Numărul 1 / 2007
SUR LE ROLE DE LA CAUSE ET DE LA MORALE EN DROIT
Oana BENŢA*
Résumé. La cause et la morale, deux notions si étroitement liées, suscitent, au début du XXIe siècle, des débats encore ardents. Une décision de la Cassation française, concernant les legs en faveur des concubins, nous a déterminé d'examiner ce domaine. Quelle est la place de la morale dans le droit, un domaine si vaste et plurivalent ? Est-ce que la théorie de la cause trouve encore son application pratique ? Des juristes et des philosophes acceptent l'influence de la morale sur le droit et, peut-être, la réciproque aussi. Instrument de la morale en droit, la cause est encore utile. On s'est concentré sur son évolution au domaine des successions et des legs consentis en faveur des concubins. Notre but - offrir une image assez complète sur la cause, et sur sa portée en droit, à côté de la morale.
Préliminaires. L'année 1999 a apporté dans la jurisprudence française un arrêt qui a été un revirement et qui a changé beaucoup de choses au niveau de la moralité et de la flexibilité en droit. Les faits sont simples[1] : en 1990, le testateur institue légataire universelle sa maîtresse, lorsqu'il était encore marié et vivait encore avec son épouse. Celle-ci et son fils ont attaqué le testament pour cause immorale, mais, l'Assemblée plénière de la Cour de Cassation a rejeté la demande. On peut tirer une seule conclusion : la libéralité consentie pour maintenir une relation immorale n'est pas nulle pour cause immorale, même si elle a un caractère rémunératoire. Il est évident que cet arrêt ait provoqué des disputes entre les juristes. Ces disputes ne se référent seulement au fait que ce type de libéralité soit immorale ou non, mais on a déterré aussi les anciennes débats concernant la cause. Notre épreuve se concentrera, alors, sur ces problèmes ressuscités. On a plusieurs questions à poser : est-ce que la cause doit être considérée comme un élément de la validité de l'acte juridique ? La cause, doit-elle être saisie par le droit ? Si oui, qui établi l'immoralité de la cause ? Est-ce que le concubinage reste toujours une raison suffisante pour annuler un acte juridique ? Notre but principal ne sera point offrir des réponses ; nous entamerons plutôt un aperçu sur l'évolution de la notion, et sur sa signification actuelle. De plus, on ferra des références à la morale, à ce que celle-ci apporte au domaine du droit. Notre étude est fondée sur la conviction que la théorie de la cause, mêlée avec l'influence de la morale dans le travail du législateur et du juge, est d'une grande importance dans la vie juridique. Le juge, titulaire d'un droit de contrôle de la moralité des actes juridiques apportés devant lui, conclue la mission du législateur. Il finit ce que le législateur ne peut pas faire : se conformer aux moeurs qui changent et qui sont toujours mouvantes. La mission du juge est alors difficile : il doit appliquer la loi, mais il doit aussi préserver non seulement la volonté des parties, mais aussi l'intérêt général. Un instrument technique - la cause des actes juridiques, outil qui trouve son application aux cas où il n'y a pas d'autre issue. Au début, il faut faire de la lumière sur le sens de cette notion, et des quelques autres qui, à une première vue, peuvent paraître synonymes. On va se pencher ensuite sur les origines du droit, en recherchent ce que les jurisconsultes romains pensait vis à vis de la cause. On verra, puis, comment la cause acquiert plus d'importance avec le temps et, comment elle arrive aujourd'hui à susciter de disputes. Nous ferrons quelques brèves commentaires sur la morale et son importance dans l'activité des tribunaux, sur la manière dans laquelle elle aide ou cause des entraves. Les systèmes de droit où la cause n'a aucune influence sur la validité de l'acte juridique seront aussi pris en compte. On va revenir à la fin sur la cause des libéralités entre concubins, pour illustrer concrètement l'évolution de cette notion controversée. Dans notre recherche, nous allons insister sur l'importance de l'activité du juge non seulement pour l'élaboration des lois, mais dans la convergence du droit avec la morale. On a dit que chaque règle de droit doit subir la triple épreuve des moeurs, du juge et du législateur[2]. Le juge doit tenir compte des idéaux et des désirs des individus, et ceux-ci deviennent partie de la jurisprudence. De l'autre côté, le législateur, en analysant la jurisprudence, donne matérialité et protège la volonté de l'individu. Le contrôle de la conformité des intérêts privés avec celui général revient toujours au juge ; pour assurer cette conformité, il utilise le mécanisme de la cause. Voilà l'utilité et l'importance de celle-ci. I. La cause et ses semblables. Beaucoup de notions sont utilisées dans le champ de notre recherche. Même si, pour les profanes, ces notions - mobile, volonté, intention, but, cause, motif - sont des synonymes, elles désignent des choses différentes dans le vocabulaire juridique. La volonté n'est autre chose que le vouloir appliqué à un fait matériel[3], le désir d'actionner d'une certaine manière. L'individu actionne en connaissance de cause, il songe à ce qu'il veut obtenir, et ses actes sont accomplis parce qu'il est mené par cette volonté. Il envisage son but et il prend tout moyen nécessaire pour l'atteindre. Alors, il y a un résultat que tout personne veut obtenir. Quand on se demande quels sont ces résultats, on se demande, tout à fait, sur l'intention de l'individu. Ce qu'il a eu dans sa tête quand il s'est obligé à faire une certaine chose, quand il a consenti à signer un certain accord. On s'éloigne, de cette manière, du champ matériel, palpable, pour arriver dans un monde beaucoup plus complexe - la psychologie[4]. L'établissement de cette intention est importante quand il faut qualifier l'acte juridique: est-ce le disposant mené par le désir de faire une libéralité, ou, à l'analyse de son intention, l'animus donandi manque? L'intention détermine, alors, la nature de l'acte juridique. Si elle change, l'essence et le nom de l'acte changent à leur tour. Après avoir fait cet examen, on continue à sonder de plus en plus la volonté des parties. Pourquoi a-t-il voulu gratifier, le disposant ? Quand on répond à cette question, on découvre les mobiles. Les mobiles qui ont déterminé la volonté, et qui peuvent être louables, condamnables ou indifférents à la morale et à la société[5]. Ce sont les mobiles qui déterminent la moralité d'un acte, sa concordance avec l'ordre publique et les bonnes moeurs. Jusqu'à maintenant, on voit comment la volonté fait corps commun avec l'acte juridique. L'intention est plus proche aux conséquences de l'acte juridique. Du point de vue de l'intention, l'acte juridique n'est qu'un simple moyen d'atteindre un but. Cette notion - le but - apparaît aussi dans le champ de la volonté, mais aussi quand on parle de l'intention[6]. Au premier cas, le but s'identifie avec l'acte juridique. Relatif à l'intention, le but s'éloigne de l'acte juridique, pour aider le juriste à répondre la question suivante : pourquoi est-ce qu'on a conclu une convention, ou on a choisi de gratifier une certaine personne, pas une autre ? On arrive, alors, de nouveau, aux mobiles - les motifs pour lesquels on a actionné d'une telle ou telle manière. A ce point de l'analyse, on retrouve de nouveau le but : son sens est encore différent par comparaison aux deux autres. Dans ce cas, on parle des essors intimes de l'individu, ce que l'a poussé d'agir. Mais ces motifs peuvent être multiples, ils peuvent varier à l'infini, car ils sont propres à chacun. Pour cela, les juristes ont préféré de restreindre le champ d'intérêt et d'établir pour chaque catégorie d'actes juridiques une causa proxima - qui s'identifie avec l'intention. Elle est la même pour les opérations qui ont les mêmes caractères. On a préféré d'écarter les mobiles hors du domaine de la justice, mais, comme on va voir, leur analyse est nécessaire et vient au secours des juges. Alors, la causa remota - les mobiles - colore et complique la causa proxima. La dernière est fixe, et, dans la majorité des cas, ne peut pas révéler les ressorts intimes des parties. Ce sont les mobiles qui peuvent déterminer tout ça. Les mobiles seront toujours antérieurs, dans le temps, à l'intention. Seulement après avoir été ému par quelque chose on actionne. On doit avoir des motifs pour faire tout acte, sinon, nous serions soit des aliénés, soit des incapables qui ne rationnent pas à ce qu'ils font. Pour Capitant, le mot « cause » se réfère au passé, à quelque chose qui a déterminé l'individu de s'obliger[7]. Au contraire, le but se retrouve aussi dans le présent que dans l'avenir. Le fait de s'obliger n'est que le moyen de toucher ce but. Pour éviter les discussions doctrinaires, il faudrait que l'expression de « cause » soit substituée avec celle de « but ». Mais, dans la théorie classique, les motifs, qui sont des raisons subjectives et variables pour chaque personne[8], ne sont pas relevants pour la vie juridique, même si les motifs peuvent influencer décisivement la volonté. Le motif ne peut pas faire partie de l'analyse d'un juriste, car il ne fait pas partie de la volonté commune qui se forme entre les personnes qui concluent un acte juridique. La partie adverse ignora toujours le motif intérieur de l'autre partie, et il lui sera indifférent, au temps que la causa proxima lui sera toujours connue. Capitant fait la classification classique entre les actes juridiques selon la distinction entre les buts poursuivis[9]:
Josserand propose, de l'autre côté, faire l'analyse des mobiles aussi. Ils seront relevants au cas de non respect des questions touchant la moralité ou les bonnes moeurs. Si un contractant accepte une somme d'argent pour tuer à quelqu'un, le contrat sera, bien sur, nul. Mais pourquoi ? Parce que les mobiles des parties sont immoraux. A une première vue, le contrat peut paraître valable. Mais, quand on fait l'examen des mobiles, on découvre l'immoralité des ceux-ci. Alors, si les mobiles ne relèvent aucune immoralité, ou but condamnable, ils seront sans relevance. De l'autre côté, l'intention aura toujours d'importance, car elle fait partie de l'acte lui-même, elle est fixe et objective. Voilà la classification des mobiles, selon Josserand [14] :
II. Brève histoire II. 1. Le droit romain. À ses commencements, le droit roman ne connaissait pas la cause. C'était ainsi parce qu'on croyait que la formalité compensait ce que l'équité assure aujourd'hui. Ainsi, dans l'Ancien droit romain, la cause n'avait aucune importance[15]. Par exemple, une obligation était valable si on avait respecté les formalités de la stipulatio, même si le débiteur avait été entubé, ou il avait été forcé par la violence de consentir à la formation du contrat. C'est ainsi que le caractère abstrait de l'Ancien droit romain empêchait l'intervention de la cause dans les contrats[16]. Un tel système rend une stabilité et une sécurité considérable aux contrats, mais l'équité ne trouve pas son compte[17]. La causa du droit romain se borne à être la formalité elle-même, la remise de la chose, l'accomplissement de factum nécessaires pour la naissance du contrat formaliste, réel ou innommé[18]. Pourtant, le préteur protège la partie qui a été forcée par l'autre à s'obliger. On a créé, alors, une action - condictio - qui permet au débiteur entubé s'adresser à la justice. C'était une action fondée sur l'idée d'enrichissement injuste, pour obtenir la restitution de la prestation accomplie[19]. Mais, les condictio pouvaient être utilisées dans deux domaines seulement : les quasi-contrats et les contrats innomés. Les sanctions qui résultent de l'ignorance de la cause sont, pourtant, différentes. Dans le condictio, la disparition ou la réprobation de la cause entraîne une sorte de résolution, tandis que, dans les contrats innomés, l'absence de la cause empêche la naissance même de la dette[20]. Il faut dire aussi que seulement relatif à ces domaines le mot causa utilisé dans le droit romain est semblable à la notion du droit moderne[21]. Par exemple, dans les expressions condictio ob turpem causam (il est permis de réclamer ce qui a été remis pour une cause immorale), condictio ob causam datorum, causa non secuta (l'obligation n'existe et ne peut donner lieu à l'action en exécution que si la cause existe), le mot causa est utilisé comme cause finale, notion qui s'approche à la théorie moderne de la cause. Ce qui est réellement intéressant est qu'on trouve dans le droit romain quelques solutions qui aujourd'hui se fondent sur la théorie de la cause sur une autre forme. Par exemple, l'exception de la résolution du contrat pour inexécution (exceptio non adimpleti contractus) du droit moderne est tirée, dans le droit romain, de la clause ex fide bona. Les solutions que l'illicéité et l'immoralité de la cause offrent aujourd'hui étaient tirées, dans le droit romain, de l'exception du dol[22]. Les condictio offrent des solutions en ce qui concerne la répétition de la valeur des choses dérobées pour la personne volée - celle-ci a une condictio furtiva ; pour la restitution du paiement effectué sans cause valable elle a une condictio indebiti. C'est ainsi que, dans le droit romain, la cause était remplacée relativement efficient avec d'autres notions et institutions juridiques. On a utilisé, plus tard, cet argument pour valider les théories anticausalistes. On verra, pourtant, que la cause est tout à fait nécessaire dans certaines situations. Plus que ça, elle résout des problèmes qui, sans elle, on solutionnerait seulement par des voies détournées. II. 2. Le Moyen Age. Ce sont les canonistes ceux qui énoncent une théorie consolidée de la cause. Ils sont précédés et aidés par des philosophes, comme Aristote, qui font des diverses classifications (cause finale, efficiente, matérielle, formelle), et par les théologiens (Augustin, Thomas d'Aquin), qui s'étaient préoccupés de l'appréciation morale des promesses ( ils examinaient le but pour lequel on s'oblige), et surtout les Glossateurs, qui avaient commençaient de s'intéresser sur la cause pour laquelle on a promis - una causa ob quam promittitur, une cause qui doit précéder, être inhérente ou suivre la promesse[23]. C'est Bartole qui sépare les notions, en affirmant que seulement la cause finale importe, car elle est rapprochée, interne et essentielle au legs (proxima, intranea et coessentialis legato) et, sans elle, on ne peut pas léguer. De l'autre côté, la cause impulsive est éloignée, externe, n'adhérant pas au legs (remota, extranea, non cohaerens legato). Alors, c'est la cause finale qui est la source de toutes les autres[24]. Plus tard, à l'influence de l'Église, on a introduit dans le droit le principe de la bonne foi et l'idée qu'il faut tenir sa parole. Le consensualisme impose le fait que le consentement s'engage seulement s'il repose sur une cause véritable, et s'il n'a pas été dicté par des motifs inavouables[25]. À l'inverse, les canonistes disent aussi que frangenti fidem non est fides servanda (à celui qui ne tient pas sa parole, on n'est pas obligé de tenir la sienne)[26], adagio qui explique l'exceptio non adimpleti contractus d'aujourd'hui. Comme nous avons déjà dit, cette exception existait aussi en droit romain, mais s'appliquait seulement aux contrats innommés, parce que, pour le reste, il était nécessaire d'avoir un pacte express de résolution (une lex commissoria). De nos jours, le mécanisme de cette exception[27] est expliqué par la cause, même si le texte du code civil parle d'une condition, pas d'une cause. Mais, on a écarté l'automatisme de la condition pour offrir au créancier une option, de choisir soit la résolution du contrat, soit l'exécution forcée. C'est, donc, plus adéquat d'expliquer le désir d'annuler le contrat par la disparition de la cause, que par l'intervention d'une condition. On se dirige, ainsi, vers la notion de cause-contrepartie[28]. C'est à cause de la justice commutative du Moyen Age qu'on arrive à ce point, où l'on considère nécessaire et juste d'avoir une contreprestation, un équilibre contractuel. Cette connexité entre les obligations et l'équivalence donne l'équité[29]. II. 3. Le droit moderne. Domat, jurisconsulte de l'Ancien Droit, souligne que l'engagement de l'un est le fondement de celui de l'autre[30]. Au domaine des libéralités, l'engagement de celui qui donne a son fondement sur quelque motif raisonnable et juste, motif qui tient lieu de cause. Alors, la cause de l'obligation de Domat se trouve dans l'obligation opposée de la partie adverse, et il exige que cette cause existe, sinon l'obligation n'est pas valable. Pothier, un autre jurisconsulte des temps modernes, pensait en peu différent que Domat. Il n'exige seulement l'existence de la cause, mais aussi que celle-ci soit honnête. Plus que ça, Pothier parle de la cause de la convention, pas de la cause de l'obligation tout seule. Une obligation peut être immorale par rapport à une autre, alors si on a en vue une vraie convention. Ce sont les hollandais qui ont poursuivi Pothier, car le code civil hollandais prévoit à l'article 1356 qu'une convention est valide si elle a une cause licite, à la différence de l'article 1108 du code civil français, qui parle de la cause de l'obligation[31]. Au XIXe siècle, on a exalté le rôle de la cause, ainsi qu'elle soit un véritable contrepoids au principe de l'autonomie de la volonté[32]. Est-ce qu'il faut prendre en considération la cause quant on parle des actes juridiques et de leur validité ? C'est la question que les juristes et les théoriciens se sont posé. Pour répondre, on doit accepter que toute source de droit est un phénomène social[33]. Plus que ça, la réalité objective, c'est à dire les besoins matériels et spirituels, nous détermine de conclure des actes juridiques. Ces besoins constituent les motifs pour lesquels on s'oblige, les bases sur lesquelles se fonde la volonté juridique[34]. Un mobile, une raison pour laquelle on agit d'une manière ou une autre existera toujours, mais est-ce que celles-ci sont relevantes pour la sphère juridique ? Comme le dit un auteur, dans le domaine du droit, rien n'existe que par le but et en vue du but ; le droit tout entier, n'est qu'une unique création du but[35]. L'ouvrage de Henri Capitant a fait autorité en matière. Ses idées sont reprises, dans la doctrine roumaine, par Aurelian Ionaşcu, dans plusieurs de ses écrits. L'idée première et générale de ces auteurs est que toute personne qui consent à s'obliger envers une autre est déterminée par la considération d'un but qu'elle se propose d'atteindre par la voie de cette obligation[36]. Ainsi, on établit une relation étroite entre la volonté, le consentement et le but qu'on veut atteindre. On a été enseigné depuis la première année d'études en droit que l'acte de volonté est formé par le consentement et le but[37]. La cause est quelque chose d'antérieur à l'acte juridique, au temps que le but tient à l'avenir. C'est à l'arrière plan du consentement que se trouve la cause[38]. On parle, ainsi, de causa remota (le motif, facteur psychologique qui n'est pas compris dans l'acte de volonté créateur de l'obligation et qui n'est pas un élément constitutif de l'accord des volontés) et de causa proxima (partie intégrante de l'acte de volonté et, par suite, du contrat)[39]. La théorie classique repose et insiste sur la causa proxima, la cause qui est commune pour le même type d'acte juridique. Par exemple, dans les contrats synallagmatiques et onéreux, c'est la prestation à laquelle s'oblige une partie qui est la cause de la prestation de l'autre, c'est à dire l'objet et le prix. Dans la vente, celui qui vend consent à transférer le droit de propriété sur sa chose car il veut recevoir le prix que l'acheteur s'engage à payer. De l'autre part, celui qui achète s'oblige à donner une somme d'argent pour acquérir le propriété paisible et utile de la chose du vendeur[40]. Aux mots de Domat, « l'engagement de l'un est le fondement celui de l'autre ». Capitant insiste, dans ce contexte, à clarifier le fait que la volonté naît à un moment antérieur à la conclusion du contrat, avant que les prestations soient exécutées. Dans les contrats unilatéraux et dans les actes où seulement une des partie s'oblige, on fait une distinction. La cause est, d'un côté, l'animus donandi lui-même (« la cause d'un acte de bienfaisance est toujours la bienfaisance elle-même »). C'est le cas des libéralités - donations entre vifs, dispositions testamentaires, ou tout autre acte désintéressé. Les actes intéressés trouve leur cause dans la prestation effectuée par le créancier, ou dans une obligation préexistante. Les juristes ne parlent pas seulement d'une cause de la convention, mais de la cause da l'obligation. En effet, l'article 1108 du code civil français mentionne, entre les quatre conditions de validité d'une convention, « la cause licite dans l'obligation ». De l'autre côté, l'article 1356 du code civil hollandais ne parle pas d'une cause licite de l'obligation, mais seulement d'une cause licite. La doctrine considère, alors, que non seulement l'obligation doit avoir une cause licite, mais aussi la convention elle-même doit reposer sur une cause conforme aux normes du droit et de la morale[41]. Dans un arrêt de 1927, la Cour hollandaise de cassation statue en faveur de cette idée. « Il faut tenir compte de ce que les deux parties ont voulu et ont recherché », et « la cause de la convention est son but ; ce que les deux parties ont voulu effectuer par elle ». On réfute, de cette manière, les solutions proposées par Domat - la cause de l'obligation d'une partie est l'obligation de la partie adverse, et la cause des actes unilatéraux se trouve dans aucun motif raisonnable et juste - en acceptant les mots de Pothier. Celui-ci insiste que la cause solitaire d'une des parties change du statut quand elle rencontre la cause de l'autre. Ainsi, la cause de l'obligation d'un contractant peut être valable et licite, mais, combinée dans le contrat avec la cause adverse, elle peut acquérir un caractère immoral ou illicite. On n'a pas besoin, dans la théorie classique de la cause, de faire de recherches sur la volonté interne des parties, car la cause devienne une notion abstraite et invariable[42]. C'est L. Josserand qui se prononce vers une extension de cette théorie. Il sépare les mobiles et l'intention[43], et celle-ci est toujours la causa proxima et causa finalis, une valeur organique qui fait corps avec l'acte juridique et qui est de l'essence de l'acte. Le conseil de cet auteur est de prendre en considération non seulement la causa proxima proposée par les classiques, mais aussi les mobiles concrets, individuels, ceux qui différencient un acte juridique d'un autre. Ce qui doit peser dans l'appréciation du juge, c'est non seulement la causa proxima, mais aussi le but ultime, individuel, auquel tend la partie au final[44]. Cet élargissement de la théorie de la cause crée, pour le juge, un champ très fertile sur lequel celui-ci pourra reposer dans son analyse sur l'acte juridique. Il pourra statuer, ainsi, sur des problèmes de nuance, qui ne lui seraient pas accessibles si les mobiles intrinsèques de l'individu lui restaient indifférents. On parle d'une « subjectivisation » de la cause[45], en donnant de valeur juridique à la volonté plus intime des parties. C'est au terrain de la jurisprudence, alors, que les mobiles et leur analyse prouveront leur utilité. Vu le fait que les mobiles sont antérieurs à l'intention, ils déterminent la moralité de celle-ci[46]. On arrive, ainsi, à l'autre problème de notre poursuite : la moralité et son influence sur la validité des actes juridiques. III. La cause - instrument de la morale en droit. Si on prend en considération la cause et les mobiles qui nous font agir, il faut aussi faire un examen de leur moralité. Dans le Code civil français, cette notion est comprise dans quelques articles, notamment dans l'article 6[47], respectivement l'article 968 du Code civil roumain[48], où on lui donne de l'importance majeure. On voit que la notion de bonnes moeurs se rattache étroitement à celle d'ordre public, alors, toute atteinte aux bonnes moeurs compromet l'ordre social[49]. Cette notion est englobée dans celle d'ordre public, et elle est protégée par la loi positive[50]. La liaison entre la moralité et le droit est donnée par le fait que les deux assurent l'équilibre des rapports entre les hommes, en adaptant les intérêts individuels à l'intérêt général[51]. Les raisons d'ordre général et national demeurent encore au dessus de la volonté individuelle. Ces intérêts généraux justifient l'existence d'une source particulière de droit[52]. Mais, la morale est quelque chose d'abstrait et d'idéal, tandis que la droit est pragmatique et réaliste. Alors, on ne peut pas, dans la majorité des cas, inclure dans le domaine juridique ce qui est propre à la moralité, comme la dette contre la divinité. Mais, il est toutefois vrai que la moralité influence fortement le droit, parce qu'elle est l'expression des tendances sociales, qui provoquent le besoin d'actualiser les normes juridiques. Et, même si les lois sont justes, elles ont un contenu trop général et schématique, en exigeant le juge de faire usage de l'équité[53]. Jusqu'au moment où la loi est mise en accord avec la réalité sociale, c'est au juge de trouver la voie ainsi que ses arrêts ne contredisent les nouveautés sociales. Pour cela, il a à sa disposition deux instruments : la cause et les bonnes moeurs. La première permet un contrôle souple et équitable des actes juridiques[54]. Si la théorie de la cause n'existait pas, toute condition illicite entraînerait toujours la nullité de toute disposition, l'inexécution des charges entraînerait la révocation des libéralités ; la théorie de la cause permet les nuances qu'appellent l'illicite et l'inexécution[55]. Ou, de même manière, le juge la peut utiliser pour valider des situations qui ne sont pas encore légiférées, mais qui sont acceptées comme valables par la société. La cause serait, alors, utile pour déterminer la volonté réelle des parties d'un contrat, et établir la conformité avec l'ordre juridique[56]. Quant aux bonnes moeurs, le juge doit censurer les manifestations abusives des volontés individuelles, et aussi les utiliser pour se faire une idée sur l'opinion publique. Alors, c'est au juge que le législateur laisse la main libre pour se prononcer sur la moralité des actes juridiques. Les tribunaux, par l'interprétation de la volonté du législateur, procèdent à distendre le cadre dans lequel celui-ci avait situé telle ou telle disposition[57]. Le caractère abstrait, général et permanent de la loi ne permet pas que l'évolution et la variété infinie des devoirs moraux soit prise en compte par le législateur. Il reste non seulement objectif, mais atemporel. Comment fera le juge, alors, pour adapter chaque situation concrète et nouvelle à la loi qui est, où doit être, indestructible et immuable ? Comment décidera-t-il, en respectant la loi, mais aussi la volonté des parties, qui concorde avec l'évolution des moeurs ? Le juge doit, avant tout, non seulement décider selon la lettre de la loi, mais en tenant compte de l'esprit de la loi, de ce que le législateur a eu en vue quand il a élaboré la loi. On dit que la loi, la règle juridique, est suffisante à elle-même[58]. Mais comment agir aux cas où la loi est lacunaire, où elle n'est pas claire ? Une voie à prendre pour le juge confronté avec ce problème est de faire l'examen des mœurs : étudier la moralité des parties comparues devant lui. Il devient l'arbitre des passions rivales, et des intérêts opposés[59], en observant, voilà, le but de leurs peines, la qualité de celles-ci. En tout cas, la loi ne peut se borner sur la morale. Elle est, sans doute, un résultat d'études sociologiques, ou l'expression consacrée d'un idéal moral de la société. Mais, par le fait qu'elle prend une forme écrite, susceptible d'être protégée par une sanction, elle devient immuable. Seulement une nouvelle intervention du législateur, sur telle ou telle chose, pourra modifier ou supprimer une règle juridique déjà en vigueur. Voilà, en effet, les différences entre la morale et le droit. Même si la première occupe un domaine plus vaste que le second, la règle juridique est concrète, précise et consacrée. Seulement ainsi peut-on appliquer des sanctions. Néanmoins, la morale détient sa propre sanction - l'opprobre public - qui peut être, selon le cas, plus dur que la sanction appliquée par un juge. Il ne faut pas et, de plus, on ne peut pas ignorer les influences des faits sociaux sur la loi. C'est des ceux-ci qu'on tire les idées qui deviendront des règles juridiques. Et ce sont les bonnes moeurs qui aident, une fois la loi élaborée, à son application et son exécution. Les bonnes moeurs désignent, tout à fait, la morale vue à la lumière des faits sociaux[60]. Par les articles 1133 et 1131 du code civil français, on a confié aux juges un droit de contrôle de l'observation de la règle morale[61]. Là où la loi contient des prévisions insuffisantes, ou obscures, susceptibles d'être interprétées, le juge intervient. Il fait l'examen des volontés et de leur conformité avec l'ordre social. Il est le gardien de l'intérêt général, en assurant la sécurité du circuit civil. De l'autre part, cet examen est utile aux cas où, même si toutes les conditions de validité d'un acte juridique sont remplies, il y a, de toute manière, un but immoral, une cause contraire aux bonnes moeurs. C'est dans ces cas que ces notions - cause, moralité, bonnes moeurs - font preuve de leur utilité. Quand le juge découvre que la forme juridique honnête du contrat a été employée pour gagner des services immoraux, ou pour se satisfaire un désir immoral, l'acte juridique en cause ne peut pas avoir des effets[62]. Par exemple, on a condamné le prêt fait à un jeune homme pour lui permettre de maintenir une maîtresse[63]. C'est, alors, au juge d'utiliser les voies que la loi même lui offre - la cause et les bonnes moeurs - pour sanctionner des actes juridiques qui, techniquement, sont valables; en apparence, ils sont irréprochables, mais, quand on regarde en profondeur, c'est le but et le for intérieur d'une ou des parties qui les rend inapplicables. Alors, le juge ne se contente pas de constater les faits il les qualifie; il n'interprète pas les volontés, il les brise[64]. A l'inverse, le juge doit s'opposer aux préjuges sociaux, dans un monde où il faut promouvoir l'égalité, la liberté. Parfois, ce sont les moeurs qui sont anciennes, qui sont dépassées par la jurisprudence et la loi, et le juge fait opinion contraire, parfois même révolutionnaire. Il commence une nouvelle ligne de penser et d'actionner. C'est le cas de l'arrêt qui nous a déterminé de faire cet étude. Statuer qu'un legs fait pour maintenir une relation adultère est valable - c'est une décision courageuse, pris en compte que même la doctrine s'est effrayée en lisant l'arrêt[65]. On peut affirmer, alors, que les juges ne sont seulement les gardiens de l'opinion publique, des bonnes moeurs, et de la morale, mais aussi des censeurs de cette volonté commune de considérer une certaine pratique immorale. Un exemple - les tribunaux ont refusé d'accorder toute valeur civile au contrat de fiançailles[66]. On pensait que, si les fiançailles seraient susceptibles de sanction, une des parties craindra de manifester un éventuel refus au mariage. Un autre exemple - les instances ont considéré comme moral le contrat d'assurance vie, même si l'opinion publique le condamnait. Voilà comme la morale se fait partie de la vie juridique. De cette manière, le juge devient plus qu'une bouche de la loi, mais il se fait l'interprète de celle-ci[67]. L'interprétation peut se faire en vue de ce que la morale et les moeurs rejètent ou acceptent, ou, en les écartant, créer de nouveaux coutumes. Faut-il tenir compte de la morale dans la vie juridique? Il y a des siècles, les juristes ont séparé la loi de la morale, quand même, les limites ne sont pas fortement assurées. Les grecs ne faisaient pas de distinction entre la morale et le droit, et les romains lui donnaient aussi beaucoup d'importance[68]. Ce sont les scolastiques qui parlent, ensuite, de l'importance et de la force de la parole donnée, en renforçant, ainsi, l'intervention de la morale dans le droit. C'est normale - il n'y a aucun système qui n'est pas influencé par un autre, aucun domaine de nos vies qui ne s'imprègne avec un autre. On ne peut pas, alors, statuer impérativement: voilà le droit, voilà la morale. Mais, il faut néanmoins établir du début que le droit est différent de la règle morale. La morale et le droit, on a dit[69], ont le même centre, et leur but et le même: le bonheur de l'homme, tout en rassurant un équilibre de la communauté. Mais, en temps que la morale consacre des règles et des devoirs envers Dieu, envers ses semblables, et envers lui-même, le droit se borne aux actions de l'homme, à ce qu'il choisit de prendre de son intérieur et mettre à l'extérieur. La morale - ou, pour se rattacher aux notions prévues par le législateur, les bonnes moeurs et l'ordre publique[70] - vient de limiter cette liberté de l'individu. De nos jours, on ne rencontre pas dans les disputes juridiques des questions de pure morale. Ce sont plutôt des nuances, des problèmes d'interprétation de la volonté du législateur, aux domaines où la clarté manque, et la règle morale vient de la compléter. Le principe de la bonne foi est une conséquence de l'intrusion de la morale dans le droit. Au cas des contrats, ce principe assure que la convention ne devienne un instrument qui impose des clauses inéquitables, en garantissant, au même temps, la liberté des volontés.[71] La moralité du contrat et le principe de bonne foi sont aussi les sources de l'obligation de loyauté des contractants, qui consiste d'une obligation positive d'information de la partie adverse, et d'une obligation négative de ne pas la tromper[72]. Les anglais, partisans de la doctrine de l'utilité, considèrent que le droit a un rôle beaucoup moins moral que pratique et fonctionnel[73]. Alors, la morale ne peut s'insérer dans un système où l'égoïsme de Kant et les justifications de Bentham sont suffisants pour assurer la paix sociale... Le juste, c'est l'utile, dit Bentham. C'est la tendance accrue de common law non de simplifier, mais de vider le domaine juridique d'aucune intrusion extérieure. C'est vrai que le juge doit être objectif. Ce n'est pas la morale religieuse que le juge doit prendre en compte[74], car, avant d'avoir une morale chrétienne, on a eu une morale fondée sur les principes de respect d'autrui, de la famille et de la société. C'est cette morale qui a déterminé la religion, pas à l'inverse. Mais, cette une autre discussion celle-ci, c'est comme déterminer qui a été le premier - l'oeuf ou la poule. La morale traduite dans le droit donne un grand pouvoir au juge. On a dit que la jurisprudence constante est une forme supérieure du droit coutumier.[75] L'étude de cette jurisprudence devrait conduire soit à la modification des lois qui ne sont plus conformes aux réalités sociales, soit à leur amélioration. De cette manière, le droit assure et maintien un équilibre social. De l'autre côté, c'est la jurisprudence (donc, le droit) qui peut déterminer des changements dans l'opinion publique - par exemple, la considération d'un legs en faveur d'un concubin, pour maintenir la relation de concubinage, comme valable, conduira à l'assouplissement de l'opinion commune sur ce problème. Alors, la jurisprudence et le juge ont un grand rôle, celui de corriger l'imperfection de la formule législative, qui est rigide, et de l'actualiser avec la matière à réglementer, qui est mouvante.[76] Le juge donne valeur aux moeurs, et les usages acquièrent, de cette manière, de l'importance juridique. Un exemple - la reconnaissance d'un droit d'usufruit sur les biens du conjoint décédé est inspiré directement de la pratique notariale[77]. La théorie de la cause, à notre avis, devrait être utilisée aux cas où le juge n'a aucune autre solution pour sanctionner un acte juridique contraire à l'opinion générale, où l'ordre publique et la morale sont affectées et il n'y a aucune autre voie d'agir. IV. Les acausalistes et les anticausalistes IV. 1. Les systèmes qui ne connaissent pas la cause. Il y a, de l'autre coté, quelques législations qui ne mentionnent pas la cause comme condition de la validité du contrat. Les codes civils portugais, brésilien, argentin, autrichien, allemand et suisse ne connaissent pas cette notion. Le Code suisse des obligations exige seulement deux conditions pour qu'un acte juridique soit valable - le consentement et la déclaration de volonté. La doctrine insiste sur le fait que le droit suisse donne une très grande portée à la théorie de la confiance[78]. C'est à dire, la bonne foi des parties et leur volonté constituent la base du contrat, et ce qu'elles ont pris en compte, ce qu'ils ont exprimé ou non, doit être respecté. Alors, la cause est contenue dans la notion plus large de condition. La condition désigne tout fait duquel dépend la validité de l'obligation et qui, même si n'est pas mentionné expressément, doit être considéré, en vertu de la bonne foi, les usages et la personne du cocontractant. On considère que, si les normes juridiques ne prévoient pas la notion de cause, on évite des discussions difficiles, comme celles portant sur la définition de la cause[79]. Néanmoins, l'article 17 du Code des obligations suisse prévoit que la reconnaissance d'une dette est valable, même si elle n'énonce pas la cause de l'obligation. Il y a, alors, des prévisions qui montrent que la cause est toujours nécessaire pour censurer la volonté des individus et pour rassurer la conformité avec l'ordre public. A la différence du droit suisse et leur théorie de la confiance, le droit allemand à la base sur l'idée de force[80]. Alors, tout conflit qui apparaît dans le domaine juridique, c'est un conflit de force. La solution de ce conflit, est de déterminer laquelle des deux parties est la plus puissante, et leur moralité n'importe guère. Mais, un droit fondé sur la force n'est pas un vrai droit, et la force ne résoudra jamais un problème juridique. L'égalité ne sera jamais assurée de cette manière. Contre cette ancienne opinion germanique qui fonde le droit sur la force, on offre la cause comme solution. Ici intervient l'efficacité de la théorie de la cause, pour contrebalancer la force[81]. Une situation spéciale est celle du droit anglais, ou du système de common law. Le système tout entier du droit anglais est fondé sur la doctrine de l'utilité[82]. Comment prendre en considération, alors, les mobiles de parties, si chacun cherche de satisfaire son propre intérêt ? Au-delà de la lutte darwinienne pour la survivance de celui qui est le plus adaptable, le droit anglais reste un droit fortement économique[83]. C'est au législateur de créer les conditions les plus appropriées dans l'économie, ainsi que les intérêts soient satisfaits. On rencontre, dans ce contexte, la notion de valuable consideration, une sorte de compensation de valeur, un qui pro quo. Ça veut dire que le débiteur ne se trouve pas obligé pour avoir promis, mais pour avoir reçu[84]. Cette notion à beaucoup de l'importance dans le domaine des contrats consensuels, qui ne sont valables que s'ils sont fondés sur une valuable consideration[85]. Le contreprestation ne doit pas être de la même valeur que l'obligation, mais on exige seulement qu'elle existe. Pour les dits contrats scellés, ou authentiques, on ne pense pas à cette consideration, en vertu du formalisme, qui assure la validité du consentement. Common law demande l'existence de la considération seulement au cas des contrats qui ne sont pas formels, pour que ceux-ci soient valables. Quand on demande la présence de la consideration, les conditions pour qu'elle soit valable ressemblent à celles du droit continental : elle doit exister, être réelle (il faut que l'acte crée un désavantage pour le stipulant, mais la question de l'équivalence des prestations ne se pose pas), et légale (c'est à dire, conforme à la loi, et aux impératives moraux)[86]. A la différence du droit continental, le droit anglais n'admet pas qu'un simple devoir moral puisse servir de cause, ou de considération à une obligation. Mais, similaire à la doctrine de la cause, les motifs acquièrent de la valeur juridique seulement quand la partie adverse du contrat les a connu et les a insérés dans son propre désir de contracter[87]. En effet, common law contient même l'idée que le cause d'une partie est la prestation de la partie adverse : pour qu'on a sufficient consideration, l'appauvrissement - detriment - d'une partie doit être déterminé par le fait de contracter, en vue qu'elle obtiendra une contre-prestation[88]. Alors, dans ces systèmes où on ne trouve pas la cause, on trouve la préoccupation de la contrepartie, tout comme dans les anciens droits grec et orientaux. C'est justement ce que la théorie de la cause exprime - elle tempère le consensualisme, qui, sans cause, ne serait pas acceptable[89]. IV. 2. Les théories anticausalistes. Les théories anticausalistes considèrent que la cause est une construction scolastique, avec des subtilités infinies, et qui n'est pas en accord avec l'esprit moderne[90]. C'est Planiol qui marque la cause comme notion fausse et inutile, après Ernst, professeur de Liège, avait affirmé que toute mention de la cause pourrait être effacée du code civil et qu'un objet licite et un consentement valable[91] sont suffisants. Il considérait que la cause est une notion source d'erreurs et de confusion, et la théorie de la cause complique sans utilité l'analyse des éléments constitutifs de l'acte juridique. Un anticausaliste hollandais, Opzoomer, cataloguait la cause comme superflue[92]. Il ne voulait pas que le juge soit forcer à prendre en considération les motifs qui ont déterminé les parties à contracter et de les approfondir. Cela compliquerait nettement la mission du juge. On apprécie, alors, la cause comme fausse. Il serait incorrect de considérer que, dans un contrat synallagmatique, la cause de la prestation d'une des parties est la volonté d'obtenir l'exécution de la prestation de l'autre partie. Ce fait crée un cercle vicieux, car les deux obligations naissent au même temps, une ne peut pas être la cause de l'autre. Dans les contrats réels, la prestation reçue n'est pas la cause de l'obligation, mais le fait générateur de celle-ci[93] ; c'est la tradition elle-même qui sert comme cause de l'obligation. De plus, dans les contrats à titre gratuit, on confond la cause avec les motifs, et l'intention libérale avec le consentement. La réfutation de ces critiques se trouve dans l'idée que la cause doit être identifiée avec le but[94]. Si on accepte cette théorie, alors il serait logique que les parties aient songé à ce qu'elles veulent obtenir en avant de signer le contrat. Alors, il n'y a pas de coïncidence temporelle entre les moments quand les parties établissent leurs buts. Seulement leurs prestations sont, en théorie, simultanées. Ce qu'a déterminé une partie à s'obliger, c'est la représentation intellectuelle de la contreprestation d'autrui, représentation qui est antérieure à la conclusion du contrat. Il faut dire, aussi, que l'animus donandi explique le consentement, ce n'est pas la même chose que ceci. De plus, si on n'avait pas la cause, comment condamner la libéralité comme immorale ? La réponse est donnée, d'une façon, par les anticausalistes. La cause est inutile, affirment-t-ils, parce qu'on a d'autres institutions avec le même contenu que la cause : le consentement et l'objet. Dans les contrats synallagmatiques, dans toutes les hypothèses où l'on parle d'absence de cause ou de cause illicite, il y a en même temps absence de l'objet ou objet illicite[95]. Alors, dans un contrat synallagmatique, si on parle de la cause, on parle, en effet, de l'objet, mais sous un angle particulier[96]. Il suffit que le consentement soit valable, que le parties soient capables et que l'objet soit licite, pour que l'acte juridique existe. Mais, cet argument est inexact. Le consentement ne peut pas signifier la même chose que la cause. Le consentement est subordonné au but[97]. Seulement après avoir désiré quelque chose, après avoir établi un but, est-ce que l'individu consent à la formation d'un acte juridique. De plus, le consentement, c'est la volonté exprimée de la partie, tandis que la cause désigne la raison qui a déterminée cette volonté d'agir au sens de conclure un acte juridique[98]. On peut avoir un objet licite et une cause illicite[99]. L'objet tient à ce qui est hors de l'individu (« l'objet est, c'est un truisme, purement objectif »[100]), en temps que la cause tient à la psychologie, et elle est fortement liée à la personne du contractant ou disposant. L'utilité de la cause est réveillée par quelques théories fondamentales du droit : la théorie de la résolution (expliquée par la disparition de la cause d'une des parties, à raison de l'inexécution de la prestation adverse), la théorie des risques (en cas de force majeure, la partie est libérée d'exécuter sa prestation, car il n'y a plus de cause), l'explication de l'exceptio non adimpleti contractus (refuser d'exécuter sa propre devoir, car l'autre ne l'a pas exécuté - on n'a pas de cause pour exécuter). Autres sont les raisons pour lesquelles la théorie de la cause peut être critiquée, nous les avons envisagées ci-dessus - passer de la théorie classique de la cause à une théorie plus flexible. Alors, même si on accepterait les opinions anticausalistes, la cause nous semblent toujours nécessaire : elle peut être utilisée comme moyen de faire la justice contractuelle. Plus que ça, par l'intervention de la cause, on fait flexible des dispositions légales aux domaines où on a besoin d'un plus de souplesse. V. La cause et les libéralités V. 1. Généralités. La notion de cause est utilisée le plus fréquemment dans la jurisprudence vis à vis des actes à titre gratuit, le plus souvent en ce qui concerne les donations et les testaments. On recherche, dans ce contexte, la raison pour laquelle on donne, la cause impulsive, alors, pas celle finale[101]. Ce qu'on veut garder, c'est surtout la volonté du disposant. C'est à cause du fait qu'il n'existe pas un équilibre entre les parties d'un tel acte qu'on paie plus d'attention à l'animus donandi et à ce que l'a déterminé. C'est ici qu'on voit que, en analysant objectivement un acte, ça ne suffit pas. Voilà quelques autres exemples : les primes et les cadeaux de commerce et d'industrie qu'un commerçant remet à sa clientèle ; le fait de transmettre un immeuble à un tiers sans contrepartie pour régler des conflits de voisinage ; le fait de transmettre à un tiers une somme d'argent sans contrepartie ; les contrats de bienfaisance ou les services gratuits[102]. Même si ces actes paraissent, à la première vue, des libéralités, une contrepartie existe, soit la conduite future du 'gratifié', soit les avantages reçus en vertu d'autres actes juridiques, mais au regard de ceux-ci etc. Alors, l'examen de l'intention réelle du disposant peut avoir de l'importance énorme au cas des libéralités. On peut dire que la cause demeure dans le mérite de celui qui reçoit, sur ce que le disposant a estimé comme raison suffisante pour que le bénéficiaire reçoive[103], et pour qu'il s'appauvrisse. La théorie classique sur la cause se rattache à la distinction entre les libéralités pures et simples, et entre les libéralités avec charge. Dans le premier cas, c'est l'animus donandi qui est la cause de l'acte juridique, le seul et unique but du donataire est de gratifier[104]. Si l'animus donandi est la cause même de l'acte, « il n'y a pas à s'inquiéter des mobiles d'ordre variable qui ont pu déterminer la volonté du donateur, affection, reconnaissance, récompense d'un service rendu, cela importe peu »[105]. Dans le deuxième cas, le disposant utilise la libéralité pour atteindre un autre but. Cette distinction avait son fondement dans la doctrine des glossateurs. Ceux-ci avaient séparé la causa finalis de la causa impulsiva, en statuant que la dernière, correspondante au motif variable et subjectif, ne doit pas être prise en considération par les juristes. La règle était que l'erreur sur le motif ne peut pas causer la nullité du legs.[106] Le motif devient relevant seulement quand, après une analyse des faits, on peut établir sans doute que le disposant aurait actionné de cette manière seulement en vue de ce motif particulier. La solution de la nullité de la libéralité se trouve dans la similarité de la cause avec la condition ou la charge.[107] Cette assimilation faite, au XVIe siècle on arrive à séparer les libéralités pures et simples de celles avec charge. Si la charge n'est pas accomplie, le disposant peut toujours chercher de supprimer la libéralité, car la cause en vue de laquelle il a gratifié n'existe plus. Josserand, qui insistait sur l'élargissement de la théorie de la cause, critique le fait que, dans les libéralités pures et simples, on considère seulement l'animus donandi comme cause de l'acte, sans tenir compte de tout autre mobile. De cette manière, on ne pourrait jamais sanctionner une libéralité comme bonne ou mauvaise, immorale et scandaleuse[108]. Dans l'opinion de ce juriste, il faut néanmoins faire appel aux mobiles du disposant, à la causa impulsiva. Seulement ainsi on peut faire l'application des articles 6 et 1133 du code civil français au domaine des libéralités. Il faut se pencher sur les faits qui ont déterminé le disposant de gratifier une certaine personne, pour établir si cette libéralité est conforme aux normes impératives du droit et de la morale. C'est un excellent moyen pour le juge d'apporter de balance entre la volonté de l'individu et l'opinion générale. Une autre discussion est celle sur le fait que, entre la conclusion de l'acte juridique et le moment que les effets se produisent, il y a une période de temps qui passe. Pendant ce temps, la cause et les motifs qui ont déterminé le disposant d'agir peuvent changer. Est-ce que cette modification peut avoir des effets juridiques ?[109] Au cas des donations entre vifs, le problème est tranché par le fait que ces actes sont soumis aux règles communes aux contrats. Alors, elles font la loi des parties, et elles ne peuvent pas être révoquées que par consentement mutuel. Au cas des legs ou donations révocables entre époux, la révocation se produit d'une manière discrétionnaire, ad nutum. Mais le problème peut se poser d'une autre manière. L'évolution de la cause peut soit épurer, soit polluer la cause[110]. Un exemple : à l'époque où le legs fait à une concubine était immoral, est-ce que le fait que, après avoir disposer en faveur de la concubine, le disposant la marie, peut légitimer la cause et la libéralité ? Où, après avoir disposé en faveur d'une femme, d'après des motifs légitimes, celle-ci devient la concubine du disposant, la cause peut-elle devenir immorale ? En matière de donations entre vifs, vu le fait que la donation est un contrat, on ne peut pas donner de la valeur juridique à l'évolution de la cause. Cela déterminera une intrusion dans la volonté des parties. En matière des legs, la discussion est si le testament est un acte dès sa confection, ou il est un simple projet. Comme il peut être révoqué, le testament est un acte vraiment, depuis que le testateur a exprimé sa volonté, non seulement un projet, car les projets ne peuvent pas être révoqués - il suffit de ne pas les réaliser. De plus, la capacité du testateur s'apprécie selon le moment quand le testament est écrit, et c'est le même quant à l'objet du legs. Alors, on ne peut pas faire différent en ce qui concerne la cause. Modifier la cause, c'est modifier l'acte[111]. V.2. Evolution de la jurisprudence sur la cause des libéralités entre concubins. Nous avons déjà montré comment, par le mécanisme de la cause, et par la portée que cette notion offre au juge, celui-ci peut exercer son pouvoir souverain pour régler ce que la loi et les parties n'ont pas prévu, ainsi que le principe de l'équité demeure dans la vie juridique. C'est ainsi que, en 1976, un juge a déclaré nulle pour cause immorale une assurance de vie souscrite par un homme au profit de sa maîtresse et, à défaut, aux enfants de celle-ci, au motif que cette libéralité avait pour objet le maintien des relations adultères[112]. Le défendeur n'avait aucune obligation naturelle envers les enfants, alors la libéralité faite à ceux-ci avait la même cause que celle faite à leur mère. Il faut préciser, aussi, que les premières décisions dans de tels cas ont toujours condamné comme illicites les actes à titre gratuit faits aux concubins. En 1629, on avait en France le code Michaud, qui déclarait nulles toutes les donations faites à des concubines, mais cette prohibition n'a pas été reproduite par le Code Civil[113]. Alors, on est arrivé à dire qu'une libéralité consentie à un concubin est illicite et immorale seulement si elle a pour cause impulsive et déterminante la formation, le maintien ou la reprise de relations immorales[114]. Une jurisprudence similaire est adoptée par les tribunaux roumains dans le cas des donations. Ainsi, après avoir condamner comme immoral un contrat de vente qui cachait de donations déguisées entre concubins, on est arrivé à une pratique uniforme judiciaire qu'une donation n'est pas immorale que si elle vise le commencement ou la reprise des relations du concubinage[115]. Alors, le seul fait que deux personnes ont une relation de concubinage ne peut pas justifier la nullité d'une convention. La doctrine précisait que le concubinage n'étaient pas en soit une preuve de la captation, même si le concubinage est adultérin[116]. Seulement si on joint le concubinage avec d'autres moyens dolosives peut-on considérer ce type de relation comme un élément de la captation. De l'autre part, il faut qu'on analyse attentivement la cause du contrat. Ces libéralités peuvent être justifiées par des motifs divers, comme la satisfaction d'un devoir de conscience et à titre de reconnaissance pour les soins et l'affection prodigués dans des circonstances difficiles, ou si l'acte est inspiré par le désir de ne pas laisser, après une rupture, le concubin seul et sans ressources ; si on découvre de tels motifs, même le concubinage adultère ne peut être considéré, en soi, comme un obstacle pour une libéralité[117]. De l'autre part, l'instance suprême roumaine a retenu comme illicite et immorale une convention par laquelle un homme a promis à sa concubine qu'il va la marier s'il divorce. Sinon, il va lui payer une indemnisation[118]. L'instance a précisé que la maintien ou le délassement d'un mariage ne peut pas faire l'objet d'une convention. Même si la causa proxima est légitime, la causa remota est immorale - le but de la défenderesse a été d'être entretenue par le défendeur, en lui rendrant des services immorale à l'échange. Ainsi, la jurisprudence à évolué - d'une opinion très précise et rigide, de considérer tout libéralité en faveur du concubin comme immorale, à des décisions plus flexible. Si la libéralité est faite pour réparer le mal causé par la rupture de la relation, en lui assurant une existence décente, elle est valable. Mais, si la libéralité est, en effet, le pretium stupri, elle est nulle pour cause immorale. La fin du XXe siècle apporte de nouveauté dans cette jurisprudence : même si la cause a été le maintien de la relation de concubinage, la libéralité demeure valable. Est-ce que le juge veut sacraliser le désir du de cuius ? De toute manière, l'opinion générale est qu'on assiste à une « déconstruction » jurisprudentielle[119]. V. 3. La preuve. En ce qui concerne la preuve de ces éléments, pendant longtemps, la jurisprudence a admis un système restrictif, en exigeant que la preuve de l'illicéité ou de l'immoralité résulte de l'acte lui même[120]. C'était au plaignant de prouver que la cause est immorale ou illicite, car le Code civil présume l'existence de la cause[121]. De plus, la preuve testimoniale et la preuve par des simples présomptions n'est admise que dans des certaines conditions. Pour longtemps, la doctrine s'est prononcée pour la preuve intrinsèque, sans que la juge puisse rechercher au-delà de l'acte, vers les motifs intimes du disposant. L'évolution de la théorie de la cause ne pouvait que déterminer un changement dans la jurisprudence. Si l'animus donandi ne suffit pas comme cause de la libéralité, il faudrait la chercher plus profondément. Alors, la solution - rechercher les mobiles individuels et l'origine de la volonté du disposant, mais sans que le juge fasse des abus et sans que cette analyse se transforme dans une « véritable inquisition »[122]. Aujourd'hui, on peut chercher la cause véritable du testament dans les éléments extrinsèques de l'acte[123], car on assimile l'immoralité et l'illicéité de la cause à la fraude[124]. Il faut, de toute manière, se concentrer sur l'esprit qui a dicté la lettre, sur le but que le disposant avait visé et sur les raisons qui l'on fait agir. La date de la libéralité est aussi importante. Si elle est contemporaine à l'établissement des relations de concubinage, la libéralité est suspecte[125]. Mais, même si la preuve extrinsèque est admise, il y a quelques limitations à envisager[126] : il ne faut pas que l'analyse de la cause et des motifs suscite des scandales, en affectant le disposant et sa famille, et l'ordre public aussi. V. 4. Le maintien d'un concubinage - cause immorale ou non ? On arrive, finalement, à ce que nous a déterminé de toucher ce sujet tout à fait délicat. Une récente décision de la jurisprudence française a provoqué de nombreuses disputes sur l'utilité et sur la légitimité de la cause. Près de sa mort, une personne institue sa maîtresse comme seule légataire, alors sa femme et son fils attaquent ce testament en invoquant la cause immorale. Mais, la cour a statué que la permanence et la stabilité des liens sentimentaux ayant existé entre le disposant et le bénéficiaire du legs excluent que la cause impulsive et déterminante du legs ait été la rétribution des relations adultères ou un engagement à les maintenir. Qu'est-ce qu'a déterminé le juge de changer de trace, et considérer, d'après des années, qu'une telle relation est tout à fait justifiée ? Des voix ont invoqué deux consécrations législatives : l'union de fait et la désincrimination de l'adultère. On a conclu que la première légitime, d'une manière, le concubinage qui n'est pas adultère, et la seconde le concubinage adultérin[127]. Mais tout ça suppose étendre trop la signification de ces interventions du législateur. Une relation adultère sera toujours retenue comme faute pour prononcer un divorce, ou pour déclancher une action en responsabilité, dans le droit civil. Vu les articles 6 et 1133[128] du code civil français, il est évident que sur une situation déclarée illicite par la loi il ne faut plus s'interroger sur son immoralité. C'est le même si une situation est déclarée licite - sa moralité n'importe pas du moment où on a établi qu'elle est légitime. Mais, là où la loi ne se prononce pas, c'est au juge de se faire la voix d'une certaine morale et décider sur la moralité. V. 5. Autres controverses. Ce jugement soulève, de plus, d'autres points d'interrogation[129] :
Un autre auteur qui n'est pas d'accord avec la voie tracée par cet arrêt qui révolutionne la morale invoque un autre argument : une libéralité inspirée par le désir d'assurer le maintien d'une relation adultère ne peut pas être valable - sa cause est en effet de toute façon illicite, puisqu'elle est prohibée par la loi qui soumet impérativement les époux au devoir de fidélité[130]. L'article 212 du code civil français prévoit le devoir de fidélité, une des obligations essentielles du mariage. Au même esprit, un autre auteur espère que la jurisprudence veillera à maintenir la nullité d'une libéralité visant à rétribuer les relations sexuelles, ainsi que le concubinage et le mariage ne deviennent des moyens de commercialisation du corps humain[131]. Au secours du concubin délaissé vient, néanmoins, le devoir d'exécuter une obligation naturelle[132]. Ainsi, le concubin qui a contribué aux charges de la vie commune peut invoquer ce fait pour atténuer le traitement qu'on lui applique. Il est vrai qu'il n'existe aucune obligation alimentaire entre les concubins, mais le fait que les concubins ont vécu ensemble peut changer le mode d'analyser ce problème. Un concubin, en vue de résoudre les difficultés relatives à la rupture du relation, s'était engagé à verser à la concubine une partie des sommes d'argent qu'il percevait d'une société, et, après l'extinction de cette source de revenue, une pension alimentaire. Le concubin à cesser de s'exécuter après avoir exécuté volontairement son obligation. Mais, l'instance a établie que l'obligation naturelle envers la concubine s'était transformée en obligation civile, par l'exécution volontaire de l'engagement[133]. De l'autre part, tout comme la cause et les bonnes moeurs, l'obligation naturelle est perturbatrice de l'ordre juridique, et il faut qu'on la utilise seulement à titre supplétif, quand on ne peut pas obtenir le résultat visé par une autre voie[134]. Conclusions. En 2004, l'Assemblée plénière de la Cour de Cassation française réaffirme que la libéralité faite au profit de la concubine adultère n'est pas contraire aux bonnes moeurs[135]. La première Chambre civile a maintenu ainsi sa jurisprudence de 1999. On peut observer, alors, la portée de ce premier arrêt qui a déclaré morale la libéralité faite pour maintenir une relation de concubinage. Même si nos systèmes de droit ne reconnaissent pas le précédent judiciaire comme source de droit, sa force est plus qu'évidente. On a présenté ici la manière de laquelle la cause est devenue, au fil du temps, un élément important de l'acte juridique. Depuis les romains, où la cause était surclassée par le formalisme, jusqu'à nos jours, la cause s'est transformée, pour devenir un élément important de l'analyse de l'instance. On a touché quelques arguments contre l'acceptation de cette notion comme condition essentielle du contrat et, de plus, la situation des systèmes qui ne connaissent pas la cause. On la trouve, sans discussion, à tout endroit, car rien ne bouge sans but ou sans motif. Notre conclusion est que la cause ne doit pas être écartée de la sphère juridique. Même si il peut sembler superflu d'accorder de l'attention aux ressorts intimes du disposant, ceux-ci ont parfois de l'importance juridique. Alors, le juge doit avoir une voie à laquelle appeler pour sanctionner de telles situations où une personne a agit pour des buts ou des motifs qui ne sont pas conformes à la loi ou à l'ordre public. Plus que ça, nous considérons que la cause est un instrument important de mettre la pratique juridique en concordance avec la réalité sociale. En effet, c'est l'équité qui doit être obtenue par l'application de cette notion aux cas concrets. C'est la présence de la morale dans nos vies qui incite d'innombrables discussions dans tous les domaines. Le droit n'échappe pas. Ecarter la morale de la création et application de la norme juridique, c'est absurde et impossible. On ne peut pas tracer des limites ainsi bien définies entre la vie quotidienne et la vie juridique, car ces mondes se confondent. Alors, il faut intégrer les normes morales dans les dispositions légales, mais avec modération et élégance. La théorie de la cause est un moyen parfait pour considérer les préceptes de la morale. La bonne foi, l'équité, la loyauté sont des principes qui trouvent leur origine dans la morale. Ils règlent l'existence et l'exécution des actes juridique, dans un monde où le pragmatisme menace d'accaparer tout. Notre conclusion : la cause et la morale seront toujours des moyens au services du juge et, au dernier coup, du législateur même. Il faut les utiliser là où tout autre instrument juridique faillit, pour que la justice règne.
* Etudiante en Master 2 - Droit privé comparé, Faculté de Droit, UBB Cluj-Napoca, oana.benta@gmail.com. [1] Cass. Ass. Plén., 29 oct. 2004, cité par F. Chabas, «Une libéralité consentie pour maintenir une relation adultère est valable », JCP éd. G, no. 4/2005, p. 153. [2] G. Cornil, Le droit privé. Essai de sociologie juridique simplifié, Marcel Giard, Paris, 1924, p. 67 [3] L. Josserand, Les mobiles dans les actes juridiques de droit privé, p. 10 [4] Ibid., p. 11 [5] Ibid., p. 13 [6] Ibid., p. 17 et suivantes. [7] H. Capitant, De la cause des obligations (Contrats, Engagements unilatéraux, Legs), 3e édition, Dalloz, Paris, 1927, p. 21. [8] Ibid., p. 23. [9] Ibid., p. 18. [10] Ibid., p. 81. [11] Ibid., p. 89. [12] Ibid. [13] Ibid., p. 439. [14] Josserand, op. cit., p. 24 et suivantes. [15] Vl. Hanga, Principiile dreptului privat roman, Dacia, Cluj-Napoca, 1989, p. 95. [16] Vl. Hanga, Drept privat roman, Editura Didactică şi pedagogică, Bucarest, 1977, p. 358. [17] H. et L. Mazeaud, J. Mazeaud, Leçons de droit civil, Tome II, 3e édition, Montcherstien, Paris, 1963, p. 212. [18] Ibid. [19] J. Carbonnier, Droit civil, IVe édition, Tome second : Les biens et les obligations, Presses universitaires de France, Paris, 1964, p. 377. [20] J. Ph. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, Ire édition, Dalloz, Paris, 2002, p. 831. [21] Ibid. [22] Lévy, Castaldo, op. cit., p. 831. [23] Ibid. [24] Levy, Castaldo, op. cit., p. 832. [25] Mazeaud, op. cit., p. 212. [26] Non servandi fidem, ou non est fidem servanda - on n'a pas à tenir sa parole à l'égard de la personne qui ne tient pas la sienne. Idem, p. 213. [27] Art. 1020 c. civ . rom ; art. 1184 c. civ. fr. [28] Carbonnier, op. cit., p. 377. [29] Mazeaud, op. cit., p. 213. [30] Ibid. [31] S. van Brakel, «Domat ou Pothier? », en Études de droit civil à la mémoire de H. Capitant, Dalloz, Paris, p. 865. [32] Levy, Castaldo, op. cit., p. 834. [33] M. Djuvara, Quelques considérations sur la nature des sources et sur la formation du droit positif, en Études..., p. 223. [34] A. Ionaşcu, Voinţa juridică, en Studia Napocensia, seria Drept, Ed. Academiei RSR, Bucarest, 1974, p. 27. [35] Ihering, cité par L. Josserand, op. cit., p. 12. [36] Capitant, op. cit., p. 17. [37] Ibid, p. 19. [38] Carbonnier, op. cit., p. 369. [39] Capitant, op. cit., p. 24. [40] Ibid., p. 18. [41] S. Van Brakel, Domat ou Pothier ?, en Etudes..., p. 865. [42] A. Ionaşcu et al., Contribuţia practicii judiciare la dezvoltarea principiilor dreptului civil român (La contribution de la jurisprudence au développement des principes du droit civil roumain), Ed. Academiei RSR, Bucarest, 1973, p. 28. [43] Josserand, op. cit., p. 18. [44] Josserand, op. cit., p. 161. [45] J. Ghestin, « En relisant "De la cause des obligations" de Henri Capitant », en Propos sur les obligations et quelques autres thèmes fondamentaux du droit - Mélanges offerts à Jean-Luc Aubert, Dalloz, 2005, p. 122 et s. [46] Ibid., p. 22. [47] On ne peut pas déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs. [48] Cauza este nelicită când este prohibită de legi, când este contrarie bunelor moravuri şi ordinii publice. [49] H. Capitant, Introduction à l'étude du droit civil. Notions générales, A. Pedone, éditeur, Paris, 1923, p. 70. [50] J. Bonnecasse, «La notion juridique de bonnes moeurs. Sa portée en droit civil français », en Etudes..., p. 97. [51] I. Rosetti-Bălănescu, O. Sachelarie, Nic. G. Nedelcu, Pricipiile dreptului civil român, Editura de Stat, 1947, p. 8. [52] L. J. de la Morandière, «L'ordre public en droit privé interne », en Etudes..., p. 383. [53] Vl. Hanga, Studii de istoria dreptului, ServoSat, Arad, p. 177. [54] Ph. Malaurie, Les successions. Les libéralités, Defrénois, Paris, 2004, p. 175. [55] Ibid. [56] Ionaşcu, Voinţa..., p. 29. [57] L. Josserand, « Comment les textes de loi changent de valeur au gré des phénomènes économiques », en Etudes..., p. 345. [58] G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 3e édition, LGDJ, Paris, 1935, p. 11. [59] Ibid., p. 36. [60] Bonnecasse, op. cit., p. 98. [61] Ripert, op. cit., p. 43. [62] Ibid., p. 44. [63] Ibid., p. 50. [64] Ibid., p. 44. [65] Que les moeurs évoluent ; c'est très bien ; que la mentalité des français est changée, en particulier pour ce qui a trait à l'adultère, c'est possible. Mais notre nation conserve dans les tréfonds de don âme le respect de la femme. Nul ne nous fera croire qu'elle en soit arrivée à considérer comme licite qu'on puisse acheter les faveurs d'une femme... C'est la condition féminine qui soit rabaissée de cet arrêt. F. Chabas, op. cit., p. 155 [66] Ripert, op. cit., p. 47. [67] L. Boré, « L'obscurité de la loi », en La création du droit jurisprudentiel - Mélanges en honneur de Jaques Boré, Dalloz, 2007. [68] E. Beaussire, Les principes de droit, Félix Alcan, éditeur, Paris, 1888, p. 24. [69] A. Colin, H. Capitant, Cours élémentaire de droit civil français, Dalloz, Paris, 1924, p. 2. [70] Ibid. [71] P. Gallo, « Buona fede oggetiva e transformazioni del contratto », en Revista di diritto civile, nr. 2/2002, CEDAM, Padova. [72] D. Chirică, Obligaţia de informare şi efectele sale în faza precontractuală a vânzării-cumpărării (L'obligation d'information et ses effets dans la phase précontractuelle de la vente, en Revista de drept comercial, no. 7-8/1999, Lumina Lex, Bucarest. [73] P.-Y. Gautier, « Contre Bentham : l'inutile et le droit », dans la Revue trimestrielle de droit civil, no. 4/1995, p. 798. [74] Contra : Le juriste ne peut oublier que le droit doit s'appliquer à une société humaine fondée sur la morale chrétienne - Ripert, op. cit., p. 29. [75] Cornil, op. cit., p. 48. [76] Cornil, idem, p. 53. [77] Ibid., p. 66. [78] A. Simonius, Quelques remarques sur la cause des obligations en droit suisse, en Etudes..., p. 759. [79] Ibid., p. 760 et suivantes. [80] Josserand, op. cit., p. 29. [81] Ibid. [82] The coercive power of the State will not be employed to impose sanctions on the defaulting promisor, unless the promisor has made a commitment which the law deems socially useful. J.D. Calamari, J. M.Perillo, The Law of Contracts, 3rd edition, West Publishing Company, St. Paul, Minn., 1987, p. 185. [83] Josserand, op. cit., p. 33. [84] Levy, Castaldo, op. cit., p. 835. [85] Capitant, op. cit., p. 189. [86] Ibid., p. 192. [87] Ibid., p. 193. [88] Three elements concur before a promise is supported by consideration: the promise must suffer legal detriment, the detriment must induce the promise, the promise must induce the detriment. Calamari, Perillo, op. cit., p. 187. [89] Levy, Castaldo, op. cit., p. 835. [90] Ibid. [91] Carbonnier, op. cit., p. 379. [92] Van Brakel, op. cit., p. 866. [93] M. Planiol, G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, Tome VI, Librairie générale de droit et jurispudence, Paris, 1957, p. 359. [94] Capitant, op. cit., p. 48. [95] Planiol, op. cit., p. 360. [96] Capitant, op. cit., p. 48. [97] Ibid., p. 49. [98] Ibid., p. 81. [99] A. Ionaşcu, Contribuţia..., p. 29. [100] Josserand, op. cit., p. 155. [101] Levy, Castaldo, op. cit., p. 835. [102] Malaurie, op. cit., p. 178. [103] G. Brière, Droits des successions, 3e édition, Wilson & Lafleur, Montréal, 2002, p. 192. [104] Capitant, op. cit., p. 438. [105] Ibid. [106] Capitant, op. cit., p. 439. [107] Ibid., p. 441. [108] Josserand, op. cit., p. 163. [109] P. Viorin, « Evolution de la cause des libéralités postérieurement à la donation ou au testament », en Etudes..., p. 895. [110] Viorin, op. cit., p. 904. [111] Ibid., 909. [112] H. Capitant, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz, Paris, 1994, p. 123. [113] M. Planiol, G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, Tome V. Donnations et testaments, LGDJ, Paris, 1957, p. 285. [114] Ibid. [115] Ionaşcu, Voinţa..., p. 30. [116] N. Constantinescu, Despre testamente, ediţia a 2a, Curierul judiciar, Bucarest, 1928, p. 150. [117] Capitant, Les grands arrêts..., p. 126. [118] Ionaşcu, Contribuţia..., p. 31. [119] C. Brenner, « Du rôle créatif de la jurisprudence en droit de successions », en La création du droit par le juge, Dalloz, Paris, 2007, p. 157. [120] Mazeaud, op. cit., p. 233. [121] Art. 967 (2) du code civil roumain : Cauza este prezumată până la dovada contrarie./La cause est présumée jusqu'à la preuve contraire. [122] Josserand, op. cit., p. 208. [123] Capitant, Les grands arrêts..., p. 125. [124] Mazeaud, idem. [125] Capitant, idem., p. 127. [126] Josserand, op. cit., p. 211. [127] M. Billiau, «La libéralité consentie en vue du maintien d'une relation adultère n'est pas contraire aux bonnes moeurs », JCP éd. G, no. 19-20/1999, p. 917. [128] La cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public. [129] Ibid. [130] L. Leveneur, Une libéralité consentie pour maintenir une relation adultère peut-elle etre valable ?, JCP éd. G, no. 28/1999, p. 1333. [131] M. Grimaldi, Droit civil. Libéralités. Partages d'ascendants, Litec, Paris, 2000, p. 190. [132] S. Chassagnard, L'obligation naturelle au secours du concubin délaissé, JCP éd. G, no. 3/2001, p. 138. [133] JCP éd. G, nr. 14/1999, p. 709. [134] Chassagnard, ibid. [135] http://www.wedry.org/Juillet%202004.html
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