Numărul 2 / 2012
ARTICOLELES PRINCIPES EUROPEENS DE LIBRE CIRCULATION - DES LOIS DE POLICE ?[1]
dr. Alina Oprea*
Résumé. L'étude aborde une des facettes de la problématique des rapports entre le droit de l'Union européenne et le droit international privé - l'éventuelle qualification des principes européens de libre circulation comme lois de police. L'examen des arguments qui soutiennent ou qui s'opposent à une telle position révèle qu'un rôle décisif dans le débat est joué par la question de l'effet direct horizontal des dispositions correspondantes du Traité. La jurisprudence de la Cour européenne de justice en la matière permet alors une position nuancée : si cette qualification n'est pas en principe exclue, elle est toutefois strictement encadrée et va opérer en pratique dans des hypothèses plutôt marginales.
Mots clés : droit international privé, droit de l'Union européenne, libertés de circulation, primauté, lois de police, effet direct horizontal
1. Actuelle et complexe, la problématique des rapports entre le droit international privé et le droit de l'Union européenne a fait couler beaucoup d'encre ces dernières années[2]. Des études savantes ont reflété tant le point commun des deux disciplines - les préoccupations convergentes, dans la mesure où chacune d'entre elles tend à gérer l'emprise de la diversité des droits sur les flux transfrontières de biens et de personnes -, que les nombreuses divergences - traduites par exemple dans des objectifs[3] ou outils distincts[4]. Leurs influences réciproques ont également été mises en lumière : parfois le droit européen censure l'intervention des normes nationales de droit international privé lorsque celles-ci conduisent à l'apparition d'une entrave à la libre circulation, d'autres fois, les méthodes du DIP sont employées pour la réalisation des objectifs propres à la construction européenne, ce qui est de nature à bouleverser leur identité ou leur rôle.
2. Une des questions qui a suscité des discussions est celle de savoir si les normes européennes (ou au moins certaines d'entre elles) emploient ou non la méthode des lois de police pour ce qui est de leur application dans l'espace. Elle fera aussi l'objet de la présente étude, avec quelques limitations, qui seront précisés infra. Si la poursuite d'un but fondamental et le domaine spatial délimité en fonction de ce but sont deux des traits les plus particuliers de la méthode des lois de police[5], le parallélisme de conception, de mission et de mise en application de nombreux textes européens faciliterait pour beaucoup une réponse affirmative à cette question[6]: fidèles à la mission capitale qu'elles poursuivent, les lois économiques adoptées au niveau européen sont empreintes d'objectifs spécifiques, liés à la construction du marché intérieur, et nombreuses d'entre elles, dotées d'une impérativité forte, sont aisément qualifiables de fondamentales pour l'ordre juridique de l'Union européenne ; aussi, le plus souvent, leur domaine d'application dans l'espace est fixé par des règles unilatérales[7].
Toutefois, un raisonnement global n'est pas de mise en matière de lois de police, dont le mécanisme « opère individuellement, règle par règle, solution par solution, de manière à assurer à chacune son domaine optimal d'efficacité »[8] ; afin d'éviter le reproche déjà adressé aux internationalistes - celui d'essayer trop souvent de « traduire dans le langage du droit international privé les solutions qui seraient imposées par le droit communautaire »[9], au risque de déformer ou de donner une image erronée des raisonnements qui expliquent l'application des normes de ce dernier - toute démarche d'identification d'éventuelles lois de police européennes exige une dose importante de prudence et de nombreuses distinctions, tracées principalement en fonction du type d'acte en cause et de la force juridique correspondante.
3. Vu le cadre limité de ce travail, on laissera à coté la question de la méthode d'application dans l'espace des normes du droit européen dérivé, qui a fait déjà l'objet d'études d'importance[10]. Si la discussion est principalement portée sur le terrain du droit primaire, une exclusion supplémentaire sera encore opérée dans le chef du droit de la concurrence (art. 101 et 102 TFUE) - domaine où les difficultés sont assez réduites et la qualification « lois de police » presque incontestée, tant dans la jurisprudence[11], que dans la doctrine[12] - pour n'aborder que la question de l'éventuelle qualification de « lois de police » des textes du Traité relatifs aux libertés de circulation.
4. L'ordre juridique de l'Union européenne poursuit la réalisation d'intérêts qui lui sont propres[13] : l'objectif de création du marché intérieur implique l'élaboration des normes destinées à régir les échanges internationaux, inspirées d'une justice particulière - facilitation de la circulation internationale ; les libertés de circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux jouent un rôle fondamental dans la réalisation de cet objectif, elles en sont le « repère central »[14]. Vu ce rôle fondamental, divers auteurs ont affirmé que les textes qui les imposent seraient des lois de police. Ainsi, par exemple, A. Bonomi[15] affirme que ces règles « permissives » qui censurent l'application des normes nationales discriminatoires ou restrictives des libertés de circulation à l'intérieur du marché intérieur ont comme effet la validation des contrats privés qui seraient autrement interdits par les lois nationales et elles doivent être placées dans la catégorie des lois d'application immédiate. Egalement, dans un article intitulé « Conflits de lois et régulation économique : les opérations bancaires », M. Behar-Touchais soutient que les libertés de circulation, par leur nature, seraient des lois de police[16].
5. Cette position peut toutefois être discutée et la présentation, dans la première partie de l'étude, des arguments qui soutiennent ou qui s'opposent à une telle qualification illustre la taille de la controverse (I). Un rôle décisif étant joué par la question de l'effet direct horizontal des dispositions du Traité relatives aux libertés de circulation, la deuxième partie de l'étude sera dédiée à l'examen de la jurisprudence de la Cour de justice en la matière, révélatrice (II). I. Débat sur la qualification de « loi de police » des principes de libre circulation
6. On va s'arrêter sur les idées développées par Mme Martine Behar-Touchais, dans l'article précité. La démonstration est organisée autour de deux idées : la fonction première des libertés de circulation serait d'évincer la loi étatique désignée par une règle de conflit (en matière bancaire) ; ensuite, en raison de l'intérêt supérieur poursuivi, elles auraient vocation à s'appliquer au détriment des lois de police étatiques contraires. Sans remettre en cause ces idées, nous ne croyons toutefois pas au bien-fondé de la démonstration.
7. En vue de démontrer l'intervention des libertés de circulation selon le schéma traditionnel des lois de police, Mme Behar-Touchais part de deux exemples de clauses « marché intérieur », trouvées dans deux textes européens - la directive commerce électronique et la proposition de directive sur le crédit à la consommation - qui offriraient des arguments textuels à cet effet[17]. L'obligation de respect des libertés par les lois désignées par les règles habituelles de conflit y étant inscrite, il est affirmé par la suite que les libertés de circulation n'ont pas un simple effet d'éviction, mais qu'elles s'appliquent aussi à la place de lois évincées (effet positif) ; en effet, selon l'auteur, l'intervention de la loi du pays d'origine, loi qui n'est pas forcement dotée d'une impérativité particulière, serait « comprise (subsidiairement) dans la liberté de circulation », elle seule étant d'application nécessaire : « Donc, si la liberté de circulation doit toujours être respectée (et elle l'est quand la loi du pays d'accueil ne constitue pas une entrave à cette liberté), la loi du pays d'origine n'a pas toujours à l'être (notamment quand la loi du pays d'accueil n'est pas une entrave à la libre circulation). Donc, la seule législation qui soit d'application nécessaire est celle qui consacre la liberté de circulation »[18].
8. Pour ce qui est de la seconde idée, Mme Behar-Touchais soutient, à partir d'exemples pris en matière des prêts hypothécaires[19] et de rémunération des comptes à vue[20], que la mission particulière des libertés de circulation les érige en lois de police. Le fait que les lois de police traditionnelles peuvent autolimiter leur champ d'application dans l'espace, en déterminant les situations internationales auxquelles elles entendent s'appliquer, expliquerait d'ailleurs le fait que les libertés de circulation érigées en lois de police européennes prétendent application seulement lorsque le commerce ou les entreprises européennes sont en cause. La conséquence de la qualification des libertés de circulation comme lois de police, poursuivant des intérêts supérieurs, serait, selon Mme Behar-Touchais, que les lois de police nationales restrictives doivent rester inappliquées dès lors qu'elles ne répondent pas au test de l'intérêt général, tel que défini par la Cour de justice. Les règles européennes opèrent comme des contre-limites aux lois nationales restrictives, leur mission est celle de « protéger la loi applicable en vertu de la règle de conflit de lois ». Dans cette prétention des normes européenne et nationale de s'appliquer, l'auteur voit un simple conflit de lois de police, qui doit être tranché par les juges en recherchant laquelle des deux lois de police en cause, celle de source européenne ou celle de source nationale, a plus de titres à se voir appliquée.
9. Le premier argument que l'on pourrait invoquer contre cette assimilation pure et simple des libertés de circulation aux lois de police réside dans le fait qu'on ne doit pas confondre la primauté d'un texte avec le mécanisme des lois de police. La primauté est une notion que relève du droit constitutionnel et elle vise le rang hiérarchiquement supérieur que l'ordre juridique étatique reconnaît à certaines normes internationales[21]. Elle intervient en dehors de tout raisonnement de droit international privé et ne devrait pas être confondue avec les lois de police[22]. L'on n'est pas dans un contexte de conflit de lois, dans lequel une loi de police viendrait imposer son application malgré la désignation, par la règle de conflit compétente, d'une certaine loi applicable ; tout est un problème de supériorité formelle de la norme européenne, qui trouve ainsi application.
10. Un autre contre-argument tient au fait que dans le champ d'application qu'elles se réservent, les lois de police interviennent automatiquement, dans tous les cas, quelle que soit la loi applicable. Or, aux principes imposant des libertés de circulation, ce caractère automatique manque ; ceux-ci ne jouent effectivement que lorsque la loi contrôlée peut être considérée une entrave à la libre circulation ; elles ne font que s'opposer à certaines dispositions, considérées restrictives. Si la liberté de circulation intervient dans un certain cas déterminé, son effet n'est pas similaire à celui d'une loi de police : alors que la loi de police ne vise que sa propre application, la mission des libertés de circulation est de permettre l'application d'une loi autre que celle rendue applicable suite à l'intervention des règles de droit international privé, mais considérée restrictive[23].
11. Un autre argument qui s'oppose à la qualification automatique des libertés de circulation en lois de police concerne l'impossibilité de transposer automatiquement aux libertés de circulation le raisonnement rencontré dans le domaine du droit européen de la concurrence (101 et 102 TFUE). Entre les deux catégories de normes il y a une différence importante : dès le début de la construction européenne, les articles 101 et 102 TFUE (ex. 81 et 82 CE) - ont eu comme but de règlementer des relations entre entreprises (des particuliers). Ils ont ce qu'on appelle un effet direct horizontal[24]. Tel n'est pas le cas pour les articles du Traité relatifs aux libertés de circulation ; ceux-ci ont été destinés aux Etats membres, leur but a été celui de règlementer les comportements des Etats à l'occasion de l'exercice de leur pouvoir législatif. Comme les lois de police visent traditionnellement les comportements des particuliers, apparaît une incompatibilité absolue, qui pencherait décisivement la balance en faveur des arguments qui condamnent la qualification de loi de police pour les principes européens de libre circulation. §2. Condition particulière de la qualification : l'effet direct horizontal
12. Distinction. S'arrêter en ce point avec la discussion serait toutefois une erreur, car des distinctions supplémentaires s'imposent. En effet, l'idée exposée en dernier au point précédent connaît quelques nuances : si pendant longtemps la Cour de justice a maintenu une ligne stricte de démarcation entre les règles sur la concurrence, destinées aux entreprises et celles sur les libertés de circulation, destinées aux Etats[25], avec le temps, il est devenu clair que cette séparation stricte générait des lacunes dans l'application du droit européen et la jurisprudence de la Cour a enregistré une évolution. Dans certaines circonstances, on a vu les articles 101 et 102 TFUE appliqués aux comportements des Etats[26] et les règles sur la libre circulation interprétées comme imposant des obligations aux particuliers[27].
Ce dernier aspect nous intéresse particulièrement dans le contexte de notre analyse des libertés de circulation comme des éventuelles lois de police. Dans la mesure où ces libertés interviendraient pour régir les comportements des particuliers, pour affecter des rapports de droit privé (sans censurer l'application d'une telle ou telle loi nationale), le principal obstacle face à leur qualification comme lois de police serait dépassé. Un survol de la jurisprudence européenne en la matière permet de constater que la Cour de justice n'est pas allée partout avec la même vitesse. L'effet direct horizontal étant une condition sine qua non de la qualification des textes correspondants comme « lois de police », nous allons insister sur cette jurisprudence - clé de réponse à la question qui nous préoccupe. A. Effet direct horizontal des articles 45, 49 et 56 TFUE sur la liberté de circulation des travailleurs, la liberté d'établissement et la libre prestation de services13. A l'occasion de nombreuses affaires dans lesquelles s'est posé le problème de l'effet direct horizontal des libertés de circulation, la Cour a dû se prononcer ensemble sur les articles [45, 49 et 56 TFUE], ce qui nous permet d'affirmer une similarité de régime. On va présenter en quelques lignes la position de la Cour dans les affaires Walrave, Bosman, Angonese, révélatrices.
14. Affaire Walrave et Kock. La première décision sur la question de l'effet horizontal des libertés de circulation, Walrave et Kock, a été rendue en 1974 dans un litige qui opposait deux entraineurs de cyclisme à l'Union cycliste internationale (association privée), à propos d'une norme établie par cette dernière et alléguée discriminatoire[28]. Dans son argumentation, la Cour rejette très vite l'affirmation selon laquelle les articles [18, 45, 56 TFUE] feraient référence seulement aux entraves qui ont leur origine dans des actes des autorités publiques (§15). Elle invoque le besoin d'assurer un effet utile aux dispositions du Traité[29] et leur application uniforme[30] et, prenant appui sur la formulation générale des textes, décide de façon non-équivoque que les dispositions du Traité sur la libre circulation des travailleurs et la libre prestation des services ne visent pas seulement l'action des autorités publiques, mais s'étendent aussi à de normes de toute autre nature ou source, du moment où elles régissent de façon collective le travail salarié et les prestations de services (§17). Cette position a été confirmée depuis[31].
Affaire Bosman. Dans l'arrêt Bosman, rendu en 1995, la Cour se montre encore plus ouverte : dans un litige opposant M. Bosman, joueur professionnel de football, à son club, à la fédération belge de football et à la fédération européenne de football (UEFA), à propos des règlementations édictées par les dernières sur le transfert interclubs de joueurs, c'est la première fois que la Cour de justice affirme que les dispositions du Traité relatives à la libre circulation des travailleurs sont applicables dans un litige entre deux parties privées concernant une mesure non discriminatoire, mais qui entravait la libre circulation[32]. L'affirmation a été réitérée, sans que la Cour conclue toutefois à une violation du droit européen[33].
Affaire Angonese. Même après la décision Bosman, des doutes subsistaient encore sur le point de savoir si l'interdiction de l'article [45 TFUE] visait seulement les règlementations collectives ou pouvait intervenir en cas de tout type de mesure privée (restrictive)[34]. La décision qui les soulève est Angonese[35]. Le litige en cause opposait un ressortissant italien ayant l'allemand comme langue maternelle à une banque privée italienne, à propos de l'exigence imposée par celle-ci aux candidats à un concours, de présenter un certificat spécifique de bilinguisme délivré (exclusivement) par les autorités publiques de Bolzano. Bien que M. Angonese n'ait pas été en possession du certificat, il était parfaitement bilingue et titulaire d'autres diplômes qui témoignaient de son bilinguisme. L'accès au concours lui a été refusé et, de ce fait, il a entamé le litige finalement présenté devant la Cour de justice. S'inspirant d'un paragraphe de la décision Defrenne[36] et faisant une parallèle avec l'article [157 TFUE] sur l'égalité de traitement salarial des hommes et des femmes, celle-ci décide que l'article [45 TFUE] doit être vu comme s'appliquant aussi aux rapports entre personnes privées, aux comportements des parties restreignant la libre circulation[37]. La décision a été confirmée depuis : « la prohibition de la discrimination s'impose également à toutes conventions visant à régler de façon collective le travail salarié, ainsi qu'aux contrats entre particuliers » [38].
15. Extension de cette position pour la liberté d'établissement et la libre prestation de services. Même si les solutions ci-dessus présentées concernent principalement la libre circulation des travailleurs, elles peuvent être transposées dans le contexte de la libre prestation de services et de la liberté d'établissement. Par exemple, dans l'affaire Walrave, la Cour de justice affirmait que les activités visées par l'article [56 TFUE] ne se distinguent pas de celles visées à l'article [45 TFUE] par leur nature, mais seulement par la circonstance qu'elles sont exercées en dehors des liens d'un contrat de travail et que cette seule différence ne saurait justifier une interprétation plus restrictive du champ d'application du premier texte[39]. Aussi, la raison décisive ayant conduit dans l'affaire Angonese à l'effet direct horizontal de la disposition sur la libre circulation des travailleurs - l'analogie entre l'article [45 TFUE] et l'article [157 TFUE] - peut être transposée sans difficultés dans le domaine des services ou de la liberté d'établissement, à propos des articles [56 TFUE et 49 TFUE] qui, tout comme l'article [45 TFUE], ont une nature impérative, établissent des libertés fondamentales et constituent des applications spécifiques du principe général d'interdiction des discriminations prévu à l'article [18 TFUE][40].
16. On trouve des applications de cette solution dans deux affaires de 2007, très connues, Viking[41] et Laval[42], dans lesquelles, étant appelée à se prononcer sur la légalité, au regard de l'article [49 TFUE] (liberté d'établissement) ou [56 TFUE] (libre prestation de services) des actions collectives menées par des syndicats finlandais et suédois (contre des employeurs finlandais et estoniens), la Cour de justice a admis que les syndicats, personnes privées, sont directement et effectivement tenus au respect des libertés de circulation. On ne se propose pas ici de s'arrêter sur le bien-fondé des justifications utilisées par la Cour de justice pour soutenir cette ligne jurisprudentielle[43]. Ce qui nous intéresse plutôt est que par sa position, la Cour a étendu la compétence européenne dans la sphère du droit privé, traditionnellement attribuée aux Etats membres. L'application des règles sur la libre circulation des personnes aux comportements des personnes privées se traduit pour celles-ci dans des obligations particulières, supplémentaires, dans un plus d'impérativité qui doit être respectée. La qualification « loi de police » peut alors être retenue.
17. Champ d'application. La question qui vient naturellement à l'esprit est celle du champ d'application spatiale de ces dispositions. De plus en plus fréquemment, la doctrine parle de « la double internationalité interne et externe du droit communautaire »[44] pour évoquer deux types de situations internationales : d'un côté, celles rattachées seulement aux Etats membres (internationalité interne) et, d'un autre, celles présentant des liens également avec des pays non membres (internationalité externe). Si les premières représentent le domaine naturel des libertés de circulation, il n'est pas pour autant exclu que celles-ci interviennent aussi dans les relations d'internationalité externe[45].
Affaire Walrave. Dans l'affaire Walrave citée plus haut, la Cour de justice devait répondre à la question de savoir si le principe de non discrimination (qui est à la base des articles [45 et 56 TFUE]) pouvait s'appliquer « à des rapports juridiques établis dans le cadre des activités d'une fédération sportive d'envergure mondiale » (§26), donc à des rapports rattachés aussi à des Etats non européens. La Cour affirme le caractère impératif de la règle de non-discrimination et précise ensuite que celle-ci s'impose à tous les rapports juridiques qui peuvent être localisés sur le territoire de la Communauté, « en raison soit du lieu où ils sont établis, soit du lieu où ils produisent leurs effets »[46]. La décision Walrave n'est pas la seule rendue sur ce point[47]. Cette solution sur le champ d'application spatiale des libertés de circulation est ainsi similaire à celle pratiquée en droit européen de la concurrence[48]. B. Négation de l'effet direct horizontal des articles 34 et 35 TFUE sur la libre circulation des marchandises
18. A la différence de ce qui s'est passé en matière de libre circulation des travailleurs, de liberté d'établissement ou libre prestation de services, les juges européens se sont orientés vers la négation de l'effet direct horizontal des articles 34 et 35 TFUE (ex. 28 et 29 CE) établissant la libre circulation des marchandises. Les prises de position des Avocats généraux expliquent ce choix.
19. Evolution de la jurisprudence. L'évolution de la jurisprudence de la Cour à propos de la libre circulation des marchandises a été l'inverse de celle précédemment constatée en matière de libre circulation des personnes. Dans une affaire de 1981, Dansk Supermarked[49] concernant un litige entre deux sociétés au sujet de la méconnaissance d'une interdiction de vente transfrontière imposée conventionnellement, la Cour avait commencé par affirmer un tel effet direct horizontal. On pouvait lire dans le §17 de la décision : « il importe de faire remarquer, au surplus, qu'en aucun cas, des conventions entre particuliers ne sauraient déroger aux dispositions impératives du Traité relatives à la libre circulation des marchandises. Il en résulte qu'une convention portant interdiction d'importer, dans un Etat membre, une marchandise licitement commercialisée dans un autre Etat membre ne saurait être invoquée ou prise en considération pour qualifier l'écoulement de cette marchandise comme une pratique commerciale irrégulière ou déloyale ».
20. Cette décision, considérée comme affirmant l'effet direct horizontal de l'article [34 TFUE][50], n'a pas été toutefois depuis citée par la Cour dans d'autres affaires. Bien au contraire, les juges européens se sont s'orienté vers la position opposée - refus d'effet direct horizontal de ce texte. Dans une affaire Vlaamse Reisbureau's de 1987, concernant la compatibilité avec l'article [34 TFUE] d'une loi belge sur les pratiques commerciales des agents de tourisme et sur les accords entre les tour-opérateurs et les agents de tourisme, elle a statué explicitement : « étant donné que les articles 30 et 34 du Traité ne visent que des mesures publiques et non des comportements d'entreprises, seule la compatibilité avec ces articles de dispositions nationales du type de celles en cause dans l' affaire au principal doit être examinée » [51]. Cette position a été confirmée depuis dans sa jurisprudence[52].
21. Position des Avocats généraux. Avec l'argument que l'applicabilité des articles [34 et 35 TFUE] aux relations entre des parties privées perturberait inévitablement la relation entre les règles sur la libre circulation des marchandises et celles sur la concurrence, les Avocats généraux également refusent l'effet direct horizontal à ces textes. Par exemple, dans ses conclusions sur l'affaire Van Tiggele[53], l'Avocat général Capotorti affirmait: "there is an important distinction between articles 28 and 29 on the one hand and Articles 81 and 82 on the other, not only with regard to those subject to the prohibition, but also with regard to the nature of the behaviour which is prohibited". Alors que les mesures des autorités entravant le commerce entre les Etats membres sont, par leur nature, incompatibles avec la libre circulation des marchandises en raison de la restriction qu'elles réalisent, les accords entre les parties privées sont considérés comme portant atteinte aux règles sur la concurrence seulement s'ils affectent sensiblement le commerce entre les Etats membres et ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence sur le marché européen..
De même, les deux jeux d'articles ont des champs d'application différents : les articles 101 et 102 TFUE s'appliquent seulement aux entreprises privés (et non à toute personne privée), ils visent seulement certains types de comportements (accords, ententes, pratiques concertées et l'abus de position dominante), et interviennent en cas d'atteinte sensible à la concurrence ; en revanche on ne retrouve pas les deux dernières limitations pour ce qui est des articles 34 et 35 TFUE. Si la Cour décidait d'appliquer ces derniers textes également dans les relations entre parties privées, on arriverait à une extension énorme de leur portée, rendant pratiquement inutiles les articles 101 et 102 TFUE. D'ailleurs, cette extension ne serait pas nécessaire ; certaines des explications de l'avocat général Poiares Maduro dans ses conclusions sous l'affaire Viking[54] sont clarificatrices: «...En revanche, dans de nombreuses circonstances, les acteurs privés ne réussissent simplement pas à exercer une influence suffisante pour empêcher d'autres acteurs de jouir de leurs droits à la libre circulation. Le cas d'un commerçant qui refuse d'acquérir des marchandises provenant d'autres Etats membres ne serait pas susceptible d'entraver le fonctionnement du marché commun. En effet, les fournisseurs provenant d'autres Etats membres auraient encore la possibilité de commercialiser leurs marchandises par d'autres canaux. En outre, le commerçant pâtirait, selon toute vraisemblance, de la concurrence de détaillants qui auraient moins de scrupules à acheter des marchandises étrangères et qui, de ce fait, pourraient offrir aux consommateurs des prix moins élevés et un choix plus vaste. Cette perspective seule suffirait probablement à dissuader des comportements de ce genre. Donc, le marché « s'en chargera ». Dans ces conditions, rien ne justifie l'intervention du droit communautaire »[55].
22. La négation dans la jurisprudence européenne de l'effet direct horizontal des dispositions du Traité sur la libre circulation des marchandises, ajoutée aux arguments présentés plus haut, permet d'affirmer que la qualification loi de police ne peut pas être retenue pour les articles 34 et 35 TFUE. Si ces textes interviennent parfois dans des litiges privés, leur effet n'est pas celui de règlementer directement les comportements des particuliers, mais de censurer en vertu du principe de primauté, d'éventuelles lois nationales restrictives du commerce intra-européen.
C. Silence de la jurisprudence sur la question de l'effet direct horizontal de l'article 63 TFUE en matière de libre circulation des capitaux
23. Pour ce qui est de la libre circulation des capitaux, la Cour de justice n'a pas eu, à notre connaissance, l'occasion de se prononcer, du moins directement, sur la question de l'effet direct horizontal de l'article 63 TFUE. Toutefois, l'arrêt Commission c. Allemagne[56], concernant la loi allemande relative aux limitations du droit de vote dans la société Volkswagen, est parfois invoqué en doctrine comme argument en faveur du refus de consécration d'un tel effet direct horizontal[57]. Rapportée à la question qui nous préoccupe, cette position implique, tout comme en matière de libre circulation des marchandises, l'impossibilité de qualifier l'article 63 TFUE de loi de police.
24. Conclusion. Vu les distinctions établies par la Cour de justice dans sa jurisprudence à propos de l'effet direct horizontal des dispositions du Traité relatives aux libertés de circulation, la question de savoir si le mécanisme qui dicte leur application dans l'espace est celui des lois de police impose une réponse nuancée. Les articles 34 et 35 TFUE, de même que l'article 63 TFUE (si la position présentée ci-dessus sera confirmée par la Cour) n'interviennent jamais pour régir les comportements des particuliers, ils ne pourront pas être qualifiés de lois de police. Pour ce qui est des articles 45, 49 et 56 TFUE, la solution passe par l'analyse des circonstances concrètes de chaque litige. Même invoqués par des particuliers, ces textes censurent dans la plupart de cas les lois restrictives des Etats membres ou d'autres collectivités publiques ayant un pouvoir normatif; en ces hypothèses, tout comme pour les articles 34, 35 et 63 TFUE, leur application ne s'explique aucunement par la mise en œuvre d'un mécanisme de droit international privé (celui des lois de police), mais a comme fondement les principes de la hiérarchie des normes - la primauté du droit européen sur le droit national. Ce n'est que plus exceptionnellement, lorsque le litige se déroule entre parties privées et une invoque à l'encontre de l'autre une liberté de circulation, que l'application de cette dernière pourrait s'analyser comme l'intervention d'une loi de police : le texte correspondant du Traité régit alors directement des relations entre des personnes privées et la prise en compte des objectifs particuliers poursuivis, doublée de la démarche unilatérale du législateur européen, légitimerait l'analyse en termes de police.
[1] Prezentul studiu este finanţat dintr-un grant de cercetare CNCSIS, Competiţia 2008, IDEI, cod proiect 2442, coordonator conf. univ. dr. Dan Andrei Popescu. * Asist.univ., FSEGA din cadrul UBB Cluj-Napoca; alinaxoprea@yahoo.fr. [2] V. L. Idot, « L'incidence de l'ordre communautaire sur le droit international privé », LPA, 12 décembre 2002, n° 248, p. 27 ; A. Fuchs, H. Muir-Watt, E. Pataut (dir.), Les conflits de lois et le système juridique communautaire, Dalloz, 2004 ; M. Audit, H. Muir-Watt, E. Pataut (dir.), Conflits de lois et régulation économique. L'expérience du marché intérieur, LGDJ, 2008 ; M.P. Puljak, Le droit international privé à l'épreuve du principe communautaire de non-discrimination en raison de la nationalité, PUAM, 2003; J. Heymann, Le droit international privé à l'épreuve du fédéralisme européen, Economica, 2010. [3] Alors que le droit européen est orienté vers la réalisation du marché intérieur, « espace sans frontières intérieurs dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services, des capitaux est assurée » (article 14§3 CE) et tend à éliminer les entraves à libre circulation, en revanche, le droit international privé, tout en ayant pour fonction de résoudre les conflits des législations potentiellement applicables, n'est pas destiné exclusivement à neutraliser les inconvénients qui résultent pour les parties de la diversité des ces lois - v. M. Fallon, « Libertés communautaires et règles de conflit de lois », in (dir.) A. Fuchs, H. Muir-Watt, E. Pataut, Les conflits de lois..., op. cit., p. 34, n° 4. [4] Alors que le droit international privé vise des catégories telles le statut personnel, le statut réel, les contrats, les délits..., le droit européen est concerné par les marchandises, les personnes, les services, les capitaux - v. L. Idot, « L'incidence de l'ordre communautaire sur le droit international privé », op. cit., p. 27, sp. n° 11. [5] Sur la problématique générale des lois de police, v. Ph. Francescakis, « Quelques précisions sur les « lois d'application immédiate » et leurs rapports avec les règles de conflit de lois », RCDIP, 1966, p. 1-18 ; « Lois d'application immédiate et règles de conflit », Riv. dir. int. priv. proc., 1967, p. 691-698 ; N. Nord, Ordre public et lois de police en droit international privé, thèse, Université Robert Schuman, Strasbourg, 2003 ; B. Remy, Exception d'ordre public et mécanisme des lois de police en droit international privé, Dalloz, 2008. V. aussi note étude: «Legile de poliţie în Regulamentul european Roma I privind legea aplicabilă obligaţiilor contractuale », RRDP, 3/2010, p. 96 et s. [6] V. par exemple en ce sens H.U. Jessurun d'Oliveira, "Towards A 'European' Private International Law?" in B. De Witte, C. Forder (eds.),The common law of Europe and the future of legal education, Deventer, Kluwer Law and Taxation Publishers, 1992, p. 265, sp. p. 275: "In the framework of general principles of private international law, Community law, or at least a part of it, can be seen as an example of règles d'application nécessaire, Sonderanknupfung, directly applicable rules, either of the basis of legislative scope rules or not. Thus, they may find their application in many instances through Article 7 s. 2 of the Rome Convention 1980 on the law applicable to contractual obligations". [7] V. L. Idot, « Le domaine spatial du droit communautaire des affaires », Communication au TCFDIP, 25 novembre 1992, TCFDIP, Pédone, 1994, p. 145 et s., sp. p. 148, nº 10. [8] B. Ancel, Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 5e éd., 2006, Dalloz, Paris, n˚ 53 (CE, 29 juin 1973, Syndicat général du personnel de la Compagnie des wagons-lits), p. 487, sp. p. 493. [9] J.S. Bergé, « L'avenir communautaire du droit international privé des conflits de lois », op. cit., p. 206, sp. p. 210. [10] Pour une analyse du point de vue des méthodes de droit international privé des rattachements trouvés dans le droit dérivé, v. principalement S. Francq, L'applicabilité spatiale du droit communautaire dérivé au regard de la théorie générale du droit international privé, Bruylant, LGDJ, 2005, et notre Compte rendu sur cet ouvrage, à Revista română de drept internaţional privat şi drept privat comparat, 1/2006, p. 761. [11] V. en France, C. Ap. Paris, 1re ch. Suppl., 19 mai 1993, Sté Labinal c. Sté Mors et Westland Aerospace, RA, 1993, p. 645, note C. Jarosson ; JDI, 1993, p. 957, note L. Idot; RTD com. 1993, p. 494, obs. E. Loquin, arrêt affirmant expressément le caractère de loi de police de l'article [101 TFUE] ; en droit européen, v. CJCE, 25 novembre 1971, Béguelin Import / G.L. Import Export, note R.K., JDI, 1973, p. 530-534, typique d'une démarche en termes de lois de police. [12] V. Segre, "Il diritto comunitario delle concorrenza come legge di applicazione necesaria", in Riv. Dir. Int. Priv. Proc., 1979, p. 75 et s.; L. Idot, « Les conflits de lois en droit de la concurrence », JDI, 1995, p. 321 ; H. Batiffol, P. Lagarde, Droit international privé, t. 1, 8ème éd., 1993, nº 251, p. 296 ; B. Goldman, Le champ d'application territorial des lois sur la concurrence, RCADI, t. 128, 1969, III, p. 719 et s. ; F. Deby-Gérard, Le rôle de la règle de conflit dans le règlement des rapports internationaux, 1973, p. 84 ; A. Toubiana, Le domaine de la loi du contrat en droit international privé (contrats internationaux et dirigisme étatique), thèse, 1972, p. 151 et 157 et s. [13] Sur ceux-ci, v. M. Fallon, Les conflits de lois et de juridictions dans un espace économique intégré... , op. cit., p. 31-33, nº 4. [14] S. Poillot Peruzzetto, M. Luby, Le droit communautaire appliqué à l'entreprise, Paris, Dalloz, 1998, p. 98, nº 208 ; V., par exemple, CJCE, 21 septembre 1999, C-307/97, St. Gobain, affirmant le statut de « disposition fondamentale de l'ordre juridique communautaire » de l'article 43 CE (actuel article 49 TFUE). [15] A. Bonomi, Le norme imperative nel diritto internazionale privato. Considerazioni sulla Convenzione europea sulla legge applicabile alle obbligazioni contrattuali del 19 giugno 1980 nonché sulle legge italiana e svizzera di diritto internazionale privato, Zürich, 1998, p. 122. [16] M. Behar-Touchais, « Conflits de lois et régulation économique : les opérations bancaires », in Conflits de lois et régulation économique. L'expérience du marché intérieur, op. cit., p. 75 et s. [17] « Les dispositions du droit applicable désigné par les règles du droit international privé ne doivent pas restreindre la libre prestation de services de la société de l'information telle que prévue par la présente directive » - seconde phrase du considérant 23 de la directive commerce électronique ; « ...sans préjudice des mesures nécessaires et proportionnées qu'ils peuvent adopter pour des raisons de politique des pouvoirs publics, les Etats membres ne réduisent pas les activités des préteurs établis dans un autre Etat membre qui opèrent sur leur territoire conformément à la présente directive, au titre soit de la liberté d'établissement, soit de la libre prestation de services » - article 21§2 de la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux contrats de crédit aux consommateurs modifiant la directive 93/13/CE du Conseil, COM [2005] 483 final ; dans le texte final de la directive, cette clause ne figure plus. [18] M. Behar-Touchais, « Conflits de lois ... », op. cit., p. 75, sp. p. 83-84 (nº 213). [19] Affaire Parodi, CJCE, 9 juillet 1997, C-222/95, sur laquelle v. P. Lutz, « La législation française sur le crédit à l'épreuve du droit communautaire », Banque et Droit, nº 56, novembre -décembre 1997, p. 18. [20] Affaire Caixa Bank, CJCE, 5 octobre 2004, C-442/02, Europe, 2004, comm. 402, obs. L. Idot. [21] En droit européen, le principe de primauté a été formulé par la Cour de justice avec la décision Costa c. ENEL (CJCE, 15 juillet 1964, aff. 6/1964) : « Cette intégration au droit de chaque pays membre de dispositions qui proviennent de source communautaire, et plus généralement les termes et l'esprit du Traité, ont pour corollaire l'impossibilité pour les Etats de faire prévaloir, contre un ordre juridique accepté par eux sur une base de réciprocité, une mesure unilatérale ultérieure qui ne saurait ainsi lui être opposable ; ... la force exécutive du droit communautaire ne saurait, en effet, varier d ' un Etat à l'autre à la faveur des législations internes ultérieures, sans mettre en péril la réalisation des buts du traité ; ... il résulte de l'ensemble de ces éléments, qu'issu d'une source autonome, le droit né du Traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu'il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même; que le transfert opéré par les Etats, de leur ordre juridique interne au profit de l'ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du Traité, entraine donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de communauté ». [22] V. pour une observation similaire à propos des rapports entre le principe de primauté du droit européen et l'exception d'ordre public international, D. Boden, L'ordre public : limite et condition de la tolérance - recherches sur le pluralisme juridique, thèse, Paris 1, 2002, n° 274, p. 347-348. Egalement, dans un autre contexte, L. Gannagé, L'hiérarchie des normes et les méthodes du droit international privé. Etude de droit international privé de la famille, LGDJ, 2001, p. 271 et s., n˚ 370 et s. [23] Vu ce caractère, certains auteurs ont vu dans les libertés de circulation plutôt des règles de conflit cachées, dictant l'application de la loi du pays d'origine (v. J. Basedow, « Der Kollisionsrechtliche Gehalt des Produkt freiheiten im europaischen Binnenmarkt: favor offerentis », RabelsZ, 59, 1995, p. 1, compte rendu par P. Lagarde, RCDIP, 1996, p. 853; S. Grundmann, « Binnenmarktkollisionsrecht - vom Klassischen IPR zum Integrationsordung », RabelsZ, 2000, p. 469 ; M. Wolff, « Privates Bankvertragsrecht im EG-Binnenmarkt », Wertpapier Mitteilungen, 1990, p. 1941 - auteurs cités par M. Fallon et J. Meeusen, « Private International Law in the European Union and the Exception of Mutual Recognition », Yearbook of PIL, 2002, p. 37-66, sp. p. 51, note 49 ; v. aussi, pour une position similaire, L. Radicati di Brozolo, « L'influence sur les conflits de lois des principes de droit communautaire en matière de libre circulation », RCDIP, 1993, sp. p. 408-409), position qui s'expose toutefois à la critique : les libertés de circulation ne servent pas seulement les intérêts des fournisseurs des biens et des services, mais également ceux des clients, elles peuvent censurer non seulement les lois des pays de destination, mais également ceux des pays d'origine ; aussi, l'intervention des libertés de circulation ne remet pas en cause les règles de conflit des Etats membres (sauf éventuellement dans les hypothèses où celles-ci se révèlent discriminatoires), mais contrôlent a posteriori les lois substantielles désignées par celles-ci - v. en ce sens, L. Idot, in « L'incidence de l'ordre communautaire sur le droit international privé », op. cit., p. 31, nº 23 : « le contrôle ne s'exerce (...) qu'en aval sur la loi désignée par la règle de conflit. Le droit communautaire tient pour acquis le jeu de la règle de conflit pertinente, mais en adapte éventuellement le résultat » ; M. Fallon, « Libertés communautaires et règles de conflit de lois », op. cit., p. 62, nº 30. Sur l'impossibilité de déduire le principe du pays d'origine des libertés de circulation instituées par le Traité, v. aussi, M. Audit, « Régulation du marché intérieur et libre circulation des lois », JDI, 2006, p. 1333 et s. [24] Selon la doctrine de l'effet direct, les normes européennes créent des droits et obligations pour les individus et peuvent être invoquées directement devant le juge national par ceux-ci (CJCE, aff. 26/62, 5 février 1963, Van Gend en Loos); l'effet direct est vertical si la norme européenne peut être invoquée dans un litige entre un individu et un Etat membre et horizontal si elle peut l'être dans un litige entre deux particuliers. L'effet direct ne doit pas être confondu avec l'applicabilité directe ou l'immédiateté, qui désigne le fait que le droit européen s'intègre de plein droit et en tant que tel dans l'ordre juridique interne des États membres, sans que sa pénétration dans les ordres juridiques nécessite des actes de réception intermédiaires (CJCE, 15 juillet 1964, aff. 6/64, Costa c. ENEL). [25] CJCE, 5 avril 1984, aff. 177-178/82, Criminal proceedings against Van de Haar and Kaveka de Meern. [26] CJCE, 16 novembre 1977, aff. 13/77, GB-INNO-BM v. ATAB, §29-33 : « ...le but énoncé à l'article 3f) est précisé dans plusieurs dispositions du Traité relatives aux règles de concurrence, dont l'article 86, qui déclare incompatible avec le marché commun, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante ; l'article 5, alinéa 2 du Traité prévoit que les Etats membres s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du Traité ... ; des lors, s'il est vrai que l'article 86 s'adresse aux entreprises, il n'en est pas moins vrai aussi que le Traité impose aux Etats membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d'éliminer l'effet utile de cette disposition; pareillement, les Etats membres ne sauraient édicter des mesures permettant aux entreprises privées de se soustraire aux contraintes imposées par les articles 85 à 94 du Traité ». [27] V. D. Waelbroeck, « Les rapports entre les règles sur la libre circulation des marchandises et les règles de concurrence applicables aux entreprises dans la CEE », in (dir.) F. Capotorti, Liber amicorum Pierre Pescatore : Du droit international au droit de l'intégration, (Baden-Baden, Nomos, 1987), p. 781, qui dénommait cette évolution la « privatisation » des règles sur la libre circulation. [28] CJCE, 12 décembre 1974, C-36/74, Walrave et Koch v. Union cycliste internationale, RTDE, 1976, p. 719. [29] §18 : « en effet l'abolition entre les Etats membres des obstacles à la libre circulation des personnes et à la libre prestation des services, objectifs fondamentaux de la Communauté, énoncés à l'article 3, lettre c), du traité, serait compromise si l'abolition des barrières d'origine étatique pouvait être neutralisée par des obstacles résultant de l'exercice de leur autonomie juridique par des associations ou organismes ne relevant pas du droit public ». [30] §19 : « en outre, les conditions de travail étant dans les différents Etats membres régies tantôt par la voie de dispositions d'ordre législatif ou réglementaire, tantôt par des conventions et autres actes conclus ou adoptés par des personnes privées, une limitation des interdictions en cause aux actes de l'autorité publique risquerait de créer des inégalités quant à leur application ». [31] V., par exemple, CJCE, 14 juillet 1976, C-13/76, Donà c. Montero. [32] CJCE, 15 décembre 1995, C-415/93, Union Royale Belge des Sociétés de Football Association ASLB c. J.M. Bosman ; v. § 82-84 de l'arrêt : «... il importe de rappeler que, comme la Cour l'a dit pour droit dans l'arrêt Walrave, précité, point 17, cet article ne régit pas seulement l'action des autorités publiques, mais s'étend également aux réglementations d'une autre nature visant à régler, de façon collective, le travail salarié. 83. La Cour a en effet considéré que l'abolition entre les Etats membres des obstacles à la libre circulation des personnes serait compromise si la suppression des barrières d'origine étatique pouvait être neutralisée par des obstacles résultant de l'exercice de leur autonomie juridique par des associations et organismes ne relevant pas du droit public (v. arrêt Walrave, précité, point 18). 84. En outre, elle a observé que les conditions de travail sont régies, dans les différents États membres, tantôt par la voie de dispositions d'ordre législatif ou réglementaire, tantôt par des conventions et autres actes conclus ou adoptés par des personnes privées. Dès lors, si l'objet de l'article 48 du traité était limité aux actes de l'autorité publique, des inégalités pourraient en découler quant à son application (v. arrêt Walrave, précité, point 19). Ce risque est d'autant plus évident dans un cas tel que celui de l'espèce au principal que, comme il a été souligné au point 24 du présent arrêt, les règles relatives aux transferts ont été édictées par des entités ou selon des techniques différentes selon les États membres... ». [33] CJCE, 13 avril 2000, C-176/96, Jyri Lehtonen and Castors Canada Dry Namur-Braine v. Fédération Royale belge des Sociétés de Basketball, §49 (travailleurs); CJCE, 11 avril 2000, C-51/96 et C-191/97, Christelle Deliège v. Ligue Francophone de Judo et Disciplines ASBL and Others, §64 (services). [34] V., toutefois, CJCE, 13 décembre 1984, C-251/83, Haug-Adrion v. Frankfurter Versicherungs-AG, où la Cour ne mentionne pas l'exigence du caractère collectif des dispositions contestées. [35] CJCE, 6 juin 2000, C-281/98, Roman Angonese v. Cassa di Risparmio di Bolzano, CMLR, 2000, p. 1237, note Lane et Nic Shuibhne. [36] CJCE, 8 avril 1976, C-43/75, Gabrielle Defrenne v. Sabena - le litige soumis à la Cour de justice opposait Mme. Defrenne, hôtesse d'air, à son employeur, la compagnie Sabena, à propos des différences de salaire pour travail égal que la dernière pratiquait entre ses employés hommes et femmes, malgré l'existence de l'ex-article 119 du Traité CEE (article 141 CE/ 157 TFUE) ; selon la Cour, «... le fait que certaines dispositions du Traité sont formellement adressées aux Etats membres n'exclut pas que des droits puissent être conférés en même temps à tout particulier intéressé à l'observation des obligations ainsi définies » - §31; « L'article 119 ayant un caractère impératif, la prohibition de discriminations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins s'impose non seulement à l'action des autorités publiques, mais s'étend également à toutes conventions visant à régler de façon collective le travail salarié, ainsi qu'aux contrats entre particuliers » - §39. [37] « Une telle considération doit, a fortiori, être applicable à l'article 48 du traité qui énonce une liberté fondamentale et qui constitue une application spécifique de l'interdiction générale de discrimination contenue dans l'article 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE). À cet égard, il vise à garantir, tout comme l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE), un traitement non discriminatoire sur le marché du travail. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l'interdiction de la discrimination sur le fondement de la nationalité, énoncée à l'article 48 du traité, s'applique également aux personnes privées » - §35-36 de la décision Angonese. [38] V. aussi le §45 de la décision CJCE, 17 juillet 2008, C‑94/07, Andrea Raccanelli contre Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV : «La Cour a ainsi conclu, en ce qui concerne l'article 39 CE qui énonce une liberté fondamentale et constitue une application spécifique de l'interdiction générale de discrimination contenue à l'article 12 CE, que la prohibition de la discrimination s'impose également à toutes conventions visant à régler de façon collective le travail salarié, ainsi qu'aux contrats entre particuliers ». [39] §23 et 24 de la décision. [40] Pour plus de détails, v. S. Van Den Bogaert, « Horizontality: The Court Attacks? », in (eds.) C. Barnard, J. Scott, The Law of the Single European Market, Unpacking Premises, Hart Publishing, 2002, p. 146-149. [41] CJCE, 11 décembre 2007, C-438/05, International Transport Workers' Federation, Finnish Seamen's Union c. Viking Line ABP, OÜ Viking Line Eesti (S. Robin Olivier, E. Pataut, « Europe sociale ou Europe économique, (à propos des affaires Viking et Laval) », Revue du Droit du Travail, février 2008, p. 80 ; N. Reich, « Free Movement v. Social Rights in an Enlarged Union - the Laval and Viking Cases before the ECJ », German Law Journal, Vol. 09 n˚ 02, 2008, p. 125-161; Ch. Vigneau, « Encadrement par la Cour de l'action collective au regard du Traité de Rome », JCP G, n° 13, 26 mars 2008, II 10060 ),§33: « il est de jurisprudence constante que les articles 39 CE, 43 CE et 49 CE ne régissent pas seulement l'action des autorités publiques, mais s'étendent également aux réglementations d'une autre nature qui visent à régler, de façon collective, le travail salarié, le travail indépendant et les prestations de services ». [42] CJCE, 18 décembre 2007, C-341/05, Laval un Partneri Ltd c. Svenska Byggnadsarbetareförbundet Svenska Byggnadsarbetareförbundets avdelning 1, Byggettan, Svenska Elektrikerförbundet, §98:« Il convient de rappeler, également, que le respect de l'article 49 CE s'impose aussi aux réglementations de nature non publique qui visent à régler, de façon collective, les prestations de services. En effet, l'abolition entre les États membres des obstacles à la libre prestation des services serait compromise si l'abolition des barrières d'origine étatique pouvait être neutralisée par des obstacles résultant de l'exercice de leur autonomie juridique par des associations ou des organismes ne relevant pas du droit public ». [43] V. pour une appréciation positive S. Van Den Bogaert, « Horizontality: The Court Attacks ? », op. cit., p. 134-138; à cet effet il est montré en particulier que l'effet direct horizontal de l'article 39 CE accroit l'effectivité du principe de libre circulation des travailleurs, offrant à ceux-ci une protection efficace dans la sphère privée, et favorise le processus d'intégration européenne en facilitant l'élimination des entraves en ce domaine qui avaient échappées au scrutin de la Cour ; V. en revanche, pour la critique de la solution adoptée sur ce point par la Cour de justice dans les affaires Viking et Laval - S. Robin Olivier, E. Pataut, « Europe sociale ou Europe économique... », op. cit., p. 80, spéc. p. 84 et s. [44] J.S. Bergé, « La double internationalité interne et externe du droit communautaire et le droit international privé », TCFDIP, 2004-2005, Pédone, Paris, 2008, p. 28. [45] P. Rodière, « Domaine spatial du droit social européen », TCFDIP, 1992-1993, Pédone, Paris, 1994, p. 48, n° 9. [46]§28-29 de l'arrêt : « Attendu que la règle de non-discrimination, du fait qu'elle est impérative, s'impose pour l'appréciation de tous rapports juridiques, dans toute la mesure ou ces rapports, en raison soit du lieu ou ils sont établis, soit du lieu ou ils produisent leurs effets, peuvent être localises sur le territoire de la communauté. Qu'il appartient au juge national d'apprécier cette localisation en considération des circonstances de chaque cas particulier et de tirer, en ce qui concerne l'effet juridique de ces rapports, les conséquences d'une éventuelle violation de la règle de non-discrimination ». [47] Dans d'autres affaires, dans lesquelles le principe de non discrimination était utilisé non comme loi de police, mais pour censurer, au nom de sa primauté, diverses lois nationales, la Cour de justice à trouvé que celui-ci s'applique dans des situations internationales (externes) si la loi applicable aux rapports juridiques en cause était celle d'un Etat membre. Tel était par exemple le cas dans l'affaire Prodest v. CPAM (CJCE, 12 juillet 1984, aff. 237/83) concernant le détachement temporaire au Nigeria d'un ressortissant français employé par une entreprise belge. Préoccupée du champ d'application spatiale du principe de non-discrimination, la Cour retienne la même motivation que dans l'affaire Walrave et complète : « il s'ensuit que l'exercice temporaire des activités en dehors du territoire de la Communauté ne suffit pas pour écarter l'application de ce principe, des lors que le rapport de travail garde néanmoins un rattachement suffisamment étroit avec ce territoire », avec la précision que tel est le cas lorsque « le travailleur communautaire » a été engagé par une « entreprise d'un autre Etat membre » et « qu'il exerce toujours ses activités pour le compte de l'entreprise communautaire même pendant son détachement dans le pays tiers ». Illustratrice apparaît également l'affaire Boukhalfa (CJCE, 30 avril 1996, C-214/94, CMLR, 1998, p. 247-267; M. Gardeñes Santiago, "La imperatividad internacional del principio comunitario de no discriminación por razón de la nacionalidad", Revista de Instituciones Europeas, 1996, p. 863-877). Celle-ci concernait un litige entre la République fédérale Allemagne et une personne de nationalité belge, résidente de manière permanente à Alger, employée comme agent local par l'Ambassade de l'Allemagne en Algérie, au sujet de la discrimination quant aux conditions de travail, réalisée par la règle de conflit contenue dans la loi allemande relative au personnel employé par le ministère des affaires étrangères. Celle-ci soumettait les employés allemands à la loi allemande et les employés d'une autre nationalité à la loi du pays d'accueil. La réponse de la Cour est libellée comme suit : « L'interdiction de discrimination en raison de la nationalité, contenue dans l'article 48, paragraphe 2, du traité et dans l' article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, s'applique à un ressortissant d'un Etat membre qui vit dans un pays tiers de manière permanente, qui est employé par un autre Etat membre dans son ambassade dans ce pays tiers et dont le contrat de travail a été conclu sur place et y est exécuté de manière permanente, et ce pour tous les aspects de la relation de travail qui sont régis par la législation de cet État membre employeur ». [48] CJCE, 27 septembre 1988, aff. 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (« Pâte de bois »), RTDE, 1989, p. 341, note L. Idot ; TPI, T-102/96, 25 mars 1999, Gencor Ltd. c/ Commission, L. IDOT, « Le Tribunal et le contrôle des concentrations : à propos des arrêts Gencor et Generali de mars 1999», Europe, mai 1999, chron. 6 ; V. L. Idot, «Le domaine spatial du droit communautaire des affaires», Communication au TCFDIP, 25 novembre 1992, TCFDIP, Pédone, 1994, p. 153 ; P. Roth, V. Rose (eds.), BELLAMY & CHILD. European Community Law of Competition, 6th ed., Oxford University Press, 2009, p. 61-70. [49] CJCE, 22 janvier 1981, aff. 58/80, Dansk Supermarked v. Imerco, sur laquelle v. P. Pescatore, « Aspects judiciaires de l'acquis communautaire », RTDE, 1981, p. 617 et s. [50] D. Waelbroek, « Les rapports entre les règles... », op. cit., p. 785. [51] CJCE, 1er octobre 1987, aff. 311/85, Vereniging van Vlaamse Reisbureau's. [52] CJCE, 27 septembre 1988, aff. 65/86, Bayer AG und Maschinenfabrik Hennecke GmbH v. Sullhofer, §11. [53] CJCE, 24 janvier 1978, aff. 82/77, Openbaar Ministerie v. Van Tiggele. [54] Conclusions présentées le 23 mai 2007, aff. C-438/05, Viking Line. [55] §42 des conclusions. [56] CJCE, 23 octobre 2007, C-112/05, Commission c. Allemagne. Dans l'affaire, la Commission avait considéré que cette loi représentait une entrave à la libre circulation des capitaux. Pour se défendre, l'Allemagne a soutenu que la loi en cause n'est pas une « mesure étatique » (seule susceptible d'être censurée en vertu des dispositions du Traité), mais se bornait à reproduire un accord privé conclu en 1959 entre les personnes et les groupes qui faisaient valoir des droits sur la société (§ 22-23 de l'arrêt), étant ainsi l'expression de la volonté des actionnaires. Pour constater la violation du Traité, la Cour aurait pu affirmer l'effet direct horizontal des dispositions européennes sur la libre circulation des capitaux ; elle a refusé toutefois de le faire, adoptant une autre ligne de raisonnement : « 26. À supposer que, comme le fait valoir la République fédérale d'Allemagne, la loi VW se borne à reproduire un accord qui devrait être qualifié de contrat de droit privé, force est de constater que le fait que cet accord a fait l'objet d'une loi suffit à le considérer, au regard de la libre circulation des capitaux, comme une mesure nationale. 27. En effet, l'exercice de la compétence législative par les autorités nationales dûment habilitées à cet effet constitue la manifestation par excellence du pouvoir étatique. 28. Il importe au surplus de constater que les dispositions de la loi en cause ne peuvent plus être modifiées par la seule volonté des parties à l'accord initial, mais que tout amendement nécessite le vote d'une nouvelle loi, conformément aux procédures de droit constitutionnel de la République fédérale d'Allemagne. 29. Dans ces conditions, l'argument de cette dernière, selon lequel la loi VW ne constituerait pas une mesure nationale au regard de la libre circulation des capitaux, doit être rejeté » (§26-29 de l'arrêt). [57] V. ainsi C. Barnard, The substantive law of the EU. The four freedoms, 3rd ed., Oxford, 2010, p. 566-567.
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