Numărul 1 / 2011
IN MEMORIAM TUDOR DRĂGANU
PROPOS A BATONS ROMPUS SUR LES REGIMES MATRIMONIAUX ROUMAINS[1]
Paul VASILESCU*
Résumé. Plus ingénus que les autres, les Roumains acceptent à peine de parler (voire de réglementer) de leurs rapports patrimoniaux issus du mariage : ce qui compte c'est l'âme des époux, pas l'estomac ; donc tous les problèmes soulevés par ces relations sont encore cloués au le droit général de la famille, sans que l'on reconnaisse leur individualité. Par conséquent, on se propose - tout au long des lignes suivantes, un aperçu sur le droit actuel applicable en la matière (II), sans oublier le nouveau Code civil de 2009 (III), tout en rendant hommage au droit français où se trouvent encore nos racines juridiques modernes. Alors, un tour de ... faiblesse juridique pour faire remonter le moral de tous : le meilleur est toujours à venir !
Mots clé : régime matrimonial roumain ; communauté matrimoniale ; code civil roumain de 2009 ; code roumain de la famille de 1954 ; convention matrimoniale ; liberté
(I) Les Français... nos ancêtres modernes (1865-1954) Tout effort dont le but est de moderniser une société débute avec l'observation de la modernité normative des Etats qui ont réussi de remplacer leur dispositif légal traditionnel par un rationnel. Un certain tropisme imitateur des normes venues d'ailleurs il nous est permis à remarquer même au sein des sociétés politiques censées génératrices des systèmes légaux. D'autant plus que le même processus de copiage soit aussitôt explicable pour des sociétés ayant voulu se débarrasser d'un passé traditionnel, mais sans bénéficier d'un mouvement social intrinsèque qui débouche d'emblé sur la modernité juridique. Tel est aussi le cas de la société roumaine qui a voulu revêtir le vêtement de la modernité (y compris celle juridique) tout en empruntant à la garde-robe française les survêtements normatives les plus chic du temps. Ainsi en faisant table rase de son ancien droit, les Principautés roumaines ont mis en vigueur leur Code civil le 1-er décembre 1865, code qui ne fut qu'une traduction plus ou moins fidèle à son original français : le Code Napoléon. Sans qu'on puisse passer ici en revue l'entier contenu, ainsi que les modifications intervenues aux fils des années de ce code civil, il convient pour autant de tracer dans les lignes qui suivent les caractéristiques des régimes matrimoniaux tel que ce code roumain les a prévu. Pour garder un certain équilibre normatif entre la tradition du droit écrit et les solutions imposées par la coutume, le Code Napoléon a prévu un régime légale de communauté (des meubles et acquêts) et un régime dotal dont la nature était séparatiste; la société d'acquisition s'ajoutant à la liste de régimes énumérés par ledit code français, bien que le dernier fût pratiquement le moins fréquenté. Alors le paysage juridique français de l'époque se présentait divisé entre un régime légal communautaire et l'un conventionnel séparatiste (la dot). Le code roumain civil n'a pas suivi de près l'original parce que ses auteurs ont préféré la séparation comme régime légal dont la dot faisait une figure exemplaire à laquelle s'ajoutait un régime conventionnel de communauté (la société d'acquisition). L'établissement du régime séparatiste en régime légal marquait une continuité en la matière, car l'ancien droit roumain (jus valachicum) était de nature dotale, mais il y avait un régime légal opposé au model original français qui restait sur la communauté comme régime légal. Malgré cela, le plus important fait à signaler c'était que le code roumain ne prévoyait aucun texte spécial qui consacre la séparation en régime de droit commun, expression préférée à l'époque à celle de régime légal. Sous les libellés des articles 1223 et 1227 du C.civ.ro les traditionalistes - toujours partisans de la dot, ont trouvé la consécration du régime dotale comme régime légal, tandis que leurs adversaires, sans nier une prétendue continuité de l'ancien droit civil, ont ricané tout en soulignant que la dot ne puisse être un régime légal en raison de l'immobilisation des biens dotaux dont l'essence juridique était. La dispute s'est éteinte suite à des décisions judiciaires qui ont établi que le régime légal est un de séparation et que la dote il n'y en ait qu'une application conventionnel particulière. Pratiquement les conventions de dot étaient les plus répandues notamment dans le milieu aisé, alors que les gens ordinaires pratiquaient une séparation légale, et le régime conventionnel de communauté (uniquement contractuelle) se présentait en rara avis. Afin de mieux caractériser dans son ensemble les régimes matrimoniaux prévus par le Code civil, on peut dire que la loi roumaine mit à l'œuvre un système qui reconnaissait la liberté du choix du régime (les ar. 1223 et 1224 C.civ.ro), la séparation étant le régime légal. Mais dès que le régime contractuel était établi - évidemment avant la célébration du mariage, les conjoints ne pouvaient plus modifier leur convention matrimoniale durant le mariage, ainsi que la dot était (matériellement) fixe et (juridiquement) immutable (l'ar. 1228 C.civ.ro). A l'opposé de son model, le Code civil roumain n'a pas repris les dispositions françaises concernant le divorce et la séparation de corps, parce que traditionnellement le divorce était permis (sous le haut contrôle judiciaire séculaire ou ecclésiastique selon le cas et les âges), et en conséquence la séparation de corps ne trouvait aucun sens dans le dispositif légal. Moins logique, le Code civil roumain a gardé la séparation judiciaire de biens (les ar. 1256-1270 C.civ.ro), quoique le régime légal fût un séparatiste. La séparation judiciaire valait en réalité la déchéance du mari - par le biais d'un jugement judiciaire, des pouvoirs d'administration qu'il avait sur les biens dotaux de la femme, lorsque l'époux s'avérait maladroit ou négligeant envers le patrimoine dotal de la famille. Enfin, il y eut aussi des figures juridiques mort-nées, même prévues par le Code civil roumain (les ar. 1287-1293), donc presque jamais appliquées: la société d'acquisition en guise de régime de communauté. Ce régime matrimonial d'inspiration communautaire fut caractérisé par une masse de biens communs dont le contenu était déterminé par les épargnes et les gains des époux. Alors, ladite société, dont la nature juridique révélait de la société civile - d'après la doctrine dominante de l'époque, s'appuyait sur une masse de biens qui constituaient un surcroît patrimonial, parce que les revenus des conjoints étaient d'abord affectés aux charges du ménage et s'il en restait quelque chose c'est ce qui formait un bien commun. Pour que la situation soit plus étrange, la pratique et la doctrine considéraient que la société d'acquisition se greffait naturellement sur le régime de dot qui était un séparatiste... En outre, parce que le Code civil roumain n'a prévu aucune règle relative à la gestion de ce régime de communauté réduite, toujours la pratique et la doctrine ont forgé - sous l'emprise de la loi française, un mécanisme juridique d'administration de la communauté dont la règle essentielle était la prééminence du rôle du mari, règle déduite de sa puissance maritale, ainsi que la possibilité offerte à la femme commune en bien de renoncer au bénéfice de la communauté. Pour mieux comprendre l'atmosphère et le cadre juridique roumains de l'époque, notamment tout en faisant un parallèle avec le droit français dont il est issu le premier, encore faut-il ajouter quelques détails. Ainsi l'incapacité de la femme mariée fut calquée sur le modèle français, les théoriciens considérant que celle-ci n'est qu'un complément naturel du pouvoir matrimonial dont le titulaire se trouvait le mari. La nature juridique de cette incapacité spéciale était l'une d'exercice, puisque la femme mariée, capable d'ailleurs avant le mariage, avait besoin que ses actes juridiques de disposition soient autorisés par son mari ; tant que pour les actes judiciaires la femme mariée devait exiger ladite autorisation quel que soit leur contenu. Cette incapacité de la femme était analysée en une qui ressemblait à celle du mineur émancipé, ce qui plaçait le statut de la femme mariée entre celui-ci et un majeur ; l'acte du mariage en la dégradant sur l'échelle juridique de la capacité. Toutefois la pratique judiciaire ne s'est pas montré très sévère, car à l'époque les procès ayant comme objet le manquement de la femme mariée à son devoir de demander à son mari l'autorisation pour qu'elle puisse conclure des actes juridiques furent assez rares. En fin de compte faut-il souligner que la capacité réduite de la femme mariée s'est appliquée dès la mise en vigueur du Code civil roumain (le 1-er décembre 1865) jusqu'au 20 avril 1932, quand elle fut explicitement supprimée, par l'abrogation[2] de l'article 199, ainsi que par la modification de l'article 1285 du Code civil roumain. Il est permis de rappeler que cette institution qui touchait la femme mariée tomba en désuétude dès l'adoption de la Constitution roumaine de 1923, alors que le législateur français procéda à l'abrogation de cette incapacité maritale en 1938. On ne peut boucler ce volet historique sans rappeler que le Code civil roumain de 1865 a également repris le régime juridique français des testaments et des libéralités (toujours en vigueur), y compris celles matrimoniales. Ainsi l'Ordonnance D'Aguesseau (1731) s'est vu transposée dans un système de droit qui auparavant reconnaissait y compris les donations mortis causa, ainsi que les testaments nuncupatifs. Alors, le législateur roumain de l'époque a pareillement rattrapé l'institution contractuelle (les ar. 821, 826, 933-934 C.civ.[3]), un mécanisme juridique inconnu au droit antérieur roumain et impossible à appliquer en raison de l'article 826 du Code civil, texte qui n'est qu'une traduction avortée de l'article 947 du Code civil français. L'effet essentiel fut que les libéralités matrimoniales se réduisaient aux donations ordinaires faites lors de la célébration du mariage par l'un des époux ou par un tiers moyennant la convention matrimoniale ou à l'aide d'un autre acte juridique distinct. Pour finir, on pourrait retenir que, pour la période 1865-1954, le Code civil des Français servit de modèle aux régimes matrimoniaux roumains dont le système était un qui permettait le libre choix du régime concret avant la célébration du mariage et que - à l'encontre du modèle originel, mais conservant la tradition du jus valachicum, le Code civil roumain établit un régime légal de séparation de biens, ainsi que le régime conventionnel pratiquement dominant était toujours un régime matrimonial séparatiste : la dot dont les traits furent ceux prévus aussi en droit français de l'époque, bien que la dot française fût imaginée comme un régime qui se greffait ou évinçait une communauté matrimoniale (légale). (II) Le droit stalinien d'aujourd'hui (de 1954 à nos jours) Juridiquement, le régime communiste s'est installé en Roumanie le 30 décembre 1947 lors de la proclamation de la république suite à l'abdication forcée du roi Michel de Roumanie. Au-delà de la transformation juridique du droit public ayant pour but d'assurer l'assise normative d'une « république populaire », le nouveau régime politique a également démarré un processus dont le but crucial fut de transformer aussi le droit privé. Par conséquent, le 1-er février 1954 on a abrogé le premier livre du Code civil roumain de 1865 (« des Personnes ») tout en mettant en vigueur un nouveau dispositif normatif parmi lequel se trouvait une loi spéciale, baptisée le Code de la famille[4]. Le code communiste de la famille socialiste de 1954 est toujours en vigueur en 2010 et il a marqué un changement du cap compas en la matière. Ainsi les régimes matrimoniaux furent abolis et remplacés par un seul régime légal impératif n'ayant rien avoir avec la tradition séparatiste encore vivante à l'époque et réglée par le Code civil de 1865. Les 8 articles[5] du Code de la famille (C.fam.) suffisaient à décrire un régime matrimonial unique, caractérisé par une communauté réduite aux acquêts. Le régime est un légal, de droit étroit, fixe et immutable, égorgeant toute liberté du choix du régime, car toute convention matrimoniale est expressément interdite, sous peine de nullité absolue (l'ar. 30 C.fam.). Quant à la nature juridique de ce régime, la plus part de la doctrine s'accorde sur ce que représenterait la masse commune de biens (les acquêts) : une propriété indivise entre les époux, mais une sans parts indivises, copropriété qu'on peut appeler une promiscue, parce que les conjoints ne vont connaître leurs contributions respectives qu'au moment de la mort de cette indivision, à savoir au jour du partage. La suppression de la copropriété conjugale n'a lieu qu'après la dissolution du mariage quel que soit son motif concret. A titre d'exception, l'article 36 du Code de la famille permet d'envisager un partage (seulement judiciaire !) durant le mariage et uniquement « pour des raisons graves » dont l'appréciation est toujours du ressort du juge. En fin de compte, les conjoints n'ont point la possibilité de modifier leur régime matrimonial, pas non plus les règles prévues et mises à la portée des époux pour que ceux-ci puissent administrer leurs acquêts. Ainsi au-dessous du libellé de l'article 35 du Code de la famille se déroberait un prétendu « mandat légal tacite réciproque » existant entre les époux dont le sens juridique est d'assurer la liberté de la gestion des biens communs et qui trouve sa limite dans les actes juridiques de disposition dont l'objet est « un terrain ou une construction faisant partie des acquêts » (ibidem). Concernant les moyens utilisés légalement pour cerner le côté actif (à savoir les biens) de la masse commune, l'article 31 du Code roumain de la famille fait valoir tous les critères habituels. Ainsi, il convient d'observer la date d'acquisition - parce que les biens acquis avant le mariage quel que soit le titre restent des propres ; le titre de l'acquisition, car en règle générale les transmissions à titre gratuit, ainsi que la succession ab intestat, n'augmentent pas les acquêts ; l'affectation des biens, puisque la règle c'est que les biens utilisés par l'un des époux dans l'exercices de son métier (lato sensu) demeurent toujours des propres, sans rendre recours à des récompenses que le droit roumain ne connaît pas ; enfin, la subrogation réelle joue toujours pour préserver le sort juridique initial du bien remplacé aussi pour le remplaçant (commun ou propre, selon le cas). Encore faut-il préciser que la loi roumaine de la famille ne comprend aucune règle spéciale pour le partage post-matrimonial, étant à observer en l'occurrence les règles communes en matière, à savoir les dispositions qui s'appliquent aussi pour le partage successoral empruntées (pour l'essentiel) au droit français. Pour renforcer la communauté légale, le législateur a préféré que les dettes communes soient expressément prévues par la loi (cf. l'ar. 32 C.fam.), tout en établissant aussi que les créanciers personnels de l'un des époux ne peuvent en principe saisir les acquêts (l'ar. 33 C.fam.), tandis que les créanciers communs des conjoints ont ouverte la possibilité de saisir les propres de ceux-ci, mais après avoir épuisé la saisine des biens communs (l'ar. 34 C.fam.). Alors, faut-il rappeler le mécanisme utilisé par la loi roumaine de famille pour engendrer et renforcer la communauté : la présomption de communauté fonctionne en tout état de cause, sauf pour les biens dont la nature de propres est expressément prévue par la loi. Tout cela en jumelage avec la désignation légale explicite et restrictive des dettes communes qui peuvent ouvrir une voie à l'exécution forcée des acquêts. Certes le régime matrimonial unique et rigide prévu depuis 1954, qui peut être aussi confondu ou réduit (selon le droit français) à un régime primaire impératif, ne convient plus à une société ouverte et entreprenante qu'on trouve aujourd'hui en Roumanie. Pour cela, un impératif législatif majeur fut - dans les dernières années, la modification du Code de la famille en accord avec les réalités sociales qui imposent plus de dynamisme patrimonial, aspect presque accompli par l'adoption d'un nouveau code civil en 2009. (III) Le prosaïque du droit post-moderne (à venir) Avant qu'on passe en revue l'essentiel de la réglementation en matière de régimes matrimoniaux ainsi que le nouveau code roumain civil le propose, il convient de préciser que le Code civil de 2009 se présente comme une loi déjà adoptée[6] mais qui n'est toutefois pas encore en vigueur[7]. Le législateur roumain a préféré que la mise en œuvre de la loi se fasse séparément moyennant une loi spéciale d'application, car - d'un côté, le nouveau code rassemble plusieurs matières antérieurement étant du ressort de toute sorte de lois spéciales, qui rend ainsi très épais le code (au total il y a 2664 articles), et de l'autre côté, les dispositions du code de 2009 doivent être mises en accord avec les prescriptions et les institutions du nouveau code de procédure civile à paraître. La conséquence pratique c'est qu'à ce moment[8] il y a - en matière de régimes matrimoniaux, une loi à appliquer pour l'avenir (le Code civil de 2009) et une loi applicable effectivement depuis 1954 (le Code de la famille). Dans les lignes suivantes on va se concentrer sur les nouveautés apportées par le Code civil de 2009 (C.civ.09) et sur les modifications qu'on envisage uniquement en matière de régimes matrimoniaux. Tout d'abord, il convient de noter l'ampleur de la réglementation, par rapport à des 8 articles du Code de la famille, dont les régimes matrimoniaux jouissent : 61 articles. Outre le législateur roumain est retombé sur la solution classique, dès lors que le droit de la famille, dans son intégralité, fut englobé dans le même corpus législatif. Ainsi, on a abandonné l'idée d'avoir un code de la famille distinct du code civil, tout en consacrant à la famille un livre entier du code civil (le 2-eme « de la Famille »). Les régimes matrimoniaux trouvent donc leur place dans un chapitre distinct (le 6-eme « des Droits et des obligations patrimoniaux des époux », comprenant les articles 312-372), faisant partie du deuxième titre (« le Mariage ») du deuxième livre du Code civil de 2009. Techniquement, le chapitre du Code civil de 2009 dédié aux régimes matrimoniaux se divise en cinq sections : la première concerne des dispositions communes, la deuxième règle le régime légale communautaire, la troisième s'intéresse à la séparation de biens, la quatrième est relative à la communauté conventionnelle et, enfin, la dernière section se consacre à la modification du régime matrimonial. Puis le 6-ème chapitre, des régimes matrimoniaux, est placé avant celui consacré à la dissolution du mariage et après le cinquième chapitre relatif aux droits et aux devoirs extrapatrimoniaux des époux[9]. Linguistiquement, il convient d'observer que le législateur aime encore la périphrase, puisqu'il a intitulé ce 6-ème chapitre « des Droits et des obligations patrimoniaux des époux », continuant la tradition lexicale du Code de la famille de 1954 et en évitant le syntagme « régime matrimonial »[10] bien que celui-ci se retrouve dans le libellé des articles qui le compose. Intellectuellement, on a du mal à déterminer une seule influence législative dominante, une seule et certaine source d'inspiration pour les dispositions du nouveau code civil, tout cela en dépit (ou bien en raison !) du fait que la commission qui a proposé le projet de la loi s'est copieusement inspirée - parmi d'autres, du droit français, québécois, italien, brésilien et suisse. Si l'on regardait les sources d'inspiration utilisées, on pourrait constater leur diversité et moins un souci d'assurer une homogénéité intellectuelle. Le code de 2009 n'a plus repris en bloc un seul modèle législatif étranger, ainsi qu'on a procédé il y a 150 ans ; la commission chargée de la rédaction du projet du code a opté pour un mosaïque dont le résultat est un puzzle à la fois normatif et conceptuel. C'est pour cela qu'à la question si la tradition juridique française se retrouve-elle encore au cœur de ce code, il est bien difficile à répondre ! Il va de soi que beaucoup de solutions législatives ponctuelles d'origine française peuvent encore s'apercevoir même au sein des régimes matrimoniaux, mais il nous semble que l'esprit français s'est entièrement égaré dans un dédale décrit par toute sorte de détails normatifs plus ou moins utiles... Alors, l'une des victimes collatérales du Code civil de 2009 paraît être même la cohérence garantie par la reprise et le façonnement d'un seul modèle normatif (étranger). Concernant le regain de l'ancienne tradition roumaine en matière de régimes matrimoniaux, il ne saurait ignorer que le nouveau code de 2009 n'est remonté plus jusqu'à ses racines de 1865. La tradition séparatiste fut donc enterrée, ainsi que la large liberté dont l'esprit était imbu l'ancien code civil de 1865 en matière de conventions matrimoniales. Plus simplement, la seule tradition (sic !) juridique prise en compte fut celle communiste, dès lors que la communauté fut préférée en régime légal par le code civil de 2009. Et ce processus de comprimer toute l'histoire (juridique ou pas !) et toute tradition à ce qui s'est uniquement passé sous communisme semble être l'un des traits distinctifs qui fait figure de récupération dialectique du passé entier... Structurellement, le Code civil de 2009 est forgé à l'instar de toute loi moderne en matière de régimes matrimoniaux, parce que le dispositif juridique nous propose des règles générales ayant formé ce qu'on appelle le régime primaire impératif suivies des dispositions réglant le régime légal de communauté et des articles concernant les régimes conventionnels. Mais, avant qu'on jette un coup d'œil sur les solutions légales choisies, la question principale est-elle de caractériser dans son ensemble cette armature normative. Ainsi on peut dire que ce code nous propose un système juridique flexible, qui permet à la fois le choix et la mutation du régime matrimonial durant le mariage, dont le régime légal est une communauté réduite aux acquêts. La malléabilité du système est due à l'article 312 C.civ.09[11] qui consacre la liberté du choix du régime matrimonial, bénéfice énorme par rapport à l'état des lieux d'aujourd'hui, même s'il s'agit d'une liberté limitée légalement par le libellé de l'article 312. Il en est ainsi, car les futurs époux ne pourront effectivement choisir qu'entre un régime de communauté et l'un de séparation. De plus, le choix entre les deux communautés (légale et conventionnelle), il y en a un faux : la nature et les mécanismes pratiques de ces régimes communautaires sont semblables et leurs effets respectifs presque identiques. Sur ce point, il convient de rappeler que le Code civil de 1865 permettait toute combinaison conventionnelle et non pas non plus un simple choix entre la séparation et la communauté matrimoniales. Nous sommes tenté de considérer cette limite de la liberté du choix comme une limitation effective, car elle concerne à la fois la substance du régime et ses effet, outre elle s'additionne à d'autres limitations légales classiques, telles que le respect dû au régime légal impératif, l'ordre successoral, l'égalité des époux etc. Toutes ces dernières limitations peuvent être considérées comme extérieures aux régimes matrimoniaux dont le but est d'assurer l'insertion des rapports patrimoniaux matrimoniaux dans le dispositif normatif décrit par le Code civil de 2009. Tous les errements conventionnels par lesquels on essaie à élargir la liberté réelle des époux seront punis par la nullité absolue. Cette conception restrictive est aussi renforcée par l'article 359 C.civ.09[12] dont l'effet est d'assurer la pureté communautaire du régime légal, mais pareillement d'assimiler la communauté conventionnelle à celle légale, parce que la seule différence notable entre ces deux types de régimes de communauté demeure uniquement leur source respective (contrat versus loi). Cette idée s'impose malgré la lettre de l'article 368[13], car le début du libellé légal est contredit par l'article 312 C.civ.09 qui rend impossible une éventuelle combinaison de règles qui arrive à un régime matrimonial mixte. De ce point de vu, l'article 368 transforme à part entière la communauté légale dans le siège légal de tout régime matrimonial conventionnel communautaire qui, dans le silence du contrat, doit être comblée des dispositions légales en matière. Conclusion : le Code civil de 2009 permet la liberté de choisir le régime applicable, mais il la réduit au choix qui doit être fait entre les régimes déjà prévus par la lettre de la loi civile. Quant au régime primaire impératif (les articles 312-328 C.civ.09), encore faut-il noter que sa place se trouve en-tête des dispositions relatives aux régimes matrimoniaux, mais celles-ci ne sont pas systématisées, tout en mêlant des règles applicables au régime légal (de communauté) avec les normes qui classiquement constituent le noyau dur du régime impératif. Dans la première catégorie entreraient des règles comme : le mandat conventionnel (l'ar. 314) et celui judiciaire des époux (l'ar. 315), le choix du régime matrimonial, à savoir la conclusion et la publicité de la convention matrimoniale (les ar. 329-338), la dissolution et la liquidation du régime matrimonial (l'ar. 319, 320) et la clause de préciput (l'ar. 333). Quelque dispositions sont effectivement sans aucune raison, car le droit commun des obligations et l'existence des contras spéciaux suffisaient, à titre d'exemple on peut reproduire l'article 314 : « Le mandat conventionnel. Un des époux peut donner mandat à l'autre conjoint pour qu'il le représente dans l'exercice de ses droits issus du régime matrimonial ». Alors que dans la deuxième catégorie se trouveraient les dispositions relatives à des questions telles que le logement de la famille (les ar. 321-324), le principe de l'indépendance patrimoniale des époux (l'ar. 317), les charges du mariage (l'ar. 325) et la conclusion des actes de disposition qui mettent gravement en péril l'intérêt de famille (l'ar. 316). Tous les désaccords qui peuvent intervenir entre les conjoints, quel que soit leur régime matrimonial applicable, sont du ressort du juge de tutelle, organisme nouveau prévu par le Code civil de 2009, sous la compétence duquel tombent toutes les affaires de la famille et dont la création procédurale est due au nouveau code de procédure civil, tandis qu'aujourd'hui la compétence familiale demeure partagée entre le tribunal ordinaire (juge judiciaire) et l'autorité tutélaire, fonction spéciale du conseil local de la municipalité (une institution alors de nature administrative). Enfin, la substance de la réglementation du régime primaire impératif est assez près du system français, à coup sûr moins développée mais avoisinée, donc il n'est pas le cas d'y insister, mais l'une de ces dispositions pourrait sauter aux yeux. Il s'agit de l'article 318 C.civ.09[14] qui prévoit un prétendu droit à l'information, dont la source d'inspiration paraît être le droit suisse. En mettant de côté le débat sur la raison de ce droit, ainsi que sa nature juridique, il est permis d'observer que l'exercice dudit droit à l'information ne peut résulter que d'un manque de communication entre les conjoints issu d'une discorde existant déjà entre les époux. Puis, dans un pays où le souvenir d'un passé, dans lequel la délation fit tant de victimes, est encore assez vif, prévoir légalement que l'employeur soit tenu à fournir des renseignements à un tiers c'est ressusciter une noire histoire de mouchards. L'article 318 C.civ.09 sera applicable quel que soit le régime matrimonial concret, ce qui met en doute l'assise de la séparation de biens, la confiance légitime qui doit exister entre les conjoints, ainsi que la raison de la communauté matrimoniale. Enfin, le refus du conjoint de livrer les informations qui portent sur ses revenus peut être interprété comme instituant une présomption de mauvaise foi, ce qui peut avoir des conséquences juridiques peu désirées aussi en d'autres matières. Quant au régime légal, ainsi qu'on a déjà remarqué, le législateur a privilégié la continuité de la solution introduite en 1954 par le Code de la famille : la communauté. Un régime de communauté légale qui va s'appliquer à défaut de toute convention matrimoniale[15] et qui se différencie de l'actuel régime communautaire par cela que le code de 2009 permet le changement du régime soit conventionnellement[16] soit judiciairement[17], mais les raisons et les mécanismes de ces deux communautés demeurent presque identiques. Le contenu de la communauté légale (les acquêts) est déterminé principalement par les biens acquis par les conjoints durant le mariage (l'ar. 339 C.civ.09) et cette qualité spéciale d'acquêt est censée légalement (l'ar. 343). C'est pour cela que la loi se concentre sur les biens propres des conjoints dont l'énumération légale peut être considérée de droit étroit[18]. Si l'on analyse l'article 340, on pourrait observer que le législateur fit l'application de tous les critères possibles (et acceptables en matière de régime communautaire) afin de délimiter l'assiette des biens communs, c'est ce qui veut dire que les enseignements générales, tirés du droit français par exemple, sont à observer aussi à l'égard de ceux-ci. La communauté est renforcée aussi par cela que la loi ne prévoit que quelques dépenses comme communes[19], le reste étant réputé que n'engage que les propres des conjoints. Outre un mécanisme pour la responsabilité personnelle (engageant les propres) mais subsidiaire pour les dettes communes est également envisagé légalement. Ainsi, dans la mesure où les obligations communes n'ont pas été payées en saisissant les acquêts, les époux sont, quant à leurs propres, tenus solidairement. Dans ce cas-là, l'époux solvens de la dette commune se subroge aux droits du créancier pour ce qu'il a payé en outrepassant la part qui lui reviendrait si la liquidation se faisait au jour du payement de la dette. Le conjoint qui a payé la dette commune, selon la thèse ci-dessus, a un droit de rétention[20] sur des biens de l'autre conjoint jusqu'à la concurrence du payement intégral des créances dues (cf. l'ar. 352 C.civ.09). Si sur les propres chaque conjoint a et préserve tout droit d'en jouir, de les administrer et d'en disposer librement (l'ar. 342 C.civ.09), les actes juridiques ayant pour objet un acquêt ou la masse commune de biens se voient soumis à des règles différentes selon la nature de l'acte concret. Donc, les actes conservatoires, de jouissance et d'administration obéissent à ce qu'on peut appeler l'indépendance en gestion, parce que les époux sont libres de les accomplir, chaque époux ayant le droit de jouir d'un bien commun, sans le consentement explicite de l'autre conjoint. Néanmoins, le changement de l'affectation du bien commun ne peut se faire qu'avec l'accord des époux. De même, chacun des époux peut conclure seul des actes de conservation et d'administration concernant tout bien commun, ainsi que des actes d'acquisition des acquêts (cf. l'ar. 345). Toutefois lorsque les intérêts liés à la communauté ont été préjudiciés, le conjoint qui n'a pas consenti à la conclusion de l'acte ne peut demander que des dommages et intérêts, sans nuire aux droits acquis par les tiers de bonne foi (idem). Tandis que les actes graves réclament le consentement conjoint des époux, parce que les actes de disposition ayant pour objet des acquêts ne peuvent être conclus qu'avec l'accord commun exprès des époux (l'ar. 346). Cependant, l'un ou l'autre des époux peut disposer seul, à titre onéreux, des biens meubles communs, dont l'aliénation n'est pas soumise, selon la loi, aux formalités de publicités (ibidem). Malgré l'effort de la doctrine, l'inobservation de ces règles n'est pas l'inopposabilité de l'acte conclu, mais son annulabilité[21]. Les charges du mariage sont ainsi réglementées que les mêmes règles doivent s'appliquer quel que soit le régime concret établi entre les époux (les ar. 325-328 C.civ.09). Les conjoints étant égaux, la règle générale est qu'ils sont tenus à contribuer, à proportion de leurs facultés respectives, aux charges du mariage, à moins que la convention matrimoniale ne stipule autrement (l'ar. 325). Toutefois, une convention qui stipule que les charges du mariage sont aux dépens d'un seul conjoint est réputée non écrite (ibidem). Probablement à cause du fait que beaucoup de gens mariés ne sont pas embauchés, le législateur a ressenti le besoin de régler juridiquement la situation des travaux domestiques rendus par l'un des époux, parce que ces travaux et l'activité d'élever les enfants, pratiqués par chacun des époux, sont censés proprement dits des contributions patrimoniales aux charges du mariage (l'ar. 325). Ensuite, chaque époux est libre d'exercer une profession et de disposer à son gré de ses revenus, mais la loi dispose que ses rémunérations professionnelles, bien qu'ils fassent parti des acquêts, sont tout d'abord affectées à l'accomplissement de sa contribution respective aux charges du mariage. Outre le code a règle aussi un droit à la compensation, toujours en marge des charges du ménage. Ainsi le conjoint qui a vraiment contribué à l'activité professionnelle de l'autre conjoint peut obtenir une compensation, dans la limite de l'enrichissement du dernier, si sa contribution a outrepassé son obligation de participer aux charges du mariage (l'ar. 328). Il nous est permis de noter que le mot « compensation » est employé par le législateur roumain dans un autre sens que celui que la législation française utilise en la matière. Le régime de la communauté conventionnelle obéit en règle générale aux dispositions prescrites pour le régime légal. Néanmoins cette communauté contractuelle s'applique lorsque, dans les conditions et les limites des articles 399-368 C.civ.09, on déroge, par la convention matrimoniale, aux dispositions relatives au régime de la communauté légale (l'ar. 366 C.civ.09). Lesdites dérogations concernent soit l'étendue de la communauté, soit le régime concret de certains actes juridiques[22] ; mais il faut souligner que la loi exclut la communauté universelle, ainsi que le texte de l'article 367 peut être interprété comme impératif, c'est ce qui limite la marge de manœuvre juridique des conjoints. Le régime conventionnel de la séparation de biens ne jouit que de peu d'articles (360-365 C.civ.09), ce qui trahit une certaine réticente à l'égard de ce type de régime matrimonial. L'essence de ce régime c'est que chacun des époux est (et reste) propriétaire exclusif des biens acquis avant la célébration du mariage, ainsi que des biens acquis à son nom après cette date (l'ar. 360 C.civ.09) et que les conjoints gardent toute la liberté sur ces biens. Pour le cas où il y a des biens acquis conjointement par les époux ceux-ci appartiennent en propriété commune, selon l'ar. 362 ; il s'agit d'une présomption légale relative ce qui vaut que les époux peuvent y déroger par leur accord. Toujours pour le système probatoire, la loi prévoit l'obligation des conjoints de se présenter devant « le notaire dresse un inventaire des meubles appartenants à chacun d'entre eux, indifféremment de leur mode d'acquisition » (l'ar. 361). À défaut de tout inventaire, le droit de propriété exclusive se présume, jusqu'à la preuve contraire, au bénéfice du conjoint possesseur (ibidem). Concernant l'hypothèse de la jouissance des biens appartenant à l'autre conjoint, l'époux qui jouit d'un bien de l'autre conjoint, sans que le dernier s'y ait été opposé, a les obligations de l'usufruitier, sauf l'application des articles 723, 726 et 727 C.civ.09. Il ne doit restituer que les fruits qui existent au jour de la demande de leur rétrocession ou, le cas échéant, au jour de la dissolution ou du changement du régime matrimonial (l'ar. 363). Mais, si l'un des époux conclut seul un acte par lequel il acquiert un bien, tout en employant des biens appartenants à l'autre conjoint, le dernier peut choisir, proportionnellement aux propres employés à son insu, entre demander pour lui la propriété du bien acquis et réclamer des dommages et intérêts au conjoint acquéreur. La propriété ne peut être revendiquée qu'avant que le conjoint acquéreur ne dispose du bien acquis, à moins que le tiers acquéreur n'ait connu que le bien avait été acquis par le conjoint vendeur moyennant les biens de l'autre conjoint (ibidem). La séparation subsiste aussi pour les dettes des époux, la solidarité de ceux-ci étant assurée par le jeu des dispositions relatives au régime primaire impératif et aux dettes ménagères, à la fois. Il est certes que la convention matrimoniale représente le plus gros gain du nouveau Code civil de 2009. Paradoxalement ou pas, l'application du code de 2009 marquera le retour à la liberté des régimes matrimoniaux tant chasé par le Code de la famille de 1954, liberté qui fut - en revanche, l'une des caractéristiques cardinales du Code civil de 1865. Et le paradoxe consisterait dans le fait que le progrès législatif se trouve dans un retour, dans un regain des solutions déjà pratiquées avant que la loi actuelle de famille (de 1954) soit mise en vigueur. Aussi dans les termes du code de 2009, le choix du régime se fait par la conclusion d'une convention matrimoniale dont la loi consacre un bloc de quelques articles (329-338 C.civ.09). Mais avant tout, il convient d'observer qu'on ne peut déroger par la convention matrimoniale aux dispositions légales concernant le régime matrimonial, sous peine de nullité absolue, sauf dans les cas expressément prévus par la loi, ainsi que la convention matrimoniale ne peut porter atteinte à l'égalité des époux, à l'autorité parentale ou à la dévolution successorale légale (cf. l'ar.332). Sous peine de nullité absolue, la convention matrimoniale est conclue par acte notarié authentique, avec le consentement de toutes les parties, exprimé personnellement ou par mandataire muni d'une procuration authentique, spéciale et à contenu déterminé. La convention matrimoniale passée avant le mariage ne produit d'effets qu'à partir du jour de la célébration du mariage. La convention conclue durant le mariage prend effet à partir du jour prévu par ses parties ou, à défaut, du jour de sa conclusion (cf. l'ar.330). Pour être opposable aux tiers, les conventions matrimoniales sont soumises à l'inscription sur le Registre national notarial des régimes matrimoniaux, tenu électroniquement, selon la loi (l'ar.334). Sur demande des époux et compte tenu de la nature des biens, les conventions matrimoniales sont soumises à la notation au livre foncier, à l'enregistrement au registre du commerce et à d'autres registres de publicité prévus par la loi. Dans tous les cas, l'inaccomplissement des formalités spéciales de publicité ne peut être comblé par l'inscription sur le Registre national prévu ci-dessus. Toute personne, sans être tenue à justifier un intérêt, peut consulter le registre spécial consacré aux conventions matrimoniales, et il se peut demander des copies certifiées, selon la loi (ibidem). La convention matrimoniale ne peut être opposée aux tiers, pour l'acte conclu par les tiers avec l'un des époux, que si les formalités de publicité prévues par l'article 334 ont été accomplies ou les tiers ont connu autrement la convention matrimoniale. De même, la convention matrimoniale ne peut être opposée aux tiers, pour les actes conclus par les tiers avec l'un des époux, avant la célébration du mariage (cf. l'ar.335). Concernant l'inefficacité de la convention, la loi ne consacre que deux hypothèses. La première, au cas où la convention matrimoniale est nulle, entre les époux s'applique logiquement le régime de la communauté légale, sans que les droits acquis par les tiers de bonne foi soient nuis (cf. l'ar. 338). Ensuite, quant à la simulation de la convention matrimoniale, le Code civil de 2009 nous enseigne que l'acte secret par lequel on a choisi un autre régime matrimonial ou l'on a modifié le régime matrimonial pour lequel sont accomplies les formalités légales de publicité produit ses effets seulement entre les époux et la contre-lettre ne peut être opposée aux tiers de bonne foi (l'ar. 331). La modification du régime matrimonial[23] durant le mariage peut être faite par le biais de la convention, ou judiciairement. Pour qu'on puisse modifier conventionnellement un régime déjà en place, faut-il respecter l'article 369 C.civ.09: « Un an au moins après la célébration du mariage, les époux peuvent, à leur gré, remplacer le régime matrimonial existant avec un autre ou le modifier, tout en observant les conditions légales prévues pour la conclusion de la convention matrimoniale. » La séparation judiciaire de biens, prévue à l'article 370, nous est présentée comme la deuxième modalité de changement d'un régime déjà fonctionnel, ainsi « Si le régime matrimonial est celui de la communauté légale ou conventionnelle, le juge, à la demande de l'un des époux, peut prononcer la séparation de biens, lorsque l'autre conjoint conclut des actes qui mettent en péril les intérêts de la famille. » Ainsi qu'on le connaît depuis toujours, tout régime matrimonial pend du sort du mariage et la dissolution de celui-ci entraîne aussi la fin du régime applicable. Outre un régime matrimonial peut entrer en dissolution suite à des causes particulières. Toutefois, le Code civil de 2009 ne consacre que deux articles de principe (319[24] et 320) aux problèmes soulevés par la dissolution du régime matrimonial. Donc, lors de sa dissolution ou de son changement, le régime matrimonial se liquide à l'amiable ou, en cas de désaccord, par voie judiciaire, selon la loi. La décision judiciaire définitive ou, selon le cas, l'acte notarié constitue l'acte de liquidation (cf. art. 320 C.civ.09). Pour le régime légale de communauté la liquidation vaut partage (les ar. 357 et 358) où il convient d'observer le droit commun semblable à celui français en la matière. Et l'on s'arrête là avec notre bref exposé... Question finale: à quoi bon la plus tardive reforme du droit patrimoniale de la famille d'un ancien membre de la famille des ex-Etats du camp de l'Est ? Notons d'abord que le dernier pays frère procédant à la modification de sa législation socialiste de famille fut la Bulgarie qui en 2009 adopta un nouveau Code de la famille qui s'applique d'ores et déjà. Quant à la reforme roumaine, malgré toute critique qu'on puisse apporter à une solution choisie par la loi ou à un certain texte légal, encore faut-il souligner que le bénéfice énorme du nouveau Code civil adopté en 2009 c'est la reconquête d'un bien à part : la liberté des gens mariés!
Bibliographie sélective A. Colomer - Droit civil. Régimes matrimoniaux, ed. Litec, Paris-2000 M. Grimaldi (coord.) - Droit patrimonial de la famille. Dalloz Action, ed. Dalloz, Paris-2001 E. Florian - Dreptul familiei, ed. C.H. Beck, Bucureşti-2010 C. M. Nicolescu - Regimurile matrimoniale convenţionale, th., Bucureşti-2010 P. Vasilescu - Regimuri matrimoniale. Parte generală, ed. Universul Juridic, Bucureşti-2009
Annexe CODE roumain DE LA FAMILLE[25] - extrait -
Section 2: Droits et obligations patrimoniaux des époux
L'article 29 Les époux sont tenus à contribuer, selon leurs moyens respectifs, aux charges du ménage. l'ar. 30 Les biens acquis durant le mariage, par l'un ou l'autre des conjoints, sont, à partir de leur acquisition, des biens communs (acquêts[26]) des époux. Toute convention contraire est nulle. La qualité de bien commun ne doit pas être prouvée. l'ar. 31 Ne sont pas des acquêts, mais des biens propres de l'un des époux : a) les biens acquis avant la célébration du mariage ; b) les biens acquis durant le mariage par succession, legs ou donation, à moins que le disposant n'ait prévu autrement; c) les biens d'usage personnel et ceux affectés à l'exercice d'une profession ; d) les biens acquis à titre de prix ou de récompense, les manuscrits scientifiques ou littéraires, les ébauches et projets artistiques, les projets d'inventions et d'innovations, ainsi que d'autres biens similaires ; e) les indemnités d'assurance ou les dédommagements obtenus suite à des préjudices subis par la personne ; f) la valeur qui représente et remplace un bien propre ou le bien dans lequel est passée cette valeur. l'ar. 32 Les époux sont tenus avec leurs biens communs (acquêts) : a) aux dépenses faites pour gérer tout bien commun ; b) aux obligations que les époux ont contractées ensemble ; c) aux obligations contractées par chacun des époux ayant comme but les besoins ordinaires du ménage ; d) à la réparation du préjudice causé par l'appropriation par l'un des époux des biens en propriété socialiste, si par cela les biens communs ont augmenté. l'ar. 33 Les acquêts ne peuvent être saisis par les créanciers personnels de l'un des époux. Néanmoins, après avoir saisi les biens propres du conjoint débiteur, son créancier personnel peut demander le partage des acquêts, mais uniquement pour qu'il se fasse ainsi payer. Dans ce dernier cas, les biens attribués par voie de partage deviennent des biens propres. l'ar. 34 Les créanciers communs peuvent aussi saisir les biens propres des époux, mais uniquement après avoir saisi les acquêts. l'ar. 35 Les époux administrent et utilisent conjointement les acquêts et en disposent pareillement. Chacun des époux, en exerçant seul lesdits droits, est censé avoir aussi le consentement de l'autre. Néanmoins, un conjoint ne peut aliéner et non plus grever un terrain ou une construction faisant partie des acquêts, s'il n'a pas le consentement exprès de l'autre époux. l'ar. 36 À la dissolution du mariage, les acquêts se partagent entre époux à leur gré. À défaut d'accord entre les époux sur le partage des acquêts, c'est le juge qui en décidera. Pour des raisons graves, les acquêts peuvent être partagés, entièrement ou pas, par voie judiciaire également pendant le mariage. Les acquêts ainsi partagés deviennent des propres. Les biens non partagés, ainsi que ceux ultérieurement acquis, sont des acquêts.
[1] Studiu finanţat dintr-un grant CNCSIS, competiţia 2008, proiect IDEI, cod. 2442, coordonator conf. dr. Dan Andrei Popescu, Facultatea de Drept, UBB Cluj-Napoca. * La faculté de droit de l'Université Babeş-Bolyai de Cluj, Roumanie ; vpaul@law.ubbcluj.ro [2] v. le Décret no. 1412 du 19 avril 1932, publié dans le Moniteur Officielle du 20 avril 1932, par lequel on a promulgué la loi relative à la levée de l'incapacité de la femme mariée. [3] Formellement, ces textes du Code civil n'ont été jamais abrogés, mais le régime actuel matrimonial exclu la convention de mariage et laisse sans substance l'institution contractuelle. [4] v. la Loi no. 4 du 4 janvier 1954, mise en vigueur le 1-er février 1954, republiée dans le Bulletin Officiel de la République Populaire de Roumanie no. 13 du 18 avril 1956. [5] v. l'annexe de l'étude. [6] La loi no. 287 de 2009 publiée dans le Moniteur Officiel de la Roumanie no. 511 du 24 juillet 2009. [7] Au 1-èr janvier 2011. On préconise l'entrée en vigueur du Code civil de 2009 au 1-èr janvier 2012. [8] Le 01 janvier 2011. [9] L'obligation d'entretient existant entre les époux jouit d'un titre à part, le 5-ème placé toujours dans le même livre (« du Mariage »), aux articles 513-534 C.civ.09. Il en résulte que les régimes matrimoniaux ne s'en occupent pas. [10] Celui-ci fut chassé de la législation communiste sous le mot qu'il rappellerait le droit bourgeois ! [11] « L'Article 312 - Régimes matrimoniaux. (1) Les futurs époux peuvent choisir comme régime matrimonial: la communauté légale, la séparation de biens ou la communauté conventionnelle. (2) Quel que soit le régime matrimonial choisi, on ne peut déroger aux dispositions de la présente section, à moins que la loi n'en dispose autrement. » [12] « L'Article359 - Les conventions contraires à la communauté légale. Toute convention contraire aux dispositions de la présente section est nulle de nullité absolue, dans la mesure où elle n'est pas compatible avec le régime de la communauté conventionnelle. » [13] « L'Article368 - Dispositions diverses. Si la convention matrimoniale ne stipule pas autrement, le régime juridique de la communauté conventionnelle obéit aux dispositions légales concernant le régime de la communauté légale. » [14] « (1) Chacun des époux peut demander à l'autre époux de lui fournir des renseignements concernant ses biens, ses revenus et ses dettes et, en cas de refus injustifié, il peut s'adresser au tribunal de tutelle. (2) Le juge peut obliger que le conjoint du requerrant, ou tout autre tiers, fournisse les renseignements demandés, en les prouvant. (3) Les tiers peuvent refuser de fournir les renseignements demandés, au cas où ceux-ci sont légalement classés en secret professionnel. (4) Au cas où les renseignements demandés par l'un des époux peuvent être légalement obtenus uniquement à la demande de l'autre conjoint, le refus du dernier de le demander fait engendrer la présomption relative que les allégations du conjoint requérant soient réelles. » [15] « L'Article 329 - La convention matrimoniale.Le choix d'un autre régime matrimonial que celui de la communauté légale se fait par la conclusion d'une convention matrimoniale. » Il est permis d'observer que le législateur a préfère la déduction à un texte qui proclame directement la communauté comme régime légal. De surcroît la même déduction peut être faite de l'intitulé de la 2-ème section « Le régime de la communauté légale » dont le premier article (339) porte le titre « les Acquêts ». [16]« L'Article 369 - Conditions.(1) Un an au moins après la célébration du mariage, les époux peuvent, à leur gré, remplacer le régime matrimonial existant avec un autre ou le modifier, tout en observant les conditions légales prévues pour la conclusion de la convention matrimoniale. (... ) » [17] « L'Article 370 - La séparation judiciaire de biens. (1) Si le régime matrimonial est celui de la communauté légale ou conventionnelle, le juge, à la demande de l'un des époux, peut prononcer la séparation de biens, lorsque l'autre conjoint conclut des actes qui mettent en péril les intérêts de la famille. (... ) » [18] « L'Article340 - Les propres. Ne sont pas des acquêts, mais des biens propres de l'un des époux : a) les biens acquis par succession, legs ou donation, à moins que le disposant n'ait prévu qu'ils seraient des acquêts ; b) les biens à usage personnel ; c) les biens affectés à l'exercice d'une profession de l'un des époux, à moins qu'ils ne soient des éléments d'un fonds de commerce faisant partie de la communauté ; d) les droits patrimoniaux de propriété intellectuelle de ses créations et ainsi que les droits des signes distinctifs enregistrés ; e) les biens acquis à titre de prix ou de récompense, les manuscrits scientifiques ou littéraires, les ébauches et les projets artistiques, les projets d'inventions et d'innovations, ainsi que d'autres biens similaires ; f) les indemnités d'assurance et les réparations obtenues suite à d'un dommage corporel ou moral ; g) les biens, les sommes d'argent ou tout autres valeurs qui remplacent un bien propre, ainsi que les biens acquis en échange de ceux-ci ; h) les fruits des propres. » [19] « L'Article 351 - Les dépenses communes des époux. Les époux sont tenus avec leurs biens communs : a) aux obligations issues de la conservation, l'administration ou l'acquisition des acquêts ; b) aux obligations contractées ensemble ; c) aux obligations contractées par l'un des époux ayant comme but les besoins courants du mariage ; d) à la réparation du préjudice causé par l'appropriation, par l'un des époux, des biens appartenant aux tiers, dans la mesure où les acquêts ont ainsi augmenté. » [20] La technique du droit de rétention fut utilisée aussi pour la séparation de biens : « L'Article 365 - Le droit de rétention. À la dissolution du régime de la séparation de biens, chacun des époux a un droit de rétention sur les biens de l'autre jusqu'au payement intégral des dettes qu'ils ont l'un envers l'autre. » [21] « L'Article 347 - La nullité relative. (1) L'acte conclu sans le consentement de l'autre conjoint, lorsqu'il est nécessaire selon la loi, est frappé de nullité relative. (2) Le tiers acquéreur qui a fait diligence de se renseigner sur la nature du bien est exempt des effets de la nullité. Les dispositions de l'alinéa (4) de l'article 345 restent applicables. » [22] « L'Article367 - L'objet de la convention matrimoniale. La convention matrimoniale instituant la communauté conventionnelle peut concerner un ou plusieurs des aspects suivants: a) l'élargissement de la communauté conventionnelle à des biens propres acquis avant ou après la célébration du mariage, à l'exception de ce que prévoit l'article 340 les lettres b) et c) ; b) la réduction de la communauté à des biens expressément déterminés dans la convention matrimoniale, qu'ils soient acquis avant ou pendant le mariage ; c) l'accord obligatoire des époux en vue de la conclusion de certains actes d'administration ; dans ce cas, si l'un des époux se trouve dans l'impossibilité d'exprimer sa volonté ou s'il s'y oppose abusivement, l'autre conjoint peut passer seul l'acte, mais uniquement après avoir obtenu l'autorisation judiciaire respective; d) l'inclusion d'une clause de préciput ; l'exécution de la clause de préciput aura lieu en nature ou, s'il est impossible, par équivalent, de la valeur nette de l'actif de la communauté ; e) les modalités de la liquidation de la communauté conventionnelle. » [23] Prévue en principe même à l'article 319 C.civ09. [24] « L'Article 319 - La dissolution du régime matrimonial. (1) Le régime matrimonial se dissout par la nullité et par la dissolution du mariage. (2) Durant le mariage, le régime matrimonial peut être modifié dans les conditions prévues par la loi. » [25] Le Code roumain de la famille (ainsi qu'on appelle la Loi no. 4 du 4 janvier 1954) a été mis en vigueur le 1-er février 1954 et republié maintes fois. La présente traduction en français ne représente pas une version officielle, elle étant due à l'auteur de cette étude. [26] On considère le syntagme « biens communs » et le mot « acquêt(s) » comme synonymes absolus.
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