Numărul 4 / 2009

 

ARTICOLE

 

 

LA DOCTRINE COMME SOURCE DES CODIFICATIONS : JEAN DOMAT

 

David GILLES*

 

 

Plan de l'article[1]

 

Introduction

I. La quête de l'unité normative doctrinale

A. Une summa divisio originale

B. Un jusnaturalisme romaniste

 

II. Les Lois civiles, préfaces des Codes

A. Les Lois civiles, prolégomènes du Code Napoléon

B. Aux fondements des codifications nord-américaines : le Digest of the civil Law (1808) et le Code civil du Bas-Canada

Conclusion : Romanité, codification roumaine et Lois civiles

 

 

« Qu'est-ce qu'un Code Civil ? » s'interroge Portalis lors de l'une des premières délibérations qui aboutira à l'adoption du Code civil en 1801.« C'est un corps de lois destinées à diriger et à fixer les relations de sociabilité, de famille et d'intérêt qu'ont entre eux des hommes qui appartiennent à la même cité »[2]. Si l'on reprend cette large définition de ce que doit être un Code, il semble dans un premier temps facile d'assimiler à un Code civil de nombreux traités et ouvrages de la doctrine de l'Ancien droit français. Des auteurs renommés, comme André-Jean Arnaud[3] ou Rodolfo Batiza[4], ont cherché à établir les origines historiques et doctrinales des grandes codifications. Il semble présomptueux de vouloir rattacher une codification à l'œuvre d'un auteur, le travail des rédacteurs, montrant constamment que chaque article ou chaque solution juridique est issu d'une conjonction - quasi alchimique parfois - entre les proses de différents auteurs, les réflexions des codificateurs, les aspirations des politiques et les attentes de la pratique. Tenter de démontrer l'influence, fut-elle ténue, d'un auteur du XVIIe siècle sur les codifications du XIXe siècle est une tâche ardue. Rares sont pourtant les auteurs français qui ont véritablement ambitionné, du XVIe au XVIIIe siècle, la rédaction d'un corps normatif cherchant à encadrer l'ensemble de la société humaine. La recherche d'unité, intrinsèquement diverse, prend des formes qui font d'un code un objet juridique protéiforme[5]. Le Code Napoléon, c'est un lieu commun, trouve ses racines dans la pluralité de la doctrine d'Ancien régime.

Si accomplir une codification suppose une véritable volonté politique, essentielle pour mener à bien un tel projet, réussir une telle entreprise nécessite une maturation juridique et intellectuelle qui oblige à un large effort doctrinal. Si la codification roumaine, initiée par le prince Alexandre Ioan Cuza a été réalisée en un temps record - 40 jours d'élaboration par la commission - son entrée en vigueur le 1er décembre 1865 correspond au terme d'un long processus d'insertion de normes de tradition française depuis le début du XIXe siècle. De plus, comme l'écrivait Leontin Constantinescu, à partir de cette période « (...) les étudiants roumains iront faire ou achever leurs études à Paris. (...) À partir de 1848 et jusqu'à la fin du siècle, ces hommes joueront un rôle déterminant dans chaque secteur de la vie du pays (...) à mesure que la Nation avançait dans la voie du progrès, l'influence française ne cessait de s'élargir et de se consolider, avec une prodigieuse régularité, de génération en génération. (...) Et lorsqu'il fallut établir un ordre juridique conforme à la nouvelle orientation, les yeux des anciens étudiants parisiens se tournèrent tout naturellement vers la France. C'était un hommage rendu à son prestige, aux liens du sang et à la sympathie qu'elle n'avait cessé de montrer à la nation roumaine. Mais c'était aussi une nécessité, étant donné les liens culturels, spirituels et politiques »[6]. En Valachie, le Code de commerce français avait d'ailleurs été introduit dès 1839 et le Code pénal français dès 1852. Le Code de 1804, bien que non adopté officiellement en Moldavie, sera traduit en roumain et appliqué dans la pratique judiciaire à l'instar d'une véritable loi avant la codification de 1864[7]. Ainsi, imposer un corps de droit cohérent ne peut se faire ex nihilo. Il faut une formation de la culture juridique compatible avec le corpus juris envisagé. La doctrine et sa diffusion prennent alors une place primordiale dans la formulation de toute codification, fondée sur un modèle étranger ou visant l'organisation rationnel d'un droit propre.

Robert-Joseph  Pothier figure bien évidemment au premier rang de ceux dont l'érudition et l'œuvre se sont imposées aux rédacteurs du Code civil français comme source principale de leur réflexion[8]. Son œuvre immense et quasi-exhaustive se prêtait naturellement à former la colonne vertébrale d'un Code civil tourné vers une société nouvelle mais fortement ancrée dans une tradition juridique. La pensée de Bourjon, elle aussi, participa grandement à la formulation de nombreuses dispositions[9]. Mais plus d'un siècle avant la rédaction du Code, c'est Jean Domat, à travers ses Lois Civiles dans leur ordre naturel, qui a entrepris la rédaction d'un corpus juridique organisé, systématisé, ayant vocation à refléter l'âme juridique d'une société[10]. Son œuvre marque ainsi une antériorité et une filiation forte aux formulations du Code. Pourtant, rien ne destinait a priori ce juriste janséniste solitaire à tenter une telle entreprise. Expliquer l'influence que joueront  les Lois civiles est d'autant plus complexe  que cet auteur n'a pas ébloui ses contemporains par ses hautes fonctions au sein de la magistrature, par un rôle politique d'importance ou par une participation aux grandes ordonnances civilistes qui ont marqué son époque[11]. Obscur avocat du roi près le présidial de Clermont[12] - une juridiction subalterne et provinciale - situation le privant de toute influence, rien ne destinait Domat à la gloire et à se voir attribuer la paternité doctrinale - aux côtés de Pothier[13] - du Code Napoléon dont le gratifieront le philosophe Victor Cousin[14] et le sarcastique Sainte Beuve au XIXe siècle[15].

C'est essentiellement par son œuvre et sa science - et c'est là l'essentiel - que le juriste clermontois s'imposera au regard de ses contemporains tout d'abord, puis, de part et d'autre de l'Atlantique, aux yeux des codificateurs. Ses Lois civiles dans leur ordre naturel, publiées de 1689 à 1694[16], suivies de l'ouvrage posthume du Droit public publié une première fois en 1697, vont marquer sans conteste la doctrine juridique de l'Ancien droit français, dont le Code Napoléon et le Code civil du Bas-Canada sont les héritiers directs.

Le juriste clermontois s'impose en effet comme le seul auteur antérieur à la vague codificatrice du XIXe siècle à avoir tenté et réussi, du moins en partie, la réduction à l'unité de la science juridique tant en droit privé qu'en droit public, qui plus est sur un fondement jusnaturaliste, poussant la théorie du droit de son époque à ses limites conceptuelles[17]. Adoptant une perspective holiste du droit - originalité en son temps - il développe une herméneutique rationaliste qui annonce les codifications des XVIIIe et XIXe siècles. Au XVIIe siècle règne dans la France d'Ancien Régime une diversité normative source d'insécurité et de confusion. Aux coutumes - dont le nombre est estimé à une cinquantaine après les efforts des rédactions officielles depuis le XVe siècle - s'ajoutent les édits et ordonnances, dont le nombre et l'importance en droit privé vont en grandissant sous les règnes de Louis XIV, puis de Louis XV. Outre ces deux éléments normatifs, deux autres sources de droit viennent compléter le champ juridique : d'une part le droit canonique, dont l'impact s'atténue à l'aube des Lumières, mais dont le poids reste conséquent en matière matrimoniale, d'autre part le droit romain, source subsidiaire certes - comme recta ratio - mais qui constitue encore la base de l'enseignement juridique[18]. Ce droit forme ainsi des juristes empreints des modes de pensée de l'urbs, alors même que dans leur pratique c'est la règle coutumière qui revient de manière incessante. Dans la France d'Ancien Régime comme au Bas-Canada dans la première moitié du XIXe siècle, une telle multitude normative ne pouvait qu'inciter à la difficile recherche d'un corpus unifié.

Face à cette diversité normative, amplifiée par la doctrine et l'importance des arrêtistes, l'œuvre unitaire de Domat, la recherche d'une ligne claire et l'établissement de principes juridiques jusnaturalistes et rationnels font des Lois civiles une œuvre qui détonne dans la science de l'Ancien droit français. S'apparentant par bien des aspects à l'école du droit naturel moderne, son œuvre reste en retrait de celle-ci par l'attention portée à la pratique civiliste et le refus d'envisager un droit détaché de son fondement divin. Davantage proche d'un Grotius ou d'un Suarez dans ses fondements, la pensée de Domat se rapproche de celle d'un Pufendorf ou d'un Wolff quant à sa structure géométrique[19]. Sa réflexion sur les fondements du droit, quelle qu'en soit la pesanteur scolastique, ne cesse de subir l'attraction des sciences physiques et mathématiques, sous la forme essentiellement d'une dynamique euclidienne partant d'un certain nombre de définitions, d'axiomes et de principes afin de démontrer un ensemble de propositions ou de théorèmes. Le juriste clermontois adopte une perspective similaire à la nova methodus de Leibniz[20] qui, dans sa jurisprudentia relie toutes les maximes du droit à la justice universelle. Ce dernier d'ailleurs, chantre de la géométrie dans le droit, jugera que la méthode domatienne « n'est pas à mépriser » tout en lui préférant sa propre structure[21]. Toutefois, contrairement aux juristes allemands, hollandais ou suisses appartenant au courant de l'École du droit naturel moderne - davantage orientés vers l'abstraction, la philosophie du droit et le contractualisme politique[22] - Domat a le grand mérite d'apporter un corpus pragmatique, concret, fondé sur les principes jusnaturalistes et structuré autant autour du droit privé que des questions de droit public[23]. La pensée sise dans les Lois civiles annonce la redoutable - mais fructueuse - inféodation de la jurisprudence et de la doctrine civiliste aux principes, méthodes et réflexes des sciences exactes. Empreinte de thomisme, sa théorie générale de la loi, notamment dans son Traité des Lois, préface aux Lois civiles, est moins novatrice que celle d'un Hobbes par exemple, dont la réflexion est sur bien des points aux antipodes de celle du janséniste Domat. Sa réflexion s'articule autour d'un ordre axiomatique posant les principes essentiels transcendant son système - la bonne foi par exemple, ou un certain volontarisme encore en germe - et un ordre normatif reposant sur des impératifs fondés sur la volonté du Créateur telle que manifestée par l'ordre de la Création.

La question de l'héritage juridique qui fonde les Lois civiles se pose, comme dans l'ensemble de l'œuvre, de manière particulièrement aiguë. La proximité de la réflexion du juriste auvergnat avec les solutions romaines - mais aussi les réflexions du mos gallicus ou les critiques humanistes - pourrait être étayée à l'infini. Mais l'absence de référence dans les Lois civiles à toute autre source que les sources antiques - celles-ci étant largement transformées - oblige à une grande prudence[24]. Par sa mise en système des lois civiles, il fait pourtant davantage que réorganiser le droit romain à l'aune de la raison. Il fonde une société « juridicisée », encadrée par la science juridique qui doit participer à un retour de l'homme vers Dieu[25].

Ce qui marque lorsqu'on aborde les Lois civiles, c'est l'effort de l'auteur pour renouveler la science du droit, par le choix d'un plan géométrique rejetant la distinction traditionnelle héritée de Gaius entre personnes, biens, actions. Ses choix en matière de classification des obligations trouveront d'ailleurs un certain succès sous la plume des codificateurs du Code civil de 1804 et dans le droit québécois[26]. Il s'attache également à exposer le droit de la manière la plus pédagogique possible, mettant en avant les principes, se dégageant de la casuistique romaine au profit de l'expression d'un droit naturel. Enfin, il cherche à embrasser l'ensemble du droit civil dans ses Lois civiles tout comme il envisagera de circonscrire le Droit public à une science de l'administration. Ses aspirations, on le voit, sont proches de celles qui conduisent à toute grande codification. Il souhaite se départir d'une hétérogénéité normative dans une optique unificatrice, exposer un corps de droit appréhendé dans son ensemble, organiser chaque pan du droit civil en faisant apparaître dans un premier temps les principes, puis les exceptions, les règles d'applications, en renvoyant en note les références au droit romain ou à la législation royale, en occultant les autorités de la doctrine et les solutions coutumières.

L'œuvre de Domat peut alors être rattachée, dans sa structure et dans les solutions qu'il établit, à une œuvre annonçant la codification napoléonienne et indirectement la codification du Bas-Canada (I). Une seconde analyse portant sur l'usage des Lois civiles faite par les codificateurs de part et d'autre de l'Atlantique (II) éclairera la forte influence de l'œuvre du juriste clermontois sur les lieux de mémoire du droit que sont les grands codes, en établissant certaines lignes forces de la pensée de Domat qui ont guidé la doctrine et la jurisprudence postérieures à la codification.

I.         Les Lois civiles ou l'appel à l'unité du droit naturel

Dans son œuvre, édifiée à l'origine dans le but de faciliter l'apprentissage du droit à l'un de ses fils, Domat s'attache à une forte pédagogie, même si dans la mise en œuvre de cette aspiration, il faut bien reconnaître que le fil d'Ariane est parfois perdu. Outre cette pédagogie, il entend construire son corpus juris en suivant une méthode déductive et en lui appliquant une structure rationaliste. Si les juristes médiévaux ont bien souvent préféré suivre les plans du Digeste ou du Code, le XVIe siècle bénéficia, par l'intermédiaire de l'humanisme juridique, du renouveau de la summa divisio sur laquelle reposaient les Institutes romaines : la distinction entre personnes, biens et actions[27]. À partir de cette « redécouverte » du plan des Institutes, le système d'exposition pensé par Gaius connaît un succès permanent dans la doctrine jusqu'à la rédaction du Code civil[28]. Proche d'une certaine doxa juris sur le fond (B) - même s'il ne craint pas d'innover parfois -, les Lois civiles détonnent de prime abord par la structure novatrice choisie par le jurisconsulte auvergnat (A), clairement démarquée de la doctrine de son époque et du droit romain.

A.        Une summa divisio originale

Au siècle de Descartes, Domat est le premier juriste - et l'un des seuls pour la France de l'Ancien droit - à tenter la convergence de la science mathématique et du droit. Son herméneutique propre lui permet d'extraire des scories du droit romain une nata lex en écartant ce qu'il appelle les « subtilités » du droit romain. Il en résulte le choix d'un plan binaire, moderne, qui fait envisager les structures romaines comme d'honorables antiquités en reprenant nombre des critiques qui étaient déjà faites par les humanistes et Hotman dans son Anti-Tribonien au XVIe siècle. Il n'est pas le seul à critiquer, en son temps, le droit romain et l'œuvre de Tribonien[29], Pothier ne l'épargnant pas davantage. Mais là où ce dernier pliera le droit français à la perspective romaine en édifiant ces Pandectes du Droit français, Domat écarte résolument la distinction tripartite des Institutes de Gaius. Il lui préfère une structure normative binaire distinguant les engagements des successions, puis partageant l'ensemble des obligations entre engagements volontaires et engagements se formant sans conventions. 

Selon lui, les engagements, quels qu'ils soient, sont à « chacun comme ces lois particulières qui lui marquent ce que la seconde loi demande de lui, et qui marquent ses devoirs », qui ne sont autre chose « que les effets de l'amour sincère que tout homme doit à tout autre »[30]. Les engagements nés au sein de la famille sont alors les plus naturels[31] : « L'engagement que fait le mariage entre le mari et la femme et celui que fait la naissance entre eux et leurs enfants forment une société particulière dans chaque famille, où Dieu lie ces personnes plus étroitement, pour les engager à un usage continuel des divers devoirs de l'amour mutuel »[32]. De la volonté de Dieu découlent d'une part la différenciation des sexes et d'autre part l'existence de besoins, qui tous deux poussent l'homme vers son prochain[33] et vers l'établissement de conventions liant les hommes entre eux, d'abord au sein de la famille, puis au sein de la société dans son ensemble. Toutefois la distinction engagements familiaux et engagements non familiaux n'est pas reprise dans le corps même des Lois civiles, Domat semblant, à juste titre, juger plus structurante la distinction engagements volontaires/engagements involontaires.

Dans le livre préliminaire des Lois civiles, qui doit établir les grands principes régissant ses Lois civiles, il choisit néanmoins de discriminer entre les règles du droit en général (t. I), les personnes (t. II) et les choses (t. III), se rapprochant de la perspective de Gaius. Pour lui toutefois, il semble évident que la seule distinction qui permet l'établissement d'une pyramide juridique relativement homogène est celle - à l'intérieur des obligations - entre les conventions et les engagements involontaires. La convention est alors définie comme « le consentement de deux ou plusieurs personnes pour former entre elles quelque engagement, ou pour résoudre un précédent ou pour y changer »[34], la substance de cette convention consistant en « la diversité infinie des matières volontaires dont les hommes règlent entre eux les communications et les commerces de leur industrie et de leur travail et de toutes choses, selon leurs besoins »[35]. Elle se décline dans les Lois civiles tout au long de la première partie, en posant tout d'abord les principes généraux qui guident l'ensemble des conventions, puis les différents types de contrat, en partant du contrat peut-être le plus classique, le contrat de vente, et en s'achevant par les vices de ces conventions. Pour la deuxième partie, concernant les engagements qui se forment sans convention, la géométrie du mode d'exposition - bien que davantage mise à mal - repose néanmoins sur une certaine logique. Le livre III, qui décrit les suites des conventions et le livre IV qui traite des suites qui diminuent ou anéantissent les engagements respectent la perspective géométrique, même si un esprit critique pourrait souhaiter un autre choix. Une lecture « moderne » ou contemporaine ne saurait ainsi se satisfaire de certains archaïsmes. Ainsi le titre XVIII, « des vices de conventions », s'il clôture le livre, aurait « logiquement » trouvé sa place dans un grand titre I traitant des conventions en général.

Toutefois, Domat se dégage de la doctrine de son temps et la structure de son œuvre s'éloigne de travaux ayant puisé aux mêmes sources, tels ceux d'Antoine Despeisses, qui a cherché à établir lui aussi un plan « méthodique des plus importantes matières du droit romain »[36]. On ne retrouve alors dans cette œuvre aucune des distinctions posées par le jurisconsulte auvergnat.

Le caractère logique et limpide de la méthode domatienne est frappant en matière d'engagements volontaires et se retrouve lorsqu'il aborde la question des engagements se formant sans conventions.

Le critère de distinction repose sur le caractère mutuel ou non de l'obligation. La deuxième catégorie englobe ceux qui participent à ces conventions. C'est le cas pour les tuteurs (t. I) et les mineurs qui se trouvent dans leur puissance, de même pour les curateurs (t. II) ou les syndics des communautés (t. III), même si pour ces derniers, on peut estimer qu'en entrant dans leurs fonctions ils donnent leur accord pour répondre de leurs actions à la tête de ces « personnes morales ». Les titres IV, V, VI, VII et IX répondent dans l'esprit du jurisconsulte aux aléas de la vie en communauté ou de la vie tout simplement, en abordant à l'occasion des problèmes techniques tels que la possession de mauvaise foi. Le titre VIII traite sous le titre « des dommages causés par des fautes qui ne vont pas à un crime ni à un délit » d'une grande partie de la responsabilité, et notamment de la responsabilité quasi-délictuelle. Le dernier titre traite de ce qui se fait en fraude à l'égard des créanciers. Le principe des obligations involontaires semble bien suivi dans ce plan. La même rigueur figure dans les livres III et IV[37], faisant des Lois civiles un exposé extrêmement efficace et rationnel.

À l'intérieur de certaines questions toutefois, la volonté de construire un propos déductif - respectée lorsque le jurisconsulte pose les principes relatifs à l'interprétation des conventions ou des vices de consentement - est mise à mal lorsqu'il pose par exemple, à la suite de Grotius, un principe général de responsabilité civile pour faute. Il le fait dans le titre VIII de sa seconde partie, en évoquant le principe presque négligemment, au quatrième paragraphe de son propos[38]. Au sein de certains titres, des liens sont discutables, obligeant à une herméneutique parfois hasardeuse. Le titre XVI traite ainsi « des personnes qui exercent quelques commerces publics, et de leur commis, et autres préposés...» et des lettres de change. Le lien entre les deux ensembles repose sur une logique étrangère à l'économie générale du système[39]. Dans le livre second, si le lien entre le titre VIII qui vise la responsabilité quasi-délictuelle et le titre IX « des engagements qui se forment par des cas fortuits » est visible, celui avec le titre X « de ce qui se fait en fraude des créanciers » l'est bien moins. Dans le livre III, le titre VI des preuves et présomptions prend à son tour une place surprenante au vu de l'économie générale du livre.

En matière de successions, auxquelles Domat consacre la deuxième partie de son œuvre civiliste, la géométrie du propos est encore plus triomphante[40]. Il distingue cinq livres : le premier vise les règles régissant les successions en général, le deuxième touche aux successions légitimes ou ab intestat qui sont le plus en accord avec la loi naturelle, le troisième traite des successions testamentaires. Cet ensemble étant posé, il s'intéresse aux dispositions à cause de mort et aux legs auxquels il consacre le quatrième livre. Enfin, le cinquième livre touche aux substitutions et fidéicommis qui clôturent le développement consacré aux successions. Se démarquant encore une fois de la structure de la doctrine de son temps - par exemple de Le Brun ou de Ricard[41] - son œuvre en la matière souffre néanmoins de son faible pouvoir innovant sur le fond, reprenant essentiellement le droit de son époque[42].

In fine, le juriste auvergnat innove considérablement en matière de théorie de l'obligation en abandonnant la classification quadripartite, héritée du droit romain, pour une double distinction binaire entre engagements volontaires et engagements involontaires. Cette volonté de se démarquer dans la structure n'occulte toutefois pas une pensée conservatrice sur le fond, même si elle marque souvent une étape essentielle dans l'avancée de la rationalisation du droit.

B.        La quête d'un droit naturel romaniste

Impossible, en quelques lignes, de dresser l'inventaire des héritages et des innovations menées par Domat sur le droit civil. Quelques exemples permettent toutefois d'esquisser la richesse de l'œuvre et l'importance de l'héritage. Le juriste auvergnat, plus souvent qu'à son tour, exprime une fidélité marquée à l'œuvre juridique romaine. Ainsi, comme la doctrine dominante de son époque, il reprend le principe hérité du droit de Justinien de la prohibition des stipulations pour autrui, reliant celle-ci au caractère personnel et nécessaire du consentement. Seules les exceptions de la représentation juridique et la promesse du porte-fort sont alors admises[43]. La distinction entre obligation de résultat et obligation de moyen est également en genèse dans les Lois civiles, les médecins répondant seulement de leur impéritie, des fautes qu'ils commettent contre les règles de leur profession[44]. En matière d'obligation, Domat ouvre notablement la catégorie des obligations naturelles, en ajoutant aux obligations contractées par des incapables celle de la femme mariée qui, une fois devenue veuve, ne peut invoquer la nullité de l'engagement contracté au temps du mariage sans l'autorisation de son mari, afin de permettre la restitution contre la prestation exécutée depuis lors[45]. Il prend toutefois parfois ses distances avec le droit romain et annonce le Code, lorsqu'il s'intéresse aux notions de quasi-contrat et de quasi-délit. Il n'envisage le quasi-contrat que là où l'homme est uniquement mu par sa propre volonté. Il distingue ainsi dans les engagements qui se forment sans convention, ceux qui procèdent d'un fait volontaire de ceux qui découlent directement de la loi[46].

Comme dans le futur Code Napoléon, toutes les obligations non conventionnelles sont groupées dans un même ensemble. On constate chez Domat également une force attractive du contrat vis-à-vis des autres sources d'engagement. Il est amené ainsi à classer l'usufruit et les servitudes dans le livre consacré aux conventions, car ils s'acquièrent le plus souvent par cette voie selon lui. Il s'écarte même parfois du droit positif de son temps, afin d'affirmer le droit naturel, notamment en matière de preuve des conventions, où il abandonne la lettre de l'ordonnance de 1667, estimant que dès lors qu'une convention n'a pas fait l'objet d'un instrumentum, les parties doivent pouvoir faire la preuve de la vérité de la convention, ou par témoins ou par les autres voies que prescrivent les règles de preuves[47].

Concernant le contrat de vente, il se contente, avec la majeure partie de la doctrine, de relever que la vente ne peut être établie sans prix, soulignant que le prix de la vente ne « peut jamais être autre chose que de l'argent en monnaie publique, qui fait l'estimation de la chose vendue »[48]. En matière de garanties dues par le vendeur, Domat annonce la reprise par le Code Napoléon, aux articles 1644 et 1645, de la règlementation des vices cachés[49]. La question du transfert purement consensuel de la propriété par le contrat de vente est caractéristique de la place de l'œuvre. Domat hésite entre la tradition romaine et l'adhésion aux avancées de l'École du droit naturel moderne, mettant en avant le principe consensualiste. Il souligne que la vente renferme le consentement du vendeur à la mise en possession de l'acheteur[50], mais rappelle que c'est par la délivrance « que la vente reçoit son entier accomplissement »[51]. En matière de louage, il prend position pour une conception unitaire des différentes formes de louages[52]. Largement fidèle aux préceptes romains en matière de contrat de société, il prohibe les clauses léonines car elles blessent l'équité et la bonne foi[53], souhaitant même que, si l'associé a commis un dol, les autres associés soient appelés à user de « commisération » envers lui, n'exigeant pas, éventuellement, « tout ce qu'il leur doit »[54]. En matière de mandat, la même fidélité au droit romain se révèle, reprenant le principe de la gratuité, du consensualisme et réaffirmant la bonne foi[55]. De même la définition du commodat[56] est conforme trait pour trait à la logique des juristes de l'urbs. La seule distinction entre commodat et le louage est alors la gratuité du second vis-à-vis du premier, Domat unifiant le régime des deux contrats[57] et annonçant les formulations des articles 1874 à 1892 du Code français.

Classiquement, il rejette l'usure[58], refusant l'intérêt comme contraire à la loi divine, au droit naturel, à l'équité et à la justice[59]. Comme le prêt à usage, le prêt de consommation doit rester gratuit, un contrat de bienfaisance, « l'obligation du prêt ne pouvant excéder la chose prêtée »[60].

Concernant l'affirmation du contrat réel moderne, Domat est en retrait, comme Grotius d'ailleurs[61], et il considère les contrats réels comme des engagements synallagmatiques, les obligations du préteur trouvant leur cause dans les obligations réciproques de l'emprunteur. Pour lui et pour Grotius, un tel contrat découle des préceptes du droit naturel (rendre à chacun ce qui lui appartient), la remise de la chose ne semblant constituer qu'un simple mode d'expression du consentement.

Ces quelques éléments épars ne doivent pas faire oublier les grands thèmes sur lesquels la pensée de Domat s'impose pour la doctrine de son temps et pour lesquels les rédacteurs du code seront largement redevables. Il s'agit, par exemple, de la réflexion autour de la cause des contrats. Si Domat, à la suite du romaniste auvergnat Connan, recherche la cause dans les éléments objectifs, matériels du contrat à titre onéreux, sans se référer à la psychologie des parties, il se dégage de la définition d'Ulpien de la causa (D. 2. 14. 7) faisant de la cause la simple promesse d'exécuter à laquelle chacun s'engage, constituant l'espérance d'exécution pour l'autre partie. Il use alors du vocable « cause » pour les contrats à titre onéreux, et de « motif » pour les contrats à titre gratuit. Il n'élabore toutefois pas une définition générale de la cause, une théorie applicable pour tous types d'actes juridiques, comme le fera la doctrine classique au XIXe s., comme Aubry et Rau ou Demolombe, même s'il pose les principes généraux qui gouverneront celle-ci.  Toutefois, l'esprit de sa réflexion semble tendre vers l'idée d'intérêt à l'acte, se rapprochant alors de la cause subjective. Ces atermoiements expliquent que c'est davantage Pothier qui se retrouve sous la plume des rédacteurs du Code pour définir la cause.

Au contraire, concernant la formulation de l'article 6 du Code Napoléon, ce seront les Lois civiles qui se trouveront à l'honneur, la réflexion de Domat sur les bonnes mœurs et l'ordre public ayant posé les cadres généraux de ces notions.

En raison de l'importance que revêtent la bonne foi et l'équité dans le système de Domat, on ne sera pas étonné de l'importance qu'il donne à la lésion, le vendeur étant obligé de « s'exprimer clairement et nettement » sur les qualités de la chose, à tel point que toute ambiguïté sera interprétée contre lui[62]. Il développe d'ailleurs une seconde idée qui distingue la lésion de la question de la bonne foi proprement dite. Il évoque l'équité qui empêche d'abuser d'un état de nécessité. Ainsi, il est de droit naturel que celui qui achète « n'abuse pas de la nécessité où se trouve celui qui vend, et n'achète pas à un trop vil prix »[63]. Il est, selon lui, des « conventions où la simple lésion, quoique sans dol, suffit pour résoudre la convention »[64]

Faisant du contrat non pas l'instrument d'un égoïsme individuel mais d'une réalisation du bien commun, il a largement caractérisé et imposé la notion de bonne foi dans l'ensemble de son système. C'est le cas par exemple du contrat de société où les engagements « généraux et indéfinis » des associés sont déterminés par la bonne foi[65]. Les Lois civiles s'imposent également à la doctrine du temps en matière de vice de consentement, d'usufruit ou d'interprétation...

Innovante et conservatrice à la fois, l'œuvre de Domat apporte-t-elle pour autant sa pierre à l'édifice de la codification ? Sur le fond, il éclaircit, voire édifie dans leur structure moderne un certain nombre de thèmes, tels que les vices de consentement, l'interprétation des conventions, la notion de cause ou encore le fondement de la responsabilité civile. Ces thèmes feront la richesse de son héritage, et cela même si, bien souvent, Pothier sera celui qui donnera la forme définitive à certaines formulations initiées par Domat.

 Ce dernier adopte surtout « une technique de la ligne claire », c'est-à-dire écarter les commentateurs et les références hors de son propos immédiat, poser d'abord la règle puis seulement l'exemple, si exemple il y a. Il se démarque ainsi des auteurs des XVIe et XVIIe siècles qui brillaient par leur érudition au détriment de la clarté de leur propos. Il se détache également - et c'est peut-être un défaut - de Pothier qui, par ses exemples, explicitera largement sa réflexion, au détriment de la présentation même de certaines questions. C'est donc l'art de la formule autant - sinon davantage - que les solutions sur le fond qui font des Lois civiles un outil précieux, voire indispensable pour les codificateurs tant du Code Napoléon que du Code civil du Bas Canada.

II.        Les Lois civiles, préface des Codes

Certains thèmes juridiques tirés des Lois civiles se sont déjà imposés dans les grands recueils du XVIIIe siècle qui constitueront les sources de références de la doctrine et de la jurisprudence québécoises avant la codification. Les traductions en anglais de Strahan puis de Cushing[66] favoriseront la diffusion en Amérique du Nord de la pensée du juriste clermontois. Dans les recueils de jurisprudence, tels que ceux de Ferrière ou de Rousseaud de la Combe, s'imposent les références aux Lois civiles pour les thèmes de l'arbitrage, de la définition de la convention, de l'interprétation de celle-ci - notamment la notion d'ambiguïté - de la détermination des vices des conventions (erreur et dol), de la distinction droit privé-droit public, en matière d'accessoire, de garantie de clause dérogatoire en matière testamentaire, etc.[67]. Concernant le quasi-délit, Garat, l'auteur de la notice dans le Répertoire de jurisprudence de Guyot rend un hommage appuyé au jurisconsulte et contribuera largement à la perpétuation de sa réflexion dans le Code civil de 1804 et dans la pratique du droit québécois : « On est heureux, quand on peut marcher dans la jurisprudence avec un guide tel que Domat. Il faudra recourir à son livre si l'on veut connaître tous les détails de cette partie du droit »[68]. C'est l'héritage de la méthode qui va donner à l'œuvre un rayonnement européen. Les lecteurs des Lois Civiles  sont frappés par la capacité de Domat à unifier le droit romain dans un cadre déductif sur une base homogène de deux types de lois, les lois immuables et les lois arbitraires. Ainsi, Louis de Héricourt, écrit, dans ses Lois ecclésiastiques de France dans leur ordre naturel, que « la meilleure méthode qu'on puisse suivre pour apprendre la jurisprudence est d'étudier les lois dans les sources, de s'appliquer à en entendre la lettre par soi-même, et à en pénétrer l'esprit. Mais il est très difficile que ceux qui commencent puissent suivre cette méthode ; et plusieurs personnes l'ont abandonnée, parce qu'elles n'en ont pas retiré tout le fruit qu'elles pouvaient en espérer »[69]. Et il ajoute immédiatement, « c'est ce que l'auteur du Traité des lois civiles, mises dans leur ordre naturel a prouvé d'une manière très sensible pour le droit romain. Il a fait voir que ce n'est que par un travail long et pénible qu'on peut parvenir à réunir les mêmes matières qui se trouvent disposées différemment dans le digeste et dans le code et qui sont sans aucun ordre dans les novelles (...) »[70]. Le prestige de la méthode n'est pas moindre à l'étranger où Muratori, Mercurio, Bentham, Blackstone, Leibnitz ou Cocceji se réfèrent à l'œuvre du jurisconsulte auvergnat...[71] L'exemple du rédacteur du Code Frédéric[72] est particulièrement marquant de ce point de vue. La préface montre une connaissance approfondie du travail de Domat par Cocceji, le rédacteur de ce texte. Si celui-ci ne cite pas nominalement le jurisconsulte, la proximité entre les deux pensées ne laisse aucun doute. En effet, après avoir défini l'ordre idéal devant régner dans la société, il établit trois sortes de troubles de celle-ci tirés directement du Traité des Lois de Domat : « Néanmoins les sociétés où l'ordre paraît le mieux établi sont encore exposées à divers troubles. On en compte trois espèces principales, les procès, les crimes et les guerres. Les guerres ont leurs lois dans le droit des gens, les crimes et procès servent de matière aux lois civiles ; »[73]. L'analogie avec Domat est évidente[74]. Elle se poursuit lorsqu'on évoque les trois manières de terminer les procès[75], ou la critique du corpus juris civilis[76]. Les objectifs assignés au Code Frédéric sont les mêmes que ceux des Lois Civiles : mettre de l'ordre dans un système d'exposition juridique inspiré du droit romain[77]. Comme l'œuvre du jurisconsulte, le Code Frédéric a pour objectif  « de faire sentir aux personnes mêmes qui n'ont aucune teinture de jurisprudence, la beauté et la justesse de ce plan »[78]. Domat comme Cocceji sont attachés à l'idée de principes généraux comme guide des lois naturelles et arbitraires[79], à l'idée de lois fondées sur la raison[80], inspirées du droit romain et dont l'interprétation se doit d'être faite selon l'esprit général du système d'exposition[81].

A.        Les Lois civiles, ou le livre préliminaire du Code Napoléon

Cet héritage hétéroclite de la réflexion sise dans les Lois civiles, s'accentue par la lecture que font les codificateurs français de l'œuvre domatienne. L'importance de l'influence de la pensée de Domat sur les personnes mêmes des rédacteurs du Code va jouer un rôle important dans sa transmission. C'est le succès de la vocation pédagogique première des Lois Civiles qui transparaît ici. Une grande partie des auteurs ont été nourris dans leur formation juridique par les sentences du juriste auvergnat. Les Lois Civiles, devenues l'instrument d'exposition des règles romaines pour de nombreux juristes, vont contribuer à l'établissement de formulations concises tout en donnant l'autorité du passé à une formulation moderne. L'importance de l'apport des rédacteurs du Code, des débats, des discussions devant le Conseil d'État, des efforts d'exposition devant le Tribunat, l'utilisation des projets précédents[82], les remarques des tribunaux ont contribué à renouveler la formulation, à élaborer un texte novateur bien que construit pour une part sur des formules éprouvées[83]. L'influence des Lois Civiles est tributaire des personnes même des rédacteurs, de leur formation, de l'influence des autres auteurs... Malgré la concurrence d'auteurs moins singuliers peut-être[84], il s'impose comme une référence historique dans les travaux préparatoires. Forte sur la personne de Portalis[85] et sur le livre préliminaire du Code, l'influence des Lois civiles est moindre sur les trois autres codificateurs, Félix Bigot-Préameneu[86], François Tronchet et Jacques de Maleville[87] qui lui préfèrent Pothier. Parfois, comme c'est le cas en matière de propriété, le juriste auvergnat n'est pas évoqué, alors même que sa réflexion eut été éclairante[88]. Toutefois, les Lois civiles figurent indéniablement parmi les ouvrages de référence des débats menés de 1801 à 1804. Nombreux sont les codificateurs et les législateurs qui ne tarissent pas d'éloges sur l'utilité des Lois civiles dans l'établissement des formules du futur Code, plusieurs émaillent ainsi leurs discours de références révérencieuses à Domat. À ce jeu, ce dernier surpasse même largement Pothier, bien moins cité dans les proses codificatrices recueillies consciencieusement par Fenet. Seul Montesquieu l'est davantage dans les travaux préparatoires, lui dont la plume avait notamment la faveur des membres du Tribunat, plus tentés par la lecture de l'Esprit des Lois que celle - plus aride il est vrai - des Lois civiles[89].

On retrouve ainsi Domat tel un génie tutélaire, servant de référant aux travaux en matière d'obligation conventionnelle, en matière d'interdiction pour les capables de demander la répétition d'une obligation exécutée de bonne foi[90], en matière de tutelle et d'établissement du conseil de famille[91], en matière de biens paraphernaux[92], de responsabilité civile, de présomption, de dol... ou plus simplement évoqué par le tribun Gillet lors de la communication officielle au Tribunat du projet relatif au mariage et au rôle du père dans le mariage de sa fille[93].

Tout au long du XIXe siècle[94], les commentateurs du Code tireront bien évidemment profit de la méthode exposée dans les Lois civiles concernant les obligations. Duranton trouvera des avantages à poursuivre son œuvre[95] alors que Troplong dira de Domat qu'il a la « rigueur d'un algébriste »[96]. Favart, devant le Tribunat, rappelait déjà lors de la codification tout ce que doivent les rédacteurs du Code à Domat en cette matière :

 

« (...) Dans la partie qui traite des contrats et des obligations conventionnelles, le législateur se trouve dans l'heureuse impuissance de proclamer une volonté particulière, tout ce qu'il dit doit être l'expression des éternelles vérités sur lesquelles repose la morale de tous les peuples. Le livre où il puise ces lois doit être la conscience ; ce livre où tous les hommes trouvent le même langage quand la passion ne les aveugle pas. Les Romains ont écrit ces vérités dans leurs lois. Elles ont été recueillies par le savant Domat, et Pothier en fit un traité qui seul aurait fait sa gloire. C'est dans les ouvrages de ces deux grands hommes que le projet de loi dont je vais vous entretenir a été puisé »[97].

L'influence des Lois civiles est également forte sur la formulation même des articles du Code, en matière d'obligation bien évidemment, mais également en matière d'usufruit, où la proximité des formulations - moins connues - est flagrante. Ainsi, pour la rédaction de l'article 612 qui dispose que l'usufruit qui n'est pas accordé à des particuliers, mais à des personnes morales ne dure pas plus de trente ans, Galli montre une révérence forte aux Lois civiles, préférant sa formule à l'énonciation du droit romain Placuit centum annis tuendos esse municipes[98]. Il s'exclame alors :

« À la vérité, on ne pourrait trouver bien solide la raison qui y est alléguée, quia is finis vitae longaevi hominis est. Comment ! Parce qu'un homme peut vivre cent ans, il faudra décerner l'usufruit aussi pour cent ans à une ville ou autre communauté ! Je ne comprends pas bien la conséquence de ce principe : mais je comprends bien la doctrine de l'immortel Domat, qui lui-même devança l'opinion de notre Code, et n'eut pas de peine à dire qu'il y aurait eu bien plus de raison de fixer cet usufruit à trente années seulement »[99].

Concernant les articles touchant à la responsabilité, Bertrand de Greuille et Mouricault soulignent judicieusement la proximité des solutions posées par Domat et celles du Code, celui-ci les ayant « toutes recueillies dans ses lois civiles, ouvrage profond qui sera toujours utilement médité »[100]. Jaubert revendique également la filiation du juriste auvergnat en matière de théorie de l'obligation[101]. Il est encore évoqué en matière de créance solidaire, de vices de consentement, d'usufruit, de mandat... Outre les citations présentes dans les discours des codificateurs, il est possible d'établir de nombreuses filiations entre les articles du Code Napoléon et les formules des Lois civiles. Il faut souligner que dans cet emploi, les formules de Domat sont bien souvent reprises afin de poser un principe ou une formule lapidaire caractérisant la définition d'un acte ou affirmant une règle générale. Il en est ainsi de l'article 1235 : « Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition. La répétition n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées », qui trouve sa formulation dans les Lois civiles : « le paiement supposant la dette, celui qui se trouve avoir payé par erreur ce qui n'était point dû, peut le recouvrer [...] »[102]. En matière d'exception d'inexécution, Domat, en systématisant les solutions romaines, généralise la règle en allant même au-delà de la solution qui est reprise dans l'article 1184.

On trouve bien souvent une parfaite homothétie entre ces différentes formules rédigées à plus d'un siècle d'intervalle, comme c'est le cas en matière de cautionnement pour l'article 2017 : « Les engagements des cautions passent à leurs héritiers, à l'exception de la contrainte par corps, si l'engagement était tel que la caution y fût obligée ». La formulation des Lois civiles est la suivante : « Les engagements des cautions passent à leurs héritiers, à la réserve des contraintes par corps, si l'engagement était tel que le fidéijusseur y fût obligé »[103]. Il en est de même pour l'article 2050 : « Si celui qui avait transigé sur un droit qu'il avait de son chef, acquiert ensuite un droit semblable du chef d'une autre personne, il n'est point, quant au droit nouvellement acquis, lié par la transaction antérieure ». Les Lois civiles sont reprises alors in extenso : « Si celui qui avait transigé d'un droit qu'il avait de son chef, acquiert par la suite un pareil droit du chef d'une autre personne, la transaction ne fera pas de préjudice à ce second droit[...] »[104]. Dans l'ensemble du Code, on trouve plus de 330 articles dont les formules sont quasiment identiques des Lois civiles au Code Napoléon ce qui place immédiatement les Lois civiles comme la seconde source doctrinale du Code après les travaux de Pothier[105]. De même en matière de cause, le juriste clermontois a influencé la rédaction de l'article 1131. Son influence sur Portalis semble jouer ici un rôle important. La formule de ce dernier, selon laquelle « il n'y a de cause dans la vente que lorsque le prix est en proportion avec la valeur de la chose », qui paraît avoir influé sur l'article 1131, relève de la même philosophie que Les Lois Civiles. Jaubert revendique également la filiation au juriste auvergnat en matière de théorie de l'obligation. Dans son rapport au Tribunat sur le projet du Livre 3ème du Code Civil sur le droit des contrats et des conventions, Jaubert compare Cujas, Dumoulin, Pothier et Domat, aux grands jurisconsultes romains, pour leur apport à la science du droit, et pour avoir dégagé le droit romain «  de ces subtilités qui dans certains, cas, embarrassaient le droit écrit »[106]. C'est pourquoi la réflexion du jurisconsulte est exploitée, en compagnie de celle de Pothier en matière de créance solidaire. Pour le tribun Mouricault :

« Domat et Pothier ont pensé que le créancier solidaire, ayant le droit d'exiger du débiteur toute la dette, devait avoir également le droit d'en faire la remise, sauf contre lui le recours de ses cocréanciers pour leur part ; et l'on peut dire en faveur de cette opinion qu'il semble inutile d'interdire la remise directe à qui peut la faire indirectement, en donnant quittance sans recevoir »[107].

En définitive, il semble que les objectifs que Domat s'est assignés ont été remplis dans l'œuvre codificatrice française : l'ordre et la lumière qu'il a insérés dans le droit romain permettent pour partie l'affirmation d'un droit naturel dans l'œuvre codificatrice. Il faut néanmoins souligner deux éléments qui nuancent cette affirmation. D'une part, l'abandon du plan original des Lois civiles, au profit d'une distinction moins géométrique et plus conservatrice puisque héritée de Gaius. On peut d'ailleurs regretter, comme le Doyen Wiedekher, que les codificateurs aient davantage opté pour le livre troisième pour un catalogue à la Prévert[108] que pour l'austère rigueur géométrique auvergnate. D'autre part, certains pans du Code, hérités des lois révolutionnaires, ne pouvaient accueillir favorablement l'héritage des Lois civiles. Rien de plus éloigné du Code que les aspirations chrétiennes assignées à la réorganisation du droit des Lois civiles. La loi d'amour de Dieu et la loi d'amour de son prochain, qui président aux Lois civiles, ne constituaient pas les lignes forces du projet des codificateurs, fidèles héritiers des Lumières pour la plupart.

B.        Aux fondements des codifications nord-américaines

 

Comme le soulignait Michel Grimaldi, « l'exportation du code civil de 1804 est un phénomène majeur de l'histoire juridique universelle »[109]. Si d'autres codifications ont vu le jour au XVIIIe, aucune ne connaîtra le rayonnement mondial du Code Napoléon[110] qui fera de la codification française un modèle de système juridique privatiste de l'Amérique au Japon, en passant par la quasi-totalité des systèmes juridiques européens[111], dont la Roumanie. C'est essentiellement par les traductions en anglais de Strahan et l'établissement des Code civil Louisianais (1808 puis 1823-1824) puis du Code civil du Bas Canada (1865) que les Lois civiles s'imposent comme un ouvrage juridique majeur dans le monde anglo-saxon et en Amérique du Nord. Thomas Jefferson[112] et John Adams[113] possédaient tous deux les Lois civiles en français ainsi que les traductions de Strahan, Adams n'hésitant d'ailleurs pas à évoquer le Traité des lois dans les prétoires au détriment de la common law[114]. Toutefois, son influence doctrinale est assez largement limitée aux évocations des Lois civiles dans le Dictionnaire de John Bouvier[115]  même si une étude plus approfondie permettrait de révéler certainement un rayonnement insoupçonné. Les États d'Amérique du Sud, quant à eux, considérant le Code civil français comme un exemple de codification sur un fondement romaniste, adoptèrent par la même occasion la pensée du jurisconsulte comme une source précieuse d'interprétation[116]. Trois causes expliquent traditionnellement le rayonnement du Code Napoléon[117] : la force des armes, la colonisation et enfin l'éminence de sa rigueur intellectuelle et donc sa qualité intrinsèque. Ce sont ces deux derniers éléments qui expliquent la diffusion de la tradition juridique française à travers les codifications nord américaines, auxquels s'ajoute le média du partage d'une même source normative. : le droit romain. C'est donc dans les États à forte tradition romaniste que l'influence de Domat se fait le plus sentir, dont la Louisiane et le Bas-Canada.

 

1. Les codifications louisianaises

 

 

Les Lois civiles se trouvent ainsi au cœur des différentes codifications en Louisiane, expressions d'un pluralisme juridique par excellence[118]. Le Code civil de Louisiane de 1808 (Digest of the civil Law) représente un tournant dans l'histoire juridique louisianaise, permettant l'affermissement du système civiliste dans une sphère d'influence de la common law[119]. Malheureusement, il n'existe pas d'exposition des motifs laissée par les rédacteurs du Code - contrairement au Code civil du Bas-Canada - afin de déterminer les sources dont ils se sont servis en 1808[120]. Toutefois, une copie du Code de 1808 de la main de Moreau de Lislet, appelée le Manuscript de la Vergne[121] ainsi que les travaux de Rodolfo Batiza notamment, ont permis d'éclaircir les sources du Digest. Une fois encore, Pothier et Domat sont fortement liés dans la rédaction des différents textes qui forment la loi civile de l'État de Louisiane. Mais pour ce texte, c'est l'influence du Code Napoléon qui est prédominante. Les rapprochements effectués par Rodolfo Batiza ont établi l'influence d'environ 70 % des articles du Code de 1804 et de son projet avec ceux du Digest, alors que les Lois civiles sont créditées de 175 articles soit 8 % et les travaux de Pothier de 118 articles soit 5%[122]. Ces rapprochements, parfois discutables, laissent pourtant apparaître que l'influence du jurisconsulte sur le Digest est plus importante que celle du juriste orléanais. Cela est vrai pour le Digest de 1808 mais aussi le code remanié de 1823-1824. Lors de cette réforme, les rédacteurs cherchent à renforcer la symbiose entre héritage romain, lois hispaniques - transmises par les Partidas[123] et les lois de Toro notamment - et l'héritage de l'Ancien droit tout en adoptant une posture pragmatique[124]. Ainsi, concernant la réforme du livre 2 « des choses » du Digest, les rédacteurs font de larges emprunts à Pothier et aux Partidas, ainsi qu'aux Lois civiles pour les articles concernant l'usage et l'usufruit du titre III, reprenant ainsi la voie qu'avaient tracée les rédacteurs du Code de 1804 sur les mêmes points. L'optique générale des rédacteurs est de modeler la réforme de 1824 sur le Code Napoléon, en mettant en avant les sources doctrinales de l'Ancien droit comme Domat et Pothier dans une orientation très pragmatique : « We have thought best to suppress this article which prescribed, that servitudes did not establish any right of preeminence of one estate over another, as it is copied from the Code Napoleon, and was adopted in France only for the purpose of preventing, that under the title of servitude feudal rights should be established, wich had before been abolished. It is useless among us »[125]. L'influence du juriste auvergnat doit être nuancée toutefois. Si elle est forte sur les codifications louisianaises, elle le doit essentiellement à la proximité entre les solutions établies par le juriste clermontois et le droit romain alors que la plus faible influence de Pothier résulte de la forte utilisation du Code de 1804 et de son projet, passerelle vers la pensée du juriste orléanais mais rendant de facto le recours à cette référence inutile. La perspective romaniste de la pensée de Domat rapproche ses développements des dispositions des lois espagnoles. Il est parfois bien difficile de partager l'origine exacte d'une solution en l'absence d'indications laissées pour le Code de 1808 par les rédacteurs[126]. L'influence de Domat est toutefois grande et se retrouve sous la plume de Moreau de Lislet qui se réfère abondamment à l'œuvre du jurisconsulte dans ses Loix de l'état de Louisiane[127]de 1808, faisant de ce dernier le vulgarisateur des lois romaines[128] :

 

« Mais comme il eût été trop long de référer aux lois de tous les codes du droit romain et du droit espagnol, on s'est contenté, quant aux lois civiles de citer Domat parce qu'on trouve dans chacune des dispositions de cet ouvrage les textes du droit romain où elles sont puisées (...) »[129].

 

Il relève notamment l'accointance entre les lois espagnoles et les solutions des Lois civiles concernant le titre 2 du livre I du Digest touchant au domicile[130], mais également pour les dispositions établissant des curateurs et défenseurs en cas d'absence[131], les modalités du contrat de mariage (L. I, T. IV, Ch. II du Digest)[132], les seconds mariages (T. IV, Ch. VI du Digest)[133], les relations entre pères et enfants (L. I. VII, Ch. I du Digest)[134], les obligations respectives des pères et des enfants et des aliments qu'ils se doivent respectivement (L. I, T.VII, Ch. II, S.XI du Digest)[135], le droit d'usufruit du père sur les biens de ses enfants. Les règles relatives à la tutelle (L. I, T. VIII, ch. I du Digest)[136] renvoient encore largement aux Lois Civiles (vingt-trois renvois à celles-ci pour le seul titre huit). Domat est cité comme la source principale en matière d'incapacité et de curatelle (L. I, Tit. IX, Ch. I du Digest) où Moreau de Lislet se réfère à ses solutions[137], notamment pour l'article 19 concernant la curatelle du mari sur la femme contraire aux règles romaines[138]. Le titre X touchant les « communautés et les corporations » renvoie encore largement à Domat (quatorze occurrences), confirmant l'importance de sa réflexion sur ce thème ( et cela même si ce sont les Lois Civiles qui sont citées plutôt que le Droit public). Le Livre II du Digest, touchant les biens et les différentes modifications de la propriété confirme cet état de fait. Le livre I des choses ou des biens comporte quinze occurrences renvoyant essentiellement au livre préliminaire des Lois Civiles. Le titre III de la pleine propriété comporte dix occurrences, mais cette fois-ci se référant davantage aux lois romaines citées par le juriste auvergnat qu'à la pensée du jurisconsulte lui-même. Le chapitre concernant l'usufruit confirme l'influence du jurisconsulte sur ce thème (car trente quatre renvois sont faits aux Lois civiles pour ce seul chapitre[139]). Le Titre IV touchant aux servitudes montre que l'analyse de Moreau ne se contente pas de renvoyer aux Lois civiles comme un abrégé des lois romaines puisqu'il cite les sources antiques aux côtés des renvois à l'ouvrage de Domat[140]. Le livre III du Digest portant sur les successions confirme une fois encore la pertinence de la pensée du juriste auvergnat dans la lecture du Digest.

De manière générale, on peut noter que, sous la plume de Moreau de Lislet, le juriste auvergnat l'emporte largement sur Pothier comme source présumée et comme référent dans sa lecture du Digest de 1808. Cela s'explique en partie par le choix fait par Moreau de renvoyer parfois aux Lois Civiles plutôt que de citer les lois romaines. De plus, il ne s'agit pas des sources du Digest mais des concordances. Toutefois, l'importance des renvois laisse penser que l'accointance entre lois romaines, lois espagnoles et les Lois Civiles imposait naturellement Domat, plus fidèle à la pensée de l'urbs que Pothier par exemple. Ce lien entre la pensée du jurisconsulte et les formulations du Code Louisianais a permis à celle-ci de garder une certaine actualité dans l'État de Louisiane jusqu'au XXe siècle[141], notamment dans la jurisprudence[142], même si les dernières réformes du Code civil tendent visiblement à l'atténuer.

2. Le code civil du Bas-Canada (1866)

Quand s'ébauche le Code civil du Bas Canada l'influence des Lois civiles est encore faible dans la pratique canadienne française. Pourtant, au XVIIIe siècle, la doctrine française, notamment Domat et Pothier, était largement invoquée par les juges anglais - au premier rang desquels Lord Mansfield[143] - dans leurs recherches de principes généraux. Avant même l'implantation du Code au Canada[144], la pensée du jurisconsulte était déjà utilisée comme référence doctrinale comme elle le sera encore après celui-ci[145].

S'attachant aux sources du droit du Bas-Canada[146], les commissaires du Code civil du Bas-Canada[147] édifièrent un droit civil rationalisé en s'appuyant largement sur le Code civil français de 1804[148] dont la structure fût largement reprise[149]. C'est donc à travers ce dernier ouvrage et par le poids de ses sources que les rédacteurs de la codification bas-canadienne firent leur profit des formulations des Lois civiles. La loi de 1857[150], initiant le processus de codification prend pour modèle le Code civil de 1804, oblige les commissaires à citer les autorités sur lesquelles ils s'appuient pour formuler une disposition, donnant ainsi toute sa place à l'héritage doctrinal[151]. Ce faisant, les commissaires prouvent, appliquant l'article 6 de la loi de 1857, que la règle est effectivement « en force » au Bas-Canada, leur capacité d'amendement devant être distincte de la reprise de la tradition civiliste[152]. Toutefois, leur rôle n'est pas à mésestimer, et nombre des innovations comprises dans le Code civil du Bas Canada sont à porter à leur crédit[153]. Œuvre de compromis, la genèse du Code de 1866 trouve ses racines principales dans le droit d'inspiration française, héritage de la Nouvelle-France[154], mais également dans l'évolution du droit propre à la Province[155], laissant place à certaines innovations parfois inspirées de la common law[156]. Si, comme le remarquait Adhémar Esmein parlant des codificateurs du Code Napoléon, « les rédacteurs du Code trouvaient soit dans les codifications antérieures, soit dans la littérature juridique, tout préparés, exprimés déjà dans une langue précise et excellente, les principaux éléments de leur œuvre puisqu'ils voulaient surtout emprunter au passé »[157], il appartenait toutefois aux commissaires canadiens de mettre une âme propre à la codification et adapter les solutions de la doctrine au contexte du XIXe siècle. Ainsi, les commissaires soulignent que l'intention n'était pas de « permettre l'abrogation, ni même l'altération des lois en force, ni remettre en vigueur celles éteintes, si ce n'est avec pleine connaissance de cause et après avoir été mis en position d'en apprécier la nécessité ou les avantages »[158].

Dans le rapport des commissaires sur le titre des obligations du Code civil du Bas-Canada, sur deux cents articles régissant les obligations, les auteurs renvoient cent soixante-quatorze fois à Pothier dans l'établissement des formules du Code, alors que quatre-vingt-quatorze articles trouvent leur inspiration - pour partie - dans les dispositions des Lois Civiles[159]. Pothier reste donc largement préféré à Domat, même si la pensée de celui-ci se trouve à l'honneur. Sur les deux mille six cent quinze articles constituant le Code civil du Bas Canada, deux cent soixante-quinze articles contiennent une référence aux Lois civiles[160]. Cette proportion est proche de celle du Code Napoléon (environ 11 %)[161]. Toutefois, si le penseur clermontois est cité comme autorité, il l'est le plus souvent en compagnie d'une solide doctrine. Les rapporteurs font référence à de nombreux auteurs de l'Ancien droit (Furgole, d'Argentré, Dumoulin, Serres, Denisart, Freminville, Ricard, Guyot, Brillon, Bourjon, Henrys, Bretonnier, Lamoignon...)[162], mais également à la doctrine civiliste du XIXe siècle (Toullier, Zachariae, Merlin, Demolombe...)[163], aux ordonnances et déclarations françaises de l'Ancien Régime et pour une part à la doctrine anglaise (Blackstone, Russell, Wharton...) et à la législation du Bas-Canada. La filiation est donc plus diffuse entre la pensée du jurisconsulte et les formulations du Code, Domat faisant ici figure davantage d'autorité que de fondement principal de la rédaction. C'est bien évidemment Pothier qui reste la principale source doctrinale du Code civil du Bas Canada[164] et lorsqu'il existe conflit entre les deux auteurs, comme c'est le cas en matière de contrat de vente[165], le juriste orléanais est préféré à Domat.

Toutefois, les commissaires - tout au long de leurs rapports - seront fidèles à l'héritage des Lois civiles. Ainsi en matière de restitution de fruits pour le possesseur de bonne foi, souhaitant faire coïncider la formulation avec celle de l'article 1376 du Code Napoléon, ils jugent « plus équitable que la partie innocente qui reçoit par erreur et de bonne foi ce qui ne lui appartient pas ne soit pas tenue de rendre les fruits que dans le plus grand nombre de cas elle a consommés »[166]. Ainsi, ils s'appuient sur l'autorité conjointe de Pothier et Domat. L'attitude vis-à-vis des sources romaines est éminemment pragmatique. Parfois écartée lorsque la loi romaine est jugée trop rigoureuse - comme en matière de responsabilité des mandataires[167] où la doctrine de Pothier est jugée plus conforme à la pratique britannique et aux intérêts du commerce[168] -, elle est parfois invoquée, sur la même matière ou en matière de contrat de dépôt[169], comme l'expression d'une solution juridique quasi-universelle - justifiant sa qualité de nata lex et l'évocation de Domat. Ainsi, concernant les courtiers, appelés proxénètes en droit romain, les commissaires relèvent que leurs fonctions à Rome étaient « les mêmes que celles qu'ils remplissent maintenant chez les peuples adonnés au commerce. La règle contenue dans l'article 29 [du projet] est prise de Domat et s'accorde avec ce qui se pratique en Angleterre, en Écosse et aux États-Unis [...] »[170]. Parfois pusillanimes ou trop orthodoxes vis-à-vis du Code Napoléon[171], les commissaires n'hésitent pourtant pas à écarter la doctrine lorsqu'elle ne sert pas leurs vues et qu'ils jugent celle-ci contraire à l'équité[172] ou se montrent critiques de la pratique française[173], assurant ainsi la singularité de la réflexion juridique civiliste bas-canadienne. Sans dogmatique stérile, les commissaires n'hésitent pas à se détacher du Code Napoléon lorsque ses innovations leur semblent néfastes[174] ou contraires à la doctrine de l'Ancien droit[175], exprimée parfois par les plumes conjointes de Pothier et Domat[176]. Le Code civil du Bas-Canada - objet juridique hétérogène[177] - ne pouvait être ainsi considéré comme une simple imitation du Code Napoléon[178] ni être relié à un auteur en particulier, encore moins un jusnaturaliste versé dans le droit romain - fût-il Domat. Ainsi, rares sont les articles qui font des Lois civiles le référent unique (comme l'article 1607[179]), alors que cela est le cas pour Pothier à de nombreuses reprises. On retrouve toutefois l'auteur clermontois sur les thèmes qui ont fait la fortune de sa pensée dans les dictionnaires juridiques du XVIIIe siècle ou dans le Code civil français. Il est cité - de manière incidente - en matière de tutelle (art. 310), de déni de justice (art. 11), de mort civile (art. 36 al. 2), de puissance paternelle (art. 242), de serment en matière de tutelle (art. 292), d'usufruit (art. 454), de droit de passage (art. 542), de donation (art. 756 et 760), de droit de réméré (art. 1546 et 1547), de contre-lettre (art. 1212), de prohibition de la preuve testimoniale face à l'écrit (art. 1234).

Logiquement, c'est toutefois encore une fois en matière d'obligation que sa réflexion s'impose. On la retrouve en matière de dol (art. 993), de violence (art. 944), de responsabilité du fait des animaux (art. 1055) et de responsabilité contractuelle (art. 1065). Elle structure parfois des pans entiers du Code civil du Bas-Canada. Il en est ainsi de la lésion (art. 1002-1004 et 1007-1009), de l'interprétation des contrats (art. 1013 et 1016-1020), des effets des contrats (art. 1024, 1031, 1034, 1038), des quasi-contrats (art. 1043, 1045 et 1046), de la bonne foi (art. 1047-1050), des dommages et intérêts (art. 1071-1074 et art. 1077), en matière de solidarité entre créanciers (art. 1100-1102) ou débiteurs (art. 1103-1105, art. 1107 et 1108), en matière d'extinction des obligations (art. 1139-1141, art. 1148 et 1158-1162), de compensation (art. 1187, 1188, 1190, 1191 et 1193), de vente (art. 1472, 1475, 1484, 1494, 1496, 1497, 1501) et de garantie de celle-ci (art. 1507-1509, 1511, 1513 et 1514). Les articles touchant la novation[180], la garantie des vices cachés[181], le mandat[182], le séquestre conventionnel[183], le contrat de société et sa dissolution[184] font également appel aux formulations des Lois civiles. Peut-être davantage encore que dans le Code Napoléon, le Code civil du Bas-Canada fait appel à la réflexion du jurisconsulte afin d'établir les dispositions générales et les définitions de nombreuses questions. C'est le cas en matière de privilège et d'hypothèque[185], de legs[186], de preuve (art. 1203), du principe du contrat de louage et plus spécifiquement de louage des choses[187], des dispositions générales relatives au mandat[188], au prêt à la consommation et au dépôt simple[189], au contrat de société[190], au contrat de nantissement et aux principes régissant les transactions[191]. Des lignes forces apparaissent dans le référencement des commissaires. En matière d'obligations par exemple, une trinité juridique est largement invoquée - le droit romain, Domat, Pothier - parfois accompagnée du renvoi au Code Napoléon à titre d'apôtre de la regula juris[192]. En matière de responsabilité des ouvriers et de contrat de louage, les commissaires déplorent toutefois les incertitudes de l'Ancien droit - et de Domat et Pothier - sur le sens précis adopté au cas de perte provenant de causes autres que celle résultant de la faute des parties[193].

Malgré ce large écho que trouve la pensée de Domat dans le Code civil du Bas-Canada, celle-ci reste absente de certains thèmes, comme c'était le cas dans le Code civil français de 1804. En matière d'absence, le Code civil du Bas-Canada préfère renvoyer à la doctrine civiliste du XIXe siècle ou à Pothier comme en matière de mariage et de convention matrimoniale (art. 1257 et suiv.), où les rédacteurs du Code civil du Bas-Canada ont rejoint ceux du Code Napoléon en utilisant largement la pensée du juriste orléanais ou encore celle d'autres auteurs, plus proches de la pratique coutumière comme Denisart en matière de curatelle[194]. Certaines spécificités - liées au pluralisme juridique du Canada naissant ou à sa tradition coutumière - expliquent également l'absence de l'auteur clermontois sur certaines questions, comme la communauté de biens[195]. Ainsi, la coutume de Paris et les auteurs coutumiers prennent naturellement une place particulière dans la rédaction du Code en raison de l'application de celle-ci en Nouvelle-France puis dans la province de Québec. De plus, les dispositions commerciales échappent pour partie à l'influence juridique française et se réfèrent à la jurisprudence et à la doctrine anglo-saxonne[196]. Certains thèmes ont subi l'influence quasi exclusive de la doctrine anglo-saxonne. Il en est ainsi des dispositions relatives aux corporations (art. 352-364) qui sont construites autour de la réflexion de Blackstone et qui écartent, de facto, la nécessité de se référer à la réflexion du jurisconsulte auvergnat en matière de communauté, qui s'était pourtant en partie imposée sur ce thème dans les dictionnaires juridiques du XVIIIe siècle. Malgré cette remarque, les références aux Lois civiles restent - quantitativement - bien supérieures à celles qui sont faites à la réflexion d'auteurs anglo-saxons - Blackstone est ainsi cité à une vingtaine de reprises seulement dans le Code civil du Bas Canada. Les commissaires vont ainsi même jusqu'à renvoyer les lecteurs à deux reprises vers le Droit public, pour les articles 584 et 586 relatifs respectivement aux biens sans maîtres et aux trésors[197], sans que l'originalité de la réflexion de Domat justifie, sur ces matières, totalement la référence. On retrouve donc dans le Code civil du Bas-Canada la plupart des thèmes sur lesquels sa réflexion a pesé au XVIIIe et XIXe siècle, constituant une référence idoine : la domanialité publique, la bonne foi, l'interprétation des conventions, la responsabilité (notamment du fait des animaux), le droit des personnes[198], le contrat de vente...[199]. On peut remarquer toutefois qu'en matière de tutelle et d'usufruit l'influence du juriste clermontois semble moindre outre-Atlantique, en raison peut-être de la survivance dans la pratique des règles coutumières, notamment sur la première question.

Comme en France, le prestige de l'auteur en Europe et en Amérique du Nord est pour partie une reconstruction a posteriori du fait de l'œuvre codificatrice et de la lecture par les interprètes du XIXe siècle des formules des codes à l'aune de leurs sources. C'est après la codification que Domat est apparu comme le plus grand juriste du XVIIe siècle, ce qu'il n'était pas encore véritablement au XVIIIe siècle. Il semble qu'une analyse similaire puisse d'ailleurs être faite pour Pothier, qui comme le juriste auvergnat profitera largement des codifications pour s'imposer comme deus ex machina dans la bataille de l'interprétation des codes, alors qu'au XVIIIe siècle, on évoquait de préférence les arrêtistes ou les auteurs comme Ricard ou Le Brun.

Au XIXe siècle, par l'interprétation des différentes codifications, l'influence de Domat et de Pothier se renforce sous la plume de la doctrine civiliste. L'élaboration des différents codes civils à cette période se déroula dans une période pendant laquelle l'Europe et le monde étaient obsédés par la volonté de codifier[200]. On retrouve les « Leyes civiles » comme référence aux articles du Code civil argentin, essentiellement en matière d'obligation[201] ou comme source du Code civil de Sainte-Lucie[202]. Sa pensée est encore citée par la Cour Royale de Jersey[203] comme source doctrinale de la Jersey Contract Law[204], toujours ici concurrencée dans la jurisprudence par les références aux œuvres de Pothier. Cette lecture de son œuvre assure au juriste auvergnat une renommée certaine qui renforce, rétrospectivement, son image de plus grand juriste du XVIIe siècle[205].

Son influence sur le droit civil contemporain, notamment québécois reste encore pour partie d'actualité[206].  On est ainsi frappé par la similitude entre plusieurs formulations des règles d'interprétation sises dans les Lois civiles et les règles qui gouvernent encore de nos jours l'herméneutique judiciaire. Ainsi, pour lui « L'interprétation ne débute qu'en présence d'un texte obscur ou ambigu. Dans un tel cas, c'est dans le texte même qu'il faut rechercher le sens de la loi »[207]. Si l'interprétation conduit à une solution déraisonnable ou absurde, il faut rechercher l'interprétation la plus juste, ou la plus équitable[208]. Un rôle interprétatif majeur est réservé au juge sous sa plume, faisant du magistrat à la fois un acteur principal de la scène judiciaire, mais l'encadrant fortement par le poids de ses Lois civiles, celle-ci apparaissant comme un carcan normatif autant qu'un guide de conduite :

 

« Les obscurités, les ambiguïtés et les autres défauts d'expression de la loi qui peuvent rendre douteux le sens d'une loi et toutes les autres difficultés de bien entendre et de bien appliquer les lois doivent se résoudre par le sens le plus naturel, qui se rapporte le plus au sujet, qui est le plus conforme à l'intention du législateur et que l'équité favorise le plus. Ce qui se découvre par les diverses vues de la nature de la loi, de son motif, de son rapport aux autres lois, des exceptions qui peuvent la restreindre et des autres réflexions qui peuvent en découvrir l'esprit et le sens »[209].

Posant les bases de principes d'interprétation qui transcendent l'espace et le temps, le jurisconsulte auvergnat figure bien comme « le précurseur des conceptions modernes du contrat, par l'importance qu'il attache à la bonne foi et à l'équité »[210], titre qu'il doit autant à son œuvre propre qu'aux codifications du XIXe siècle qui ont fait rayonner sa pensée, scellant son appartenance au panthéon des grands juristes[211].

 

Conclusion : Romanité, codification roumaine et Lois civiles

 

Il ne nous appartient pas - en raison de notre méconnaissance de la langue roumaine - d'analyser exhaustivement la place de la doctrine développée dans les Lois civiles au regard de la codification roumaine. Néanmoins, suite à notre étude, quelques lignes forces peuvent être mises en évidence. L'adaptation de la tradition juridique française ne s'est pas fait sans heurts. Comme le soulignait Leontin Constantinescu, le Code civil de 1804, détaché pour partie de ses racines proprement roumaines, apparut « à la grande majorité du peuple comme une œuvre théorique et doctrinaire, sinon comme un amas de formules abstraites et conventionnelles » car « il était étranger aux habitudes du peuples et aux réalités sociales du pays »[212]. Ainsi, avec une population « par excellence rurale et hostile aux innovations étrangères, la Roumanie moderne a choisi sa voie propre dans les questions juridiques »[213].  Si le Code Napoléon apparut, in fine, comme un instrument permettant la modernisation du pays[214] c'est notamment car il partageait avec la science juridique roumaine les mêmes racines latines. Le droit roumain avait acquis pendant des siècles une puissante structure romaniste, « l'esprit juridique roumain n'ayant jamais quitté son modèle latin »[215]. Incontestablement marquée par la romanité, la réception formelle du droit français dans les principautés roumaines en 1864 n'arrivait donc pas sur un terrain vierge. Si l'adoption d'une norme étrangère est davantage, selon certains auteurs, une question de puissance que de qualité[216], elle ne peut se faire sans le point d'appui de la doctrine qui explicite les liens entre la tradition romaniste et les nouvelles dispositions normatives. Le professeur Mara a esquissé le rôle que peut encore jouer le droit romain dans l'évolution de la législation actuelle[217].  Il est possible de rapprocher certaines dispositions du Code roumain des formules des Lois civiles. Ainsi, les articles déterminant la nature du consensualisme et l'effet des conventions dans le Code civil roumain peuvent être aisément comparés aux principes jusnaturalistes affirmés dans l'œuvre domatienne. Ainsi, l'article 970 du Code roumain (Codul civil)[218] détermine l'effet des conventions dans la droite ligne de l'article 1135 du Code Napoléon et en droite file de la formulation des Lois civiles : 

 

« Art. 1135 : Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ».

« Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à tout ce que demande la nature de la convention et à toutes les suites que l'équité, les lois et l'usage donnent à l'obligation où l'on est entré. (...) »[219]

 

De la même façon, les articles 948 (traitant de la validité des conventions) ou 973 (évoquant les cas de vices de consentement)[220] ont des formulations quasi homothétiques à celles des Lois civiles, partageant les mêmes racines romaines. En privilégiant l'intention des parties sur la forme, Domat évoque une modernité qui est encore d'actualité en droit roumain comme dans les différents droits civilistes :

 

« Les conventions devant être formées par le consentement mutuel de ceux qui traitent ensemble, chacun doit y expliquer sincèrement et clairement ce qu'il promet et ce qu'il prétend. Et c'est par leur intention commune qu'on explique ce que la convention peut avoir d'obscur et de douteux.

Si les termes d'une convention ont un double sens, il faut prendre celui qui est le plus conforme à l'intention commune des contractants, d'ailleurs évidente, il faut suivre cette intention plutôt que les termes »[221].

 

Enfin, si l'article 969 du Code roumain établit que « les conventions légalement faites ont force de loi entre les parties contractantes. Elles peuvent être révoquées par le consentement mutuel ou par des causes autorisées par la loi »[222], il le fait en reprenant la formulation du célèbre  article 1134 du Code civil français qui prolongeait lui-même les Lois civiles :

 

« Art. 1134 : Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

« Les conventions étant formées, tout ce qui a été convenu tient lieu de loi à ceux qui les ont faites et elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement commun ou par les autres voies qui seront expliquées dans la section VI »[223].

 

Ces quelques exemples montrent que les rapprochements faits entre la codification française et l'œuvre de Domat pourraient être prolongés avec fortune vers la codification roumaine. Ainsi, si le Code de 1804 régna d'abord ratione imperii, on peut affirmer qu'il rayonna ensuite ratione rationis sur la pensée juridique mondiale[224], comme le firent les Lois civiles.

Fort justement, Louis-Edmond Beaulieu observait, à la lumière du Code français, qu'une « pareille expansion des lois d'un peuple n'a eu d'égale que la diffusion des lois romaines »[225]. Et pour cause ! Si le Code a pu s'adapter de manière aussi hégémonique à travers différentes cultures et tradition, c'est qu'il bénéficiait de son architecture de droit romain et des travaux de la doctrine romaniste permettant des « connections synaptiques » avec les systèmes juridiques à l'échelle mondiale, permettant de parler de mondialisation avant notre ère de mondialisation[226]. La doctrine de l'Ancien droit, à travers Domat et ses Lois civiles, est donc bien pour partie à l'origine de nos corpus civilistes[227], à travers notamment son analyse du droit romain. Camus, dans sa bibliothèque choisie, référençait d'ailleurs le jurisconsulte auvergnat[228] non pas dans les auteurs ayant traité du droit naturel ou des auteurs traitant de l'Ancien droit français mais dans « les abréviateurs, traducteurs et commentateurs de tout le corps du droit [romain] en général »[229].

C'est bien à cette source privilégiée, à sa méthode et à son acuité intellectuelle lui permettant de dessiner des lignes claires, des dispositions et des principes limpides que Domat doit sa fortune dans les différentes codifications. C'est donc bien à ses qualités de forme, à la clarté, et à la concision de ses formules (si on exclut les introductions des développements, où les répétitions sont légions) que l'œuvre de Domat doit sa fortune, autant qu'au choix de sa source presque unique, le droit romain épuré[230]. En paraphrasant le Chancelier d'Aguesseau il s'est attaché « presque uniquement aux sources pour faire le fonds de science qui lui est nécessaire »[231] affirmant bien haut que le droit romain est notre droit naturel[232]. Presque paradoxalement, l'auteur de Clermont en rejetant les débats stériles d'une doctrine qu'il jugeait valétudinaire et source de confusion s'est imposé comme l'un des auteurs majeurs de celle-ci, servant lui-même de guide aux codificateurs de part et d'autre de l'Atlantique. Il s'est ainsi mérité les louanges qui lui étaient adressées par un poète anonyme dans le Dictionnaire de Trévoux :

 

« Il démontre des Lois la constante Équité,

Sur leur nuage épais, il répand la clarté,

Celles qu'un sens mal pris fait paraître contraires,

Ou qu'on n'entend pas bien malgré les commentaires,

Il les met dans leur sens si naturellement,

Que les lecteurs en sont frappés d'étonnement »[233].

 

 

 

 

* Professeur de droit à l'Université de Sherbrooke, Ph. D. Law. David.Gilles@usherbrooke.ca.

[1] Cet article prolonge une partie des recherches menées par l'auteur dans le cadre de sa thèse (David GILLES, La pensée juridique de Jean Domat. Du Grand siècle au Code civil, Thèse droit, Aix-Marseille III, 2004), poursuivies depuis lors et publiées partiellement dans « Les Lois civiles de Jean Domat, prémices des Codifications ? Du Code Napoléon au Code civil du Bas-Canada », (2009) 43-1 R.J.T. 2 et « Jean Domat et l'esprit de la codification. Du Grand siècle au Code civil », (2008) 5 Passé et présent du droit, (ss. dir. D. Deroussin et F. Garnier), Compilations et codifications juridiques. Autour du Code Napoléon, éd. Du Manuscrit, 102.

[2]               Jean-Étienne-Marie PORTALIS, « Présentation et exposé des motifs du Titre Préliminaire devant le corps législatif 24 nov. 1801 », Pierre-Antoine FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du Code Civil, rééd. O. Zeller, Osnabruck, 1968 (réimpression de l'édition de 1827), T. VI, p. 35.

[3]              André-Jean ARNAUD, Les origines doctrinales du Code civil français, Paris, LGDJ, 1965, notamment p. 142-147.

[4]              Rodolfo BATIZA, « Origins of Modern Codification of the Civil Law: The French Experience », 56-2 Tulane L. Rev. 477 (1982) ; Domat, Pothier and the Code Napoléon: Some Observations Concerning the Actual Sources of the French Civil Code, Mexico, 1973.

[5]               C'est ce que démontre J. Vanderlinden dans son ouvrage sur le concept de code. Il donne d'ailleurs à cette occasion, parmi les nombreuses approches qui lui permettent d'affiner le concept de code, cette définition qui est proche de celle de Portalis : « (...) la codification peut être considérée comme un phénomène qui a pour objet les sources du droit, ou, plus largement, les modes de formulation du droit en application dans une société déterminée, à un moment déterminé » ; J. VANDERLINDEN, Le concept de Code en Europe occidentale du XIIIe au XIXe siècle. Essai de définition, études de l'institut de sociologie, Université libre de Bruxelles, 1967, p. 240.

[6]               Léontin CONSTANTINESCU, « Rapport sur la Roumanie », L'influence du Code civil dans le monde, travaux de la semaine internationale de droit, Association Henri Capitant des Amis de la culture juridique française et Société de législation comparée, Paris, 1950, Pedone, 1954, p. 672 et sq.

[7]               Victor Dan ZLATESCU et Irina Moroianu ZLATESCU, « Le droit roumain dans le grand système romano-germanique », (1991) 4 R.I.D.C. 830 à la page 836.

[8]               Un certain nombre d'éditions des œuvres de Pothier au XIXe siècle vont d'ailleurs comporter une table de correspondance entre les travaux du juriste orléanais et le Code. Voir par exemple l'édition faite par Pinel-Grandchamps dans les œuvres de Pothier éditées à Paris par Videcoq et Bobée en 1824 : Robert-Joseph POTHIER, Œuvres, Table de Concordance, entre les articles du Code civil et les passages de Pothier qui se rapportent à chacun de ces articles, Paris, Videcoq, A. Bobée, 1824, 8 vol. Fenet lui-même a mis en évidence l'apport de la pensée de Pothier dans la maturation du Code. Voir  Pierre-Antoine FENET, Pothier analysé dans ses rapports avec le code civil et mis en ordre sous chacun des articles de ce code ou les législations anciennes et nouvelles comparées, Paris, A. Gobelet, 1826 ; Louis THEZARD, De l'influence des travaux de Pothier et du chancelier d'Aguesseau sur le droit civil moderne, Paris, A. Durand, 1866 ; Plus récemment, les travaux d'ensemble de Rodolfo Batiza et d'André-Jean Arnaud ont éclairé d'un jour nouveau les liens entre la doctrine de l'ancien droit et le Code civil : Rodolfo BATIZA, Domat, Pothier and the Code Napoléon : some observations concerning the actual sources of the french civil code, Mexico, 1973 ; André-Jean ARNAUD, Les origines doctrinales du Code Civil français, Paris, LGDJ, 1969.

[9]               Sur cette influence longtemps restée dans l'ombre, voir Renée MARTINAGE, Bourjon et le Code Civil, Paris, éd. Klincksieck, 1971.

[10]             Sur l'influence de Domat sur le Code, outre notre thèse, voir l'étude sur la responsabilité civile de Noda Yosiyuki ainsi que les travaux d'André-Jean Arnaud, de Jean-Louis Gazzaniga et de J. Ghestin : Noda YOSIYUKI, « Jean Domat et le Code Civil  français », (1956) 2 Comparative Law Review, 3 1-34 ; André-Jean ARNAUD, « Imperium et Dominium : Domat, Pothier et la codification », (1995) 22 Droits, 55-66 ; Jean-Louis, GAZZANIGA, « Domat et Pothier : le contrat à la fin de l'Ancien Régime », (1990) 12 Droits, 37-46 ; Jacques GHESTIN, « Jean Domat et le Code civil français », Paolo CENDON (a cura di), Scritti in onore di Rodolfo Sacco : la comparazione giuridica alle soglie del 3e millennio, (Mélanges Sacco), Milano, A. Giuffrè, 1994, 2 vol., tome I, pp. 35-46.

[11]             Sur la vie de Jean Domat, voir D. GILLES, La pensée juridique de J. Domat, préc.note 1, pp. 11-22. Si sa vie a été marquée par un fort jansénisme, sa pensée reflète son implication religieuse essentiellement dans le Traité des Lois et dans ses Harangues. Ces deux parties de son œuvre ont été brillamment analysées par Marie-France Renoux-Zagamé, qui a largement contribué à la connaissance des fondements de la pensée domatienne et par Simone Goyard-Fabre. Voir Marie-France RENOUX-ZAGAMÉ, « Domat, le salut et le droit », (1989) 8 R.H.F.D. 70-111 ; « Domat : du jugement de Dieu à l'esprit des lois », (mars/avril 1993) Débat 54-68 ; Du droit de Dieu au droit de l'homme, Paris, PUF, Léviathan, 2003 ; « La figure du juge chez Domat », (2004) 39  Droits, 35-52 ; Simone GOYARD-FABRE, « César à besoin de Dieu ou la loi naturelle selon Jean Domat », L'État classique, Paris, 1996, p. 149-160 ; « La philosophie du droit de Jean Domat ou la convergence de l'ordre naturel et de l'ordre rationnel », Justice et Force : Politiques au temps de Pascal, Actes du Colloque de Clermont, septembre 1990, (ss. dir. G. Ferreyrolles), Paris, Klincksieck, 1996, pp. 187-207.

[12]             Sur son activité devant cette juridiction, et notamment son rôle durant les Grands Jours de Clermont, voir David GILLES, « Jean Domat, avocat du roi et jurisconsulte », Passé et présent du droit, n. 7, Les juristes en Auvergne du Moyen-Âge au XIXe siècle, (ss. dir. David Deroussin), éd. Du Manuscrit, 2008, pp. 125-148.

[13]             Éric GOJOSSO, « La Genèse du Code civil », (2006) Slovenian L. Rev. 143-153 ; Éric GOJOSSO et David GILLES, « Sur Pothier et le Code civil », dans Études d'histoire du droit privé en souvenir de Maryse Carlin, contributions réunies par Olivier VERNIER, Michel BOTTIN et Marc ORTOLANI, Paris, Éditions La mémoire du droit, 2008, p. 403-417.

[14]             Sur ce point voir Victor COUSIN, Mémoire pour servir à l'histoire de la vie de M. Domat, avocat du roi, trouvé parmi les papiers de Marguerite Périer, 1843.

[15]             Le jugement de Sainte-Beuve est contrasté et il semble avoir pris la mesure de l'homme contrairement à de nombreux auteurs du XIXe siècle, trop empreints de déférence : « Si j'avais écrit il y a quelques années, j'y aurais donné aussi une place à Domat, un des amis, un de ceux qu'on pourrait qualifier d'associés libres de Port-royal, et qui mourut deux ans après Arnauld (1696). Mais cela nous engagerait dans des lectures qui sont peu de notre ressort, et Domat d'ailleurs a été le sujet de publications et de discussions assez récentes. Né à Clermont en Auvergne (en 1625), il avait noué liaison intime avec Port-royal par les Pascal et les Périer, et il avait été initié à toutes les assemblées et consultations sur le formulaire. Il se trouvait à Paris durant la dernière maladie de Pascal, et il reçut ses derniers soupirs. Son amitié avec la famille Périer s'altéra gravement en 1676, par suite de rapports faux ou indiscrets : l'évêque d'Aleth, Pavillon, contribua à une réconciliation entière et chrétienne. Domat était vif, et s'était cru, peut-être à tort, offensé. C'est à la plume de Mademoiselle Périer qu'on doit les plus beaux traits de son éloge. Longtemps avocat du roi à Clermont, magistrat gallican plein de vigilance et de zèle, intègre, désintéressé, homme considérable dans sa province où il était l'arbitre de toutes les grandes affaires, très distingué et apprécié par les chefs de la magistrature de Paris qui y avaient tenu les Grands-jours, il vint dans la capitale vers 1681, s'y établit sur l'invitation du roi, et s'appliqua uniquement, dès lors, à son grand ouvrage qu'il n'avait entrepris d'abord que pour son usage particulier et celui de ses enfants, mais qu'on jugea devoir être d'une haute utilité publique, les Lois civiles dans leur ordre naturel. Boileau l'appelait un homme admirable et le restaurateur de la raison dans la jurisprudence. Arnauld, de même : « je lis présentement le livre de M. Domat, écrivait-il à M. Du Vaucel (25 novembre 1689) ; il y a à la tête un traité des lois que j'ai presque achevé : j'en suis extrêmement satisfait, car il y a beaucoup de piété et beaucoup de lumière. » Du Guet consulté à plusieurs reprises sur l'ouvrage, probablement par le canal de M. Daguesseau le père, présentait quelques critiques secondaires au milieu de beaucoup d'éloges. L'auteur lui-même, Domat, homme vif, original, d'humeur prompte et brusque, ne pouvait s'empêcher, dit-on, d'applaudir à son ouvrage, et de marquer l'estime qu'il en faisait. Un jour qu'il s'était échappé de la sorte devant un ami, il ajouta tout de suite comme pour réparer : « je suis surpris que Dieu se soit servi d'un petit homme, d'un homme de néant comme moi, pour faire un si bel ouvrage, pendant qu'il y a à Paris des personnes d'un si grand mérite ». On a publié des pensées de Domat tirées des papiers de Mademoiselle Périer. Elles sont assez singulières, rarement belles, plutôt hardies ou bizarres. On cite de lui des paroles énergiques et qui éclairent sur sa nature morale. Il était infatigable au travail, ennemi de toute distraction et de toute relâche [...]. Il disait, en définissant sa disposition habituelle dans le commerce de la vie : « je ne serais ni de l'humeur de Démocrite, ni de celle d'Héraclite ; je prendrais un tiers parti pour mon naturel, d'être tous les jours en colère contre tout le monde ». Malade de la pierre, il disait, pour se consoler aux approches du terme : « ce n'est pas une petite consolation pour quitter ce monde, que de sortir de la foule du grand nombre des sots et des méchants dont on y est environné. Son style écrit n'a pas et ne devait pas avoir, eu égard aux matières qu'il traitait, la vivacité de sa parole » ; Charles-Augustin SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, Paris, Hachette, 1860, p. 358-360.

[16]             L'édition de 1756 des différentes œuvres de Domat, comprenant les additions de Héricourt sur le Droit public, ainsi que les notes de Berroyer et Chevalier sur les Lois civiles servira de référence à cette étude. Cette édition présente l'avantage de bien distinguer les notes de Berroyer et Chevalier alors que d'autres éditions les confondent largement. Au Canada, c'est essentiellement l'édition de Joseph Rémy qui a servi de référence, notamment dans les différentes juridictions ; toutes les citations, sauf mentions expresses, sont de l'édition de 1756 chez Savoye ; Cf. Jean DOMAT, Les Lois civiles dans leur ordre naturel, nouvelle édition, revue corrigée et augmentée des troisième et quatrième livres du Droit public par M. de HÉRICOURT, des notes de M. de BOUCHEVRET sur le Legum Delectus, de celles de MM. BERROYER et CHEVALIER, anciens avocats au Parlement, chez Savoye, 1756. Toutes les citations, d'un point de vue orthographique, ont été modernisées lorsque de telles modifications ne modifiaient pas le sens, afin d'en faciliter la compréhension.

[17]             Voir Jean-Louis HALPÉRIN, « French legal science in the 17th and 18th  century to the limits of the theory of law », dans Enrico Pattaro, Damiano Canale, Paolo Grossi, Hasso Hofmann and Patrick Riley, A Treatise of Legal Philosophy and General Jurisprudence, vol. 9, A History of the Philosophy of Law in the Civil Law World, 1600-1900, 2009, Springer Netherlands, p. 43et suiv.

[18]             La récente création des chaires de droit français par l'Édit de Saint-Germain d'avril 1679 vient concurrencer ce monopole à la fin du XVIIe siècle. Par cette réforme, le pouvoir royal réorganise les facultés de droit en faisant primer les intérêts immédiats de l'État. Cet édit a pour but de former les cadres de l'État en associant, par l'article 14, à l'enseignement du droit canonique et du droit romain, un enseignement du droit français. Voir : Christian CHÊNE, L'enseignement du Droit français en pays de droit écrit (1679-1793), Genève, Librairie Droz, 1982, pp. 2 et 3.

[19]             Comme Grotius ou Hobbes, qui correspondaient avec Galilée, Descartes et Harvey, ou Pufendorf qui entretenait une relation épistolaire soutenue avec Leibnitz, Domat, par son amitié avec Pascal, connut également un correspondant et un débateur initié aux sciences physiques et mathématiques. Ces liens entre jurisconsultes et scientifiques expliquent pour une bonne part la tournure que prend la science du droit au courant du XVIIe siècle. Pour une réflexion autour des liens entre ces deux domaines scientifiques, voir : Alfred DUFOUR, « La notion de loi dans l'École du Droit naturel moderne. Étude sur les sens du mot loi chez Grotius, Hobbes et Pufendorf », (1980) 25 Archives de Philosophie du Droit,  211, 212-214.

[20]             Voir : Jean-Louis GARDIES, Essai sur les fondements a priori de la rationalité morale et juridique, préface de Michel Villey et Georges Kalinowski, Paris, L.G.D.J., 1972, p. 142.

[21]             Gottfried Wilhelm LEIBNIZ, Textes inédits d'après les manuscrits de la Bibliothèque provinciale de Hanovre, Gaston GRUA (dir.), Paris, 1948, t. II, p. 647-652. Néanmoins, le juriste allemand estime qu'en définitive, le rejet de la structure romaine faite par Domat n'est pas fondamental. Par cette lecture réductrice de l'œuvre, privilégiant la structure aux finalités mêmes de celle-ci, Leibniz anticipe ainsi, a contrario la prise de position de nombre de lecteurs des Lois civiles et des pères du Code qui tous écarteront le plan des Lois civiles, tout en faisant leur profit de sa réflexion : « Néanmoins on n'y voit aucun avantage qui l'ait obligé à se départir des Institutes de Justinien, qui semble donner plus de Lumières, pour ne rien dire de celles qui ont été suivies par d'autres habiles jurisconsultes ».

[22]             Relevons néanmoins que certains de ces auteurs, comme Grotius ou Locke, vont nourrir la pensée juridique privatiste, notamment par leurs réflexions autour du droit de propriété - les droits naturels inclusifs et exclusifs chers au penseur britannique - ou autour de la classification des obligations et de la notion de droit subjectif pour le penseur néerlandais. Cf. : James TULLY, Locke, droit naturel et propriété, coll. « Léviathan », Paris, PUF, 1992, p. 102-148.

[23]             Il faut souligner toutefois qu'en matière de droit public, le droit naturel est bien moins à l'honneur sous la plume de Domat, qui use alors davantage des ordonnances royales et de la pratique monarchique de son temps comme d'un modèle que de lois naturelles difficiles à caractériser. Sur ces questions, il s'écarte largement de l'École du droit naturel moderne et du contractualisme, faisant figure de partisan de la monarchie absolue seulement limitée par le poids des corps intermédiaires et par la loi divine. Sur cette question, voir : David GILLES, « Jean Domat et les fondements du droit public », (2006) 25-26 Revue d'Histoire des Facultés de droit et de la science juridique, 93-119.

[24]             Un rapprochement particulièrement intéressant peut être mené avec les travaux de Lessius. Celui-ci a également servi largement de source à Grotius dont plusieurs innovations en matière de droit privé ont été faites en ayant les travaux de Lessius sous les yeux. Cela est notamment vrai en matière de vice de consentement et d'erreur, où Grotius renvoie aux mêmes auteurs que Lessius, dont il semble avoir copié les références ; voir : Leonardus LESSIUS, De iustitia et iure, ceterisque virtutibus cardinalis libri quatuor, Paris, 1628, et les travaux de James GORDLEY, The Philosophical Origins of Modern Contract Doctrine, Oxford, Clarendon Press, 1991, p. 69-89 ; Robert FEENSTRA, « L'influence de la scolastique espagnole sur Grotius en droit privé : quelques exemples dans les questions de fond et de forme concernant notamment la doctrine de l'erreur et de l'enrichissement sans cause », La Seconda Scolastica nella Formazione del diritto privato moderno, Milano, Atti dell Incontro di studio di Firenze, 1973, p. 382-386. La difficulté de faire « la part du feu » entre les différents ouvrages que Domat a consultés en l'absence quasi totale de référence explicite de sa part - cela même sur les manuscrits de l'œuvre - transforme la recherche des influences en une quête indécise, en un risque d'interprétation de la pensée de Domat au vu de sources supposées. Il faut donc se contenter de rapprochements, lorsque cela est possible, sans trancher bien souvent pour une influence affirmée. Toutefois, il est impossible d'écarter la place de la lecture de Grotius et de Hobbes - œuvres analysées par son ami Pascal - dans la genèse de la réflexion domatienne.

[25]             Il le fait dans une optique jusnaturaliste. Comme le remarque, à juste titre, Jean-Louis Halpérin, parmi les grands auteurs de la doctrine de la fin de l'Ancien droit, « Domat et Pothier sont toujours cités comme les plus proches des jusnaturalistes, les plus favorables à l'avènement d'un droit conforme à la raison » : Jean-Louis HALPÉRIN, L'impossible Code civil, Paris, PUF, 1992, p. 67 et 68.

[26]             Sur cette question, voir, pour le Code de 1804 : Henri MAZEAUD, « Essai de classification des obligations », (1936) 35 R.T.D.C. 1 p. 10 et suiv. ; D. GILLES, préc., note 1, p. 224 et suiv. ; pour le droit civil français et québécois, voir l'article de Benoît MOORE, « La classification des sources des obligations : histoire d'une valse-hésitation », (2002) 36 R.J.T. 275.

[27]             Des auteurs comme Le Douaren, mais surtout François Connan et Hugues Doneau, firent les beaux jours de cette distinction dans leurs Commentaires du droit civil, en se réclamant parfois directement de Gaius ; voir : Jean-Louis THIREAU, « Hugues Doneau et les fondements de la codification moderne », (1997) 26 Droits 81, 93 et 94.

[28]             Il en est ainsi des travaux de François Hélo, avocat au Parlement. Il rédige un traité intitulé La jurisprudence françoise conférée avec le droit romain sur les instituts de l'empereur Justinien qui reprend fidèlement la distinction tripartite de Gaius. L'auteur justifie ce choix par la clarté d'exposition : « J'ai donc en même temps exposé le droit civil et le nôtre en forme de paraphrase sur les instituts de Justinien, sans apporter une longueur ennuyeuse et sans affecter aussi une brièveté obscure ; et afin de ne confondre rien, faisant voir leur différence et leur rapport, j'ay expliquer l'un et l'autre chacun dans son titre séparé » : François HÉLO, La jurisprudence françoise conférée avec le droit romain sur les instituts de l'empereur Justinien ou les commentaires du droit civil et françois sont exposés chacun dans son titre séparé, Paris, E. Loyson, 1663.

[29]             Voir sur cette question notamment : Jacques KRYNEN, « Le droit romain, droit commun de la France », (2003) 38 Droits 21, ainsi que Jacques KRYNEN (dir.), Droit romain, jus civile et droit français, Toulouse, Presses de l'Université des Sciences Sociales, 1999 et David DEROUSSIN, Histoire du Droit des obligations, Paris, Economica, corpus Histoire du droit, 2007, p. 89 et suiv.

[30]             J. DOMAT, Le Traité des lois, in Les lois civiles, préc., note 16, c. II, p. 4.

[31]             Il fait la distinction entre deux espèces d'engagements, les liens familiaux et les engagements hors du cercle familial : « La première est de ceux qui se forment par les liaisons naturelles du mariage entre le mari et la femme, et de la naissance entre les parents et les enfants ; et cette espèce comprend aussi les engagements des parentés et des alliances, qui sont la suite de la naissance et du mariage. La seconde espèce renferme toutes les autres sortes d'engagements qui approchent toutes sortes de personnes les unes des autres [...] »; Id., 3, p. 4.

[32]             Id., 1, p. 4.

[33]             « C'est dans ce dessein qu'il n'a pas créé tous les hommes comme le premier, mais qu'il a voulu les faire naître de l'union qu'il a formée entre les deux sexes dans le mariage, et les mettre au monde dans un état de mille besoins, où le secours de ces deux sexes leur est nécessaire pendant un long temps. » ; id., c. III, 1, p. 4.

[34]             J. DOMAT, Les Lois civiles, préc., note 16, L. I, t. I, s. I, 1, p. 20.

[35]             Id., 2, p. 20.

[36]             Antoine DESPEISSES, Œuvres de M. Antoine Despeisses, sous la direction de Guy ROUSSEAUD DE LACOMBE, Toulouse, J. Dupleix, 1778, préface, non paginée. Despeisses consacre une première partie aux contrats, une deuxième aux accidents de ceux-ci, une troisième à leurs exécutions, une quatrième à leur terme, une cinquième aux successions, une sixième à la pratique civile et enfin une dernière partie à la pratique criminelle. Mais ce plan ne résulte nullement d'une volonté d'unifier ou de systématiser le droit. Dans l'organisation même des obligations, les deux auteurs, puisant pourtant aux mêmes sources, orientent leur discours dans une optique différente. Despeisses consacre seize titres aux contrats en déclinant depuis celui d'achat, de louage, de société, de mandat, de prêt, du commodat, du précaire, du gage, des gageures, des contrats innommés, de l'échange, du mariage, des donations, des dots et enfin des tuteurs et curateurs.

[37]             Le livre III traite des suites des conventions, soit qu'elles « ajoutent aux engagements », soit qu'elles les « affermissent ». Domat aborde alors hypothèques, cautions, dommages et intérêts, possessions et prescriptions, mais aussi un titre VI qui décline les règles des preuves, des présomptions et du serment. Le livre IV envisage, encore une fois logiquement, des suites qui anéantissent ou diminuent les engagements. On aborde alors la question de l'extinction des obligations par le paiement, par les novations, les délégations, les rescisions ou les restitutions. C'est, il faut le noter, le développement le plus court de cette première partie.

[38]             De même, à l'intérieur même de certains titres, certains liens sont discutables. Le titre XVI traite ainsi « des personnes qui exercent quelques commerces publics, et de leur commis, et autres préposés »... et des lettres de change. Le lien entre les deux ensembles est « surprenant » (cf. : J. DOMAT, Les Lois civiles, préc., note 16, L. I, t. XVI, préambule, p. 133). On peut souligner également que dans le livre second, si le lien entre le titre VIII qui vise la responsabilité quasi délictuelle et le titre IX « des engagements qui se forment par des cas fortuits » est visible, celui avec le titre X « de ce qui se fait en fraude des créanciers » l'est en revanche beaucoup moins.

[39]             L'esprit de ce titre est, selon le jurisconsulte, qu'il repose sur les conventions « où l'on n'a pas le choix des personnes, ni la liberté de s'abstenir de l'engagement, et où la nécessité oblige d'avoir affaire à certaines personnes qui exercent des commerces publics ». Le lien avec les lettres de change semble ténu. Le jurisconsulte établit alors la présence des règles touchant aux lettres de change sur l'idée que l'utilité et la commodité publique qui légitiment les règles régissant les voituriers et les hôteliers fondent également l'usage des lettres de change, puisque la sûreté des engagements tels que ceux afférents à la banque ou au négoce « intéresse le public ». « Il y a encore des commerces d'autres natures que l'utilité et la commodité publique rendent nécessaires, et qui ont ce rapport à ceux dont on vient de parler que ceux qui exercent ces commerces contractent et par eux-mêmes et par leurs commis des engagements dont la sûreté regarde le public ; comme sont les commerces de banque et de change, et autres qui sont exercés par des banquiers et autres négociants. Ce qui oblige à placer aussi dans ce titre quelques règles qui regardent en général toutes ces sortes de commerces, et les engagements qui leur sont propres ; et parce que l'un de ces commerces, qui est celui des lettres de change, fait une espèce de convention distinguée de toutes les autres, on en expliquera la nature et les principes essentiels et de ces règles, qui soient tout ensemble et du droit romain et de notre usage, sans entrer dans ce qu'il y a de règle sur cette matière par les ordonnances » ; J. DOMAT, Les Lois civiles, préc., note 16, L. I, t. XVI, préambule, p. 133.

[40]             Il justifie tout d'abord sa distinction entre engagements et successions de manière concise et efficace. Elle repose, selon lui, sur la nature des liens qu'il décline. L'engagement est essentiel à la nature des liens de la première partie, alors que le temps est à la source de ceux de la seconde partie : « l'engagement est essentiel à leur nature, et toutes ces matières sont elles-mêmes des engagements et des liens dont Dieu s'est servi pour maintenir la société des hommes dans tous les lieux, comme la nature des successions est d'en maintenir la durée dans tous les temps » : J. DOMAT, Les Lois civiles, préc., note 16, Seconde partie, préface, I, p. 305). Pour lui « l'ordre des successions est fondé sur la nécessité de continuer et de transmettre l'état de la société, de la génération qui passe à celle qui suit » (Le Traité des lois, préc., note 16, c. VII, 1, p. 9) et consiste donc dans un mouvement temporel permettant la perpétuation insensible des liens entre les hommes et, par là même, de la société.

[41]             Voir : Denis LE BRUN, Traité des successions, 1re éd., Paris, Jean Guignard, 1692 ; Denis LE BRUN, Traité de la communauté entre mari et femme, Paris, 1754 ; Jean-Marie RICARD, Traité des donations, Riom, éd. Bergier, 1783. Ces traités ont largement été exploités dans les recueils de jurisprudence. Voir : Gérard D. GUYON, « Les décisionnaires bordelais, praticiens des deux droits (XVe-XVIIIe siècles), dans Serge DAUCHY et Véronique DEMARS-SION (dir.), Les recueils d'arrêts et dictionnaires de jurisprudence XVIe-XVIIIe siècle, Lille, Centre d'Histoire judiciaire Lille II, 2002, p. 53.

[42]             Sur l'application du droit successoral, voir : Jean-François CHASSAING, « Les successions et les donations à la fin de l'Ancien Régime et sous la Révolution », (1982) 3 Droits et cultures 85.

[43]             J. DOMAT, Les Lois civiles, préc., note 16, L. I, t. I, s. II, 3.

[44]             Id., L. I, t. XVII, s. II, 16.

[45]             Id., L. I, t. I, s. V, 9.

[46]             Id., Traité des lois, in Les Lois civiles, id.,IV, 2.

[47]             Id., L. I, t. I, s. I, 12.

[48]             Id., L. I, t. II, s. V, 1.

[49]             « Le vendeur est alors obligé de déclarer à l'acheteur les défauts de la chose vendue qui lui sont connus et si, ayant connaissance de ces défauts, il les a cachés, il devra non seulement les dommages et intérêts mais aussi indemniser l'acheteur de toutes les suites que le défaut de la chose aura pu causer » ; Id., L. I, t. II, s. XI, 2 et 7.

[50]             Id., L. I, t. II, s. II, 8.

[51]             Id., L. I, t. II, s. VII, 2.

[52]             Id., L. I, t. IV.

[53]             Id., L. I, t. VIII, s. I, 10.

[54]             Id., L. I, t. VIII, s. IV, 19.

[55]             Par exemple, si le mandataire ignore le décès et exécute sa procuration, tout ce qu'il a fait de bonne foi devra être ratifié par les héritiers, du fait de cette ignorance, car « la bonne foi donne à ce qu'il a géré l'effet du pouvoir que le défunt lui avait donné », Id., L. I, t. XV, s. IV, 7.

[56]             Id., L. I, t. V, s. I, 1.

[57]             Id., L. I, t. IV, s. I.

[58]             Il est alors amené à rejeter certains auteurs romains. Sur ce point, voir D. GILLES, préc., note 1, p. 78 et svt.

[59]             « Pour établir les principes sur lesquels il faut juger si l'intérêt du prêt est licite ou non, on n'aurait besoin que de l'autorité de la loi divine qui l'a condamné et défendu si expressément et si fortement. Car quiconque a du sens ne peut refuser de tenir pour injuste et pour illicite tout ce que Dieu condamne et défend (Eccl. 33 3). Mais encore que ce soit sa volonté seule qui est la règle de la justice, ou plutôt qui est la justice même, et qui rend juste et saint tout ce qu'il ordonne (Psal. 18 10), il souffre et veut même que l'on considère quelle est cette justice et qu'on ouvre les yeux à la lumière pour la reconnaître (Eccli. 17. 24) » ; J. DOMAT, Les Lois civiles, préc., note 16, L.I, t.VI, préambule.

[60]             Id., L. I, t. VI, s. I, 7.

[61]             Voir. David DEROUSSIN, préc., note 29, p. 302.

[62]             J. DOMAT, Les Lois civiles, préc., note 16, L.I, t. II, s. XI, 14.

[63]             Id., Traité des lois, L. XI, 10.

[64]             Id., Les Lois civiles, L. I, t. I, s. VI, 9.

[65]             Id., L. I, t. VIII, s. I, 12.

[66]             Cf. William STRAHAN, The Civil Law in Its Natural Order; Together with the Publick Law translated by W. Strahan, London/Bettenham (printer) for Bell, 1726 ; W. STRAHAN, The Civil Law in Its Natural Order, Together with the Publick Law, written in French by Jean Domat, and translated into English by William Strahan, with Additional Remarks on Some Material Differences between the Civil Law and the Law of England, 2nd ed., with additions, London, 1737. Voir également l'édition américaine, plus tardive, de Cushing : Luther S. CUSHING, The Civil Law in its Natural order, by Jean Domat, translated from the French by William Strahan, ed. from the 2nd London edition (preceding title) by Luther S. Cushing, Boston, Little/Brown, 1853. On peut remarquer qu'il existe une réédition récente des Lois civiles dans leur traduction anglaise, alors qu'il n'en existe pas depuis le 19e siècle pour l'édition française. Nous espérons pouvoir prochainement pallier cette absence avec l'appui d'un éditeur. Voir : William STRAHAN, Civil Law in Its Natural Order, Littleton, Fred B Rothman, Reprint edition, December 1981.

[67]             D. GILLES, préc., note 1, p. 493-561.

[68]             Art. de Garat, « quasi-délits », Pierre-Jean GUYOT, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, civile, criminelle, canonique et bénéficiale, vol. 13, Paris, Visse, 1784-1785, p. 236.

[69]             Louis DE HERICOURT, Les Loix ecclésiastiques de France dans leur ordre naturel, Nouvelle édition, Libraires associés, Paris, 1771, préface, p. III.

[70]             Id., p. III.

[71]             Sur l'héritage européen de Domat, voir D. GILLES, La pensée juridique, préc., note 1, pp. 457-458.

[72]             Samuel von COCCEJI, Code Frédéric ou corps de droit pour les États de Sa Majesté le roi de Prusse, 1751.

[73]             Id., p. 6.

[74]             « On voit dans la société trois sortes de troubles qui en blessent l'ordre : les procès, les crimes et les guerres. Les procès sont de deux sortes, selon les deux manières dont les hommes se divisent et entreprennent les uns sur les autres : ceux qui ne regardent que le simple intérêt, qu'on appelle procès civils et ceux qui sont les suites des querelles, des délits, des crimes qu'on appelle procès criminels (...). Les crimes et délits sont infinis selon qu'ils regardent différemment l'honneur, la personne, les biens (...). Les guerres sont une suite ordinaire des différends qui arrivent entre les souverains de deux nations qui, étant indépendants les uns les autres et n'ayant pas de juges communs, se font eux-mêmes justice par la force des armes (...). Les guerres ont leurs lois dans le droit des gens et il y a des suites de guerre qui sont des matières des lois civiles. » ; J. DOMAT, Traité des Lois, in Lois civiles, préc.note 16, Ch. VIII, p. 12.

[75]             « Toutes sortes de procès, entre toutes sortes de personnes, sans en excepter les communautés, peuvent être terminés par trois voies principales ; l'accommodement volontaire entre les intéressés, l'arbitrage, et la procédure judiciaire, soit qu'une partie soit attirée devant le juge, ou qu'elle veuille y attirer l'autre » ; Samuel von COCCEJI, Code Frédéric, préc., note 72, p. X.

[76]             Pour Cocceji, « jusqu'au temps de Justinien, on a vécu incontestablement dans une grande incertitude du droit ». Toutefois, « le droit n'a jamais été plus incertain qu'il le fut depuis. Si Justinien au lieu de rassembler tous ces extraits, avait pris le parti de faire dresser un bon système de droit ; s'il avait rangé les matières suivant les trois objets du droit, comme il l'a fait dans ses Institutes, et que l'on eut déterminé les principes généraux sur chaque matière, on aurait pu se former  une idée de la jurisprudence et se flatter d'obtenir un droit certain et immuable » ; Id., p. X.

[77]             « Il suffit effectivement de jeter les yeux sur le corps de droit romain pour comprendre 1) Que ceux qui l'ont compilé n'ont point formé de système 2) qu'ils n'ont point fait précéder les principes généraux ; 3) Qu'ils n'en ont point tiré des conséquences dans l'ordre le plus naturel ; mais 4) qu'ils se sont contentés de faire simplement des extraits (...) 5) que ces extraits sont très souvent mutilés, et 6) même contraires les uns aux autres, 7) qu'ils ont si confusément placé les matières 8) de même que les livres et les titres de ce corps de Droit, qu'il n'était pas possible d'en déduire un droit général et commun (...). Il suit de là que pour décider une cause avec un fondement légitime, un juge devait savoir par cœur tous les extraits et avoir la mémoire assez heureuse » ; Id., p. XI.

[78]             Id., p. XII.

[79]             Id., p. XXI.

[80]             « La raison nous apprend, que lorsqu'on a établi des principes généraux sur chaque matière, ils comprennent tous les cas, auxquels ils sont applicables » ; Id.p. XXI.

[81]             « C'est là tout le devoir d'un juge intègre et habile  que de chercher dans l'examen des cas non décidés, à quels principes ils peuvent être rapportés et si l'esprit des lois, qui a fait établir les principes, concerne ces cas et fournit la décision. C'est pourquoi les lois romaines ont déclaré avec beaucoup de fondement, que l'on ne doit pas tant s'attacher aux termes de la loi qu'à son esprit, ou à la raison qui y a donné lieu, laquelle est comprise dans la loi, et en est pour ainsi dire, l'âme. » ; Id., p. XXI.

[82]             A. Esmein remarquait que « les rédacteurs du Code trouvaient, soit dans les codifications antérieures, soit dans la littérature juridique, tout préparés, exprimés déjà dans la littérature juridique, tout préparés, exprimés déjà dans une langue précise et excellente, les principaux éléments de leur œuvre, puisqu'ils voulaient surtout emprunter au passé. Ils en ont largement usé, et l'on sait qu'un des moyens les plus sûrs pour les premiers interprètes du Code a consisté à rapprocher les articles des passages de Pothier, de Domat, Bourjon, Pocquet de Livonnière, etc., qui en avaient fourni la rédaction ou qui les avaient inspirés » ; Adhémar ESMEIN, « L'originalité du Code Civil », Le Code Civil, livre du Centenaire, rééd. Dalloz, Paris, 2004, pp. 5-25, p. 18. Voir également Pierre-Yves GAUTIER, « Pour le rétablissement du livre préliminaire du Code civil », (2005) Droits 41, 37-52 et W. WOLODKIEWICZ, « « Livre préliminaire » « titre préliminaire » dans le projet et dans le texte définitif du Code Napoléon », (2005) RHD 3, 441-455

[83]             Jean GAUDEMET, « Pothier et Jacqueminot à propos des sources du Code Civil de 1804 », Le rôle de la volonté dans les actes juridiques. Études à la mémoire du professeur A. Rieg, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 369-387, p. 372.

[84]             Jean-Louis Halpérin remarque que dans les sources du Code, ce sont les ordonnances de d'Aguesseau sur les donations et les testaments, ainsi que les travaux de Pothier et dans une moindre mesure ceux de Domat qui ont pesé de tout leur poids sur les réflexions des rédacteurs du Code. L'influence des théoriciens de l'École du droit naturel moderne est, selon lui « plus diffuse ». On doit remarquer que dans les évocations par les rédacteurs d'auteurs de référence, ils figurent en bonne place aux côtés de Domat, même si le poids sur la formulation même du Code est moindre. Voir Jean-Louis HALPÉRIN, Histoire du droit privé français depuis 1804, Paris, PUF, coll. Droit fondamental, 1996, p. 20.

[85]             Celui-ci remarque notamment que « [l]e sage Domat a rangé les lois civiles dans leur ordre naturel : il a fait un petit Traité des lois en général et un Traité sur le droit public » : Jean-Étienne-Marie PORTALIS, De l'usage et de l'abus de l'esprit philosophique durant le XVIIIe siècle, 3e éd., t. 2, Paris, Moutardier, 1834, p. 225.

[86]             Qui reconnaît toutefois, pour ce qui concerne les contrats et les obligations conventionnelles que : « [Les auteurs du projet de Code] ont cru que ce serait rendre service à la société si on retirait du dépôt des lois romaines une suite de règles qui, réunies, formassent un corps de doctrine élémentaire, ayant à la fois la précision et l'autorité de la loi. C'est un ouvrage que, dans le siècle dernier, les jurisconsultes les plus célèbres des diverses parties de l'Europe ont désiré, qu'ils ont préparé par de grands travaux. [...] La France met sous ce rapport au nombre des ouvrages les plus parfaits ceux de Domat et de Pothier » ; Félix BIGOT-PREAMENEU, « Présentation au corps législatif et exposé des motifs du projet des contrats ou obligations conventionnelles », dans Pierre-Antoine FENET, préc. note 2, t. XIII, p. 217.

[87]             Maleville évoque très peu les Lois civiles alors qu'il cite largement les travaux de Pothier dans son Analyse raisonnée du Code civil, anticipant ce qui sera l'attitude de la doctrine dominante au XIXe siècle. Ainsi, il cite plus de 100 fois Pothier dans son ouvrage, aux côtés de Boutaric, Serres, Dumoulin Lapeyrere, Lebrun, Brodeau, Mornac, Rousseaud de Lacombe, ou même Montesquieu. Selon lui, le meilleur commentaire du titre sur les obligations se trouve d'ailleurs dans le Traité des obligations de Pothier. Tout au long des développements touchant cette matière, Maleville cite Pothier, Cujas, Godefroy, le droit romain mais ne se réfère pas à Domat ; Jacques de MALEVILLE, Analyse raisonnée de la Discussion du Code civil, t. 3, Paris, Nève, 1822, p. 3 et suiv. Il reconnaît toutefois que le Livre préliminaire du Projet du premier pluviôse an IX, rédigé par Portalis, était édifié à « l'instar du Livre des lois de Domat », id., t. 1, p. 4.

[88]             Un exemple en est donné au sujet des articles 637 et 639 où la protection de la propriété privée est en cause. Le débat porte sur la propriété d'une source sur plusieurs fonds. Pour Maleville, l'article 637 est conforme aux maximes du droit. Une seule exception est possible si des travaux sur les eaux ont été faits depuis moins de trente ans. Il remarque toutefois un assouplissement au principe par la jurisprudence et la doctrine. Il cite un arrêt rapporté par Henrys, et relève qu'il est dangereux de poser des principes trop abstraits. Il estime que les « besoins du premier propriétaire une fois satisfait, l'équité, l'intérêt public et la destination même de l'eau ne permettent pas que les fonds inférieurs en soient arbitrairement privés : la Providence a créé pour l'usage de tous cet élément nécessaire à tous ». La proximité aurait pu être forte avec Domat qui traite de cette question, mais ce dernier n'est pas invoqué ; « Discussion au Conseil d'État », P.-A. FENET, préc., note 2, t. XI, p. 258.

[89]             VoirD. GILLES, préc., note 1, p. 571 et suiv.

[90]             François BIGOT-PREAMENEU, préc., note 86, t. XIII, p. 264. Il partage également la même critique des obscurités du droit romain que celle faite par Domat un siècle plus tôt : « Ainsi les lois romaines relatives aux contrats nous sont parvenues embarrassées de formules et de distinctions sans nombre. Les simples pactes, les stipulations, les contrats y forment autant de classes séparées » ; id., p. 221.

[91]             En établissant par exemple un conseil de famille restreint à sept personnes, le tribun Berlier réforme un abus que le juriste clermontois avait tenté de contrecarrer par ses Lois civiles, afin de préserver la paix des familles : « Ainsi disparaîtront beaucoup d'intrigues et principalement celles à la faveur desquelles on portait souvent sur un parent éloigné et peu affectionné la charge que devait naturellement supporter le parent le plus proche ; abus qui existait déjà du temps de Domat, et dont il se plaint en son discours préliminaire sur le titre des tutelles » : BERLIER, « Présentation au corps législatif du Titre De la minorité, de la Tutelle et de l'émancipation », dans P.-A. FENET, préc., note 2, t. X, p. 642.

[92]             Duveyrier, contestant le régime des biens paraphernaux souligne, en reprenant le juriste clermontois que : « [N]otre respectable Domat s'en plaignait avec une sorte de sensibilité : Ces biens paraphernaux, dit-il, et cette jouissance indépendante du mari paraissent avoir quelque chose de contraire au principe du mariage, et sont même une occasion qui peut troubler la paix que demande cette union. Aussi voit-on, continue-t-il que, dans une même loi du droit romain qui ôte au mari tout droit sur les biens paraphernaux, il est reconnu juste que la femme, se mettant elle-même sous la conduite de son mari, elle lui laissât aussi l'administration de ses biens. Le projet de loi soumis à votre examen aura encore le mérite notable de rendre au régime dotal toute la raison des lois romaines et toute la majesté du mariage » ; DUVEYRIER, « Communication officielle au Tribunat », dans P.-A. FENET, préc., note 2, t. XIII, p. 749 et 750.

[93]             Gillet relie ainsi l'obligation de doter sa fille pesant sur le père à l'obligation générale de veiller à la conduite de ses enfants. Il évoque la loi Julia appliquée à de rares occasions dans les pays de droit écrit qui « provoquait une sorte d'inquisition sur la fortune du père, parce que la dot devait en suivre les proportions ; elle y perpétuait les dissensions des familles [...]. C'est un abus que le sage Domat a très bien entrevu lui-même, et cet abus formerait une contradiction manifeste avec les principes de la loi proposée » ; GILLET, « Communication officielle au tribunat », 8 mars 1803, dans P.-A. FENET, préc., note 2, t. IX, p. 192 et 193. Sur les rédacteurs du Code, leur influence au sein des commissions et leurs aspirations juridiques, voir : Jean-François NIORT, Homo civilis, repères pour une histoire politique du Code civil français, thèse droit Paris I, 1995, préface de J.-L. Halpérin, postface J. Carbonnier, coll. « Histoire des Institutions et des Idées Politiques », t. 1, Aix en Provence, PUAM, 2004, particulièrement p. 77-132.

[94]             Voir L. LEVENEUR, « Consensualisme et liberté contractuelle », Le Discours et le Code, Portalis, deux siècles après le Code Napoléon, Litec, 2004, pp. 285-301.

[95]             Jean-Louis GAZZANIGA, « Domat et Pothier : le contrat à la fin de l'Ancien Régime », préc. note 10, p. 38.

[96]             Id.p. 40.

[97]             FAVART, « Rapport fait par le Tribun Favart sur les quatre premiers chapitres, Communication officielle au tribunat », P.-A. FENET, préc. note 2, t.XIII, pp. 312-313.

[98]             L. 8, ff. de Usufr et Usufr. Legato. L. an. Usufr. 56, ff. de usufr.

[99]             GALLI, « Présentation au corps législatif », dans P.-A. FENET, préc., note 2, t. XI, p. 215.

[100]            MOURICAULT, « Discussion devant le corps législatif », dans P.-A. FENET, préc., note 2, t. XIII, p. 421. Pour Bertrand de Greuille : « [C]'est une des premières maximes de la société : d'où il suit que si ce fait cause à autrui quelque dommage, il faut que celui par la faute duquel il est arrivé soit tenu de le réparer. Ce principe, consacré par le projet, n'admet point d'exception ; il embrasse tous les crimes, tous les délits, en un mot tout ce qui blesse les droits d'un autre ; il conduit même à la conséquence de la réparation du tort, qui n'est que le résultat de la négligence ou de l'imprudence » ; B. DE GREUILLE, « Communication officielle devant le Tribunat », dans P.-A. FENET, préc., note 2, t. XIII, p. 475.

[101]            Dans son rapport au Tribunat sur le projet du Livre 3e du Code civil sur le droit des contrats et des conventions, il compare Cujas, Dumoulin, Pothier et Domat aux grands jurisconsultes romains, pour leur apport à la science du droit et pour avoir dégagé le droit romain « de ces subtilités qui dans certains cas embarrassaient le droit écrit ». Il ajoute : « [...] Les Français ont eu aussi leur Paul, leur Papinien. Cujas avait expliqué les textes romains avec une telle sagacité, que le Parlement de Paris, sur le réquisitoire exprès du procureur général, lui avait permis de faire lecture et profession en droit civil dans l'université de Paris, à tel jour et heure qu'il serait par lui avisé. Et Dumoulin, ce jurisconsulte célèbre, qui, au milieu des troubles civils, était parvenu à réunir toutes les connaissances du droit coutumier et du droit écrit quels services n'a-t-il pas rendus à la jurisprudence dans les matières les plus difficiles, par les principes lumineux et féconds qu'il a posés, et dont plusieurs ont passé en maximes ? N'avions-nous pas aussi le grand, le magnifique ouvrage de Domat, qui nous avait si bien développé la filiation des lois ? » ; A. JAUBERT, « Communication officielle faite au Tribunat, rapport fait par M. Jaubert sur le Chap. VI », 13 pluviôse An XII, 3 fév. 1804, dans P.-A. FENET, préc., note 2, t. XIII, p. 413.

[102]            J. DOMAT, Les Lois civiles, préc., note 16, L. IV, t. I, s. I, 4, p. 282.

[103]            Id., L. III, t. IV, s. I, 14, p. 224.

[104]            Id., L. I, t. XIII, s. I, 6, p. 124.

[105]            Pour une liste de ces articles, voir : D. GILLES, préc., note 1, annexes, p. 670 et suiv.

[106]            A. JAUBERT, « Communication officielle faite au Tribunat, rapport fait par M. Jaubert sur le Chap. VI », 13 pluviôse An XII, 3 fév. 1804, P.-A. FENET, préc. note 2, t.XIII, p. 413.

[107]            MOURICAULT, « Discussion devant le corps législatif », P.-A. FENET, préc. note 2, t.XIII, p. 426.

[108]            Le titre III rassemble ainsi les questions de succession, de donation, de testament, de théorie générale du contrat, de quasi-délit, de responsabilité civile, de contrats spéciaux, de régimes matrimoniaux, d'expropriation, d'ordre entre créanciers, de prescription et possession ; cf. Georges WIEDERKHER, « Le Code civil de 1804 à 2004 », Colloque bicentenaire du Code civil, Ass. Avenir Capa, Strasbourg, 2004, p. 13, à la page 14.

[109]            Michel GRIMALDI, « L'exportation du Code civil », (2003/4) 107 Pouvoirs 80.

[110]            Ainsi, « en Bavière, le Codex Maximilianeus Bavaricus Civilis de 1756 ; en Prusse, le Preussiches Allgemeines Landrecht de 1794 ; en Autriche, le Code civil général autrichien de 1811. (...) Le Code bavarois sembla une compilation peu harmonieuse, entassant sur une base de droit romain un « mélange disparate de droit allemand, à savoir de lois, statuts, pratiques judiciaires et coutumes » ; le Code prussien, lourd de plus de 17000 articles, souffrit d'être trop imprégné de conceptions féodales ; le Code autrichien, bref puisque limité à 1502 articles, parut trop abstrait, trop philosophique » ; id. à la page 80.

[111]            Voir Jean-Louis HALPÉRIN, Histoire des droits en Europe : de 1750 à nos jours, Flammarion, Champs, 2005.

[112]            Voir  James GILREATH and Douglas L. WILSON (dir.), Thomas Jefferson's Library: A Catalog with the Entries in His Own Order, Washington, Library of Congress, 1989, c. 23.

[113]            Ce dernier, jeune étudiant en droit, déplore dans sa correspondance son manque de connaissance des auteurs du droit naturel, dont Domat : « Besides, I am but a Novice in natural Law and civil Law. There are multitudes of excellent Authors, on natural Law, that I have never read, indeed I never read any Part of the best authors, Pufendorf and Grotius. In the Civil Law, there are Hoppius, and Vinnius, Commentators on Justinian, Domat, & c. besides Institutes of Cannon and feudal Law, that I have to read" ; John ADAMS, « Letter to Jona. Sewall », Wednesday, november 26th, John Adams Diary, Electronical Archive, the Massachusetts Historical Society, [http://www.masshist.org/digitaladams/aea/index.html], site consulté le 12 septembre 2009.

[114]            Dans l'affaire Jonathan Sewal v. John Hancock du 20 août 1768concernant « the writs of assistance », Adams déclare : "We are here to be tryed by a Court of civil not of common Law, we are therefore to be tryed by the Rules of Evidence that we find in the civil Law, not by those that we find in the common Law. - We are to be tryed, both Fact and Law is to be tryed by a single Judge, not by a Jury. - We therefore claim it as a Right that Witnesses not Presumptions nor Circumstances are to be the Evidence." Et il argumenta, en se fondant sur les règles du droit civil, affirmant que pour accuser quelqu'un d'un crime, il était nécessaire d'avoir deux preuves ou témoignages "free from all exception; that if there were two or ten such Witnesses as Mezle, they would not amount to Proof sufficient for condemnation;" ses contradicteurs ayant "a right to examine the Witnesses whole past life, and his Character at large;" et pouvant prouver par d'autres témoignages et preuves qu'il " was a fugitive from his native country to avoid the punishment due to a very heinous crime;". Pour ce faire, il se référa aux autorités suivantes "New Inst. Civil Law, 315, 316. Dig. Lib. 22, Tit. 5, §§ 3, 12. Codicis, Lib. 4, Tit. 19, § 25; Tit. 20, s. 9, § 1, & note 32. Deut. 19, 15. Calv. Lex Testis. Fortescue de Laudibus Legum, c. 21, p. 38. Wood Inst. 310. Domat, V. 1, p. 13, Preliminary Book, Tit. 1, § 2, IV. 15" ; The Founders' Constitution, vol. 5, Amendment IV, Document 2, Chicago, University Press, 2000, [http://press-pubs.uchicago.edu/founders/documents/amendIVs2.html].

[115]            Voir par exemple les articles « Law », « Usufructuary » ou « Heir », dans John BOUVIER, A Law Dictionary Adapted to the Constitution and Laws of the United States of America and of the Several States of the American Union, with References to the Civil and Other Systems of Foreign Law, 6th ed., revised, improved, and greatly enlarged, Philadelphia, Childs & Peterson (1856).

[116]            Parmi ces états, nombreux sont ceux qui, se détournant naturellement de l'ancienne puissance coloniale mais conservant leurs racines romanistes, se tournèrent vers la pensée du juriste clermontois. Voir, à titre d'exemple, pour l'Argentine, le Pérou et le Chili, les travaux de Jorge Horacio ALTERNI, « Domat y Pothier en el Codigo Civil Argentino », La codificacion: raices y prospectiva: El Codigo Napoleon, Prudentia Iuris, Buenos Aires, 2003, p. 197-209, ainsi que Camilo TALE, « El derecho de daños en Jean Domat. Cotejo con las regias del Code Napoleon, con la doctrina de sus comentarias del S. XIX y con las normas de Codigo de Vélez », La codificacion: raices y prospectiva: El Codigo Napoleon, préc.,p. 127-147 ; Carlos Ramos NUNEZ, « Codigo Napoleonico: Fuentes y Genesis », (1995) 10 Revista Derecho & Sociedad, Universidad Catolica del Peru, Lima 10, ainsi que « La codificacion impulso moderno de la familia romanista », (1994) 9 Revista Derecho & Sociedad, Lima,  p. 157-168. Concernant le Chili, voir : Alejandro G. BRITO, « Para la historia de la formacion de la teoria general de acto o negocio juridico y del contrato III: Los origines historicos de la teoria general del contrato », (2000) 22 Revista de estudios historico-juridicos, 45-60.

[117]            Michel GRIMALDI, préc. note 109, pp. 82-83.

[118]            Ce pluralisme juridique est inhérent à l'histoire de l'ancienne colonie. Après une première implantation permanente établie par le Chevalier d'Iberville en 1699, l'implantation politique et juridique française prend fin avec la cession de la colonie aux espagnols en 1762 (rendue effective par l'action d'O'Reilly en 1769). Durant cette période, c'est la coutume de Paris qui régissait les rapports juridiques dans la colonie, comme en Nouvelle-France. L'occupation espagnole prend fin en 1800 avec le retour à la France du territoire et s'achève avec la vente de celui-ci aux Etats-Unis en 1803. Voir R. BATIZA, « The Louisiana civil code of 1808 : it's actual sources and present relevance », (1971) Tulane Law Review 46-1 4-165, aux pages 5 et 6.

[119]            R. BATIZA, « The actual sources of the Louisiana Projet of 1823 : an analytical survey », (1972) Tulane Law Review 47-1, 4-115, à la page 4.

[120]            Il en découle une certaine contestation quant à la filiation du code Louisianais, certains, dont Rodolfo Batiza, estimant que les sources sont essentiellement françaises, alors que d'autres, comme Robert A. Pascal, estiment que les sources doivent être cherchées dans la législation espagnole et dans le droit romain ; Voir Rodolfo BATIZA, « Sources of the civil code of 1808, Facts and speculation : a rejoinder », (1971-1972) 46-2 Tulane Law Review 628-651 et R. A. PASCAL, « Sources of the Digest of 1808 : a reply to Professor Batiza », (1971-1972) 46 Tulane Law Review 602-627.

[121]            Voir A. FRANKLIN, « An important Document in the History of American, Roman and Civil Law : The de la Vergne Manuscript », (1958) Tulane Law Review 33, 35 et suiv.

[122]            Voir Rodolfo BATIZA, « The Louisiana civil code of 1808 : it's actual sources and present relevance », préc. note 118, pp. 11-13.

[123]            Les Partidas sont un Code divisé en sept parties, publié en 1348 et qui constitue, selon Moreau de Lislet, « le code le plus complet et le plus parfait du droit espagnol et il est presque entièrement tiré des lois romaines ». Les Lois de Toro sont des lois publiées par les Cortès en 1505, elles sont au nombre de 83 et se retrouvent presque intégralement dans la Recopilacion de Castille de 1507 de Philippe II ; voir MOREAU de LISLET, "Lois de l'état de Louisiane avec des notes qui réfèrent aux loix civiles et espagnoles qui y ont rapport 1814", Digest of the civil Laws now in force in the territory of Orléans (1808), The de la Vergne Volume, The Louisiana State University School of Law, The Tulane University School of Law, Reprints, 1968, avant-propos, non paginé.

[124]            Le souci des rédacteurs est essentiellement de rendre les articles du Digest plus intelligibles et plus facilement applicables, même si pour cela ils doivent faire resurgir une loi ancienne supprimée par le Digest de 1808. Sur cette réforme et les objectifs des rédacteurs, voir R. HOLCOMBE KILBOURNE Jr., A History of the Louisiana civil Code. The Formative Years, 1803-1839, Louisiana State University, 1987, pp. 108-124.

[125]            Additions and amendments to the civil Code of the State of Louisiana, Louisiana Legal Archive, n. 1, New Orléans, 1937, art. 74, cité par R. HOLCOMBE KILBOURNE Jr., id., p. 118.

[126]            La jurisprudence, notamment celle de la Louisiana Supreme Court, est relativement réticente à user des interprétations des cours françaises, notamment après l'arrêt Cottin v. Cottin de 1817 qui affirme la suprématie des normes d'origine hispanique face aux interprétations d'origine française, les premières étant considérées comme la common law de l'État de Louisiane. Ainsi dans l'arrêt Turpin vs. His Creditors de 1819, la Cour relève que, nonobstant la quasi-similitude entre les dispositions du Digest de 1808 et celles du Code, les interprétations des cours françaises ne liaient en rien la Louisiana Supreme Court. De même, dans l'arrêt Copelly vs. Derverges de 1822 les solutions dégagées par Pothier sont clairement rejetées par les juges suprêmes de l'État de Louisiane; voir id., pp. 72-75.

[127]            MOREAU de LISLET, Ms,"Lois de l'État de Louisiane avec des notes qui réfèrent aux loix civiles et espagnoles qui y ont rapport 1814", préc. note 123, p. 5 et suiv.

[128]            Celles-ci sont toutefois citées directement concernant notamment l'esclavage (Digest T.VI, ch.II), domaine où la pensée de Domat n'a pas repris les solutions romaines ; id., non paginé.

[129]            Id., avant-propos, non paginé.

[130]            Id., T. 2, non paginé. Concernant le titre III des absents, Moreau de Lislet relève cette fois-ci l'influence de Pothier et cite son « traité des successions, ch.3, sec. 1, 1, p. 315 et svt », id., titre III, non paginé.

[131]            Il cite "Domat vol.I, liv. 2, t. 2, loi 13, p. 137. Id., non paginé.

[132]            Il renvoie alors à « Domat Lois civiles vol.I, liv. I, tit. 10 au préambule p. 79. », même si c'est Pothier, logiquement, qui est le plus invoqué en matière de mariage aux côtés des lois hispaniques, id. non paginé.

[133]            "Domat vol. I, part. I, Liv. 3, t.4, p. 390"; id., non paginé.

[134]            Il cite Domat concernant les pères et enfants en général, (« Domat Loix civiles vol. I, liv.2, tit.I, sect.2, p. 300 »), concernant les enfants légitimes et illégitimes en général (ch.II du Digest), en citant « Domat loix civiles, vol.I, liv. prél. Tit.I, sec.2, p. 9, l.3 » et cite encore Domat concernant le chapitre IV du même livre du Digest concernant les enfants illégitimes ou naturels; id., non paginé.

[135]            "Domat loix civiles v.I, liv. 2, t.2, s.2 pp. 311 et 312, ll. 10 à 15 », id. non paginé.

[136]            "Domat loix civiles vol.I liv. 2, tit.I, s.I, p.124-125" et "Domat vol.I, liv.2, tit.1, sec.I, loi. 3, p.124 »; id., non paginé.

[137]            Sur ce point, voir T. W. TUCKER, « Sources of Louisiana's law of persons : Blackstone, Domat and the French Code », (1969-1970) Tulane Law review 44, 264-295.

[138]            Art. 19 Digest 1808 : « La femme mariée qui est interdite est de droit sous la curatelle de son mari, néanmoins le mari est tenu, en ce cas, de faire nommer par le juge un curateur ad lites qui représente l'épouse interdite dans toutes les affaires où elle a des intérêts opposés à ceux de son mari ou qui doivent être constatés par lui ». Moreau de Lislet note alors que l'art. 19, tel qu'il est rédigé, est dérogatoire à la loi romaine et renvoie à Domat, (v.1, liv.2, t.2, sect.1, p. 136). Les articles 27 et 29 trouvent également leur source selon Moreau dans l'œuvre de Domat ; MOREAU de LISLET, préc. note 123, non paginé.

[139]            Au titre III, chapitre I du Digest, id. non paginé.

[140]            Concernant les principes généraux touchant les servitudes, Moreau de Lislet renvoie au Digeste et aux Institutes, aux Partidas et aux sources espagnoles et à Domat, essentiellement le livre I, T.XII et livre II, T.VI; id. non paginé.

[141]            Voir J. DAINOW, « Le droit civil de la Louisiane », (1954) R.I.D.C. 19-38. Domat est toujours utilisé par la doctrine louisianaise, notamment en matière de dommages et intérêts non matériels en matière de responsabilité contractuelle, comme le montre H. WOLBRETTE III, « Damages ex contractu : Recovery of non pecuniary damages for breach of contract under Louisiana Civil Code article 1934 », (1974) 48 Tulane Law Review 1060-1175.

[142]            Voir par exemple la décision de la Court d'Appel de l'État de Louisiane, The southern amusement co inc., vs Pat's Henderson Seafood & Steak, inc., State of Louisiana, Court of Appeal, third circuit, 03-767.

[143]            Peter STEIN, Le droit romain et l'Europe. Essai d'interprétation historique, 2e éd., coll. « Droit et Histoire », Faculté de droit de Genève, Schulthess, LGDJ, Bruylant, 2004, p. 149. À cette influence dans la common law s'ajoute l'évocation des Lois civiles devant les juridictions d'equity : voir par exemple, en matière de responsabilité, Appleby and Another v. Myers, 21 juin 1867, Exchequer Chamber, Council of Law Reporting For England & Wales  (1866-67) L.R. 2 C.P. 651.

[144]            Sur l'impact du Code civil du Bas-Canada, voir : André MOREL, « L'émergence du nouvel ordre juridique instauré par le Code civil du Bas-Canada (1866-1890) », Le nouveau Code civil : interprétation et application. Les Journées Maximilien-Caron 1992, Montréal, Éditions Thémis, 1993, p. 52-59.

[145]            L'importance de la doctrine française est sur ce point, fondamentale dans l'évolution de la jurisprudence québécoise. C'est ce qu'a largement démontré Michel Morin dans son analyse de la jurisprudence au XIXe et XXe siècle (de 1876 à 1984). Si c'est Laurent qui est le plus utilisé dans la jurisprudence, Pothier arrive en bonne place, et Domat se trouve par exemple cité dans seize arrêts de 1876 à 1899. De 1900 à 1920, on trouve onze occurrences renvoyant aux Lois civiles. Voir : Michel MORIN, « Des juristes sédentaires ? L'influence du droit anglais et du droit français sur l'interprétation du Code civil du Bas-Canada, 1876-1984 », (2000) 60 R. du B. 247. Voir également, pour la période antérieure, Evelyn KOLISH, Changement dans le droit privé au Québec et au Bas-Canada : attitudes et réactions des contemporains, thèse d'histoire (dactyl.), Université de Montréal, septembre 1980, p. 121-128.

[146]            L'inventaire des sources revêt une importance particulière pour les commissaires qui doivent établir, avant de codifier, le droit en vigueur au Bas-Canada. Sur cette question, voir : Sylvio NORMAND et Donald FYSON, « Le droit romain comme source du Code civil du Bas-Canada », (2001) 103 R. du N. 87.

[147]            Sur l'historique du Code civil du Bas-Canada et l'importance que la codification a prise au Québec, voir : Frederick Parker WALTON, Le domaine et l'interprétation du Code civil du Bas-Canada, (intr. et trad. Maurice TANCELIN), Toronto, Butterworths, 1980, p. 35-49 ; André MOREL, « La codification devant l'opinion publique de l'époque », Livre du Centenaire du Code civil (I), textes réunis par Jacques BOUCHER et André MOREL, Montréal, P.U.M., 1970, p. 27 ; Martin BROODMAN, John E.C. BRIERLEY et Roderick A. MACDONALD, Quebec Civil Law. An introduction to Quebec Private Law, Toronto, Edmond Montgomery Publication, 1993, p. 5-74.

[148]            Les commissaires explicitent très bien, dans leur second rapport, l'attitude - tout en nuance - qu'ils entendent adopter face à la codification napoléonienne : « Le Code Napoléon est, avec raison, considéré comme un chef d'œuvre dans son genre ; aussi l'a-t-on adopté, soit dans son entier, soit avec des modifications plus ou moins considérables, dans tous les pays, où, depuis sa confection, l'on s'est occupé de codification ; il était donc naturel, à raison de la similitude de nos lois avec celles de la France à l'époque où elles y furent codifiées, qu'on nous donnât son code pour modèle et qu'on l'indiquât comme base de celui que l'on voulait faire. Quoique cette similitude ait été assez notablement altérée par le nouveau code, elle était encore assez grande pour qu'il fût possible, sans trop de risque, de permettre aux Commissaires d'en adopter les dispositions qu'ils auraient approuvées, en retranchant, en altérant celles dont l'expérience en France ou ailleurs a démontré l'inutilité ou la défectuosité et en y intercalant celles que nos lois et nos circonstances particulières peuvent requérir. Cette manière de procéder, si elle eût été permise, aurait rendu la tâche comparativement légère. Mais la Législature ne l'a pas voulu ; elle a bien, à la vérité, indiqué le code français pour modèle quant au plan à suivre, à la division des matières et aux détails à fournir sur chaque sujet ; mais tout cela n'est qu'accessoire et ne regarde que la forme ; quant au fond, il est ordonné que le code à faire se composera exclusivement de nos propres lois. Ce qui est loi en force doit y être inclus ; ce qui ne l'est pas doit en être exclu et peut tout au plus être proposé comme altération admissible » ; Deuxième rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, Québec, G. E. Desbarats, 1863-1865, p. iv.

[149]            Toutefois, les commissaires s'en détachent parfois au nom de la conformité avec la tradition juridique de la Nouvelle-France. Ainsi, en matière de biens et de propriété, les commissaires décident de diviser le second livre en cinq titres, les commissaires relevant que : « [C]'est un titre de plus que n'en contient le Code Napoléon, [...] le cinquième (de l'emphytéose) y étant omis, d'après les uns parce que cette espèce de contrat n'existe plus en France, tandis que, suivant les autres, il est compris dans l'usufruit. Sans entrer dans la discussion de cette question, qui nous est étrangère, il suffit ici de dire que, d'après l'ancien droit français qu'il est du devoir des Commissaires d'exposer, il est incontestable que l'emphytéose constituait un contrat distinct de l'usufruit et de tout autre et soumis à des règles qui lui étaient propres ; qu'elle a été de tout temps d'un usage fréquent et continuel dans le pays et que notre législature, loin de l'abolir, l'a au contraire réservée et confirmée en termes exprès, ainsi que la chose sera exposée en son lieu » ; Troisième rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, id., p. 6.

[150]            Voir Acte pour pourvoir à la codification des lois civiles du Bas-Canada, S.P.C., 1857, c. 43, notamment les articles 6 et 7.

[151]            S'appuyant sur son héritage, la codification de 1866 vise toutefois à une modernisation du droit privilégiant le libéralisme économique, comme le souligne Sylvio NORMAND, « La codification de 1866 : contexte et impact », dans Patrick GLENN (dir.), Droit québécois et droit français : communauté, autonomie, concordance, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1993, p. 43-62.

[152]            M. MORIN, préc., note 145, 273.

[153]            Curieusement, si Portalis est bien connu et largement évoqué par les juristes québécois, Caron, Day et Morin, les trois commissaires du Code civil du Bas-Canada, figurent peu dans les mémoires de la pensée juridique québécoise. Sur l'œuvre - occultée - de ces commissaires, voir notre étude, à paraître en 2011 « Caron, Day et Morin, trois oubliés de l'histoire de la pensée juridique ? Les commissaires de la codification de 1866 et leur œuvre ».

[154]            Pour une analyse de cette évolution, voir Michel MORIN, « La perception de l'ancien droit et du nouveau droit français au Bas-Canada, 1774-1866 », dans P. GLENN (dir.), préc., note 151, p. 1.

[155]            Pour une analyse du contexte de la codification, outre les articles de Sylvio Normand et de Michel Morin déjà cités, voir essentiellement l'ouvrage de B. Young, retraçant l'évolution de la logique codificatrice jusqu'en 1866 ; Brian YOUNG, The Politics of Codification. The lower Canadian Civil Code of 1866, Montréal, Kingston, London et Buffalo, Osgoode Society for Canadian Legal History and Mc Gill-Queen's University Press, 1994.

[156]            Comme le souligne Michel Morin, il en est ainsi notamment de la liberté de tester, imposée par l'Acte de Québec de 1774, de l'abrogation des incapacités de recevoir en 1801 ou de plusieurs règles en matières commerciales, une ordonnance de 1777 introduisant notamment les règles de preuves en matière commerciale : M. MORIN, préc., note 145, 267-269.

[157]            A. ESMEIN, « L'originalité du Code civil », Livre du centenaire, Paris, 1904, p. 18.

[158]            Deuxième rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, préc., note 148, p. iv.

[159]            Premier rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, préc., note 148, L. III, titre III Des obligations, p. 37 et suiv. Il faut relever toutefois que dans le premier rapport préliminaire, les références des commissaires ne concernent plus alors la doctrine de l'ancien droit et Domat mais la doctrine civiliste française du XIXe siècle, notamment Duranton, Troplong, Marcadé et Toullier. Voir : id., p. 7 et suiv.

[160]            La rédaction des articles suivants fait référence explicitement à la réflexion du jurisconsulte auvergnat : 7, 11, 36 al. 2, 242, 292, 310, 359, 454, 470, 542, 553-570, 573-579, 584, 586, 593, 756, 760, 863, 864, 868, 873, 968, 984-987, 989, 993, 994, 1002-1004, 1007-1009, 1013, 1016, 1018-1020, 1024, 1031, 1034, 1038, 1039, 1043, 1045-1055, 1057, 1065, 1071-1074, 1077, 1087, 1094, 1100-1105, 1107, 1108, 1112, 1113, 1117, 1118, 1131, 1139-1141, 1148, 1158, 1159, 1161, 1162, 1169-1173, 1175-1177, 1187, 1188, 1190, 1191, 1193, 1203, 1212, 1234, 1472, 1475, 1484, 1494, 1496, 1497, 1501, 1507-1509, 1511, 1513-1516, 1520, 1522-1534, 1545-1547, 1601, 1603, 1605, 1607, 1609, 1610, 1612-1614, 1618-1620, 1624, 1626-1628, 1637, 1638, 1641, 1650, 1658, 1660, 1672, 1674, 1678, 1683, 1685, 1686, 1699, 1701-1704, 1710, 1712, 1713, 1719, 1720, 1722, 1724-1729, 1755, 1757, 1760, 1781, 1782, 1784, 1795, 1796, 1803-1806, 1809, 1812, 1813, 1818-1822, 1830, 1831, 1845, 1847, 1857, 1859, 1861, 1862, 1892-1894, 1898, 1918, 1920, 1921, 1966, 1983, 1985, 1990, 1992, 1995, 2006, 2017, 2020, 2032, 2043, 2046, 2051, 2056, 2066, 2081, 2267 et 2281. Cf. Édouard Lefebvre De BELLEFEUILLE, Code civil du Bas-Canada, d'après le rôle amendé déposé dans le bureau du greffier du Conseil législatif [...] augmenté des autorités citées par les codificateurs dans le projet soumis à la législature, Montréal, éd. Beauchemin et Valois, 1866.

[161]            Soit environ 14 %. Voir D. GILLES, préc., note 1, p. 591.

[162]            À titre de comparaison, on peut relever, outre la référence aux travaux de Pothier pour plus des deux tiers des articles du Code, les références aux travaux de Serres et de Poullain du Parc. Les travaux du premier sont cités une vingtaine de fois (vingt-deux articles) dans les rapports des codificateurs alors que les travaux du second sont cités une quinzaine de fois (seize articles), notamment en matière de distinction entre biens (art. 374-379) et de succession.

[163]            Celle-ci avait une assez grande influence sur la doctrine québécoise durant tout le XIXe siècle, voir sur ce point : Éric H. REITER, « Imported Books, Imported Ideas: Reading European Jurisprudence in Mid-Nineteenth-Century Quebec », (2004) 22 Law and History Review, [http://www.historycooperative.org/journals/lhr/22.3/reiter.html], site consulté le 21 novembre 2009, ainsi que Michel MORIN, « Portalis c. Bentham ? Les objectifs assignés à la codification du droit civil et du droit pénal en France, en Angleterre et au Canada », Commission du droit Canada, La législation en question, Ottawa, 2000, p. 141-217.

[164]            Ainsi, la solution de Pothier est par exemple préférée à celle de Domat - adoptant une position opposée - concernant la formulation de l'article 1107 du Code. Celui-ci prévoyait que le créancier d'une obligation solidaire peut s'adresser au codébiteur qui a sa préférence. Sur le poids de Pothier sur la science juridique canadienne et québécoise, voir : Nicholas KASIRER, « Pothier from A to Z », dans Mélanges Jean Pineau, sous la direction de Benoît MOORE, Montréal, Éditions Thémis, 2003, p. 387-405.

[165]            Pour les articles 1513, 1514 et 1515, (numérotés 36 à 38 du projet du Livre troisième du Titre de la vente du quatrième rapport) c'est l'autorité de Pothier qui est « au soutien de la règle, à l'encontre de celle de Domat », Quatrième rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, préc., note 148, Titre de la vente, p. 6.

[166]            Premier rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, préc., note 148, titre des obligations, p. 14.

[167]            Dans ce domaine, les commissaires relèvent que la loi romaine était plus rigoureuse quant à « la responsabilité des mandataires que le droit civil postérieur, ainsi que nous l'apprennent Pothier et Domat ». La formulation adoptée est alors choisie en conformité avec celle de l'article 1992 du Code Napoléon et en cohérence avec les autres dispositions du titre des Obligations du Code civil du Bas-Canada ; Sixième rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, préc., note 148, livre troisième : du mandat..., p. vii.

[168]            Afin d'établir la règle générale de responsabilité du mandataire en matière d'obligation envers les tiers, les commissaires s'appuient ainsi sur la formulation de l'article 1998 du Code Napoléon. Reprenant l'interprétation de Troplong, ils souhaitent ne pas lier le mandant lorsque le contrat est au nom du mandataire sans déclaration du nom du principal, excepté dans quelques cas particuliers. Ils jugent cette interprétation « en harmonie avec la doctrine du droit romain, mais en opposition directe avec celle de Pothier, qui est d'accord avec les lois anglaise, écossaise et américaine », préférant alors cette dernière solution ; id., p. ix.

[169]            Les commissaires relèvent sur cette question que le contrat qui fait l'objet de ce titre, de même que celui du titre précédent, est fondé sur des maximes empruntées au droit romain. L'ancien droit français, tel qu'exposé par Pothier en son traité Du Dépôt et Du séquestre, reproduisant les lois romaines sans s'en écarter, ou avec quelques légères différences seulement, nous offre un corps de règles clair et complet » ; id., p. xvii.

[170]            Les commissaires ajoutent toutefois qu'aux États-Unis il existe « en faveur des courtiers une présomption plus favorable qu'elle ne peut l'être sous notre droit, qui exige clairement la preuve que le courtier a été employé par les deux parties avant qu'il puisse les lier par ses actes » ; id., p. x et xi. Pour une analyse plus spécifique de la place du droit romain en matière d'obligation, voir : Silvio NORMAND et Donald FYSON, « Le droit romain comme source du Code civil du Bas-Canada », préc., note 146, p. 104 et suiv.

[171]            Ainsi, en matière de prescriptions, les commissaires, reprenant le code français, soulignent que « l'on n'a pas voulu se montrer ici plus méticuleux que le Code Napoléon », Troisième rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, préc., note 148, p. 60.

[172]            Ainsi, concernant les obligations à terme, les commissaires soulignent : « [L]e renvoi à Pothier et au Digeste ne va pas au soutien de l'article, mais y est contraire. Cependant, l'équité est clairement du côté de la restriction apportée à la règle par l'article soumis. Les commissaires sont d'opinion que le débiteur, qui par erreur, fraude ou violence, paie avant le temps une dette pour laquelle il a un certain terme, doit avoir un recours et que l'article tel que rédigé doit être adopté comme déclarant la loi sur un point douteux, ou comme amendement à la loi en force » ; Premier rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, préc., note 148, titre des obligations, p. 17.

[173]            Ainsi, en matière de stipulation des contrats, les commissaires, adoptant la nouvelle formulation du Code Napoléon, critiquent la jurisprudence de l'ancien droit et les libertés prises par les juges : « Sous la jurisprudence qui s'était formée en France, les tribunaux modifiaient les stipulations des contrats, ou sans en tenir compte, substituaient à la volonté écrite des parties, une équité douteuse pour ajuster leurs droits. Dans ce pays, cette intervention n'a peut-être pas été poussée aussi loin, mais en principe elle est également sujette à objection et quoique soutenue par l'autorité de Dumoulin et de Pothier, elle ne paraît pas devoir son origine au Code Justinien, ni justifiée par aucune législation en France. Les raisons données par ces deux éminents jurisconsultes sont certainement peu satisfaisantes. [...] Quoi qu'il en soit, il est certain que la doctrine de l'intervention judiciaire alors que le sens du contrat est clair est désapprouvée par les juristes modernes » ; Id., p. 15.

[174]            Ainsi en matière de créance et de droit à la résolution du contrat, ils écartent la solution de l'article 1182 du Code Napoléon au profit de la règle de l'ancien droit, appliquée dans la Province de Québec « fondée sur le droit romain et [qui] est sans contredit préférable à la nouvelle » : Premier rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, préc., note 148, titre des obligations, p. 17.

[175]            Ainsi en matière de prêt et de rente constituée, les commissaires fondent un chapitre quatrième relatif à ces dernières, fondé sur le droit des gens alors que le Code Napoléon s'en abstient : Sixième rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, préc., note 148, titre neuvième, du prêt, p. xi.

[176]            Les commissaires choisissent ainsi de s'écarter de la formulation de l'article 2002 du Code Napoléon en matière de responsabilité du mandant envers les tiers, en omettant une partie de cet article (la spécification « pour une affaire commune »), en se fondant sur l'autorité de Pothier, « qui est formelle, en déclarant que la règle a lieu lors même que l'affaire ne concerne qu'un seul. Cette opinion est conforme au droit romain et à celle de Domat, à l'endroit cité » : Id, Livre troisième : du mandat..., p. ix.

[177]            Comme le soulève Maurice Tancelin, dans l'introduction à la traduction de l'ouvrage de Frédéric-Parker Walton, « (...) la complexité des sources du Code civil québécois ne s'accommode pas de la simplification courante consistant à placer l'origine des dispositions de droit civil dans le droit français et celles des dispositions de droit commercial dans le droit anglais » : Frédéric Parker WALTON, préc., note 147, p. 8. Voir également H. Patrick GLENN, « Quebec: Mixité and Monism » Studies in Legal Systems: Mixed and Mixing, ed. Esin Örücü, Elspeth Attwooll, and Sean Coyle, La Hague, Kluwer Law International, 1996, pp. 1-15.

[178]            Sur les rapprochements possibles entre les deux codifications voir : Jean-François NIORT, « "Notre droit civil... : quelques remarques sur l'interprétation du Code civil français et du Code civil du Bas-Canada au Québec », Le Code Napoléon, un ancêtre vénéré ? Mélanges offerts à Jacques Vanderlinden, Paris, Bruylant, 2004, p. 173-201.

[179]            Art. 1607 : « Le bail à loyer des maisons et le bail à ferme sont soumis aux règles communes aux contrats de louage, et aussi à certaines règles particulières à l'un ou à l'autre de ces baux ».

[180]            Domat est cité pour la quasi-totalité des articles formant cette section, soit les articles 1169 à 1177.

[181]            La pensée du jurisconsulte est alors référencée pour les articles 1522 à 1531.

[182]            Soit les articles 1710, 1712, 1713, 1719, 1720, 1722, 1724 à 1729.

[183]            Soit les articles 1818 à 1822.

[184]            Les articles 1845, 1847, 1857, 1859, 1861 et 1862 concernant la société et les articles 1892, 1893, 1894 et 1898 concernant la dissolution de la société.

[185]            Les articles 1983, 1985, 1990 et 1992 se référant aux Lois civiles concernant les dispositions générales relatives aux privilèges et les articles 2017 et 2020 établissant les dispositions générales relatives aux hypothèques.

[186]            Soit les articles 863, 864 et 868 et l'article 873 touchant quant à lui le legs universel.

[187]            Il s'agit de l'article 1601 posant le principe du contrat de louage et de l'article 1605 posant la définition du contrat de louage de choses.

[188]            Soit les articles 1701 à 1704.

[189]            Les articles 1781, 1782 et 1784 pour le prêt à la consommation et 1795 et 1796 pour le dépôt simple.

[190]            Les articles 1830 et 1831.

[191]            L'article 1966 pour le contrat de nantissement et les articles 1918, 1920 et 1921 pour les transactions.

[192]            À titre d'exemple, les commissaires se réfèrent à ces trois sources en matière d'obligations conditionnelles (art 104 et 105 du projet, art. 1084 et 1085 C.c.B.C.) ou en matière de confusion (art. 217 du projet) : Premier rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, préc., note 148,p. 66, 106 et 107.

[193]            Les commissaires ajoutent : « Il est néanmoins assez certain que lorsque l'ouvrage est entrepris autrement que par contrat pour le compléter et le livrer comme un tout, la perte tombe sur celui qui fait faire l'ouvrage, soit que les matériaux soient fournis par lui ou par l'entrepreneur. Le doute a lieu dans le cas où l'ouvrage doit être parfait et livré en bloc, per aversionem. Ce cas n'est pas clairement distinct dans les passages où Domat et Pothier traitent de ce sujet [...] » ; Quatrième rapport, Code civil du Bas-Canada, préc., note 148,p. 8.

[194]            Les commissaires renvoient à ce dernier et à Pothier pour les articles 14 a, b, c et d ainsi que 17 b, c et d du projet : Deuxième rapport des commissaires, Code civil du Bas-Canada, préc., note 148,p.103 et 105.

[195]            Le juriste clermontois excluait expressément cette question des Lois civiles : « On ne parlera pas ici de la communauté de biens qui est établie par plusieurs coutumes entre le mari et la femme. Car encore que cette communauté se contracte sans une convention expresse par le simple effet du mariage, c'est une matière propre des coutumes qui en ont différemment établi les règles et on peut y appliquer aussi celle de ce titre et celle de la société selon qu'elles peuvent y convenir » ; J. DOMAT, Les Lois civiles, préc., note 16,L. II, t. V, préambule, p. 171.

[196]            Toutefois, une nuance doit être apportée. Si l'influence sur ces thèmes est davantage anglo-saxonne, les dispositions relatives à ces questions, comme le remarque F.P. Walton, sont tirées d'une étude comparative des deux droits, anglais et français. Le droit commercial n'est ni anglais, ni français « puisqu'il consiste en règles formulées pour la plupart aux XVIIe et XVIIIe siècles par les civilistes français et hollandais et appliquées par les juges de tous les pays européens faisant du commerce », et notamment Lord Mansfield : Frédéric Parker WALTON, préc., note 147, p. 8.

[197]            Art. 584 : « Les biens qui n'ont pas de maître sont considérés comme appartenant au souverain. [...] Domat, Droit public, liv. 1, tit. 6, sec. 3, n. 1, 2, 3, 4 » et art. 586 « La propriété d'un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui, il appartient pour moitié à celui qui l'a découvert, et pour l'autre moitié au propriétaire du fonds. Le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété et qui est découverte par l'effet du hasard [...] Domat, Dr. Publ. Liv.1, tit. 6, sec. 3, n.7 ».

[198]            Voir notamment Éric H. REITER, « Rethinking Civil-Law Taxonomy: Persons, Things, and the Problem of Domat's Monster » (2008) 1 Journal of Civil Law Studies 189-213.

[199]            Voir : D. GILLES, préc., note 1, p. 544 et suiv.

[200]            Victor Dan ZLATESCU et Irina Moroianu ZLATESCU, « Le droit roumain dans le grand système romano-germanique », préc. note 7, p. 836.

[201]            Voir les articles 1171, 1198, 1202 et 1204 du Code civil argentin.

[202]            Sur ce point, voir : J. MATTHEWS GLENN, « Civilian Survival: Upper and Lower Canada and the Saint Lucia Civil Code », Mélanges offerts par ses collègues de McGill à Paul-André Crépeau, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1997, p. 327.

[203]            C'est le cas notamment dans deux décisions récentes de la Cour royale, en matière de licitation et de preuve testimoniale de testament. Dans l'affaire Fallaize (née de mouilpied) v. Fallaize, ROYAL COURT (Bailhache, Bailiff and Jurats Blampied and Potter), July 22nd, 1996, 1996, Jersey L. Rev., p. 264, la cour relève que « [t]he law appears to us to be quite clear. All the definitions of licitation which have been cited refer to a sale's being effected, in default of agreement between the parties, by public auction. We need refer only to Domat, Loix Civiles, Livre I, Titre II, art. X, De la Licitation, at 52 (1713): « Lorsqu'une chose qui ne peut que difficilement être divisée, comme une maison, ou qui ne saurait l'être comme un Office de judicature, se trouve commune à plusieurs personnes, & qu'ils ne peuvent ou ne veulent s'en accommoder entre eux; ils la vendent, pour en partager le prix; & ils l'adjugent aux enchères ou à l'un d'eux, ou à des étrangers qu'ils reçoivent à enchérir. Et c'est cette manière de vendre qu'on appelle licitation ». Dans l'affaire In the matter of the will of Futter, ROYAL COURT (Bailhache, Deputy Bailiff and Jurats Blampied and Herbert), January 27th, 1994, (2000) Jersey L. Rev. 344, Domat est cité par le « deputy bailiff »Bailhache, concernant la preuve testimoniale apportée par l'héritier : « Domat in Les Loix Civiles, Livre III, Titre I, art. IX, at 394 (1713 ed.) states: « L'héritier nommé par un testament ne peut y être témoin. Car c'est sa propre affaire, & il est le principal intéressé à la validité de ce testament » ».

[204]            Voir John D. KELLEHER, « The Sources of Jersey Contract Law », (1999) 3-1 Jersey L. Rev. 1, 8 et 9.

[205]            Monnier fait ainsi de Domat, à travers l'œuvre du Chancelier d'Aguesseau, le précurseur de la codification : « Il s'est trouvé pendant le règne de Louis XIV un esprit aussi profond pour découvrir un principe dans les plus obscurs replis de l'âme humaine que juste pour en saisir les conséquences : c'était Jean Domat. Voyant le dégoût que répandait dans les esprits l'aridité des études juridiques, il en trouva la cause dans les subtilités, l'incohérence et même les contradictions qu'on remarque dans cette législation romaine, œuvre de tant de personnages, faite en différents temps, par différentes vues, sur divers sujets. Il douta de ce que l'on appelait partout la raison écrite. [...] Sacrifiant tout au nouveau point de vue qu'il avait découvert, il en tira tout un ensemble de lois si rigoureusement enchaînées entre elles, si clairement rattachées au principe de la justice, que non seulement son ouvrage était la meilleure préparation à la création d'un code unique parmi nous, mais que de nos jours encore, après tant de travaux de premier mérite, après tant de progrès sociaux accomplis, il en est encore le meilleur commentaire » ; Francis MONNIER, Le Chancelier d'Aguesseau, sa conduite, ses idées politiques, Paris, Didier & Co., 1863, p. 316 et 317.

[206]            Ainsi, concernant l'animus en matière de possession et de fiducie, J.B. Claxton fait de Domat le « père » lointain de l'article 921 du Code civil québécois : John B. CLAXTON, « Langage du droit de la Fiducie », (2002) 62 R. du B. 301. On trouve également des références à Domat dans l'arrêt Lapierre c. AG (Québec), [1985] 1 R.C.S. 241, dans l'arrêt majeure Houle c. Banque Canadienne Nationale, [1990] 3 R.C.S. 122, 136-141 ou dans la décision Produits Forestiers Donohue Inc. c. La Reine, [2001] IIJCan 562 (C.C.I.) par. 58. En 1981, dans l'arrêt Soucisse c. Banque Nationale du Canada, [1981] R.C.S. 339, 355-363, c'est sur la réflexion de Domat en matière de bonne foi que le juge Beetz fonde dans sa solution. C'est à la lecture de sa formule selon laquelle « il n'y a aucune espèce de convention où il ne soit sous-entendu que l'un doit à l'autre la bonne foi, avec tous les effets que l'équité peut y demander, tant en la manière de s'exprimer dans la convention, que pour l'exécution de ce qui est convenu et de toutes les suites » que le magistrat interprète l'article 1024 du Code civil du Bas-Canada.

[207]            J. DOMAT, Les Lois civiles, préc. note 16, L. préliminaire, t.I, s. II. Il ajoute, « si les termes d'une loi en expriment nettement le sens et l'intention, il faut s'y tenir » ; Id., L. préliminaire, t.I, s. II, 12.

[208]            Id., L. préliminaire, t.I, s. II, préambule,

[209]            Id., L. préliminaire, t.I, s. II, 9.

[210]            François GENDRON, L'interprétation des contrats, Montréal, Wilson & Lafleur, 2002, p. 175.

[211]            Dans sa liste des grands juristes, Philippe Malaurie accorde au jurisconsulte auvergnat cette qualité aux côtés de Gaius, Justinien, Gratien, Accurse, Bartole, Cujas, Dumoulin, Grotius, Domat, d'Aguesseau, Pothier, Portalis, Savigny, Aubry et Rau, Demolombe, Jhering et Planiol. Sur les critères qui justifient cette dénomination, voir : Philippe MALAURIE, « Les grands juristes », L'unité du droit, Mélanges en hommage à Roland Drago, Paris, Économica, 1996, p. 79-89. De même, dans le récent Dictionnaire des grandes œuvres juridiques, les Lois civiles figurent en bonne place, aux côtés de Rawls, Kelsen ou Dworkin, voir : Olivier CAYLA et Jean-Louis HALPÉRIN, Dictionnaire des grandes œuvres juridiques, Paris, Dalloz,2008, p. 134-139.

[212]            Leontin CONSTANTINESCU, op. cit., p. 677.

[213]            Mircea Dan Bocsan, « Étude historique sur les fondations testamentaires en droit roumain », (2000) Forum Historia iuris 1 http://www.rewi.hu-berlin.de/FHI

[214]            M. GRIMALDI, préc. note 109, p. 87.

[215]            Victor Dan ZLATESCU et Irina Moroianu ZLATESCU, « Le droit roumain dans le grand système romano-germanique », op. cit., p. 833.

[216]            « Il ne faudrait pas croire, cependant, que le Code civil a été adopté dans ces pays à la suite d'une évaluation soigneuse de ses qualités, comme un consommateur choisirait dans un magasin les produits qui lui conviennent le mieux. (...) L'adoption a lieu quand la loi proposée est en position de force, au moins sur le plan intellectuels et culturels, pour avoir été la loi d'un pays qui détenait encore le pouvoir politique ou qui le détenait dans un passé assez proche pour que sa force et sa culture aient laissé des empreintes profondes » ; Paul KOSCHAKER, Europa und das römische Recht, 2e éd., 1953, Munich et Berlin, Beck, p. 100.

[217]            Teodor MARA, « Drept roman Si Istoria dreptului românesc (Le rôle du droit romain dans l'harmonisation de la législation actuelle) »,(2008) 42 R.S.J. 1 Craiova 63-73.

[218]            Pour une traduction française, voir ibid. p. 66.

[219]            Jean DOMAT, Les Lois civiles, préc.note 16, L. I, tit. I, III, 1, p. 24.

[220]            « Art. 1109 C.C. Français : Il n'y a pas de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ».

« Les conventions étant des engagements volontaires qui se forment par le consentement, elles doivent être faites avec connaissance et avec liberté ; et si elles manquent de l'un ou l'autre de  ces caractères comme si elles sont faites par erreur ou par force, elles sont nulles. (...) » ; L. I, tit. I, II, 2, p. 21.

[221]            Id. L. I, tit. I, s. 2, ns. VIII, 11, p. 24.

[222]            Selon la traduction de Teodor MARA, nous avons simplement remplacé le terme pouvoir de loi par le terme force de loi, plus proche de la formulation juridique française ; Teodor MARA, « Drept roman Si Istoria dreptului românesc », préc.note 217, p. 66.

[223]            J. DOMAT, Les Lois civiles, préc.note 16, L. I, tit. I, II, 7, p. 24.

[224]            Michel GRIMALDI, préc. note 109, p. 86.

[225]            Louis-Edmond BEAULIEU, Le droit civil français. Livre souvenir des Journées du droit civil français (Montréal, 31 août-2 septembre 1934), Sirey et Le barreau de Montréal, 1936, p. 3.

[226]            Sur cette idée de mondialisation juridique, soulignons l'éclairante analyse de Jean-Louis HALPÉRIN, Profils des mondialisations du droit, Dalloz-Sirey, 2009.

[227]            Voir l'intéressant ouvrage coordonné par Claude Gauvard, Les penseurs du Code civil, Paris, La Documentation Française, 2009.

[228]            M. CAMUS, Lettres sur la profession d'avocat et Bibliothèque choisie, des livres de Droit, qu'il est le plus utile d'acquérir et de connaître, 4ème éd. (par Dupin), Paris, B. Waree, 1818, 2 vol., tome II, p. 113-114.

[229]            Alors même qu'il spécifie que « les jurisconsultes qui ont traité du Droit romain, spécialement par rapport au droit et aux usages de la France seront indiqués au titre des auteurs du Droit français » ; ibid., p. 73.

[230]            Sur cette rénovation du droit romain, voir David GILLES, « Claude-Joseph Ferrière et Jean Domat : Deux regards sur le droit romain », Les représentations du droit romain en Europe aux temps modernes, PUAM, Aix-en-Provence, 2007, pp. 71-111.

[231]            Henri-François D'AGUESSEAU, « Instruction sur l'étude et les exercices qui peuvent préparer aux fonctions d'avocat du Roi », Œuvres de M. le Chancelier d'Aguesseau, vol. I, Paris, Libraires associés, 1759, p. 391.

[232]            Paraphrasant ainsi, à quelques siècles de distance, le précurseur de Savigny, le juriste allemand Hugo, G. HOLLEAUX, « Notes de lectures », (1955) 7 R.I.D.C. 1 246-248.

[233]            Art. « Lois civiles », Vers à la louange de Mr. Domat, Dictionnaire universel de Français et de latin vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux, Paris, Libraires associés, 1771, t. V, p. 109.


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