Numărul 2 / 2013

QU’EST-CE QU’ON PEUT FAIRE POUR CONTENTER LE CONJOINT SURVIVANT ?[1]

 

Mircea Dan BOB*

 

 

                Résumé : Les parents par le sang ont progressivement perdu du terrain devant le conjoint survivant. Les reformes dans les différents pays européens lui ont octroyé une position patrimoniale de plus en plus solide. Mais, est-ce que ça suffit ? Est-ce que les mesures prises dans son avantage ont réussi lui donner satisfaction ? La réponse sera donnée en étudiant l’exemple paradigmatique de la législation roumaine en matière, en faisant la comparaison avec ses sources et ses modèles.

 

                Mots clés : succession légale, famille, conjoint survivant, code civil

 

 

Le 1er octobre 2011 marque l’entrée en vigueur d’une reforme attendue : celle du code civil roumain. Accomplie après presque douze ans de travail législatif[2], elle remplace le premier code civil roumain moderne, en fonction depuis le 1er décembre 1865. Celui-ci était en grande mesure une traduction fidèle du Code Napoléon, dont les textes en matière de succession lui ont constitué le modèle. On a montré avec une autre occasion[3] comment la commission avait traduit intégralement en roumain le Code Napoléon, tout en essayant le raccorder aux réalités roumaines. Les spécialistes ont sélecté et corrélé ses textes avec le projet de loi sur les mariages élaboré par Barbu Ştirbei (prince qui a régné en Valachie entre 1849-1853 et 1854-1856), avec les rapports envoyés par les tribunaux et avec les observations critiques formulées par Victor Marcadé dans l’Explication du code civil français. Le code promulgué le 19 janvier 1865 avait assemblé les textes français – sélectés et revus d’une manière critique – avec des dispositions inspirées par le projet de code civil italien rédigé sous la direction de Pisanelli, l’ancien droit roumain (quelques coutumes, les Codes Calimaque (Moldavie, 1817) et Caradja (Valachie, 1818) et le projet de Ştirbei antérieurement mentionné) et la loi hypothécaire belge de 1851.

Un aperçu sur le mouvement législatif mondial au domaine des successions nous montre une préoccupation générale pour la confortation du conjoint survivant[4]. Est-ce qu’on peut voir la même chose en Roumanie ?

Le livre dédié par l’ancien code civil roumain aux successions et aux libéralités a été, avec très peu d’exceptions, la traduction fidèle du modèle napoléonien. Cette massive importation législative contient une exception notable, qui intéresse notre propos : l’art. 684 sur les droits de la veuve pauvre, texte unique situé dans une troisième section ajoutée au chapitre destiné aux successions irrégulières. Ce texte et la section le contenant ne trouvent pas d’équivalent dans le modèle français. Pourquoi a-t-on eu besoin d’un tel texte ? Quelle tradition juridique autochtone ou quelles particularités de la société roumaine du XIXème siècle l’ont demandé ? Les réponses à ces questions nous aideront à identifier et à évaluer les solutions proposées par le législateur roumain pour contenter le conjoint survivant.

 

I. En dépit de ses racines romaines postclassiques, le droit coutumier roumain accordait une situation privilégiée au conjoint survivant. La veuve avait les droits successoraux d’un enfant (une portion virile – pro numero virorum), plus l’habitation viagère du foyer[5]. Lors de la réception du droit romano-byzantin (à partir du XIVème siècle), les lois écrites durcirent sa situation[6].

            En Valachie, le Code Ypsilanti (1780) conférait aussi au conjoint survivant femme ou homme, un droit de succession sur les biens de l’autre conjoint, mais sans exiger l’indigence. D’après ce code, la femme qui a eu des enfants avec son mari a droit pour son entretien à une portion virile en usufruit. Mais si les enfants viennent à mourir, la femme, soit qu’elle reste veuve, soit qu’elle se remarie, a droit au tiers des biens en pleine propriété, parce qu’elle a souffert les douleurs de l’enfantement et mis sa vie en danger, à moins qu’elle ne se soit remariée avant l’expiration de son deuil. Le conjoint survivant d’un couple stérile voyait anéantis ses droits dans la succession de l’époux décédé (art. 1-6 chap. XXI).

En Moldavie, l’art. 957 du Code Calimaque disposait : « La veuve qui, ayant des enfants, ne se remarie pas, prendra dans la fortune de son mari défunt la part d’un enfant, en usufruit seulement » [7]; le même traitement était réservé au mari, avec la même exception du remariage.

            « La femme riche qui n’a pas apporté de dot à son mari n’aura pas cette part ; il en est de même du mari qui, étant riche, n’aurait constitué à sa femme aucun avantage nuptial » (art. 958)[8]. « La femme pauvre, ayant jusqu’à trois enfants de son époux, prendra le quart de sa fortune nette en usufruit ; et si elle en a plus de trois, elle ne prendra qu’une portion égale à celle d’un enfant, toujours en usufruit » (art. 959)[9].

            « Si le mari laisse des enfants de sa première femme, la veuve pauvre prendra en pleine propriété, soit le quart de la succession, soit une part proportionnelle au nombre des enfants. S’il laisse, non des enfants, mais d’autres parents, elle prendra invariablement le quart en pleine propriété. Il en est de même du mari pauvre venant à la succession de sa femme » (art. 960).

            Les dispositions du Code Ypsilanti ont passé, avec quelques légers changements, dans le Code Caradja, et ensuite dans le code civil roumain de 1865. Mais le Code Caradja les a bien perfectionné : le survivant, homme ou femme, recevait une portion virile en usufruit en concours avec les descendants et 1/6 en pleine propriété en concours avec les autres parents ; l’absence des parents par le sang lui octroyait toute la fortune (IV.3.17 k et 23).

            Toutes ces réglementations puisaient leur contenu dans les Basiliques de l’empereur Léon VI le Sage, forme actualisée au niveau du IXème siècle du travail législatif justinien. Or, les Novelles 118 et 127 – qui avaient institué un ordre successoral légal fondé uniquement sur la parenté par le sang – avaient été complétées par les Novelles 53 et 117 pour appeler aussi le conjoint survivant. Les anciennes lois écrites roumaines avaient emprunté la solution légale du sixième chapitre de la Novelle 53, conformément auquel la vocation successorale légale était réciproque entre époux, même si le chapitre V de la Novelle 117 avait appelé seulement la veuve pauvre (non plus le veuf) à la succession de son époux prédécédé[10].

            En conclusion, l’ancien droit roumain, coutumier ou écrit, continuateur de l’héritage juridique romain, voyait dans le conjoint survivant un héritier, ayant ses droits successoraux soit en usufruit soit en pleine propriété.

           

II. L’emprunt législatif français fait par le législateur roumain modern a drastiquement altéré le statut successoral du conjoint survivant: héritier irrégulier à côté de l’Etat, il n’héritait (après le 1er décembre 1865) qu’en absence de tout parent par le sang jusqu’au douzième degré (art. 676 et 679 roumain = art. 755 alinéa 1 et 767 Code Napoléon). La commission roumaine a abandonné donc la tradition de notre ancien droit, qui faisait du conjoint un héritier. « Dans ces grandes lignes, […], l’ordre successoral adopté par notre législateur est celui consacré par les Novelle 118 et 127 de Justinien sur les bases de la cognation, et reproduit aussi par note ancienne loi (§.§. 912 et suiv. C.Calim.) et par l’Ancien droit français dans les pays de droit écrit », constatait le professeur yassien Matei Cantacuzino[11].

Un texte spécial a été quand même introduit pour le soulager : l’art. 684[12]. La veuve pauvre a reçu droit à une partie de la succession de son époux prédécédé, même concurremment avec n’importe quels autres héritiers. Ce droit subsistait alors même que, de fait, les époux auraient vécu séparément et que, après la mort du mari, la femme aurait convolé en secondes noces :

 

            « Lorsque le mari meurt en laissant des descendants, la veuve qui se trouve dans l’indigence prend dans sa succession une portion virile en usufruit.

Si le mari a un seul descendant, la femme a droit au tiers de la succession et ce droit commence à la cessation de l’usufruit légal.

Si le mari a laissé des ascendants ou des collatéraux, la femme reçoit en pleine propriété le quart de la fortune du défunt »[13].

           

Le législateur roumain de 1864 a ajouté une troisième section au chapitre consacré aux successions irrégulières ; cette section avait comme article unique le célèbre 684. On voit sans difficulté comment ce texte trouve sa raison historique dans les anciennes coutumes et lois écrites du pays, en descendance directe des Novelles justiniennes. Il conférait à l’épouse pauvre un droit de succession anomale sur les biens de son mari. L’usufruit de la veuve commençait uniquement à la fin de son usufruit légal sur la succession, conféré par l’art. 338 roumain (art. 384 Code Napoléon, modifié en 1984) en présence d’enfants mineurs.

Elle n’avait pas la saisine et n’était pas réservataire ; ne pouvait pas cumuler sa part de succession avec les aliments accordés par l’art. 1279 roumain (art. 1570 &2 Code Napoléon) à toute veuve, aux dépens de la succession du mari, pendant l’année de deuil ; mais elle avait droit pendant ce temps à l’habitation et aux habits de deuil. Le droit d’habitation étant une charge de la succession pesait sur les héritiers, alors même que le défunt aurait légué à sa veuve la maison où il habitait. Mais au lieu du logement, les juges pouvaient – à la requête des héritiers – lui allouer une somme en espèces, appréciée selon les circonstances.

            L’art. 684 du code civil roumain a donné lieu à plusieurs difficultés[14] :

1. quelle nature juridique avait le droit de la veuve pauvre : droit de créance ? droit successoral ? une simple faveur de la loi ? La Cassation roumaine a fini par le considérer comme un droit successoral.

2. en droit de Justinien, la femme était pauvre quand elle n’avait pas apporté une dot lors du mariage[15]. En droit roumain, la constatation de l’indigence restait aux lumières des juges ; en sorte que la femme sera pauvre, quoiqu’elle ait été dotée, si sa dot est insignifiante par rapport à la fortune du mari. L’art. 684 trouvait aussi son application dans le cas où la fortune personnelle de la veuve ne lui permettait pas de maintenir le standard de vie partagé durant le mariage, compte tenu la position sociale des époux.

3. On s’est demandé : comment se calculera la masse des biens sur lesquels la femme prélèvera son droit ?

            Les tribunaux ont décidé que le calcul s’opérera conformément à l’art. 849 roumain (922 Code Napoléon). Cette solution a été formellement adoptée par la loi française de 9 mars 1891, qui a modifié les droits de l’époux sur la succession de son conjoint prédécédé. Mais la solution a été vivement critiquée en Roumanie, parce que, l’art. 849 roumain étant exceptionnel, il ne s’applique qu’au calcul de la quotité disponible et de la réserve, dans les successions dévolues aux héritiers réservataires. Et nous venons de dire que la femme n’a pas de réserve dans la succession de son mari ; elle ne pouvait demander la réduction des libéralités. Elle ne prendra donc sa part que dans les biens existants au moment de la mort du mari, déduction faite des dettes et des libéralités de ce dernier. Si, après ces déductions, il ne reste rien, elle ne prendra rien. Le système du législateur roumain était loin d’être équitable, mais il était le seul juridique eu égard le texte de la loi, tel qu’il est conçu, et aux vrais principes du droit.

           

En conclusion, l’emprunt français dans cette matière – même amélioré par la présence de l’art. 684 – a été une erreur législative[16]. L’importation presqu’ad litteram des textes napoléoniens a généré un traitement successoral dérisoire pour le conjoint survivant. Le code français avait préconisé en 1804 le maintien des biens dans la famille de sang, où le conjoint était un allogène placé à la fin de la dévolution successorale légale. Le code civil roumain de 1864 a opéré donc une rupture brutale avec la tradition selon laquelle il traitait la veuve ou le veuf au même niveau avec les descendants. Le législateur roumain a quand même essayé de réparer les choses en introduisant  l’art. 684. Le texte se présentait comme une solution de continuité avec notre ancien droit ; mais sa rédaction négligente et son insuffisante intégration dans l’économie des autres dispositions successorales d’origine française l’ont malheureusement transformé dans une source de controverses.

On voit pour le moment se préfigurer une conclusion : l’emprunt français et l’abandon de la tradition autochtone non pas été la meilleure solution. On ne saura pas la formuler avant de vérifier l’optique des auteurs contemporains.

 

III. Un des plus importants doctrinaires roumains à l’époque, Alexandre Degré, notait en 1892 sur l’art. 684 : « Est-ce qu’il est un modèle de sagesse ? […] On voit la succession légale comme fondée sur la parenté par le sang, pas sur l’affinité. Les parents jusqu’au 12ème degré constituent la famille, les époux y sont des étrangers. […] mais, si la subtilité juridique exclut les époux de la famille, on voit la réalité et leur volonté présumée leur octroyant un rang de successibilité beaucoup plus important. […] Il existe encore une autre chose sure : on devrait exclure la simple possibilité de débattre sur la pauvreté ou la richesse de l’époux, débat qui porterait atteinte à la dignité du mariage »[17].

Gheorghe Petrescu, conseiller à la Cour de Cassation roumaine, faisait une analyse comparative entre la situation successorale du conjoint survivant en droit romain, ancien droit français, en droit roumain et dans la France lui contemporaine, pour s’interroger:

 « Pourquoi ni la loi française ni notre code n’ont pas reconnu au conjoint survivant un droit de succession quelconque en concours avec les enfants ou avec les ascendants ou des autres collatéraux en degré successible ? pourquoi la loi a été beaucoup plus sévère avec l’époux et beaucoup plus humaine avec les parents fort éloignés [..] ? pourquoi notre législateur a-t-il quitté les dispositions tellement bonnes de nos anciennes lois, quand on voit aujourd’hui comment presque toutes les législations ont admis ou bougent vers l’admission de ce droit ? »[18]

Le père fondateur du droit civil roumain, Dimitrie Alexandresco, écrivait en 1912 : « […] L’époux, qui s’est sacrifié durant toute sa vie se voit soudainement réduit à la plus terrible misère, se voit contraint à frapper à la porte des parents du défunt enrichis, dans la majorité des cas, suite à sont labeur »[19]. Le même auteur continu : « notre code, inspiré par la tradition du passé, vient un peu à l’aide de la veuve pauvre par l’art. 684 ; mais cette disposition, quoique louable, est loin d’être satisfaisante »[20]. Ce texte, « quoi qu’imparfait, représente toutefois un progrès incontestable par rapport au code français dans sa rédaction initiale. Mais le texte de notre code réclame une révision urgente : 1° à cause des antinomies auxquelles il donne lieu; 2° parce qu’il n’offre aucun droit successoral au veuf, la loi étant de ce point de vue inférieure à nos lois antérieures ; 3° parce qu’il confère quelques droits uniquement à la femme pauvre, ce qui conduit plutôt à la mendicité, s’il nous est permis de nous exprimer ainsi ; or, l’épouse qui a travaillé pendant toute sa vie à coté de son mari ne doit point être envisagée comme une mendiante […] ; 4° parce qu’il ne reconnaît de principe à l’époux survivant – homme ou femme – un droit en pleine propriété sur la fortune laissée par l’autre époux, même si le conjoint survivant est le plus légitime héritier du défunt [...] »[21].

Les critiques ont invoqué donc la tradition du droit roumain et le rôle essentiel joué par la femme dans le ménage[22] et confirment la conclusion tirée au paragraphe antérieur. Le transplant législatif, même amélioré par l’art. 684, a été une erreur législative. L’appui affectif et la collaboration patrimoniale de l’époux sont devenus des réalités de plus en plus prégnantes à partir de la fin du XIXème siècle, au fur et à mesure que la famille nucléaire est venue remplacer la famille lignage[23].

 

IV. Quelles ont été les réactions législatives face à cette situation ?

La loi spéciale de 21er Décembre 1916 sur les droit successoraux des veuves des soldats morts dans la guerre a partiellement répondu aux critiques mentionnées ; cette réglementation accordait audites veuves des droits en pleine propriété en concours avec tous les successeurs. Elle a été rééditée, dans un contexte vraisemblable, par la Loi du 1er Juillet 1941.

De cette manière, l’adoption d’une nouvelle loi plus favorable au conjoint survivant était devenue inévitable. Un premier pas dans ce sens avait déjà été fait par la loi du 28 Juin 1921 sur l’impôt progressif sur les successions : elle a limité la vocation en ligne collatérale au quatrième degré (art. 4). Un deuxième pas a raté de peu la reforme complète : le code civil roumain de 1940 reprenait aux articles 840-842 les solutions législatives offertes par le code civil allemand (art. 1931-1932), recommandées dès 1912 par Dimitrie Alexandresco[24] ; les méandres de l’histoire ont malheureusement bloqué son entrée en vigueur.

Enfin, conformément aux dispositions du Décret-loi no. 319 du 10 août 1944 sur les droits successoraux du conjoint survivant, ceci est appelé à la succession en concours avec les héritiers appartenant à chacun des ordres ou seul en leur absence[25]. Sa part (toujours en pleine propriété) varie en fonction des ordres d’héritiers avec lesquels il vient en concours : ¼ avec les descendants, 1/3 ou ½ en concours avec les ascendants et les collatéraux privilégié (selon qu’il s’agit des deux catégories ou d’une seule) et ¾ avec les ascendants et collatéraux ordinaires (art. 1). La réserve du conjoint est toujours de ½ de la part successorale qui lui revient comme successeur légal (art. 2).

            Outre sa part en propriété, le conjoint survivant acquiert les meubles et les objets appartenant au ménage et les donations reçues à l’occasion du mariage (art. 4). Les dernières ont été écartées, faute d’application pratique, par le nouveau code civil. Il pourra aussi être le titulaire d’un droit temporaire d’habitation (d’un an après l’ouverture de la succession) sur le logis commun des époux.

           

V. Pour conclure : la situation successorale privilégiée du conjoint survivant dans l’Ancien droit roumain a été profondément ébranlée par le code civil d’inspiration française entré en vigueur en 1865. La commission roumaine a toutefois adopté un régime partiellement amélioré, en ajoutant l’usufruit (d’inspiration justinienne) de la veuve pauvre. Les nombreuses critiques ont conduit à la reforme de 1944, en accordant au conjoint survivant des droits en pleine propriété et la qualité de réservataire. Cette reforme a été inspirée par le BGB allemand et a été reprise en tant que telle en 2011, dans le nouveau code civil roumain (art. 970-974 et 1088), qui lui a donné aussi la saisine.

Est-ce qu’il est maintenant vraiment content le conjoint survivant ? Difficile à dire, car  - comme Pierre Catala le montrait, la communauté de vie avec le défunt tisse toute une série de liaison patrimoniales autres que la simple expectative successorale[26]. La majorité des roumains sont mariés sous le régime matrimonial de la communauté (qui est le régime de droit commun – art. 312 et 329 nouveau code civil) et la majorité des successions en Roumanie se composent d’un logement et (parfois) d’une voiture achetés en commun pendant le mariage. Le décès d’un des époux entraine la liquidation de la communauté, ce qui conduit déjà la moitié des biens vers le conjoint survivant. Il ajoutera à cette moitié une quote-part successorale, car le code lui permet de venir en concours avec tout autre successeur, légal ou testamentaire (art. 970, 971 et 1087). Il aura déjà une quote-part majoritaire sur le bien le plus claire du patrimoine (l’appartement), qui lui sera attribué en nature lors du partage. On pourra ajouter à tout ca l’existence des pensions diverses, légales ou volontaires, les assurances-vie et d’autre formules de prévoyance, les comptes communs, les dons manuels, les donations indirectes et inobservées etc. Ces sont des aspects pas encore conscientisés par la société roumaine et par ses juristes, car le retour à une économie de marché et à une société libre est encore assez récent. On voit donc un complexe de facteurs qui puissent faire du conjoint survivant le plus garni ou le plus démunis des successeurs.

Est-ce qu’il est content le conjoint survivant ? On a vu comment la législation roumaine des derniers soixante-dix ans a essayé de lui apporter le bonheur patrimonial. Seulement les années qui viendront nous montreront son taux de réussite.

           


[1] La présente étude est financée des fonds du projet de recherches PN-II-ID-PCE-2011-3-0249, n°174/2011, intitulé Evolution of family as a concept and its relevance for the inheritance order – a socio-juridical, religious and philosophical investigation, coordonateur Mircea Dan Bob.

* Maître de conférences, Faculté de Droit, UBB Cluj-Napoca ; mirceabob@law.ubbcluj.ro.

[2] V. pour des détails M. Nicolae, M.D. Bob, La recodification du droit civil roumain en quête de modèle, in “Studia Universitatis Babeş-Bolyai – series Iurisprudentia” no. 2/2008, pp. 115-121, online: http://studia.law.ubbcluj.ro/articol.php?articolId=123 et id., La refonte du code civil roumain et le code civil du Québec, in „La revue du barreau canadien” vol. 88 no. 2 (IX.2010), pp. 445-454, online: http://www.cba.org/cba_barreview/Recherche.aspx?VolDate=09%2f01%2f2010.

[3] V. notamment notre etude Problema codificării civile în România, repere pentru revizuirea codului civil, in « Pandectele româe » no. 1/2003, pp. 170 sqq. et Culture et droit civil en Roumanie (en collaboration avec P. Vasilescu), in Droit et culture – Travaux de l’Association Henri Capitant, Journées louisianaises tome LVIII/2008, Bruylatn & LB2V, Bruxelles & Paris, 2010, p. 255.

[4] U. Spellenberg, C.N. Himonga, K. Adjamagbo-Johnson, Recent developments in succession law, in Law in motion (coord. Roger Blanpain), Kluwer, 1997, pp. 720-736.

[5] G. Fotino, Etude sur la situation de la femme dans l’ancien droit roumain, in « Revue historique de droit français et étranger » no. 1/1931, pp. 52-79.

[6] Al. Otetelişanu, Dreptul de succesiune al soțului supraviețuitor, Bucarest, 1912, pp. 44-58 et 91-93; D. Alexandresco, Explicaţiunea teoretică şi practică a dreptului civil român, Tomul III partea a 2-a (Succesiunile ab intestat), Socec, Bucarest, 1912, pp. 188, 198-200 şi 213; Dem.D. Stoenescu, Observație à C.Ap. Craiova I, déc.no. 151/1923, in „Pandectele Române” 1924.II.33; M.G. Rarincescu, in Curs de drept civil pentru anul IV licenţă. Succesiunile (ab intestate şi testamentare) şi donaţiunile, Bucarest, 1945, p. 117-118; Al. Otetelişanu, Curs de drept civil comparat. Materia specială. Dreptul de succesiune al soţului supravieţuitor în dreptul comparat, (lito), Bucarest, 1947, pp. 79-90; I. Rosetti-Bălănescu, Al. Băicoianu, Drept civil român, vol. III: Regimuri matrimoniale. Succesiuni. Donaţiuni. Testamente, Socec, Bucarest, 1948, p. 252 no. 601; I. Bardoczi, Marchează codul civil din 1864 o evoluție în materia drepturilor succesorale ab intestato ale soțului supraviețuitor?, in SUBB 1/2013, online http://studia.law.ubbcluj.ro/articol.php?articolId=530..

[7] “Văduva care, având copii, nu se va mai recăsători, va lua din averea mortului ei bărbat parte cât un copil, spre întrebuinţare numai. [...]”

[8] "Însă dacă o femeie, fiind bogată, n-au adus zestre în casa bărbatului ei, nu va lua partea aceasta. Asemenea şi bărbatul care, fiind bogat, n-au dat darul nuntesc femeii sale".

[9] "Femeia săracă, având până la trei copii de la mortul ei bărbat, va lua o a patra parte din curată averea lui, spre întrebuinţare; iar de va avea mai mulţi copii, va lua numai partea cât un copil, după analoghie, spre întrebuinţare".

[10] Al. Degré, Văduva săracă, când capătă o parte numai în uzufruct (art. 684 c.c. alin. I şi II), succede ea cu titlu universal ? Când primesce o parte în plinăproprietate (art. 684 alin. III c.c.), răspunde ea ultra vires? […], in Scrieri juridice, vol. I, Gutenberg, Bucarest, 1900, p. 171.

[11] Cantacuzino, op.cit., p. 218-219.

[12] V. M.D. Bob, Succession et famille – Rapport roumain aux Journées roumaines de l’Association „Henri Capitant” des amis de la culture juridique française, in SUBB no. 3/2010, online http://studia.law.ubbcluj.ro/articol.php?articolId=352, no. 5 et in Les successions – Travaux de l’Association Henri Capitant, Journées roumaines, tôme LX/2010, Bruylant, Bruxelles, 2012, pp. 204-205

[13] « Când bărbatul moare şi văduva sa nu are avere, dânsa ia o porţiune virilă în uzufruct, din succesiunea bărbatului, dacă acesta are descendenţi.

Când bărbatul lasă un singur descendent, porţiunea femeii în succesiune va fi numai de a treia parte. Acest drept începe de la epoca încetării uzufructului legal.

Când bărbatul lasă rude de sus sau de alături, atunci femeia succede la o porţiune în plină proprietate din varea mortului ».

[14] V. les détails chez Bardoczi, loc.cit. supra.

[15] C’est ce que les auteurs roumains du XIXème siècle ont cru voir dans les sources historiques de l’art. 684 : les Novelles 53 et 117, les Basiliques (C. 28 t. 12) et le Hexabiblos de Constantin Harmenopoulos.

[16] Al. Otetelişanu, Curs ..., cit.supra, pp. 91 et 158.

[17] Degré, op.cit., pp. 177-178.

[18] G.P. Petrescu, Successiunele vol. I Successiunele regulate séŭ legitime şi successiunele neregulate ..., Tip. Gutenberg, Bucarest, 1895, p. 280.

[19] Alexandresco, op.cit., p. 204.

[20] Id., p. 205.

[21] Id., p. 213-214.

[22] V. aussi M.B. Cantacuzino, Elementele dreptului civil, Cartea Românească, 1921, p. 224; M.G. Rarincescu, Curs de drept civil pentru anul IV licenţă. Succesiunile (ab intestate şi testamentare) şi donaţiunile, Bucarest, 1945, pp. 116-117; Rosetti-Bălănescu, Băicoianu, op.cit., p. 253 no. 603; v. aussi p. 694 no. 1688.

[23] P. Voirin, La famille et l’héritage, în vol. Le maintien et la défense de la famille par le droit, Sirey, 1930, p. 154; Fr. Terré, Y. Lequette, Droit civil. Les successions. Les libéralités, Dalloz, 1997, pp. 15-16, 18, 27-28. Pour la sociologie de la famille en Roumanie, v. M.D. Bob, Probleme de moşteniri în vechiul şi în noul cod civil, Universul juridic, Bucarest, pp. 47-48.

[24] D. Alexandresco, op.cit., p. 188

[25] Voir le bel exposé de motifs contenu dans le Rapport présenté par le ministre de la Justice, publié dans le Moniteur officiel no. 133 du 10 Juin 1944, pp. 4491-4492 et dans la revue „Notariatul public” no. 5-6/1944, pp. 75-76.

[26] P. Catala, La veuve et l’orphelin, in Mélanges Jean-Claude Soyer – L’honnête homme et le droit, LGDJ, 2000, p. 65.


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