Numărul 4 / 2010

 

IN MEMORIAM TUDOR DRĂGANU

 

L'INTEGRATION JURIDIQUE EUROPEENNE ET LES METHODES DU DROIT INTERNATIONAL PRIVE - QUELQUES OBSERVATIONS[1]

 

Alina Oprea*

 

Résumé. Les méthodes auxquelles le droit international privé fait appel afin de gérer la diversité législative portent aujourd'hui l'empreinte de l'intégration juridique européenne. Le rappel des techniques utilisées par le législateur de l'Union pour réaliser cette intégration permet de vérifier que celle-ci n'implique pas nécessairement la disparition des conflits de lois ; mais si habituellement les conflits sont réglés par la mise œuvre soit des règles de conflit, soit d'éventuelles lois de police, la prise en compte de la donnée européenne apporte des modifications non négligeables dans la place respective de chacune de ces méthodes, du moins pour les situations intra-européennes. L'exemple de la directive sur les offres publique d'acquisition sert d'illustration pour le nouvel équilibre, marqué par une forte perte de terrain des lois de police nationales et, corrélativement, par la valorisation des règles de conflit.

Mots - clés : intégration juridique, uniformisation, harmonisation, conflits de lois, règles de conflit, lois de police ; lex societatis, lex auctoritatis, offres publiques d'acquisition.

 

 

1.                  Par l'intermède des politiques d'unification et d'harmonisation, l'essentiel des efforts de la Communauté et de l'Union européenne a été consacré à la réduction des divergences (profondes) entre les lois des Etats membres[2] et, ainsi, à la limitation des risques des distorsions de concurrence entre les opérateurs entraînées par ces divergences[3]; avec l'émergence des valeurs et principes fondamentaux de source européenne, les systèmes juridiques des Etats membres, inspirés par les mêmes politiques et les mêmes objectifs liés au projet de la construction européenne[4], partagent un fond commun. La diminution du nombre des règlementations divergentes de source purement nationale et, corrélativement, la multiplication des normes de source européenne dans ces législations influent nécessairement sur la conception qu'on se fait sur les conflits des lois et sur les modalités adéquates pour leur résolution.

2.                  Centrée sur la place que la méthode des règles de conflit de lois et celle des lois de police peuvent et doivent avoir dans le futur au sein de l'espace européen intégré, la présente étude essayera de dégager les principaux aspects de cette influence. La recherche des implications que l'équivalence des législations des Etats membres a sur les deux méthodes mentionnées sera précédée, dans ce qui suit, d'une mise en revue des formes de réalisation de l'intégration juridique utilisées par le législateur européen - occasion de vérifier précisément que les conflits de lois ne sont pas supprimés dans l'Union européenne, et qu'avec cela, les règles de droit international privé gardent toute leur importance.

I. Formes/techniques de réalisation de l'intégration

3.                  Pour des raisons liées en particulier à l'absence de compétence législative des institutions communautaires[5], le droit privé matériel intégré se trouve limité dans l'Union européenne à des secteurs spécifiques ; cette « mosaïque, constituant une entité incohérente et présentant souvent des contradictions internes »[6], se présente non pas sous la forme du droit unifié, mais surtout sous la forme du droit harmonisé.

Unification et harmonisation sont des concepts spécifiques à l'intervention législative communautaire/européenne[7], ayant chacun une influence différente sur l'avenir des méthodes de résolution des conflits de lois en Europe.

4.                  A. Unification. L'unification est une technique de remplacement des droits jusqu'au là distincts par un droit unique. Le phénomène est bien connu en droit international, où on dispose des conventions unifiant le droit matériel, substantiel[8] ou le droit international privé des Etats[9]. On le rencontre aussi dans le droit de l'Union européenne, sous la forme des règlements qui, par leur application directe, simultanée et uniforme dans tous les Etats membres, sont un instrument parfait d'unification. Ils n'exigent pas de transposition, donc les divergences des législations sont évitées. Ils favorisent la sécurité juridique des transactions transfrontières et permettent une protection uniforme et sans disparité des personnes privées au sein de l'UE, empêchant les distorsions de la concurrence.

En dépit de cet instrument adapté, le droit privé matériel uniforme de source européenne se présente assez modestement dans les Etats membres. En effet, il y a peu de règlements dont le but est l'unification du droit privé dans l'Union (unification comprise comme la création des normes communes couvrant toute situation ou couvrant uniquement des situations transnationales). Le nombre des secteurs où on peut trouver des exemples est assez réduit : le droit social[10], les sociétés communautaires[11], la propriété industrielle[12], la protection des consommateurs dans le secteur des transports aériens[13], la propriété intellectuelle en matière agricole[14] ou, plus récemment, avec les compétences communautaires en matière de coopération judiciaire civile, le droit international privé[15]. Les normes européennes ainsi créées (le droit privé uniforme) se substituent dans la plupart des cas aux normes nationales ayant le même objet. Mais l'unification réalisée n'est toutefois que très partielle - les textes instituant ce droit privé uniforme sont rares, ponctuels et parfois incomplètes; ils s'insèrent dans le droit matériel national[16], auquel font souvent référence comme complément[17].

5.                  En raison de ces particularités, l'unification du droit matériel des Etats membres ne fait pas disparaître les règles de droit international privé. Lorsque le droit unifié en cause vise toute type de relation - purement interne ou transfrontière -, le caractère sectoriel et parcellaire de l'unification réalisée, qui conduit à l'insertion dans le droit national, implique nécessairement l'appel à des règles de conflit; cela est vrai même lorsque le droit unifié en cause est propre aux relations transfrontières[18], l'explication étant également liée au caractère incomplet des ces règlementations[19]. L'unification du droit matériel des Etats membres a, en revanche, une influence plus néfaste sur les lois de police ; en effet, sauf pour ce qui se trouve en dehors du domaine de cette unification, il n'y aura plus de place pour une technique dérogatoire - telle la technique des lois de police -, expression des particularismes locaux et de la protection des intérêts du for. Le droit unifié s'appliquera, dans les relations entre les Etats membres, comme droit unifié.

6.                  B. L'harmonisation. L'harmonisation peut être définie comme la « réalisation, dans le respect de la pluralité des droits étatiques, d'une équivalence des règles nationales, ou plus précisément d'une équivalence des coûts et avantages socio-économiques ou des situations juridiques résultant de leur application »[20]. Dans la construction européenne, cette technique occupe une place centrale. Elle se présente sous plusieurs formes[21], en fonction de l'intensité normative des textes adoptés.

7.                  Harmonisation totale ou complète. L'harmonisation complète, moins rencontrée et limitée à des domaines spécifiques[22], vise les cas dans lesquels il est interdit aux Etats membres d'ajouter des prescriptions supplémentaires dans la matière couverte (le texte d'harmonisation, une directive, ayant un caractère exhaustif)[23] ou d'invoquer les exceptions légales prévues par le Traité aux libertés de circulation ou les exigences impératives d'intérêt général dégagées dans la jurisprudence de la Cour de justice (le texte européen ayant pris déjà des mesures de sauvegarde des objectifs de santé ou sécurité publique et prévu des contrôles à cette fin)[24]. Selon A. Mattera, « on est en présence d'une harmonisation totale lorsqu'une directive impose des règles qui se substituent entièrement aux règles nationales existantes en la matière... ; l'effet d'une telle mesure est de 'dessaisir' les Etats membres de leurs compétences dans les secteurs spécifiquement réglementés au niveau communautaire »[25].   

La méthode connait des applications en droit européen des obligations, avec les directives sur la responsabilité des produits[26], sur la commercialisation à distance des services financiers auprès des consommateurs[27], sur les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur[28]. Même si les Etats membres doivent transposer les directives en cause, avec l'harmonisation totale on arrive à la création des règlementations très proches. 

8.                  Harmonisation minimale. L'harmonisation minimale est l'approche suivie après l'adoption de l'Acte Unique Européen. Elle représente le niveau le plus faible d'harmonisation, s'expliquant soit par la complexité des certaines domaines, soit par la volonté des institutions européennes de réaliser seulement des avancées progressives, graduelles[29] et de respecter les exigences du principe de subsidiarité et de l'(ancien) article 3h) CE, qui prévoyait l'intervention communautaire en vue du rapprochement des législations nationales seulement « dans la mesure nécessaire au fonctionnement du marché commun». Dans l'esprit de cette harmonisation minimale, les législateurs nationaux ne sont pas empêchés d'étendre le domaine et l'étendue de la protection requise par les directives en cause, avec des dispositions plus strictes[30], sans pouvoir toutefois se distancer trop du texte source. L'harmonisation minimale a été la règle, pour longtemps, dans le domaine de protection des parties faibles[31] : en sont des exemples la plupart des directives européennes ayant règlementé la protection des consommateurs en relation avec des produits spécifiques (le crédit de consommation[32], l'utilisation à temps partiel d'un bien immobilier[33]les voyages, les vacances et les circuits à forfait[34]) - ou avec des modes spécifiques de commercialisation (vente à distance[35], démarchage[36]).

9.                  Les dernières années ont apporté un changement de philosophie au niveau des institutions européennes et un renversement de technique peut être constaté : afin d'éviter la création des barrières supplémentaires au commerce intra-communautaire, générées par la transposition des directives, au lieu de la précédente « harmonisation minimale » la Commission soutient à présent plutôt une approche « harmonisation totale »[37]. Ils en sont des exemples la directive concernant les contrats de crédit aux consommateurs[38], la nouvelle directive time-sharing[39] et le projet de directive-cadre sur les droit de consommateurs qui envisage la reforme des directives démarchage, clauses abusives, contrats à distance et vente et garanties des biens de consommation[40].

II. Equivalence des législations des Etats membres et méthodes du droit international privé 

10.              Par l'harmonisation, les institutions européennes se sont données pour mission de créer des équivalences dans les législations des Etats membres[41] ; l'intérêt général et le niveau de sa protection sur le territoire européen sont directement déterminés par ces institutions, à travers les actes adoptés. A partir du moment où on accepte l'idée que les directives imposent aux Etats membres un certain objectif à atteindre, la tentation est grande d'affirmer qu'en dépit du fait que les Etats ont le libre choix des moyens pour y parvenir, les lois nationales de transposition seraient équivalentes au regard du droit international privé, en ce qu'elles garantissent toutes un résultat identique[42].

Il a été affirmé que dans le plan des méthodes, cela conduit à deux conséquences : effacement même de la règle de conflit ; impossibilité d'utiliser les lois de police contre des telles législations harmonisées. A notre avis, si la première peut être discutée, la seconde s'impose.

11.              Effacement de la règle de conflit. Concernant la première de ces conséquences, l'effacement même de la règle de conflit, Mme. A. Quiñones Escámez écrivait dans son "Communication sur le droit européen des contrats": « Brevitatis causa: hors des domaines coordonnés par les directives il faut vérifier in casu si les dispositions nationales applicables constituent des entraves susceptibles d'être justifiées par les objectifs communautaires (test de proportionnalité). Néanmoins, dans les domaines coordonnés par les directives, même minimales et favorisant des mesures nationales plus strictes pour les entreprises nationales (discrimination à rebours), la théorie ou présomption de l'équivalence des législations (résultats) gomme les faux ou prétendument faux conflits de lois »[43].

Toute la doctrine n'est pas d'accord, toutefois, avec cette conséquence[44]. Nombreux auteurs considèrent que si les lois de transposition garantissent à la base un niveau équivalent de protection, elles ne devraient, pour autant, être qualifiées d'identiques au sens du droit international privé[45].

En effet, les directives laissent aux Etats membres un certain degré de liberté dans la transposition : elles établissent simplement les objectifs que les Etats membres sont tenus d'atteindre, mais la manière de réalisation de ceux-ci dépend des choix du chaque Etat, de sorte que les textes finaux de transposition peuvent varier d'un Etat membre à autre; également, même des règles formelles identiques peuvent être et ont été interprétées de façon différente par les tribunaux des différents Etats, de sorte que l'uniformisation n'élimine pas nécessairement les différences et que le conflit de lois demeure présent. De plus, même en présence de résultats juridiques identiques, il peut être important de savoir s'il a été fait l'application de la lex fori ou d'une loi étrangère, en raison du régime différent qui est réservé à chacune de deux lois devant la Cour de cassation[46].

Tout cela confirme que l'harmonisation européenne ne fait pas disparaître la discipline des conflits de lois[47] ; au contraire, par les équivalences instituées, elle crée le cadre adéquat pour la mise en œuvre des règles traditionnelles de conflit. 

12.              Impossibilité d'utilisation des lois de police dans les relations entre les Etats membres. Une position toute opposée - impossibilité d'utilisation dans les relations entre les Etats membres - peut être retenue pour ce qui est de la technique des lois de police.

Les arguments en faveur de cette position tournent autour du fait qu'après l'harmonisation d'un domaine, les différences juridiques entre les Etats membres semblent, du point de vue du droit européen, négligeables, de sorte que la protection du son droit par l'Etat membre du for ne peut plus être considérée comme un impératif d'ordre public. La jurisprudence de la Cour de justice indique que les Etats membres perdent leur compétence relative à la détermination de leur intérêt général dans la mesure où, en vertu du Traité, des actes européennes viennent d'harmoniser les dispositions législatives, réglementaires et administratives du droit interne[48] ; la solution est la même aussi lorsque le texte européen offre des options aux Etats ou se contente d'une harmonisation minimale - l'objectif de ces directives est de réduire les différences juridiques de telle manière qu'à l'égard des différences mineures qui vont persister entre les législations Etats membres il est possible de se montrer tolérant. Un Etat membre ne pourra plus prétendre que les objectifs fondamentaux poursuivis à travers sa législation (résultant de la transposition) vont être ruinés suite à l'application d'une loi étrangère (d'un autre Etat membre), car celle-ci aura un contenu très proche, sinon identique à celui de sa propre loi ; l'application nécessaire de cette dernière ne semble plus légitime[49].

La prétention d'un Etat membre d'imposer, par le biais de la technique des lois de police, sa norme de transposition au détriment de celle édictée par un autre Etat membre et qui serait applicable au rapport de droit apparaît incompatible avec les principes du droit de l'Union européenne[50] : comme instrument d'harmonisation des législations des Etats membres, la directive se caractérise par la faculté laissée aux Etats de choisir de façon autonome les moyens pour la réalisation de l'objectif établi par le législateur européen ; la prétention d'un Etat de faire prévaloir ses propres normes de transposition sur les normes des autres Etats membres autrement rendues compétentes par l'application des règles habituelles de conflit se traduirait par une méconnaissance de cette faculté[51].

13.              Une observation supplémentaire s'impose. En commençant cette étude, on précisait que l'intervention du législateur européen a visé principalement des domaines où les Etats membres pouvaient encore, suite à la décision Cassis de Dijon[52], invoquer des lois de police - lois justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général. Si avec M. Fallon, on accepte qu' « il existe un lien fonctionnel entre l'affirmation jurisprudentielle d'une raison impérieuse, l'attribution d'une compétence au législateur communautaire pour rapprocher les droits nationaux dans la matière concernée et la consécration de la valeur en cause au rang d'une « politique » de la Communauté à l'occasion d'une révision du Traité CE »[53], il ne faut pas considérer que les normes européennes d'harmonisation (et les lois de transposition) qui se substituent aux précédentes lois de polices nationales en empruntent ce caractère. Cette qualification « par contagion » impliquerait que dans les droits nationaux existent des « matières » relevant des lois de police et les Etats se mettent d'accord sur cette qualification, ce qui n'est pas évidement le cas en pratique[54].    

Tenant compte de ces éléments, la diminution, sinon la disparition, du champ d'intervention des lois de police nous semble la suite naturelle de l'harmonisation[55].

14.              L'émergence des règles de conflit européennes spécifiques dans des matières régies par des lois de police - l'exemple de la règlementation sur les offres publiques transfrontières. La communauté de droit, conséquence de l'harmonisation, favorise plutôt l'émergence des facteurs de rattachement qui permettent l'accomplissement des objectifs poursuivis traditionnellement par des lois de police. L'exemple de la réglementation européenne sur les offres publiques transfrontières illustre le propos. 

15.              Traditionnellement, les conflits de lois en matière d'offres publiques d'acquisition étaient réglées par une méthode de combinaison de la lex societatis et de la lex auctotaris, cette dernière intervenant à titre de loi de police, lorsque la société cible était cotée sur son marché d'origine et sur des marchés étrangers[56]. En effet, si la compétence de la lex societatis était justifiée par le fait que les OPA intéressent directement le fonctionnement de la société et la règlementation afférente constitue un droit spécial des sociétés, avec des sanctions typiques du droit des sociétés, il n'est pas moins vrai que beaucoup de normes de la lex auctoritatis, destinées à assurer des objectifs particuliers, tels la protection et l'information des actionnaires, la transparence, l'égalité et l'intégralité du marché, la loyauté des transactions et la compétition saine, prétendaient à s'appliquer immédiatement et impérativement à toute société, à toute opération se déroulant sur le marché de l'Etat édictant ces normes[57]. Dans une affaire de 1998, Intek International, la Cour d'Appel de Paris affirmait, à propos de la règlementation française sur les offres publiques d'acquisition, que « ces dispositions d'ordre public économique s'imposent à tout opérateur qui intervient sur un marché réglementé français »[58]. La situation en France était similaire à celle rencontrée dans d'autres pays européens[59].

16.              Avec la directive sur les OPA, la situation a changé significativement. Afin de conserver les spécificités nationales (compatibles avec les libertés communautaires) et de ménager les préoccupations des Etats en ce domaine[60], la directive 2004/25/CE recourt à la méthode conflictuelle pour préciser, dans son article 4, l'autorité compétente et la loi applicable lorsque plusieurs Etats membres sont concernés[61]. Ce faisant, elle change les solutions antérieures assez radicalement, mais seulement pour ce qui est des relations intra-européennes, car la directive entend s'appliquer seulement aux offres publiques visant les titres, vendus sur un marché européen, des sociétés dont le siège social est situé dans l'espace économique européen[62].

Premièrement, pour ce qui est de la compétence des autorités, si dans une affaire il y a concordance entre le lieu du siège social et le lieu de cotation de la société en cause, l'article 4§2 a) de la directive dispose que l'autorité compétente en vue de contrôler l'offre est celle de l'Etat membre dans lequel la société a son siège[63]. En cas de dissociation, l'autorité compétente est celle du lieu de cotation[64]. En cas de multi-cotation, prioritaire c'est le critère chronologique[65] ; dans l'hypothèse de multi-cotation simultanée réalisée avant 20 mai 2006, les Etats membres et à défaut la société cible désigneront l'autorité compétente ; si la multi-cotation simultanée est réalisée après 20 mai 2006, la société cible désigne l'autorité compétente.

Ensuite, pour ce qui est de la loi applicable, la directive a préféré, en cas de dissociation entre le lieu du siège social et celui de cotation, désigner deux autorités compétentes et de combiner la compétence des deux lois[66] : l'article 4§2 e) de la directive dispose que la loi du lieu de cotation s'applique pour ce qui est des aspects concernant la contrepartie offerte (le prix), la procédure de l'offre (informations sur la décision prise par l'initiateur de l'offre, sur le contenu de l'offre, sur la divulgation de celle-ci) ; en revanche, la loi du siège social s'applique aux questions tenant à l'information qui doit être fournie aux salariés de la société cible et aux celles de droit des sociétés (les défenses anti-OPA, les dérogations à l'obligation de lancer une offre, le nombre des votes nécessaire pour obtenir le contrôle)[67]. Si le critère de ventilation est proche de celui proposé par H. Synvet en 1974[68], certaines inconvénients, liés par exemple aux risques de conflits positifs ou négatifs, demeurent[69].

17.              Quoi qu'il en soit de l'adéquation de ces règles, ce qui nous intéresse ici est que la démarche en poursuivie est celle des règles de conflit bilatérales. Le texte en son ensemble n'est pas préoccupé de l'applicabilité de la directive, mais il organise la coexistence et la diversité des droits des Etats membres (pour la question spécifique) ; l'analyse qu'il impose n'est pas celle des normes qui définissent unilatéralement leur domaine d'application (même si on pourrait penser à cela en raison du fait que la directive est destinée à intervenir pour ce qui est des titres d'une société dont le siège social est situé dans l'espace économique européen)[70], mais celle des règles traditionnelles de droit international privé (les règles de conflit) qui œuvrent en vue de réaliser l'uniformité des solutions. L'explication de ces changements réside probablement dans le caractère évolutif de la qualification de « lois de police » appliquée à ces réglementations économiques, en raison de leur diffusion de plus en plus large et du partage et de la reconnaissance dans d'autres Etats (membres) des intérêts pris en charge par ces lois[71] ; l'harmonisation conduit à la création d'une communauté de droit, dans laquelle la règle de conflit peut fonctionner adéquatement[72].

18.              Conclusion. Si à première vue, le processus de rapprochement européen des législations des Etats membres semble impliquer un effacement des mécanismes de droit international privé - car la convergence des règles matérielles dans tous les Etats membres se traduirait par de faux conflits, qui rendraient superflues les démarches de recherche de la loi applicable et justifieraient la simple application de la lex fori, la réalité est plus complexe que cela. Malgré l'intégration assez poussée, les conflits de lois entre les Etats membres ne disparaissent pas, en chaque cas devant être déterminée la loi nationale de transposition compétente à intervenir ; le rapprochement réalisé invite plutôt à considérer l'espace européen comme l'espace d'une communauté de droit qui favorise le jeu normal de la règle de conflit. En revanche, du même coup, la technique des lois de police voit sont domaine de plus en plus réduit, car elle ne peut plus être utilisée lorsque des standards équivalents ont été introduits dans toute l'Union; témoignant des toutes les dernières différences suffisamment importantes entre les législations des Etats membres, les lois de police de source nationale sont progressivement vouées à la disparition.

 

 

[1] Studiu finanţat dintr-un grant CNCSIS, competiţia 2008, proiect IDEI, cod. 2442, coordonator conf. dr. Dan Andrei Popescu, Facultatea de Drept, UBB Cluj-Napoca.

* Asistent univ,. FSEGA, UBB Cluj-Napoca, alinaxoprea@yahoo.fr  

[2] Même si après la décision Cassis de Dijon (CJCE, 20 février 1979, aff. 120/78, Rewe c. Bundesmonopolverwaltung für Branntwein) l'intégration positive des législations des Etats membres, réalisée par introduction des règles harmonisées, a connu une certaine régression en UE en raison de l'utilisation très généreuse du principe jurisprudentiel de reconnaissance mutuelle comme une « arme » d'intégration négative, l'harmonisation n'est ni inutile, ni abandonnée par les autorités européennes. Elle permet la réduction au minimum des différences existantes entre ces législations et l'accès au marché intérieur est garanti par l'application des règles ayant une source commune et pouvant faire l'objet d'une interprétation uniforme, grâce à l'intervention de la Cour de justice.

[3] L'harmonisation législative est réservée à des situations exceptionnelles dans lesquelles le droit primaire permet encore l'existence des règlementations doubles (lorsque des arguments suffisamment forts peuvent être invoqués pour justifier l'application des lois impératives qui restreignent le commerce intracommunautaire - S. Weatherill, « Pre-emption, harmonisation and the Distribution of Competence to Regulate the Internal Market», in C. Barnard, J. Scott, The law of the Single European Market, Unpacking the Premises, Hart Publishing, 2002, p. 51; S. Grundmann, J. Stuyck, "An academic Green Paper on European Contract Law - Scope, Common Ground and Debated Issues", in Academic Green Paper on European Contract Law (eds. S. Grundmann et J. Stuyck, 2002), p. 3, 20) ou pour corriger les distorsions de concurrence liées aux divergences entre les législations nationales (V. par exemple la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits, JOCE, nº L. 210, du 7 août 1985, dont le premier considérant est très clair: « ... un rapprochement des législations des Etats membres en matière de responsabilité du producteur pour les dommages causés par le caractère défectueux de ses produits est nécessaire du fait que leur disparité est susceptible de fausser la concurrence, d'affecter la libre circulation des marchandises au sein du marché commun et d'entraîner des différences dans le niveau de protection du consommateur contre les dommages causés à sa santé et à ses biens par un produit défectueux » ; de même, v. le considérant 4 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, JOCE L 149, du 11 juin 2005, qui précise que les disparités des législations des Etats membres « entraînent une incertitude quant aux règles nationales applicables aux pratiques commerciales déloyales portant atteinte aux intérêts des consommateurs et créent de nombreuses entraves touchant les entreprises et les consommateurs. Ces entraves augmentent le coût à supporter par les entreprises pour exercer les libertés liées au marché intérieur (...) »).

[4]A coté toutefois des objectifs communs, l'impératif du respect de la variété des intérêts qui ont pu stimuler les législateurs nationaux est également pris en compte dans le processus législatif européen: dans l'exercice de leur compétence législative, les autorités européennes veillent à l'équilibre qui doit être réalisé entre ces impératifs nationaux, en cherchant des solutions qui satisfassent les attentes et qui répondent aux préoccupations de tous les Etats membres.

[5] C'est l'article 5 CE (« 1. La Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité. 2. Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. 3. L'action de la Communauté n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent traité ») qui a tracé le cadre de la compétence des institutions communautaires, avec le principe d'attribution (article 5§1 CE), le principe de subsidiarité (article 5§2 CE) et le principe de proportionnalité (article 5§3 CE). Les termes du Traité supposent que les institutions communautaires n'agissent, dans le domaine du marché intérieur, que pour en assurer le « bon fonctionnement » ; cette condition, très importante, impose pratiquement la preuve que l'harmonisation projetée tend à résorber une «entrave sensible » aux échanges - v. M. Fallon, « Le droit international privé en 2004, entre jus commune, codification et droit privé européen », p. 225-267, in Le code civil entre ius commune et droit privé européen, Bruylant, 2005, sp. p. 259 ; aussi, L. Idot, « Rapport introductif », in (dir.) J.S. Bergé, M.L. Niboyet, La réception du droit communautaire en droit privé des Etats membres, Actes du Colloque international organisé à l'Université Paris X, le 28 janvier-1er février 2003, Bruylant, 2003, p. 17, sp. p. 21-24. Même si après la reforme intervenue avec le traité de Lisbonne, l'article 5 du Traité UE (ex. article 5 CE) a un contenu plus élaboré (« 1. Le principe d'attribution régit la délimitation des compétences de l'Union. Les principes de subsidiarité et de proportionnalité régissent l'exercice de ces compétences. 2. En vertu du principe d'attribution, l'Union n'agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. Toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres. 3. En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union. Les institutions de l'Union appliquent le principe de subsidiarité conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Les parlements nationaux veillent au respect du principe de subsidiarité conformément à la procédure prévue dans ce protocole. 4. En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. Les institutions de l'Union appliquent le principe de proportionnalité conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité »), la condition mentionnée demeure.

[6] B. Fauvarque-Cosson, W. Van Gerven, « La convergence des droits en Europe », LPA, 19 avril 2007, n° 79, p. 63 et s.

[7] V. en détail sur ces différentes formes, A. Jeammaud, « Unification, uniformisation, harmonisation : de quoi s'agit-il ? », Actes et débats du Colloque « Vers un Code européen de la Consommation », Lyon, 12 et 13 décembre 1997, dir. F. Osman, Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 35-55 ; aussi, A.-M. de Matos, Les contrats transfrontières de consommation conclus par les consommateurs au sein de l'Union Européenne, PUAM, 2001, p. 335 et s., nº 556 et s. 

[8] V. par exemple la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises (Vienne, 11 avril 1980).

[9] V. par exemple la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, 9 juin 1980 (JO L 266 du 9.10.1980), la Convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 299 du 31.12.1972), les Conventions de la Haye (www.hcch.net).

[10] Règlement (CEE) nº 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, (JO L 257 du 19.10.1968, version consolidée du 30.04.2006) ; Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté,  JO L 149 du 5.7.1971, version consolidée du 07.07.2008.

[11] V. Règlement (CEE) n° 2137/85 du Conseil du 25 juillet 1985 relatif à l'institution d'un groupement européen d'intérêt économique (GEIE), JO L 199 du 31.7.1985 ; Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE),  JO L 294 du 10.11.2001; Règlement (CE) n° 1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC) JO L 207 du 18.8.2003.

[12] V. Règlement (CE) no 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire (version codifiée), JO L 78 du 24.3.2009 (abrogeant le Règlement (CE) n° 40/94) ; Règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, JO L 227 du 1.9.1994 (version consolidée du 31.01.2008) ; Règlement (CE) nº 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires (JO CE nº L 3 du 5.1.2002).

[13] Règlement (CE) no 2027/97 du Conseil du 9 octobre 1997 relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d'accident, JOCE, 1997, L. 285 du 17.10.1997; Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91,  JO L 46 du 17.2.2004.

[14] Règlement (CE) no 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, JO L 93 du 31.3.2006 (abrogeant le règlement 2081/92); Règlement (CE) nº 509/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif aux spécialités traditionnelles garanties des produits agricoles et des denrées alimentaires, JO L 93, du 31.3.2006 (abrogeant le règlement 2082/92 du 14 juillet 1992, relatif aux attestations de spécificité).

[15] V. ainsi, par exemple, le Règlement 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité (JO L 160, du 30.6.2000), le Règlement 864/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) (JO L 199, du 31.7.2007), le Règlement 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), (JO L 177, du 4.7.2008), le Règlement 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires (JO L 7, du 10.1.2009).

[16] Il s'agit des « îlots de droit communautaire dans l'immense océan du droit privé matériel national non unifié » - K. Kreuzer, « La communautarisation du droit international privé : les acquis et les perspectives », in Droit global, Unifier le droit : le rêve impossible ?, 2001/1, Ed. Panthéon-Assas, sous la dir. de L. Vogel, p. 97, sp. p. 101.

[17] Par exemple, l'article 88 du Règlement (CE) nº 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires (JOCE L 3, du 5.1.2002) dispose : „Droit applicable. 1.  Les tribunaux des dessins ou modèles communautaires appliquent les dispositions du présent règlement. 2.  Pour toutes les questions qui n'entrent pas dans le champ d'application du présent règlement, le tribunal des dessins ou modèles communautaires applique son droit national, y compris son droit international privé"

[18] Par exemple, les articles 9 et 10 du Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE) (JO L 294 du 10.11.2001) disposent, en matière de loi applicable : « Article 9. 1. La SE est régie: a) par les dispositions du présent règlement; b) lorsque le présent règlement l'autorise expressément, par les dispositions des statuts de la SE, ou c) pour les matières non réglées par le présent règlement ou, lorsqu'une matière l'est partiellement, pour les aspects non couverts par le présent règlement par: i) les dispositions de loi adoptées par les États membres en application de mesures communautaires visant spécifiquement les SE; ii) les dispositions de loi des États membres qui s'appliqueraient à une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire; iii) les dispositions des statuts de la SE, dans les mêmes conditions que pour une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire. 2. Les dispositions de loi adoptées par les États membres spécifiquement pour la SE doivent être conformes aux directives applicables aux sociétés anonymes figurant à l'annexe I. 3. Si la nature des activités exercées par une SE est régie par des dispositions spécifiques de la législation nationale, celles-ci s'appliquent intégralement à la SE. Article 10. Sous réserve des dispositions du présent règlement, une SE est traitée dans chaque État membre comme une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire ».

[19] V. en ce sens K. Kreuzer, op. cit., p. 97 et s.

[20] A. Jeammaud, op. cit.,  p. 35-55.

[21] V., de façon détaillée, M. Fallon, Droit matériel général de l'Union européenne, 2e éd., Bruylant, 2002, sp. p. 215 et s.

[22] Ex. politique agricole commune, achèvement du marché intérieur. La directive européenne sur les agents commerciaux (Directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, JO L 382 du 31.12.1986) est un exemple de texte d'harmonisation complète ; elle coordonne les droits nationaux relatifs aux rapports juridiques entre les agents commerciaux permanents et les mandants, essayant de garantir davantage de protection sociale pour les agents. La directive contient des dispositions sur la rémunération et sur l'indemnisation/réparation dont l'agent doit jouir en cas de rupture du contrat par le mandant, elle impose impérativement aux parties de porter attention à l'intérêt de l'autre et d'agir avec diligence et bonne-foi ; elle contient aussi des dispositions impératives sur la forme, la durée, la rupture des contrats.

[23] V. CJCE, 12 juillet 1988, aff. 60/86, Commission c. Royaume-Uni (litige portant sur la directive 76/756 relative à l'installation de dispositifs d'éclairage et de signalisation lumineuse des véhicules à moteur).

[24] V. par exemple CJCE, 5 octobre 1977, aff. 5/77, Tedeschi c. Denkavit.

[25] A. Mattera, Le Marché Unique Européen, 2ème éd, 1990, Jupiter, p. 180, cité par L. Dubouis, C. Blumann, Droit matériel de l'Union Européenne, Montchrestien, Paris, 2001, p. 320.

[26] Directive 85/374/CEE relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (JO L 210, 7.8.1985) ; v., aussi, CJCE, 25 avril 2002, C-52/00, Commission c. France, §24, D. 2002, Jur. 2462, note C. Larroumet.

[27] Directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002, JOCE L 271, 9 octobre 2002.

[28] Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, JO L 149 du 11.6.2005.

[29] A.M. de Matos, op. cit., p. 337-338.

[30] V. par exemple l'article 14 de la directive 97/7 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière des contrats à distance, JOCE, nº L 144 du 4 juin 1997; v. M. Tenreiro, « Les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 », Contrats, concurrence, consommation, juillet 1993, Chr., p. 1 - 4; Europe, mai 1993, p. 1- 4 ; aussi, CJCE, 16 mai 1989, C-382/87, Buet ; CJCE, 11 décembre 2003, C-322/01, Doc Morris.

[31] Pour une approche des développements du droit européen en matière de protection des consommateurs, v. N. Reich, « Protection of Consumers'Economic Interests by the EC », 14 Sydney Law Review, 1992, p. 23 ; « Protection of Consumers'Economic Interests by EC Contract law - Some Follow-up Remarks », 28 Sydney Law Review, 2006, p. 37-62.

[32] V. la directive 87/102 du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit à la consommation, JOCE nº L 42 du 12 février 1987; ce texte a pour but un rapprochement minimal des législations des Etats membres et une protection minimale du consommateur, les Etats membres restant libres d'adopter des législations plus strictes. La directive 87/102 a été modifiée par une directive 90/88 du Conseil du 22 février 1990 (JOCE L 61, du 10 mars 1990) et une directive 98/7 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998 (JOCE L 101, du 1er avril 1998).

[33] Directive 94/47 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de bien immobiliers, JOCE, nº L 280 du 26 octobre 1994.

[34] Directive 90/314 du Conseil du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, JOCE L 158 du 23 juin 1990, sur laquelle v. B. Stauder, « Les voyages à forfait - quelques réflexions sur la réglementation communautaire », in Actes et débats du Colloque « Vers un Code européen de la Consommation », op. cit., p. 151-163.

[35] Directive 97/7 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière des contrats à distance, JOCE, nº L 144 du 4 juin 1997, sur laquelle v. J.M. Rothmann, « La vente à distance », in Actes et débats du Colloque « Vers un Code européen de la Consommation », op. cit., p. 139-150.

[36] Directive 85/577 du Conseil, concernant la protection des consommateurs dans le cas des contrats négociés en dehors des établissements commerciaux, JOCE, nº L 372, du 31 décembre 1985.

[37] V. Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, « Un droit européen des contrats, un plan d'action », 12 février 2003, COM(2003) 68 final, sp. p. 16, §50 ; Commission, Rapport non législatif de P. Whitehead, « Stratégie pour la politique des consommateurs 2002-2006 », adopté par le Parlement européen le 13 mars 2003, A5-0023/2003 (qui établit l'harmonisation totale comme le nouveau objectif des politiques communautaires en matière de pratiques commerciales et du droit  de la consommation); Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, « Droit européen des contrats et révision de l'acquis : la voie à suivre », 11 octobre 2004, COM(2004)651 final, sp. p. 3 et 4 ; V. Programme de la Commission, 6 avril 2005, COM(2005) 115 final). Dans le « progress report » (COM (2005) 456 final), la Commission présente deux options pour son travail futur : « vertical/horizontal approach » ; on ne retrouve pas une orientation politique ou une orientation juridique dans la présentation de la Commission, la question du choix entre l'harmonisation minimale et celle totale est évitée. Dans le Livre Vert sur la révision de l'acquis communautaire en matière de protection des consommateurs, présenté le 8 février 2007, COM(2006)744 final (sur lequel v. G. Paisant, « La révision de l'acquis communautaire en matière de protection des consommateurs », JCP, 2007, I, n˚ 152, p. 9-15 ; H.-W. Micklitz, N. Reich, European Consumer Law - quo vadis?,Comments on the Commission's Green Paper on the Review of the Consumer Acquis of 8.2.2007", disponible sur http://ec.europa.eu/consumers/cons_int/safe_shop/acquis/responses/micklitz_reich.pdf), la Commission s'est exprimée en faveur de l'harmonisation maximale - en effet, la fragmentation de l'acquis communautaire existant est vue comme le problème principal de la législation actuelle, en raison de l'incertitude persistant quant au niveau de protection offert aux consommateurs dans chaque Etat membre.

[38] Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, JOUE, L. 133, 22 mai 2008.

[39] Directive 2008/122/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 janvier 2009, relative à la protection des consommateurs en ce qui concerne certains aspects des contrats d'utilisation de biens à temps partagé, des contrats de produits de vacances à long terme et des contrats de revente et d'échange, JOUE L 33, 3 février 2009, sur laquelle v. G. Busseuil, « La nouvelle directive Timeshare : une première étape dans la révision de l'acquis communautaire en droit des contrats », REDC, 2-3/2009, p. 468 et s.

[40] Proposition de directive-cadre du Parlement européen et du Conseil du 8 octobre 2008 relative aux droits des consommateurs, 2008/0196 (COD), COM(2008) 614 final, sur laquelle v. C. Castets-Renard, « La proposition de directive relative aux droits des consommateurs et la construction d'un droit européen des contrats », D., 2009, p. 1158 et s.

[41] V. C. Blanchin, Sources et méthodes du droit international privé de l'Union européenne. L'exemple des contrats transfrontières de consommation, thèse dactyl., Paris II, 2000, n° 292, p. 222.

[42] L. Gannagé, « La règle de conflit face à l'harmonisation du droit de la consommation », Liber amicorum Jean Calais Auloy, Etudes de droit de la consommation, Dalloz, 2004, p. 421, sp. p. 436.

[43] A. Quiñones Escámez, "Communication sur le droit européen des contrats", Marché intérieur, harmonisation minimale et contrats de consommation (proposition de modification de l'article 5 de la Convention de Rome, disponible sur: http://ec.europa.eu/consumers/cons_int/safe_shop/fair_bus_pract/cont_law/comments/5.13.pdf; V., dans le même sens, les observations de G. Abbamonte («The Unfair Commercial Practices Directive: an Example of the New European Consumer Protection Approach », Colum. J. Eur. L, 2005/2006, vol. 12, p. 695-712, p. 702) à propos de la directive pratiques commerciales déloyales: "Given the maximum harmonization brought about by the Directive and its level of detail, the question of the applicable law should become much less relevant. The directive should reduce considerably the differences between the laws of the member states and so make the issue of whether the law of the country of origin or of the country of destination is applicable in cross-border cases of little importance".

[44] V. par exemple les propos de P. Mayer, Le phénomène de la coordination des ordres juridiques étatiques en droit privé (Cours général de droit international privé), RCADI, 2003, t. 327, p. 9-378, sp. p. 78, n˚ 59 : « ...même si le droit privé communautaire venait à s'étoffer par l'adoption d'un corps des règles de droit civil, il ne serait pas justifié de dire qu'une relation de droit privé est régie par le droit communautaire. Elle serait régie par tel ou tel droit national dans lequel serait intégré le droit de source communautaire. Il en résulte aussi qu'une relation privée présentant des liens avec deux Etats membres susciterait un conflit de lois, même si toutes les règles ayant vocation à la régir dans ces Etats étaient de source communautaire ». 

[45] Dans ses observations sous l'affaire Ingmar (CJCE, 9 novembre 2000, C-381/98), L. Idot écrit : « le rapprochement communautaire des législations n'élimine nullement les conflits des lois », RCDIP, 2001, p. 114; V. dans le même sens, C. Blanchin, op. cit., p. 23, nº 11 : « L'articulation entre les législations des Etats membres passe encore par la médiation des raisonnements propres au droit international privé aux fins de règlement des conflits de normes. La survie des règles conflictuelles vaut non seulement à l'égard des Etats tiers, mais cette méthode conserve aussi pleinement son utilité entre les Etats de la Communauté européenne ».

[46] D. Bureau, H. Muir-Watt, Droit international privé, PUF, 2007, coll. « Thémis », t. 1, p. 376-377, nº 377.

[47] M. Fallon, Les conflits de lois et de juridictions dans un espace économique intégré - l'expérience de la Communauté européenne, RCADI, 1995-III, p. 185 ; A. Nuyts, « L'application des lois de police dans l'espace (Réflexions au départ du droit belge de la distribution commerciale et du droit communautaire) », RCDIP, 1999, p. 259 ; L. Idot, op. cit., p. 114, nº 9 ; H.S. Sonnenberger, « Uniformisation européenne du droit des contrats », RCDIP, 2002, p. 420.

[48] V. CJCE, Commission c. Irlande, 17 novembre 1992, aff. 235/91 ; CJCE, 23 mai 1996, C-05/94, Lomas ; V. aussi les observations de A. Raclet, Droit communautaire des affaires et prérogatives de puissance publique nationales, Dalloz, 2002, nº 481, p. 440 : « En toute orthodoxie juridique, nous sommes donc tenus de considérer que le domaine d'exercice des prérogatives de puissance publique nationale est amené à se réduire à mesure que l'intérêt général communautaire se développe ». 

[49]« Le droit communautaire harmonisé élimine parmi les États membres la vocation de "loi de police" des normes transposées. Les directives obligent à adopter des dispositions impératives destinées à garantir au consommateur un standard minimum de protection, et bien que ce minimum de protection puisse être élevé dans un Etat membre à l'occasion de la transposition de la directive, cette protection renforcée ne peut pas être opposée à l'État membre compétent puisque ce dernier offre, lui aussi, et par hypothèse, le seuil minimum de protection du consommateur. Si la règle impérative appartient à un domaine harmonisé, la logique, l'économie et le bon sens imposent que les règles comprises dans la loi compétente (articles 3 et 4) soient appliquées comme équivalentes puisque elles dérivent d'un même instrument communautaire» - A. Quiñones Escámez, op. cit.; dans le même sens, v. L. Idot, op. cit., p. 115, nº 12 ; E. Pataut, Note sous l'arrêt Mazzoleni (CJCE, 15 mars 2001, C-165/98), RCDIP, 2001, p. 503, sp. p. 511; M.N. Jobard-Bachelier, « L'acquis communautaire du droit international prive des conflits de lois », in (dir.) J.S. Bergé, M.L. Niboyet, La réception du droit communautaire en droit privé des Etats membres, op. cit., p. 195. Aussi, à propos de la directive agents commerciaux, G. Virassamy, M. Behar-Touchais, Les contrats de distribution, LGDJ, 1999, p. 416 et s., nº 786. 

[50] A la condition que cette norme de transposition appartenant à la lex cause étrangère soit toutefois conforme aux dispositions de la directive...

[51] Les intérêts poursuivis par la loi de transposition du for étant pris en compte par la loi normalement applicable, la technique brutale des lois de police se verra exclue entre les Etats membres ; les règles les plus empreintes de l'objectif de protection des intérêts du for n'ont pas de place dans un contexte d'unification, dans un marché réellement intégré. 

[52] CJCE, 20 février 1979, aff. 120/78, Rewe c. Bundesmonopolverwaltung für Branntwein (Cassis de Dijon).

[53] M. Fallon, Droit matériel général de l'Union Européenne, Bruylant, 2ème éd., 2002, p. 241. Cette idée peut d'ailleurs être illustrée avec des exemples tirés de la pratique, parmi lesquels le plus connu est celui de la protection des consommateurs - en effet, après la décision Cassis de Dijon, qui a consacré la protection des consommateurs parmi les exigences impérieuse d'intérêt général qui peuvent justifier l'existence d'une mesure nationale restreignant la libre circulation, le Traité de Maastricht a introduit dans le Traité CE un titre dédié à la protection des consommateurs, permettant à la Communauté de légiférer dans ce domaine. 

[54] Pour exemple, on peut citer le cas de la France et de la Belgique avec leurs lois en matière de protection des agents commerciaux. Si en Belgique une approche en termes de lois de police est retenue (v. A. Nuyts, « L'application des lois de police dans l'espace. Réflexions au départ du droit belge de la distribution commerciale et du droit communautaire », RCDIP, 1999, p. 31-74 et 245-265), la Cour de Cassation française a une position opposée (V. l'arrêt Allium, 28 novembre 2000, JDI, 2001, p. 511, note J.M. Jacquet).

[55] Une conclusion similaire est possible aussi pour ce qui est de la place de l'exception d'ordre public international ; la convergence des droits des Etats membres réalisée suite à l'intervention européenne devrait réduire les risques des contradictions manifestes, choquantes entre eux et donc les motifs d'invoquer l'exception d'ordre public - V. P. Hammje, « L'ordre public international et la distinction entre Etats membres et Etats tiers », in Droit international privé, Etats membres de l'Union européenne et Etats tiers, (dir.) S. Sana-Chaillé de Néré, Litec, 2009, p. 65, sp. p. 73. En ce dernier cas, il est possible de reprendre pour le compte de la construction européenne ce qu'il a été écrit à propos de l'influence de l'adoption de la CEDH sur le jeu de l'ordre public en matière de reconnaissance des décisions : « à condition que le pays d'origine et le pays de reconnaissance appartiennent tous les deux au Continent mentionné, la base de référence est identique. [... La convention] a encore rapproché les niveaux respectifs de résistance et, en uniformisant partiellement les conceptions de base, elle a aussi rendu plus rare le recours à l'ordre public et en a réduit le besoin » - K. D. Kerameus, « Observations comparatives sur l'ordre public en procédure civile », in Mélanges en l'honneur de Denis Tallon, D'ici, d'ailleurs: harmonisation et dynamique du droit, publication de la Société de législation comparé, Paris, 1999, p. 293-301, sp. p. 301.  

[56] Pour l'état des solutions, v. J. Béguin, G. Bourdeaux, A. Couret, B. Le Bass, D. Mainguy, M. Menjucq, H. Ruiz Fabri, C. Seraglini, J.M. Sorel, Droit du commerce international, Litec, 2005, p. 184 et s., nº 474 et s. 

[57] Sur la question de l'articulation de la lex societatis et de la loi boursière, v. en matière d'obligations d'informations, les décisions rendues dans l'affaire Banque Ottomane, Trib. Com. Paris, 19 octobre 1982, RCDIP, 1984, p. 93, note H. Synvet ; RJC, 1983, p. 252, note H. Gaudemet - Tallon ; Paris, 3 octobre 1984, RCDIP, 1985, p. 527, note H. Synvet, JDI, 1985, p. 160, note B. Goldman. V. aussi, F.J. Garcimartin Alférez, Cross-Border Listed Companies, RCADI, 2007, t. 328, p. 9-174, sp. p. 113 et s.

[58] Paris, 13 janvier 1998, Bull. Joly Bourse, 1998, p. 258 et s.; Rev. Soc., 1998, p. 572, note P. le Cannu. En espèce, la loi française du 2 juillet 1996 (de modernisation des activités financières) et le Règlement général du Conseil des Marchés financiers ont reçu application dans une affaire impliquant une prise de contrôle indirecte faite par une société italienne, par le biais de sa filiale néerlandaise, par l'achat de plus de 95% d'une holding italienne détenant plus de 63% des titres d'une société française cotée au second marché.

[59] Pour plus des détails, v. X. Boucobza, L'acquisition internationale de société, LGDJ, 1998 ; F.J. Garcimartin Alférez, op. cit.,, p. 71-85 ;  H. Muir-Watt, « Global regulatory governance : an outsider's perspective », http://www.law.nyu.edu/kings-buryb/fall06/globalization/speakers_papers.html; par exemple, dans le cas de l'offre mixte Mittal Steel/Arcelor, l'autorité luxembourgeoise du lieu de siège social (CCSF) a précisé que sa compétence et l'application corrélative de la loi luxembourgeoise (lex societatis) étaient établies sans préjudice « des dispositions d'ordre public et autres normes obligatoires relatives au bon fonctionnement du marché des Etats membres sur le territoire desquels les autres marchés concernés sont situés» - V. A. Tenenbaum, « La compétence internationale des autorités de surveillance des marchés financiers en matière d'offre publique. Réflexions à propos de l'offre publique de la société Mittal Steel sur les titres de la société Arcelor », RCDIP, 2006, p. 557 et s.

[60] Une première proposition de directive sur les OPA a été proposée à la fin des années 80 ; promouvant une unification des législations nationales en la matière, elle a été considérée trop contraignante par les Etats membres et le projet a été abandonné. Voir sur cette question, C. London, « OPA/OPE : la voie communautaire ? », JCP, éd. E, 1990, II, 15762 ; A. Pézard, « Les projets communautaires en matière d'offres publiques », Rev. dr. banc. et de la bourse, nº 22, novembre-décembre 1990, p. 231 ; « L'offre publique : sur le marché boursier, les conflits d'intérêts en présence », Actes du colloque des 4 et 5 avril 1995, Petites Affiches, nº 143, 29  novembre 1995.

[61] On y trouve aussi des dispositions substantielles, mais celles-ci sont d'une importance secondaire : même si l'objectif déclaré de la directive est celui de « coordonner, en vue de les rendre équivalentes dans toute la Communauté, certaines garanties que les États membres exigent, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers, des sociétés relevant du droit d'un État membre et dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé d'un État membre" (premier considérant) ce but peut être facilement méconnu. Par exemple, dans ce nouveau droit se distinguent des règles sur les devoirs des organes d'administration de la société cible de rester neutres et sur la neutralisation des restrictions statutaires à la cession des titres (article 9 et 11) ; conformément à l'article 12, les Etats membres peuvent se réserver le droit de ne pas exiger à leurs sociétés de se conformer auxdites dispositions ; ainsi, les normes nationales restantes peuvent enrayer l'effet unificateur de la directive.

[62] La directive ne s'applique ni aux offres visant les titres des sociétés établies en dehors du territoire des Etats membres, même si elles sont cotées sur le marché d'un Etat membre, ni aux offres visant les titres de sociétés établies sur le territoire communautaire, mais cotées intégralement sur un/des marché(s) des Etats non-communautaires. Pour ces situations, les règles de DIP des Etats membres restent compétentes - v. F.J. Garcimartin Alférez, op. cit., p. 151-152. Pour ce qui est de la France, l'article L. 433-1 III renvoie au Règlement général de l'Autorité des marchés financières, qui prévoit la possibilité pour l'AMF d'appliquer les normes sur les OPA même pour ce qui est des titres émis par des sociétés dont le siège social ne se situe pas dans l'EEE, mais sont admis sur un marché règlementé français ; sur l'interprétation de cette règle, v. E. Bouretz, « Autorité compétente et loi applicable aux opérations boursières : l'exemple des offres publiques transfrontières », in (dir.) M. Audit, H. Muir-Watt, E. Pataut, Conflits de lois et régulation économique. L'expérience du marché intérieur, LGDJ, 2008, p. 111. 

[63] Article 4§2 a) : « L'autorité compétente pour le contrôle de l'offre est celle de l'État membre dans lequel la société visée a son siège social, lorsque les titres de cette société sont admis à la négociation sur un marché réglementé de cet État membre ».

[64] Article 4§2 b) al. 1er : « Si les titres de la société visée ne sont pas admis à être négociés sur un marché réglementé de l'Etat membre dans lequel cette société a son siège, l'autorité compétente pour le contrôle de l'offre est celle de l'Etat membre sur le marché réglementé duquel les titres de la société ont été admis à être négociés ».

[65] Article 4§2 b) al. 2 : « Si les titres de la société visée sont admis à la négociation sur les marchés réglementés de plus d'un État membre, l'autorité compétente pour le contrôle de l'offre est celle de l'État membre sur le marché réglementé duquel les titres de la société ont été admis à la négociation en premier lieu ».

[66] V. E. Bouretz, op. cit., p. 106-107 ; A. Tenenbaum, op. cit.,, p. 557 et s.

[67] Ces règles peuvent être comprises comme un compromis entre les différences existantes en plan international entre les législations en la matière, tout comme un compromis entre les différents intérêts des Etats du siège et du marché. En plus, elles résolvent certains conflits, pour les cas où aucun droit d'un Etat européen ne se déclarerait aujourd'hui compétent (exemple société autrichienne cotée seulement à Frankfurt et Londres ; à présent, les règles autrichiennes sur les OPA exigent une cotation sur le marché autrichien, alors que le droit anglais et allemand sur les OPA entendent s'appliquer seulement en cas de société autochtone cotée ; la directive conduit à l'application du droit autrichien - comme droit du siège - et du droit soit allemand, soit anglais comme droit du marché).

[68] H. Synvet, L'organisation juridique du groupe international de sociétés, thèse dactyl., Rennes, 1979, p. 377, nº 461.

[69] V. E. Bouretz, op. cit., p. 106-107 ; V. aussi M. Siems, The Rules on Conflict of Laws in the European Takeover Directive, ECFR 4/2004, p. 458 et s., sp. p. 473-474: le dépeçage entre la lex societatis et la loi du marché est problématique. Selon ce dernier auteur, même si les exemples retenus donnent des orientations, on ne sait pas exactement comment les différentes autorités vont comprendre la portée des dispositions en cause. D'un coté, un domaine large de la lex societatis est soutenable, car les sociétés par actions sont principalement créées afin de pouvoir participer au marché des capitaux. D'un autre coté, le droit du marché peut aussi intervenir pour gouverner des domaines du droit des sociétés, car l'objectif de protection des investisseurs peut justifier, par exemple, des règles sur le vote ou sur la gouvernance corporative appropriée d'une société cotée. En plus, l'argument selon lequel en cas de cotation sur plusieurs marchés le droit applicable dépend de la première cotation et de l'option de la société n'est pas convaincant. La prévalence de la place de la première cotation est arbitraire, car celle-ci n'indique pas quel marché et quels investisseurs sont principalement affectés.

[70] Selon F.J. Garcimartin Alférez (op. cit., p. 151), « the directive lays down a system of 'bilateral conflict rules' ad intra, but delimits its scope of application 'unilaterally' ad extra ». 

[71] Autres explications sont aussi possibles ; pour ce qui est de la police des marchés de capitaux, la participation par un Etat au marché global s'accompagne de la renonciation de l'exigence du respect de ses lois de police, qui auraient pu résulter de la compartimentation des marchés (v. H. Kronke, Capital Markets and the Conflict of Laws, RCADI, 2000, t. 286, p. 249-385); par la reconnaissance mutuelle des règlementations impératives étrangères, les Etats gagnent suite à la mobilité des parties ; l'application impérative de leurs lois aux situations qui leurs échappent partiellement perds de place en faveur à la mobilité des parties, qui soutient l'efficacité économique - v. H. Muir-Watt, Aspects économiques du droit international privé (Réflexions sur l'impact de la globalisation économique sur les fondements des conflits de lois et de juridictions), RCADI, 2005, vol. 307, p. 25-384, sp. p. 159.

[72] Trouvent ainsi une illustration les propos du Savigny qui, admettant l'existence des « lois d'une nature positive rigoureusement obligatoire » qui « échappent à cette communauté du droit, en général si désirable », affirmait aussi qu'« ...on peut espérer que, par suite du développement naturel du droit chez les différents peuples, le nombre de ces cas exceptionnels tendra constamment à diminuer » - Traité de droit romain, t. VIII, traduction Ch. Guénoux, 1860, réédité en 2002 (avant-propos H. Synvet), §349.

 


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