur nationalité commune et, respectivement, de lex loci celebrationis[8]. La justification de l’option en faveur de la loi qui gouverne les effets du mariage des parents n’est pas difficile, vu le fait que la filiation légitime est considérée comme une conséquence directe du mariage. D’un coté, le rattachement retenu tient compte de la relation préexistante entre les personnes impliquées et cherche à surprendre une proximité suffisamment caractérisée. D’un autre coté, le texte conduit à l’application d’une loi unique pour les relations familiales (entre les époux, d’un part, entre les époux et leurs enfants, d’autre part) et évite, ainsi l’apparition de possibles incohérences. La loi de la famille va fixer les contours de celle-ci, précisant qui sont ses membres et quels enfants devraient être ou non inclus /exclus du groupe familial.  

5. Parce que la résidence habituelle ou la nationalité des époux pourraient changer dans le temps, entraînant corrélativement une modification inopportune de la loi qui gouverne la filiation, le texte légal fixe dans le temps le rattachement retenu; ainsi, il est utilement précisé que la loi qui sera appliquée est celle qui gouverne les effets du mariage des parents au moment de la naissance de l’enfant. La solution présente donc un avantage: la fixité de l’élément de rattachement assure la stabilité de la loi applicable à la filiation, malgré le fait que les familles d’émigrants peuvent changer fréquemment leur résidence habituelle; une même et seule loi gouvernera le statut familial de l’enfant, quels que soient les changements qui peuvent intervenir pour ce qui est de la loi régissant les effets personnels du mariage de ses parents.

6. La prémisse dans l’application de l’article 2603 NCC este celle de la naissance de l’enfant dans le cadre du mariage; cela suppose, d’un part, que la filiation envers la mère est établie et d’un autre, que la mère est mariée au moment de la naissance de l’enfant. Chacun des deux aspects mérite une série de précisions.

7. Pour ce qui est de la filiation envers la mère, elle est établie en principe, du moins dans les Etats européens, par le fait de la naissance[9], de sorte que les problèmes devraient être évités de ce point de vue.  

Toutefois, il n’est pas exclu que la discussion porte sur l’établissement même de la filiation. Ainsi, par exemple, des Etats comme la France autorisent les naissances anonymes[10], sans que la législation incidente soit considérée contraire à l’article 8 de la CEDH[11]; de même, le litige pourrait concerner l’établissement de la maternité d’un enfant abandonné à la naissance. Enfin, il y a des Etats tels la Grèce, qui instituent dans leur Code civil une simple présomption relative de maternité envers la personne ayant donné naissance à l’enfant[12]. Dans ces cas, la règle de conflit de l’article 2603 NCC n’est pas nécessairement adaptée, car elle implique un raisonnement circulaire: pour rompre le cercle et déterminer la loi applicable, on devrait présumer que la maternité est établie et la loi désignée sur cette base dira précisément si maternité peut ou non être établie. 

8. Les difficultés se présentent avec une acuité particulière dans le cas d’une maternité de substitution[13], institution connaissant en droit comparé une diversité de solutions substantielles – normes prohibitives sévères[14], absence de règlementations[15], dispositions plus[16] ou moins[17] permissives. En fonction des options du chaque législateur, sera considérée mère soit la mère utérine (qui peut avoir ou non un lien génétique avec l’enfant), soit la mère intentionnelle (qui peut, elle aussi, avoir ou non un lien génétique avec l’enfant); l’interprétation de la règle de conflit de l’article 2603 NCC – qui envoie à la loi applicable aux effets du mariage des „parents” n’est pas du tout simple dans une telle hypothèse. Qui devrait être présumée mère de l’enfant, la mère utérine (porteuse) ou la mère intentionnelle/commanditaire[18] ? Une réponse pourrait être offerte sur la base de l’article 2558 NCC, texte qui impose, pour la qualification primaire, la prise en considération des conceptions de la loi du for, en fonction desquelles ont été tracées les catégories[19]; ainsi, vu les principes du droit roumain qui prévoient, d’un part, que la mère est la personne qui a donné naissance à l’enfant et, d’un autre, que la reproduction humaine assistée médicalement avec un tiers donneur ne crée pas un lien de filiation entre le donneur et l’enfant[20], pour ce qui est de l’application de la règle de conflit de l’article 2603 NCC, „mère” devrait considérée être la mère porteuse/utérine et pour l’établissement de la filiation devrait être consultée la loi applicable aux effets de son mariage. La solution présente des avantages, mais elle s’expose aussi à des critiques. 

9. Cette loi est de nature à assurer une protection tant de l’enfant et de son intérêt, que des parents commanditaires/intentionnels, en garantissant que la mère utérine et éventuellement son époux agissent en connaissance de cause[21]. Elle respecterait les prévisions des parties pour ce qui est des suites des actions entreprises ; la compétence d’une loi telle la loi ukrainienne, grecque ou israélienne (qui permettent la maternité de substitution) facilite l’établissement de la filiation envers les parents commanditaires, bien que selon la loi applicable aux effets de leur mariage cela ne serait pas nécessairement possible. Concrètement, la loi applicable aux effets du mariage de la mère porteuse pourra être consultée pour le problème de savoir si l’accord de maternité de substitution est suffisant pour que la filiation puisse être établie envers les parents intentionnels ou s’il est encore nécessaire une adoption ou l’intervention d’une autorité ; la même loi précisera aussi quels sont les droits des commanditaires lorsque la mère porteuse décide de garder l’enfant et s’ils peuvent obtenir éventuellement une exécution forcée de la convention, respectivement si la mère porteuse peut obliger les parents intentionnels à prendre l’enfant après la naissance lorsqu’ils changent d’avis. Enfin, la même loi sera appliquée aussi pour dire si l’enfant pourra introduire une action en établissement de maternité envers la mère porteuse.  

10. Les discussions sont toujours possibles. Un problème qui peut être soulevé est celui de l’éventuelle contrariété de la loi étrangère ainsi désignée avec l’ordre public international roumain. Tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant (probablement intégré dans la famille des parents intentionnels et non-voulu par la mère porteuse et sa famille) et des discussions législatives avancées du droit roumain en la matière, nous militerions pour la tolérance face à la loi étrangère et pour son application. Les arguments contraires ne manquent pas non plus: en droit interne, l’application des principes généraux de droit – „l’indisponibilité du corps humain”, „la dignité humaine” – limite directement de telles pratiques (que la presse décrit toutefois comme possibles, en donnant des exemples concrets). Ainsi, en l’absence de toute jurisprudence, quel que soit le sens, c’est seulement l’intervention du législateur qui apporterait la prévisibilité et la sécurité juridique par tous attendue.

L’application en la matière de la loi qui gouverne les effets du mariage de la mère porteuse a aussi d’autres inconvénients importants. D’un coté, elle ne tient pas compte de la rupture quasi-certaine entre l’enfant et la mère porteuse, ni du fait qu’entre la situation de l’enfant et la loi désignée (la loi du pays de la mère porteuse) il y a une connexité peu caractérisée, la localisation semblant totalement artificielle. D’un autre côté, même si ce qui est recherché c’est l’établissement de la filiation de l’enfant envers un couple marié, si la mère porteuse n’est pas mariée, la règle de conflit de l’article 2603 NCC cède la place à celle de l’article 2605 NCC (enfant né hors mariage), sans que la variation dans la détermination de la loi applicable soit effectivement justifiée par un changement dans la situation de l’enfant ou des parents intentionnels. 

11. Revenant à la seconde prémisse dans l’application de la règle de conflit de l’article 2603 NCC, le mariage valable de la mère, celle-ci est une question préalable, qui peut soulever de discussions quant à la règle de conflit adéquate à son égard. Classiquement, en droit international privé, deux conceptions sont opposées : selon première, la validité du mariage devrait être appréciée selon la/les lois désignées par les règles de conflit du for ; selon la seconde, la validité du mariage devrait être appréciée selon la/les lois désignées par les règles de conflit de l’Etat qui offre la lex causae pour la filiation. En droit roumain, les professeurs I.P. Filipescu et M. Jacotă soutiennent à titre de principe la première des deux possibilités[22].

12. Toutefois, dans la doctrine suisse un point de vue alternatif a été soutenu: selon B. Dutoit[23], lorsque la question est celle de l’établissement de la filiation d’un enfant, le problème préalable de la validité du mariage de ses parents devrait être résolu in favorem infantis. Une telle perspective a des chances à s’imposer aussi chez nous[24], surtout que d’après l’article 305 NCC „la nullité du mariage n’a aucun effet sur les enfants, qui gardent le statut d’enfants nés dans le cadre du mariage”.

Sur la base de cette solution du droit interne, nous croyons que le problème de détermination de la règle de conflit compétente pour l’établissement de la filiation d’un enfant issu d’un mariage nul ou annulé devrait se résoudre en faveur de l’application de l’article 2603 NCC, afin que la loi désignée par ce texte (une loi étrangère, éventuellement) puisse dire concrètement quelles sont les conséquences que la nullité du mariage des parents ait sur la filiation de l’enfant. En droit comparé, une autre solution a été aussi rencontrée: faisant application de la règle de conflit qui dispose que « la loi qui annule le mariage a compétence pour régler les conséquences de la nullité de ce mariage et, spécialement, le tempérament de la putativité qu’il y a lieu de lui apporter… » (règle qui a un équivalent dans l’article 2588 NCC roumain[25]), la Cour de cassation française a validé en 1998 l’arrêt d’une Cour d’appel ayant retenu que « selon le droit allemand, le mariage célébré en Allemagne, sans intervention d’un officier d’état civil, était inexistant et ne produisait aucun effet, notamment à l’égard des enfants »[26]. En réalité, les règlementations relatives au statut de l’enfant issus d’un mariage nul ou annulé reflètent, premièrement, la conception du législateur sur la filiation[27], et non sur le mariage ; en raison du fait que le contenu des catégories de rapports juridiques visés par les règles de conflit, de même que le domaine d’application correspondant de chacune de ces règles de conflit sont configurés précisément en fonction des conceptions sur les institutions en cause[28], l’exclusion de la règle de conflit de l’article 2588 NCC (concernant le mariage) et l’intervention corrélative de l’article 2603 al.1 NCC (sur la filiation) pour l’hypothèse analysée nous semble justifiée.

13. Lorsque le mariage des parents a cessé ou a été dissout avant la naissance de l’enfant, l’article 2603 al. 2 NCC dispose expressément que l’établissement de la filiation sera régi par la loi qui gouvernait les effets de ce mariage. En ces cas, un problème que le législateur roumain n’a pas considéré opportun de résoudre expressément est celui de l’articulation des deux premiers alinéas de l’article 2603 NCC lorsque la mère a conclu deux mariages successifs, gouvernés par des lois différentes, chacune retenant une conception particulière sur la filiation. Ainsi, par exemple, les autorités roumaines pourraient être confrontées avec une affaire dans laquelle le premier mariage de la mère, dissout à moins d’un an avant la naissance de l’enfant, est gouverné par la loi marocaine qui présume que le père de l’enfant né dans l’année qui suit au divorce des parents est l’ancien époux de la mère ; en même temps, le second mariage de la mère pourrait être gouverné par la loi roumaine, qui présume, au contraire, que le père de l’enfant né pendant le mariage est l’actuel époux de la mère (art. 414 NCC). Les lois désignées par les deux premiers alinéas de l’article 2603 NCC imposent des solutions différentes pour la paternité de l’enfant, ainsi que le problème de leur articulation n’est pas simplement théorique. L’article 2603 al. 1 NCC qui désigne la lex matrimonii au moment de la naissance de l’enfant semble résoudre le problème du conflit mobil, mais son intervention n’est pas de l’ordre de l’évidence. Eventuellement, la priorité accordée à ce texte pourrait être expliquée par le fait qu’elle correspond le plus souvent à la réalité de fait.

14. Enfin, „la naissance de l’enfant dans le cadre du mariage”, prémisse dans l’application de l’article 2603 NCC, soulève aussi un autre problème. En droit interne[29], on comprend par mariage l’union entre un homme et une femme; toutefois, en droit comparé ont été consacrées des institutions telles les mariages homosexuels ou les partenariats enregistrés, l’époux/l’épouse ou le/la partenaire de la mère étant vu parfois automatiquement comme le parent de l’enfant[30]. En raison de la formulation de l’article 2603 NCC, il se pose la question de savoir si ce texte pourra être appliqué pour l’établissement de la filiation (maternité ou paternité) d’un enfant né d’une telle union. A notre avis, la réponse doit être nuancée. 

15. Pour ce qui est de l’établissement d’un enfant né d’un mariage entre deux personnes de même sexe conclu valablement à l’étranger, nous apprécions que l’article 2603 NCC devrait pouvoir être appliqué. D’un coté, il est accepté qu’en droit international privé les catégories utilisées par les règles de conflit (telle « le mariage ») ont parfois un sens plus large que celui qui leur est attribué en droit interne, cela afin de faire face aux provocations soulevées par la diversité législative retrouvée en droit comparé; le mariage entre personnes de même sexe étant créé en général par l’imitation du mariage hétérosexuel, il nous semble qu’il n’y a pas des raisons suffisamment forts de l’exclure du champ d’application des règles de conflit qui font appel à la catégorie « mariage »[31]. D’un autre coté, la proximité du mariage avec l’ordre juridique du for étant très peu caractérisée en ce type d’affaires, on ne croit pas que l’exception d’ordre public international devrait être utilisée en son effet plein pour refuser à la mère le statut de femme mariée et à l’enfant le statut d’enfant issu du mariage[32]; au contraire, l’intérêt de l’enfant, principe fondamental du droit interne et du droit international[33], devrait guider les juges dans l’application des règles relatives à l’enfant ou à sa filiation, justifiant ainsi la solution proposée.

16. Pour ce qui est des partenariats enregistrés, leur nature et leur qualification peuvent être discutées en droit international privé : même s’ils se fondent sur un contrat, le fait qu’ils génèrent des relations de type personnel entre les personnes intéressées ne peut pas non plus être nié[34]. Toutefois, vu la diversité législative existante en la matière en droit comparé et le fait que ces institutions sont créées parfois en opposition avec le mariage (l’option des partenaires en leur faveur équivalant souvent avec un rejet du mariage, comme mode de cohabitation), considérer les partenaires comme « mariés » dans la perspective de l’application de l’article 2603 NCC ne nous semble pas une idée judicieuse. En ces cas, la filiation de l’enfant devrait être établie, à notre avis, selon la loi désignée par l’article 2605 NCC – la loi nationale de l’enfant (né hors mariage), qui va préciser en quelle mesure le partenaire de la mère (étant ou non du même sexe que celle-ci) pourra être considéré le parent légal de l’enfant.

17.Le domaine de la lex filiationis. Lex filiationis va imposer, naturellement, les modalités d’établissement de la filiation, précisant si l’établissement de la maternité/de la paternité opère ex lege ou si l’intervention d’une autorité ou le prononcé d’un jugement sont nécessaires. Dans le domaine d’application de la même loi entre le problème de savoir qui sont les parents légaux de l’enfant, les éventuelles présomptions de paternité, en spécial celle relative à l’époux de la mère[35]. Ces précisions peuvent révéler toute leur importance dans le cas de la conception d’un enfant à l’aide des techniques de reproduction artificielle: que cela suppose l’utilisation de matériel génétique de la part de l’époux ou d’un tiers, la loi applicable aux effets du mariage de la mère sera appliquée pour identifier le père de l’enfant, pour savoir si l’époux de la mère peut contester la paternité, si le tiers donneur peut revendiquer la paternité ou si la mère et éventuellement l’enfant peuvent introduire une action contre le donneur pour établir la filiation envers celui-ci[36]. La loi applicable aux effets du mariage de la mère interviendra aussi pour préciser le moment auquel la situation de l’époux doit être prise en compte (au moment de la conception, de la naissance de l’enfant…), ainsi que les éventuelles présomptions concernant le temps de la conception. Enfin, la même loi sera consultée pour dire quels sont les effets que la possession d’état peut avoir sur la filiation de l’enfant.  

18. Un des aspects qui pourrait soulever des difficultés en pratique est celui de la loi applicable pour la preuve effective de la filiation, vu le fait que le droit comparé met en évidence l’existence des règles très différentes en matière de présomptions, d’utilisation des tests ADN ou de prescription. La réponse est offerte en fonction de la qualification retenue pour ces aspects – de droit substantiel ou de droit processuel –, faite, par les autorités roumaines, selon les conceptions de la lex fori[37]. En droit roumain il s’agit traditionnellement de problèmes de droit substantiel, dans la mesure où ils concernent l’existence même du droit en discussion et reflètent les conceptions du législateur sur le lien de filiation ; ainsi, ils seront gouvernés par la lex causae, qui peut être, éventuellement, une loi étrangère.

19. Le désaveu de paternité. La question du désaveu de paternité est résolue directement par la règle de l’article 2603 al. 3 NCC, qui prévoit que « la loi applicable à l’établissement du mariage légitime gouverne aussi les problèmes liés au désaveu de paternité ». Cette loi va dire si et en quelles conditions une présomption ou une reconnaissance de paternité peuvent être contestées; elle va délimiter aussi la catégorie des personnes qui ont le droit de contester la filiation et va offrir la réponse à la question de savoir si le père biologique peut contester la paternité établie en faveur de l’époux de la mère.

20. Un des problèmes que ce texte soulève est celui de savoir si l’exception d’ordre public international pourrait éventuellement être utilisée pour censurer un droit étranger qui restreint sévèrement les possibilités de contestation de la filiation. Vu le fait que dans l’idée d’assurer la certitude juridique le droit interne est assez restrictif[38], il semble peu probable que ce mécanisme exceptionnel de DIP puisse être utilisé à l’encontre des lois étrangères plus sévères que la loi roumaine[39]; toutefois, si le droit étranger refuse directement à la mère le droit de contester la paternité ou consacre une discrimination (comme le droit éthiopien ou le droit japonais[40], qui reconnaissent cette prérogative seulement à l’époux et non pas aussi à l’épouse), l’utilisation de cette exception n’est pas exclue. Pour justifier cette position, on tient compte, d’un part, du fait que selon l’arrêt Kroon[41] de la CEDH, le droit de la mère de contester la paternité est un droit qui dérive de l’article 8 CEDH et, d’autre part, de l’article 2564 NCC sur l’exception d’ordre public international, qui justifie le refus d’application de la loi étrangère qui conduit à un résultat incompatible … avec les droits fondamentaux de la personne.

La problématique est similaire dans l’hypothèse d’une lex cause étrangère qui prévoit des moyens de désaveu de paternité différents de ceux prévus par le droit roumain. Comme le déclanchement de l’exception d’ordre public international est conditionné par l’incompatibilité manifeste entre le résultat de l’application de la loi étrangère et les principes fondamentaux du droit roumain (parmi lesquels figure l’intérêt supérieur de l’enfant), une appréciation attentive des juges s’impose en chaque cas, dans l’idée d’assurer le juste équilibre entre la tolérance naturelle spécifique au DIP et la force des principes impératifs du droit interne.    

21. Le problème de savoir quelle loi sera appliquée par les autorités roumaines pour l’action en désaveu de paternité lorsque la filiation a été établie à l’étranger, sur la base d’une loi étrangère différente de celle désignée par l’article 2603 al. 1 NCC, est lui aussi assez délicat. Des arguments de texte militent, certes, pour l’application stricte de la loi qui gouverne les effets du mariage des parents. Toutefois, la volonté d’éviter les possibles incohérences imposerait, au contraire, l’intervention de la loi qui a été précisément appliquée pour l’établissement du lien de filiation (avec des difficultés d’identification de la base juridique pour cette solution, la clause d’exception de l’article 2565 NCC étant inutilisable).

22.La loi applicable à la légitimation. La légitimation, le processus par lequel un enfant naturel acquiert le statut d’enfant légitime, intervient généralement par le mariage subséquent de ses parents. Bien que la question de la légitimation ne figure plus dans le droit interne, existent encore des systèmes de droit étrangers (tel le droit anglais) qui prévoient qu’avec le mariage des parents, les enfants nés antérieurement seront considérés des enfants légitimes[42]. Pour résoudre les conflits de lois qui peuvent surgir à cet égard, l’article 2604 NCC prévoit l’application de la loi qui gouverne les effets du mariage des parents[43], créant au niveau des conflits de lois une parallèle entre la situation des enfants issus du mariage et ceux légitimés. La loi désignée par l’article 2604 NCC sera consultée sur la possibilité même de la légitimation, sur les conditions et les effets de celle-ci ; la même loi sera appliquée aussi pour ce qui est des conditions de contestation de la légitimation ou des effets d’une éventuelle annulation du mariage sur la situation de l’enfant. 

22. Un problème peut surgir lorsque les parents veulent légitimer un enfant dont la paternité a déjà été reconnue par un tiers. La loi applicable aux effets du mariage des parents se trouve en concours avec la loi nationale de l’enfant (et qui a été suivie pour la reconnaissance, selon l’article 2605 NCC), et leurs domaines spécifiques doivent être délimités : particulièrement, on ne pourra éviter l’application de cette dernière loi ni pour la vérification de la validité de la reconnaissance, ni pour la possibilité de la contestation de celle-ci (comme prévu à l’article 2605 al. 2 phrase finale NCC).

23. Appart la légitimation par mariage, dans le droit comparé existent aussi d’autres formes de légitimation: par reconnaissance ou par action en justice. En raison de la formulation de l’article 2604 NCC, qui parle strictement de la „légitimation par mariage”, il est peu probable que ce texte puisse être employé en ces cas; tant pour la légitimation par reconnaissance de paternité, que pour la légitimation par décision de justice, la loi applicable sera déterminée conformément à l’article 2605 NCC, texte qui sera envisagé dans ce qui suit.     

 

II. La filiation de l’enfant né hors mariage

 

24. L’établissement de la filiation de l’enfant né hors mariage. Pour ce qui est de la filiation de l’enfant né hors mariage, l’article 2605 NCC désigne comme loi applicable « la loi nationale de l’enfant au moment de sa naissance »,sans distinguer selon qu’il est recherché un établissement de maternité ou de paternité [44].L’option en faveur de ce rattachement semble justifiée; d’un coté, simple et prévisible, il assure « l’unité du statut de l’enfant par rapport à ses parents, lorsque ceux ci ont des nationalités différentes »[45]; d’un autre coté, la nationalité apparaît comme le rattachement naturel pour les questions concernant le statut personnel d’un individu[46], et la filiation y est incluse. Facilitant la solution des éventuels conflits mobiles et assurant une certaine stabilité dans la détermination du statut de l’enfant, le législateur précise expressément que la loi nationale en cause sera déterminée en tenant compte de la nationalité de l’enfant au moment de la naissance; sont ainsi évités les risques qu’un éventuel changement de nationalité pourrait susciter sur l’établissement et surtout, sur une contestation de la filiation déjà établie. 

25. L’application de l’article 2605 NCC suscite aussi une série de difficultés. Une de celles-ci concerne l’identification de la loi nationale de l’enfant lorsque le critère pris en compte pour l’octroi de la nationalité n’est pas ius soli, mais ius sangvinis et la question en discussion (assez rare, c’est vrai) concerne l’établissement de la maternité[47]. En ce cas, on se retrouve évidemment en présence d’un cercle vicieux : la nationalité de l’enfant dépend de l’existence du rapport de droit en cause, étant établie en fonction de lien de filiation ; en même temps, elle est aussi le critère en fonction duquel est déterminée la loi qui précise si ce rapport de filiation existe ou pas. L’application de l’article 2605 NCC implique un raisonnement circulaire, qui sera rompu en présumant que la mère est établie, pour déterminer la nationalité de l’enfant et ensuite, après l’identification de la loi compétente, pour vérifier si la maternité a été établie correctement. Même si elle est critiquable, la solution n’est pas isolée en droit comparé[48].   

26. De même, il peut se poser la question de savoir comment devraient procéder les autorités roumaines pour établir la filiation d’un enfant dont la mère n’est pas mariée au moment de la naissance de l’enfant, mais qui a été mariée dans le passé. À une première lecture, sont applicables tant l’article 2603 al. 2 NCC, que l’article 2605 al. 1 NCC. Les difficultés ne sont pas simplement théoriques[49]. Une lecture des textes en fonction de l’intérêt de l’enfant – la légitimation – imposerait la consultation, en premier, de l’article 2603 al. 2 NCC relatif à la situation de l’enfant dont la mère a été mariée antérieurement à la naissance de celui-ci[50]; si, conformément à la loi désignée par ce texte, l’enfant n’est pas considéré enfant légitime, la règle prévue à l’article 2605 al. 1 NCC devrait intervenir pour déterminer la loi applicable à la question de savoir si et comment la filiation pourrait être établie envers une autre personne que l’ancien époux de la mère.

27.La loi nationale de l’enfant, déterminée sur la base de l’article 2605 NCC, sera appliquée par exemple pour ce qui est des modalités d’établissement de la filiation: reconnaissance volontaire, voie judiciaire, éventuelles présomptions[51]. Lorsque le droit étranger impose des exigences plus lourdes ou différentes de celles du droit roumain, il peut se poser la question de son possible éviction en raison d’une éventuelle contrariété avec les principes de l’ordre public international roumain. Tant que ce droit étranger n’implique pas une impossibilité absolue d’établissement de la filiation (considérée contraire à l’article 8 de la CEDH), et tant que les conditions prévues par la législation roumaine en la matière sont elles-aussi très strictes, nous croyons que les risques qu’il soit écarté sont assez réduits[52]

28.La reconnaissance de la filiation de l’enfant né hors mariage. Selon l’article 2605 al. 2 NCC, la loi nationale de l’enfant illégitime sera applique non seulement pour ce qui est de l’action d’établissement de la filiation (maternité ou paternité), mais aussi pour ce qui est de la reconnaissance volontaire de filiation. Le législateur à prévu un seul élément de rattachement – la nationalité de l’enfant –, et le moment pris en compte pour son identification est la date de la naissance et pas celle de la reconnaissance. La nationalité qui sera acquise par l’enfant suite à la reconnaissance est (en principe) indifférente.    

Si l’enfant a plusieurs nationalités, on devrait choisir celle pertinente pour l’application de la règle de conflit. A cet effet, l’article  2605 al. 1.2 NCC dispose que, lorsque l’enfant est binational et aucune de ses nationalités n’est la nationalité roumaine, la loi nationale qui lui est la plus favorable sera appliquée. Le texte suscite un problème délicat d’appréciation pour les autorités, car l’intérêt de l’enfant peut varier en fonction des circonstances de la cause. Généralement, on pourrait considérer qu’il s’agit de l’établissement de la filiation envers ses parents biologiques ; ainsi, la loi nationale imposant à cet effet les conditions les plus légères devrait être préférée. Toutefois, exceptionnellement, si la mère et l’enfant s’opposent in concreto à la reconnaissance de paternité, la loi qui favorise leurs intérêts devrait être appliquée.

29. Vu le texte légal, l’idée de faveur pour l’enfant multinational doit inspirer l’option pour l’une des lois nationales en présence seulement lorsqu’aucune d’entre elles n’est la loi roumaine. Ignorant à première vue le fait qu’à la différence de l’ancienne Loi n° 105/1992, la nouvelle règlementation en matière de double nationalité n’accorde plus systématiquement prévalence à la nationalité du for (et corrélativement, à la loi roumaine) [53], le législateur ne précise pas expressément quel sera le critère de sélection des lois en conflit lorsque la question en discussion est l’établissement de la filiation d’un enfant ayant double nationalité, une étant celle roumaine. Ce silence oblige à faire appel au critère général en la matière (article 2568 al. 2 NCC), qui fait prévaloir la nationalité effective et la loi correspondant à celle-ci, quel que soit son contenu substantiel, qui peut être in concreto moins favorable à l’enfant. Renoncer à l’idée de faveur dans une telle hypothèse ne nous semble pas la solution la plus opportune et, en pratique, il n’est pas exclu que les juges cherchent des moyens pour justifier un éventuel retour à la loi du for.

30. Domaine de la lex filiationis. La loi nationale de l’enfant né hors mariage sera appliquée pour ce qui est des conditions de validité d’une reconnaissance de paternité ou de maternité. La même loi précisera quelle est la valeur de cette reconnaissance, qui peut la faire et en quels délais, quels sont les effets engendrés. Le problème de savoir si pour la validité d’une reconnaissance de paternité est nécessaire le consentement de la mère ou de l’enfant  tombe, aussi, dans le champ d’application de la même loi.

Même si à première vue le domaine d’application de la loi nationale de l’enfant est assez vaste, il n’inclut pas toutefois toutes les questions concernant la reconnaissance de filiation. Ainsi, pour ce qui este de la forme de la reconnaissance, il devrait être consultée la règle particulière en matière de forme des actes prévue à l’article 2639 NCC – qui envoie à titre de principe à la lex causae, mais permet supplémentairement la validation (formelle) de l’acte si une autre loi - parmi celles énumérées par le législateur : la loi du lieu de conclusion de l’acte, la loi nationale ou la loi de la résidence habituelle de la personne qui l’a acceptée ou la loi applicable selon le droit international privé de l’autorité qui examine la validité de cet acte - a été respectée.   

31. Lorsque le droit étranger ne permet pas la reconnaissance de la filiation – tel le droit musulman qui prévoit que l’établissement de la paternité de l’enfant né hors mariage n’est pas possible[54] -, il peut se poser la question d’une éventuelle censure de celui-ci par l’intermède de l’exception d’ordre public international. À une première analyse, l’impossibilité d’établir légalement la paternité pourrait être considérée contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, principe fondamental du droit interne, de même qu’à l’article 8 de la CEDH relatif à la protection du droit à une vie privée et familiale; par ailleurs, des décisions en ce sens ont pu être mises en évidence en droit comparé[55]. Les discussions sont encore possibles, vu le fait que dans une affaire concernant la règlementation française relative aux naissances anonymes, la Cour de Strasbourg a décidé que, même si elle fait impossible l’établissement de la maternité, elle ne contrevient pas à l’article 8 de la CEDH[56]. Analysant l’émergence d’un concept possible d’ordre public européen, qui apporte des conditions uniformes de déclanchement et un même niveau de tolérance à l’égard des normes étrangères pour tous les Etats contractants de la CEDH, nous avons montré dans une étude précédente que, face à la prudence de la CEDH en certaines matières sensibles et en raison des différence importantes existant encore entre les systèmes juridiques des Etats européens, les réactions de l’exception d’ordre public international peuvent continuer parfois à être dictées par des considérants nationaux[57]. L’hypothèse ici analysée pourrait être incluse, à notre avis, parmi celles-ci[58].

32. Un autre problème qui peut surgir est celui de savoir si la règle de conflit de l’article 2605 al. 2 NCC sera appliquée aussi lorsque la reconnaissance de paternité concerne un enfant dont la filiation a été déjà établie (sur la base d’une présomption) à l’égard de l’époux de sa mère, selon la loi qui gouverne les effets de ce mariage (différente, par hypothèse, de la loi nationale de l’enfant). Ainsi, par exemple, conformément à l’article art. 1599 par. 2 BGB, la paternité légale de l’époux de la mère peut être écartée par une reconnaissance de paternité réalisée par un tiers („Qualifizierte Drittanerkennung”). Il se pose la question de savoir si dans une affaire roumaine-allemande, la validité et les effets d’une telle reconnaissance seront appréciés selon la loi nationale de l’enfant (désignée par l’article 2605 al. 2 NCC) ou par la loi désignée par l’article 2603 al. 1-3 NCC (la loi applicable aux effets du mariage). A notre avis, la première solution, qui implique en effet l’appréciation du désaveu de paternité selon une loi et la reconnaissance de la paternité selon une autre, semble inacceptable. D’un part, les deux lois pourraient s’avérer contradictoires, conduisant à une solution absurde – deux personnes déclarées en même temps être le père d’un enfant. D’un autre part, il est logique que si un homme souhaite reconnaitre la filiation d’un enfant dont la paternité a été déjà établie envers une autre personne (selon la loi désignée par l’article 2603 NCC), il doit se conformer à cette même loi dans ses démarches; ces dernières aboutiront seulement si cette loi permet que la filiation légitime puisse être écartée ou contestée par une reconnaissance de la part d’une personne différente de l’époux de la mère. Ainsi, même si un texte tel l’article 1599 par. 2 BGB établit les circonstances et les conditions de validité d’une reconnaissance de paternité, du moment où sa mise en œuvre a comme effet l’invalidation d’une filiation déjà établie légalement envers l’époux de la mère, son insertion dans le champ d’application de l’article 2603 NCC nous semble justifiée.

33.La loi applicable à la contestation de la reconnaissance de filiation – art. 2605 al. 2 final NCC. Pour la contestation de la reconnaissance de la filiation de l’enfant né hors mariage, l’article 2605 al. 1 final NCC impose l’application de la loi qui gouverne la reconnaissance de la filiation – la loi nationale de l’enfant. Lorsque la loi étrangère ainsi désignée ne permet pas l’annulation de la paternité établie sur la base d’une reconnaissance, une éventuelle intervention de l’exception d’ordre public ne semble pas exclue[59], afin d’assurer une protection suffisante et adéquate de la vie privée et familiale de la personne (art. 8 CEDH). La même solution pourrait être retenue lorsque la contestation de la filiation, possible selon la loi étrangère, aurait du être faite dans de délais de prescription relativement courts (contrastant avec ceux, très libéraux, imposés par le législateur roumain en la matière[60].  

34. Une des questions soulevées par le texte este celle de savoir si, lorsque la reconnaissance de la filiation à été faite à l’étranger, selon une loi étrangère, différente de celle désignée par l’article 2605 NCC, la contestation de la reconnaissance de paternité sera ou non appréciée, devant les autorités roumaines, selon la loi désignée par l’article 2605 NCC. La réponse n’est pas simple. Si la formulation du texte est claire, il est pourtant difficile à expliquer pourquoi la reconnaissance de paternité et sa contestation devraient être régies par des lois différentes; au contraire, des raisons de logique et de cohérence suggéreraient toutefois qu’une même loi soit appliquée pour les deux questions (la reconnaissance et la contestation de la reconnaissance).  

35. Les choses ne sont pas simples non plus lorsque l’enfant est multinational, ce qui entraine la possibilité de consulter alternativement plusieurs lois pour ce qui est de la contestation de la reconnaissance de la filiation, multipliant les chances qu’une d’entre elles permette le résultat voulu par le demandeur. Le problème qui nous intéresse est celui de savoir si dans une telle hypothèse l’option entre ces lois sera dictée par l’intérêt de l’enfant (alignement de la filiation légale sur la vérité biologique) ou sera prise en compte directement la loi appliquée déjà à la reconnaissance. Malgré le fait que le texte légal semble conférer priorité à la première solution, nous croyons que la deuxième alternative devrait prévaloir, spécialement pour des raisons de cohérence. La contestation du statut acquis conformément à la loi matérielle d’un Etat devrait être appréciée selon les rigueurs et les exigences de la même loi. 

36. Conclusion. L’examen des dispositions du nouveau Code civil roumain en matière de filiation internationale montre que le législateur suit dans sa règlementation la tendance générale du droit international privé de spécialisation des normes de conflit, essayant d’arriver à de solutions adaptées tant aux problèmes spécifiques du droit interne, qu’aux divers intérêts en présence. Même si les textes analysés se veulent inspirés par l’idée de proximité, et non par le principe favor filiationis (à l’exception du cas de la double citoyenneté du mineur né hors mariage), les applications de ce dernier ne manqueront pas dans l’interprétation ou l’application des règles instituées.

Si à une première lecture les rattachements semblent faciliter la mise en œuvre des règles retenues, toutefois, dans beaucoup de cas, ils ne sont pas nécessairement adaptés aux nouvelles réalités (concernant par exemple la maternité de substitution ou les enfants nés de parents ayant conclu des mariages homosexuels). De même, la multiplication et la diversification des règles de conflits compliquent leur fonctionnement d’ensemble, soulevant des discussions pour l’articulation des textes dans les cas de frontière.    

 

 

 


[1] La présente étude est financée des fonds du projet de recherches PN-II-ID-PCE-2011-3-0249, n°174/2011, intitulé Evolution of family as a concept and its relevance for the inheritance order – a socio-juridical, religious and philosophical investigation, coordonateur Mircea Dan Bob.

* Chargé de cours, Faculté de Droit de l’UBB Cluj-Napoca; alinaxoprea@yahoo.fr.

[2] Pour une vue d’ensemble comparative des législations nationales en matière de filiation, v. I. Schwenzer, « Tensions between Legal, Biological and Social Conceptions of Parentage », EJCL, vol. 11.3 (December 2007), www.ejcl.org.

[3] En droit comparé, v. toutefois la situation du Royaume Uni et de l’Irlande – „Rapport préliminaire sur les problèmes découlant des conventions de maternité de substitution à caractère international”, Bureau Permanent de la Conférence de la Haye de Droit international privé, mars 2012 (http://www.hcch.net/upload/wop/gap2012pd10fr.pdf), p. 23.

[4] Articles 1094, 1095 et s. NCPC

[5] Republiée au Moniteur Official, I, n° 339 du 18 mai 2012.

[6] Avant l’entrée en vigueur du nouveau Code civil, la loi applicable était déterminée sur la base des articles 25-28 de la Loi n° 105/1992 sur la règlementation des rapports de droit international privé (M. Of. n° 245 du 1er octobre 1992). L’article 207 al. 1 de la Loi 71/2011 de mise en application du Code civil prévoit que les dispositions du Code seront utilisées dans toutes les affaires soumises aux instances judiciaires ou aux autorités administratives compétentes après la date d’entrée en vigueur du Code, quels que soient la date et le lieu de conclusion des actes ou de réalisation des faits générateurs des  rapports juridiques en cause. Même si l’alinéa 2 du même article permet en général l’éviction des règles du Code (en faveur de celles contenues dans la Loi n° 105/1992) pour les rapports de droit international privé établis avant l’entrée en vigueur du Code civil lorsque leur application conduit à des conséquences manifestement injustes, les textes de la Loi n° 105/1992 et du Code civil relatifs à la filiation internationale étant quasi-identiques, cette disposition ne présente pourtant pas une relevance pratique spéciale dans la matière en discussion. 

[7] Art. 2603 NCC, Loi applicable : « (1) La filiation de l’enfant issu du mariage est établie selon la loi qui, à la date de sa naissance, gouverne les effets généraux du mariage de ses parents. (2) Si, avant la naissance de l’enfant, le mariage des parents a cessé ou a été dissout, la loi applicable est celle qui, à la date de la cessation ou du divorce, gouvernait ses effets. La loi indiquée s’applique aussi au désaveu de paternité de l’enfant légitime, ainsi qu’au nom de l’enfant ».

[8] Si les parties impliquées sont des étrangers ayant leur résidence habituelle en Roumanie, la loi roumaine sera appliquée. S’il s’agit des roumains ayant leur résidence habituelle à l’étranger, la règle de conflit désigne la loi étrangère (ex. la loi espagnole, la loi italienne); l’enfant étant lui aussi ressortissant roumain (car il est né des parents roumains), il est probable que les instances soient peu disposées à appliquer cette loi étrangère, préférant, malgré l’élément d’extranéité, un retour au droit roumain ; le problème serait alors la base juridique pour cela car, si l’article 2565 al. 1 NCC consacre aujourd’hui en droit roumain une clause d’exception permettant en cas exceptionnels l’application de la loi avec laquelle la situation présente les liens les plus étroits, le même texte refuse dans son deuxième alinéa l’emploi de celle-ci en matière de statut personnel, ce qui est précisément le cas pour les questions d’établissement de la filiation. En ce qui concerne la troisième alternative prévue par le texte légal – l’établissement de la filiation selon la loi du pays de célébration du mariage des parents, lorsque ces derniers n’ont ni leur résidence habituelle au même Etat, ni nationalité commune – on ne peut qu’espérer qu’elle soit très peu utilisée en pratique, vu la localisation assez aléatoire des rapports de droit opérée par elles.  

[9] V. aussi CEDH, 13 juin 1979, Marckx c. Belgia. V. en droit comparé, I.Schwenzer, op. cit., p. 3-4 et les rapports nationaux cités par l’auteur (note 4).

[10] Article 326 C. civ. fr. (ex. art. 341-1 C. civ.) : « Lors de l'accouchement, la mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé ».

[11] V. CEDH, 13 février 2003, Odievre c. France, aff. 42326/98.

[12] V. Papachristou, Droit de la famille (ΟικογΔ), p. 70, cité par N. Psouni, « Nouveaux développements en droit de succession hellénique », EJCL, vol. 14.2 (10.2010), http://www.ejcl.org (www.ejcl.org/142/art142-7.doc).

[13] La maternité de substitution peut impliquer soit une procréation pour autrui (la mère porteuse fournit son matériel génétique), soit une gestation pour autrui (le matériel génétique n’appartient pas à la mère porteuse) – v. « Rapport préliminaire sur les problèmes découlant des conventions de maternité de substitution à caractère international », Bureau Permanent de la Conférence de la Haye de Droit International privé, mars 2012 (http://www.hcch.net/upload/wop/gap2012 pd10fr.pdf), p. 30+2, Annexe avec glossaire. Pour une vue d’ensemble des problèmes suscités dans le plan des conflits de lois par cette institution, v. A. Grammaticaki-Alexiou, „Artificial Reproduction Technologies and Conflict of Laws : An Initial Approach”, Louisiana Law Review, 2000, vol. 60, p. 1113-1121.

[14] Dans la catégorie des Etats qui déclarent les conventions de maternité de substitution comme contraires aux principes de la dignité humaine et de l’indisponibilité du corps humain, en les interdisant de façon expresse, figurent l’Allemagne, la France, l’Autriche, la Suisse, la Suède, l’Italie. Ces conventions étant déclarées nulles, la mère juridique de l’enfant est la mère porteuse, l’époux de celle-ci étant présumé le père juridique; la contestation de paternité est toutefois possible.

[15] C’est par exemple le cas de la Roumanie (toutefois, un projet de loi autorisant la maternité de substitution a été examiné par les deux Chambres du Parlement en 2012). Pour d’autres exemples, v. « Rapport préliminaire… », op. cit. (2012), p. 10, n° 13.

[16] Dans la catégorie des Etats qui ont opté pour des règlementations souples, qui encouragent le tourisme médical, figurent l’Ukraine (art. 123 C. Fam., complété par la loi 2358/VI du 1er juillet 2010), la Russie, la Moldavie, l’Afrique du Sud, l’Inde, certains Etats américains. En principe, en ces Etats, les conventions de mère porteuse à titre onéreux sont valables, il n’y a pas des exigences de résidence ou de domicile sur le territoire pour les étrangers voulant faire appel à une mère porteuse autochtone, les parents commanditaires sont immédiatement inscrit dans les actes d’état civil de l’enfant comme parents légaux, si quelques conditions sont remplies - v. « Rapport préliminaire… », op. cit. (2012), p. 16, n° 26.

[17] Parmi les Etats qui admettent la maternité de substitution de façon strictement encadrée figurent la Grèce, l’Israël, la Grande Bretagne. En Grèce et Israël, la procédure est conditionnée légalement, étant exigée une autorisation de la part des instances judiciaires ou des autorités administratives, préalable à la conclusion de la convention et au démarrage du traitement FIV; dans les actes de naissance de l’enfant vont figurer directement les parents commanditaires/intentionnels. Au Royaume Uni, la convention est examinée de façon rétrospective du point de vue de sa conformité avec la loi ; dans l’acte de naissance initial vont figurer comme parents la mère utérine (et éventuellement son époux); pour le transfert de la filiation envers les parents génétiques/commanditaire est nécessaire soit l’obtention d’une ordonnance spécifique (parental order) soit la mise en œuvre de la procédure d’adoption. En Grèce et au Royaume Uni, la convention de mère porteuse est essentiellement gratuite, en Israël elle peut avoir un caractère onéreux - v. « Rapport préliminaire… », op. cit. (2012), p. 12, n° 16.

[18] Les termes sont empruntés au document „Questions de droit international privé concernant le statut des enfants, notamment celles résultant des accords de maternité de substitution à caractère international”, Document préliminaire No 11 de mars 2011 à l’intention du Conseil d’avril 2011 sur les affaires générales et la politique de la Conférence, disponible à l’adresse : http://www.hcch.net/upload/wop/genaff2011pd11f.pdf.

[19] Art. 2558 NCC, Qualification: « Lorsque la désignation de la loi applicable dépend de la qualification que sera donnée à une institution de droit ou à un rapport juridique, c’est la qualification juridique établie par la loi roumaine qui sera prise en considération ».

[20] En droit roumain, la mère est la personne ayant donné naissance à l’enfant - v. G. Lupşan, « Certains aspects juridiques concernant la “mère porteuse”», Acta Universitatis Danubius. Juridica, vol. 2,1/2006 (http://journals.univ-danubius.ro /index.php/juridica/issue/view/62).V. aussi l’article 408 NCC: „La filiation envers la mère résulte du fait de la naissance; elle peut aussi être établie par reconnaissance ou par décision de justice”. Egalement révélateur peut être aussi l’article 441 al. 1 NCC – « La reproduction humaine médicalement assistée avec tiers donneur ne crée pas de lien de filiation entre l’enfant et le donneur ».

[21] Cette loi serait appliquée pour ce qui est du consentement de la mère porteuse (et de son époux) à la remise de l’enfant, elle préciserait à quoi exactement la mère porteuse a consenti et si cette dernière garde un lien avec l’enfant, quel type de lien, en quelles conditions, pour quelle durée, avec quelles formalités.

[22] I.P. Filipescu, M. Jacotă, Drept internaţional privat, EDP, Bucureşti, 1968, p. 78 et s. Les auteurs précisent expressément que pour la reconnaissance des droits acquis à l’étranger (actuel article 2567 NCC), une des conditions qui doivent être remplies est celle de l’acquisition de ces droits conformément à la loi compétente „selon les principes du droit international privé roumain”.

[23] B. Dutoit, Droit international privé suisse: Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 4e éd., Bâle, 2004, p. 233.

[24] V. aussi l’article 263 al. 1 NCC, qui dispose que « Toute mesure relative à l’enfant, quel que soit son auteur, doit être prise dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant ».

[25] Art. 2588 NCC : « La loi qui régit les conditions légales pour la conclusion du mariage s’applique à la nullité du mariage et aux effets de cette nullité ».

[26] V. Cass. 1re Civ., 1 décembre 1998, JCP G, 17 février 1999, p. 377, note H. Muir-Watt.

[27] H. Muir-Watt, note citée supra, p. 378, n° 4, critiquant l’arrêt commenté.

[28] V. B. Audit, Droit international privé, Economica, 2008, n° 199, n° 200, p. 174-175.

[29] Les articles 259 NCC et 277 NCC définissent le mariage comme „l’union librement consentie entre un homme et une femme” et interdissent expressément le mariage entre les personnes de même sexe.

[30] V. au Royaume Uni, Human Fertilisation and Embryology Act (2008), qui étend la présomption de « paternité » à la partenaire de sexe féminin de la mère, sur la base du consentement que celle-ci a donné pour la fertilisation. Des dispositions similaires existent au Suède, au Norvège et en Espagne – v. V. Todorova, „Recognition of parental responsability: biological parenthood v. legal parenthood, i.e. mutual recognition of surrogacy agreements: What is the current situation in the MS ? Need for EU action?”, note établie pour Directorate General For Internal Policies, Policy Department C: Citizens' Rights and Constitutional Affairs, 2010, n° 3.3 (disponible à l’adresse: http://claradoc.gpa.free.fr/ doc/394.pdf.).

[31] B. Audit, op. cit., n°202, p. 177-178 : „…le fait qu’il s’agisse d’une union entre personnes de sexe différent n’interdit pas en principe d’accueillir aujourd’hui dans la catégorie („mariage”, notre ajout) certaines unions auxquelles des lois étrangères […] confèrent le caractère d’un mariage (cela sans préjudice de l’intervention de l’ordre public)”. V. pour une position similaire, D. Bureau, H. Muir-Watt, Droit international privé, PUF, 2007, t. II, n° 725. H. Gaudemet-Tallon, „Incertaines familles, incertaines frontières: quel droit international privé ?” in Mélanges en l’honneur de M. Revillard, Defrénois 2007, p. 147-168, sp. p. 154-155.

[32] Sur les implications d’un tel refus de la perspective de l’article 8 de la CEDH (Protection du droit à la vie privée et familiale), v. notre étude : „Despre recunoaşterea statutului matrimonial dobândit în străinătate şi protecţia europeană a dreptului la viaţă familială”, Studia Iurisprudentia, 4/2012 (http://studia.law.ubbcluj.ro/articol.php? articolId=522).

[33] V. l’article 3 de la Convention internationale sur les droits de l’enfant, 20.11.1989, ratifiée par la Roumanie par la Loi n° 18/1990 (M. Of. n° 314 du 13 juin 2001); v. aussi l’article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

[34] M. Mignot, „Le partenariat enregistré en droit international privé”, RIDC, 2001, vol. 53, p. 601-653. B. Audit, op. cit., n° 642, p. 532-533.  H. Gaudemet-Tallon, „Incertaines familles, incertaines frontières…”, op. cit., p. 151 et s.

[35] Cela pourrait avoir une importance particulière dans le contexte de la détermination de la paternité d’un enfant né suite à l’utilisation du matériel génétique donné par un tiers.

[36]En droit roumain, la paternité juridique est moulée à celle sociale : les donneurs de sperme ne sont pas considérés comme parents et la paternité est attribuée directement à l’époux de la mère (ayant consenti à l’insémination). Celui qui, après avoir consenti à la reproduction médicalement assistée avec tiers donneur, ne reconnait pas l’enfant né hors mariage répond envers la mère et l’enfant ; en ce cas, la paternité de l’enfant sera établie par voie judiciaire, dans les conditions prévues aux articles 411 et 423 NCC.

[37] V. l’article 1088 NCPC: „La qualification d’un problème comme étant de droit processuel ou substantiel est faite selon la loi roumaine, sous la réserve des institutions juridiques sans correspondant en droit roumain”. V. aussi l’article 2558 NCC, cité plus haut.

[38] Par exemple, dans le cas de la reproduction médicalement assistée avec tiers donneur, l’article 443 NCC précise, à titre de principe, que « personne ne peut contester la filiation de l’enfant pour des raisons qui tiennent à la reproduction assistée médicalement; l’enfant ainsi né ne peut pas non plus contester sa filiation » (alinéa 1er); c’est seulement exceptionnellement qu’une action en désaveu de paternité peut être introduite par l’époux de la mère, lorsque celui-ci n’a pas consenti (alinéa 2). Hors le cas de la reproduction médicalement assistée, l’article 411 al. 2 NCC prévoit en principe que « personne ne peut contester la filiation maternelle de l’enfant qui a une possession d’état conforme à son acte de naissance »et l’article 414 NCC permet la contestation de la paternité seulement lorsqu’il est« impossible que l’époux de la mère soit le père de l’enfant ».

[39] La limite pourrait bien entendu être représentée par la violation manifeste et injustifiée du droit des personnes privées à une vie familiale – v. l’arrêt Kroon et autres c. Pays Bas, du 27 octobre 1994 (n° 18535/91), dans lequel la CEDH a décidé que la protection du droit à la vie familiale impose l’éviction des normes qui ne permettent pas l’établissement de la vérité biologique: « le „respect” de la vie familiale” exige que la réalité biologique et sociale prévale sur une présomption légale heurtant de front tant les faits établis que les vœux des personnes concernées, sans réellement profiter à personne » (n° 40).

[40] V. I. Schwenzer, op. cit., p. 5, n° 2.2.1.2.

[41] CEDH, 27 octobre 1994, Kroon et autres c. Pays Bas.

[42] Tel est le cas, par exemple, du droit anglais; v. Section 2 of the Legitimacy Act 1976: Subject to the following provisions of this Act, where the parents of an illegitimate person marry one another, the marriage shall, if the father of the illegitimate person is at the date of marriage domiciled in England and Wales, render that person, if living, legitimate from the date of the marriage.

[43] Art. 2604 NCC - „Lorsque les parents sont en droit de procéder à la légitimation par mariage subséquent de l’enfant né antérieurement, les conditions exigées à cet effet sont celles prévues par la loi qui s’applique aux effets généraux de ce mariage”. La règlementation antérieure (article 27 de la loi 105/1992) est quasi-identique.

[44] Lorsque l’enfant est apatride, la loi nationale est considérée être la loi du pays où il a sa résidence habituelle (article 2568 al. 3 NCC).

[45] Cf. H. Batiffol, P. Lagarde, Droit international privé, LGDJ, 1983, p. 101, n° 458.

[46] Article 2572 NCC (Loi applicable à l’état civil et à la capacité): „L’état civil et la capacité de la personne physique sont gouvernées par sa loi nationale, si des dispositions spéciales ne prévoient autre chose”.

[47] Lorsque la maternité est établie, l’enfant aura la nationalité de la mère ; la loi nationale ainsi déterminée sera appliquée pour l’établissement de la paternité de l’enfant.  

[48] Une solution similaire est retenue dans le droit espagnol, qui impose l’application de la loi qui correspond à la nationalité présumée de l’enfant – la nationalité que l’enfant aurait eu si celui qui prétend être son parent le serait réellement - v. A.-L. Calvo-Caravaca, J. Carrascosa-Gonzalez, Derecho internacional privado, vol. II, 8e éd., Comares, 2008, p. 165 et s.

[49] Par exemple, dans des différents Etats de l’Afrique noire, parmi les musulmans adeptes des rites hanefite, malekite, chaféïte et hanbalite sont consacrés, à travers la croyance de „l’enfant endormi au ventre de sa mère”, des délais de gestation beaucoup plus longs que ceux admis par la science médicale moderne (trois, cinq ou même sept ans) ; v. J. Colin, «Au Maghreb un contre-pouvoir du côté des femmes : l'enfant endormi dans le ventre de sa mère», L'Année sociologique 1/2003 (vol. 53), p. 109-122 (www.cairn.info/revue-l-annee-sociologique-2003-1-page-109.htm). L’auteur cite un arrêt algérien de 1866, trouvé dans l’œuvre du R. Estoublon (Jurisprudence algérienne de 1830 à 1876, Alger, Jourdan, vol. III (1890), p. 41-44), admettant que le père d’un enfant né par une femme est l’ex-époux de celle-ci (décédé depuis trois ans), même si cette femme était remariée depuis un an au moment de la naissance de l’enfant. Est cité également un arrêt de 1935 d’un tribunal coutumier marocain (v. Aspinion, Contribution à l’étude du droit coutumier berbère marocain; étude sur les coutumes des Tribus Zayanes, Casablanca-Fès, A. Moynier, jugement n°13, p. 233-238), admettant que le père de l’enfant né d’une femme mariée (au quatrième mariage), est le premier époux de celle-ci, même si le divorce avait eu lieu sept ans avant la naissance de l’enfant. Les délais admis aujourd’hui sont plus courts - en principe une année, calculée du moment du divorce ou du décès du mari-, mais ils peuvent encore dépasser ceux généralement consacrés par la science médicale, d’où les conflits que peuvent surgir. 

[50] La solution n’est pas entièrement convenable en raison du fait que très souvent la loi ainsi désignée pourrait être écartée comme contraire à l’ordre public (voir les exemples cités dans la note précédente).

[51] En droit comparé, il y a des législations qui présument que le partenaire (d’un partenariat enregistré ou d’un couple stable de concubins) est le parent légal de l’enfant né par la partenaire; tel est par exemple le cas du Canada ou des Etats Unis - v. I. Schwenzer, op. cit., p. 5, n° 2.2.1.1. Dans le droit roumain aussi, selon l’article 426 NCC (présomption de filiation envers le père prétendu), « la paternité est présumée s’il est prouvé que le prétendu père a cohabité avec la mère de l’enfant pendant la durée légale de la conception ».

[52] Cette position n’est pas uniforme en droit comparé – v. par exemple Cass. Ital., 21 mars 1990, n° 2350, Riv. Dir. Int. Priv. Proc., 1991, p. 734, déclarant contraire à l’ordre public de DIP d’Italie la loi argentine qui permettait exclusivement à l’enfant d’introduire l’action en établissement judiciaire de paternité; v. aussi Cass. Ital., 1er juillet 1993, n° 7447, Riv. Dir. Int. Priv. Proc., 1994, p. 597, déclarant également contraire à l’ordre public de DIP d’Italie la loi anglaise offrant à la mère (seulement) le droit d’introduire une action en justice en vue d’établir la paternité, dans un délai de trois ans à partir de la naissance de l’enfant, et refusant corrélativement à l’enfant majeur le droit de promouvoir une telle action.

[53] L’article 12 al. 2 de la Loi 105/1992 n’a pas été repris par le législateur roumain dans le nouveau Code civil, l’article 2568 al. 2 NCC imposant aujourd’hui comme principe la priorité de la nationalité effective, sans distinguer plus si la nationalité roumaine est ou non en cause: „Si une personne ait plusieurs nationalités, sera appliquée la loi de celui des Etats dont la personne possède la nationalité et avec lequel elle est plus étroitement liée, spécialement par sa résidence habituelle”.

[54] C’est, plus précisément le cas du Maroc et de l’Algérie. Depuis 1998, la Tunisie reconnait la filiation illégitime - v. E. Barraud, «La filiation légitime à l’épreuve des mutations sociales au Maghreb», Droit et cultures, 59, 2010-1, http://droitcultures.revues.org/2118, n° 6 et s.

[55] Ex. C. Ap. Lyon, 12 décembre 2000, JDI 2002, p. 475. L’affaire concernait l’établissement de la filiation d’un enfant né en France, de mère marocaine et père algérien. La Cour d’appel décide que le droit étranger applicable (la loi nationale de la mère), qui ne permet pas l’établissement de la paternité, est contraire à l’ordre public international français ; en même temps, le texte du droit interne français sur les effets de la possession d’état est reconnu d’application immédiate. La Cour de cassation nuance cette position. Dans un arrêt du 25 avril 2007 (Civ. 1ère, RCDIP, 2008, p. 81), la haute juridiction précise que le droit algérien qui ne permet pas l’établissement de la paternité de l’enfant né hors mariage n’est pas contraire à l’ordre public international français ; ce n’est qu’exceptionnellement, lorsque l’enfant est citoyen français ou sa résidence habituelle se trouve en France, que ce mécanisme peut être utilisé pour écarter l’application de la loi étrangère – Civ. 1ère, 10 mai 2006; Civ. 1ère, 10 février 1993, RCDIP 1993, p. 620.

[56] CEDH, 13 février 2003, Odièvre c. France, JCP, 2003.II.10049, note A. Gouttenoire-Cornut et F. Sudre. 

[57] A. Oprea, « Convention européenne des droits de l’homme et l’application des normes étrangères en droit international privé », Revista română de drept internaţional privat şi drept privat comparat, 1/2006, p. 307-340. 

[58] V. I.P. Filipescu, M. Jacotă, op. cit., p. 219, pour une position en même sens. Pour un exemple du droit comparé, v. Cass. Ital., 8 mars 1999, n° 1951, Riv. Dir. Int. Priv. Proc., 2000, p. 130.

[59] Pour un exemple en droit comparé, v. C. Ap. Paris, 5 décembre 1991, Dalloz 1992, p. 290, déclarant contraire à l’ordre public international français une loi yougoslave qui ne permettait pas l’annulation d’une filiation établie par reconnaissance.

[60] V. par exemple l’article 420 al. 1 NCC, qui prévoit que : « la reconnaissance qui ne correspond pas à la vérité peut être contesté à tout moment et par toute personne intéressée »; v. aussi l’article 423 NCC – « Le droit à l’action (en établissement de maternité, notre ajout) est imprescriptible » - et l’article 427 NCC: « Le droit à l’action en établissement de paternité ne se prescrit pas pendant la vie de l’enfant ».


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