Numărul 2 / 2005

 

LA REPARTITION DES POUVOIRS ENTRE LES INSTITUTIONS ET L'ORDRE JURIDIQUE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, RESPECTIVEMENT DE  L'UNION EUROPEENNE - COMPARAISON ENTRE LE TRAITE ETABLISSANT UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE ET LES TRAITES ACTUELS

Carmen LAZAR

Chargée de cours

Faculté d'Etudes Europeenes

Université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, Roumanie

 

Avant d'aborder le thème proposé il faut préciser qu'il ne s'agit pas d'une constitution au sens formel, c'est-à-dire d'un document qui soit adopté par une assemblée constituante composée de représentants des peuples des Etats membres, mais, comme le nom aussi le montre, d'un traité; bien sûr, ce traité a été adopté selon la procédure prévue par le droit communautaire pour la révision des traités constitutifs (aspect que nous n'allons pas détailler ici), procédure qui implique également les institutions des Etats et celles des Communautés et de l'Union, c'est pourquoi nous n'avons pas intégralement à faire à un document de droit international. L'appellation utilisée réflète toutefois la structure d'une constitution, ce qui représente le mérite de ce nouveau traité. Sous l'aspect qui nous intéresse ici, il opère des modifications en ce qui concerne les compétences des institutions et les rapports entre celles-ci; en outre, si jusqu'à lui il n'existait pas une nomenclature claire des actes de droit communautaire, les actes des différentes institutions ou les actes à valeur juridique différente pouvant porter la même appellation, le Traité établit une telle nomenclature, chaque acte allant porter, en fonction de sa force juridique, des attributions dans l'exercice desquelles il est émis et de l'institution auteur, une appellation spécifique. Il est vrai que le régime juridique (c'est-à-dire les effets qu'un acte produit dans le temps et dans l'espace, son éventuel effet direct, les exigences requises pour son adoption, les modalités d'entrée en vigueur) reste inchangé, entre les "nouveaux actes" et ceux d'aujourd'hui une correspondance pouvant s'observer.

De même, il faut préciser que le Traité établissant une Constitution européenne, signé à 29.10.2004 mais non encore entré en vigueur, supprime les trois composantes de l'Union qui existaient jusqu'à lui, respectivement les deux Communautés (la Communauté Européenne et la Communauté Européenne de l'Energie Atomique), la Politique Extérieure et de Sécurité Commune (P.E.S.C.) et la Justice et Affaires Intérieures (J.A.I.),  l'Union étant la seule entité qui subsiste.

Une dernière précision: quand nous parlons de la répartition des compétences, nous nous référons exclusivement au Conseil, au Parlement et à la Commission et aux rapports entre ces institutions; de même, pour donner une image claire au lecteur nous avons utilisé des notions qui ne sont pas forcément utilisés en droit communautaire mais qui le sont en droit national, comme par exemple organe législatif ou fonction législative, organe exécutif ou fonction exécutive etc..

Quand à la fonction législative[1], dans les traités actuels elle appartient principalement au Conseil, par exception au Conseil et au Parlement qui dans ce cas statuent ensemble dans le cadre de la procédure dite "de codécision"[2] (les actes adoptés ainsi étant appelés "actes conjoints du Conseil et du Parlement"), respectivement (bien que ce soit une chose peu connue et donc peu ou pas étudiée) à la Commission, sa seule - d'ailleurs - attribution législative consistant à adresser aux Etats, directement sur la base des traités, des directives en matière d'entreprises publiques et d'entreprises à droits spéciaux[3]); il est vrai que la première exception s'est vu étendre la sphère d'application depuis son institution par le Traité de Maastricht, comme il est vrai aussi qu'elle représente un progrès par rapport aux formes antérieures de participation du Parlement au processus législatif (et au processus décisionnel en général). Pour les cas où le Parlement ne détient pas ce pouvoir, il y est associé sous la forme de la consultation, de l'avis conforme et de la coopération (sorte de veto suspensif, introduit lui aussi par le Traité de Maastricht). Le Traité constitutionnel maintient la consultation et l'avis conforme - ce dernier sous le nom d'approbation -, supprime la coopération (qui de toute façon n'avait subsisté qu'en matière monétaire) et, nouveauté radicale, fait de la procédure de codécision la règle et lui attribue un caractère exclusivement législatif, en la dénommant par conséquent "la procédure législative ordinaire" (même si beaucoup simplifiée par rapport à la codécision); plus que cela, dans les cas d'exception prévus non seulement le Conseil aura le droit de statuer seul - avec la participation du Parlement - mais aussi le Parlement - avec la participation du Conseil -, la procédure étant appelée "procédure législative spéciale". Donc, les deux institutions sont mises sur un pied d'égalité. Le Traité supprime aussi l'attribution législative mentionnée de la Commission. Les actes émis dans le cadre des attributions législatives sont appelés des lois européennes; mais il faut distinguer entre les lois proprement-dites et les lois-cadres, les premières étant les actuels règlements[4] du Conseil, respectivement du Conseil et du Parlement, et les secondes étant les actuelles directives[5] du Conseil, respectivement du Conseil et du Parlement. Donc, ces actes pourront être adoptés seulement dans l'exercice du pouvoir législatif, tandis qu'actuellement les règlements et les directives (comme les décisions, d'ailleurs) caractérisent aussi les attributions exécutives (ce qui amène la doctrine à distinguer entre les règlements ou les directives "de base" et les règlements ou les directives "d'exécution"). Puisque le Traité les définit de la même manière, il résulte que leur régime juridique reste aussi le même sauf les cas où il en prévoit autrement: les lois sont d'effet direct[6] dans les Etats membres et les lois-cadre sont dénuées de cet effet; mais, pour cette même raison, la jurisprudence de la Cour de Justice reconnaissant dans certaines conditions un effet direct aux actuelles directives reste elle aussi valable pour les loi-cadre; comme actuellement, les lois et les lois-cadre devront être motivées et devront faire référence à l'accomplissement de toutes les exigences requises pour leur adoption (par exemple la proposition préalable, l'approbation d'un autre organe, la consultation d'un autre organe etc.); leur entrée en vigueur sera conditionnée par la publication au Journal Officiel de l'Union, ce qui actuellement n'est obligatoire que pour les règlements, pour les directives adressées à tous les Etats membres et pour celles adoptées en commun par le Conseil et le Parlement; comme actuellement, elle aura lieu à la date fixée par les dispositions mêmes des lois ou, en l'absence de telles dispositions, au bout de 20 jours suivant la publication; quant à leur rétroactivité, il faut supposer que la jurisprudence actuelle de la Cour de Justice reste valable, faute de dispositions en ce sens dans le Traité.

L'initiative législative directe continuera à appartenir en règle à la Commission et par exception au Parlement, à un groupe d'Etats, à la Banque Centrale Européenne, à la Banque Européenne d'Investissements et à la Cour de Justice; dans le domaine de la politique extérieure et de sécurité commune (l'ancien pilier PESC) c'est à tout Etat membre et au ministre des affaires étrangères de l'Union nouvellement institué[7] qu'appartiendra le droit d'initiative. Il y aura aussi une initiative indirecte, comme actuellement, en ce sens que certains sujets de droit pourront demander à la Commission de présenter des projets de lois à l'organe législatif, la Commission étant tenue en principe de le faire[8]: le Parlement, les Etats membres et, ce qui constitue une nouveauté, les citoyens des Etats membres dans certaines conditions; une seule est mentionnée par le Traité constitutionnel, à savoir que les citoyens doivent être en nombre d'un million, les autres conditions allant être établies par une loi.  La Commission, le Parlement, les Etats et le ministre des affaires étrangères feront des propositions, la B.C.E. des recommandations, la Cour et la B.E.I. des demandes, les formes de l'initiative étant les mêmes, comme leur régime juridique[9]. Si actuellement la règle est que l'adoption d'un acte du Conseil n'est possible que sur la base d'une proposition de la Commission, dans le nouveau système elle vise seulement les actes de type législatif, pour les autres types d'actes cette exigence devant être requise expressément par le Traité.

Quant à la fonction exécutive[10], elle est détenue par le Conseil, la Commission et, en matière monétaire, à la Banque Centrale Européenne, contrairement à l'impression qui peut exister que c'est la Commission qui l'incarne[11]. Concernant la Commission, ses compétences exécutives se classifient en deux types: les compétences propres ou autonomes, c'est-à-dire celles accordées directement par les traités pour l'application de ceux-ci ou des actes du Conseil, respectivement du Conseil et du Parlement, et qui sont peu nombreuses[12], et les compétences déléguées par le Conseil pour l'application de ses actes, des actes adoptés par lui avec le Parlement et des accords conclus par la Communauté avec des tiers, qui constituent la règle[13]. Mais les traités fondateurs ne disent pas expressément quel est l'organe exécutif principal, cette ambiguïté étant maintenue dans les traités ultérieurs. Même l'Acte Unique est contradictoire, en stipulant que le Conseil confère (et non, comme dans les traités constitutifs, "peut conférer") les compétences (et non pas "des compétences)" d'exécution  des actes qu'il adopte (tandis que les traités constitutifs disent: "la Commission exerce les compétences que le Conseil lui confère"[14]), mais en lui donnant le droit d'établir les cas dans lesquels il retient les compétences en question[15] à condition de les justifier[16]. En pratique, toutefois, le Conseil déléguait et délègue le plus souvent les compétences exécutives, même si la Commission considère que de façon insuffisante[17]. De l'Acte Unique il résulte donc que la délégation est relativement obligatoire. Elle doit être accordée soit par l'acte même qui va être appliqué, soit par acte séparé, mais de toute façon pour chaque acte en partie (en pratique elle est contenue dans l'acte qui doit être appliqué); l'éventuel acte séparé aurait le même régime juridique que l'acte à appliquer, c'est-à-dire la forme et le type d'acte, la procédure qui devrait être suivie, la base juridique[18]. Elle doit être claire et précise. La Cour de Justice a statué que les actes du Conseil, respectivement du Conseil et du Parlement, doivent fixer les éléments essentiels de la matière, ne pouvant pas être trop généraux, de nature à laisser trop de liberté à la Commission dans leur application; la délégation ne peut pas dissimuler un transfert total de compétences (sous-entendu: du Conseil et du Parlement à la Commission, n.n.), en altérant l'équilibre institutionnel établi par les traités[19]. D'autre part, la Commission ne peut pas se décharger en faveur d'autres organes ou des Etats membres des compétences exécutives qu'elle a reçues (autrement dit, la délégation ne peut pas faire l'objet d'une sous-délégation)[20]. La délégation peut prévoir aussi des modalités d'application des actes du Conseil, respectivement du Conseil et du Parlement, les plus fréquentes étant les comités de divers types qui "encadrent" la Commission et lui restreignent la liberté d'action[21] (nous n'allons pas aborder le problème des comités). Ces modalités doivent être, d'une part, conformes aux traités[22] et d'autre part conformes aux règles et aux principes établis par un acte à caractère général du Conseil, dans le cas des comités cet acte étant la Décision "comitologie" de 1999.

Les compétences exécutives peuvent être exercées également par des actes normatifs et individuels[23]; ils sont les règlements, les directives et les décisions[24]. Les actes adoptés par délégation, qu'ils soient normatifs ou individuels, doivent se maintenir, évidemment, dans les limites des actes à appliquer, ne pouvant pas leur déroger. Les règlements et les directives ont le même régime juridique que les actes similaires adoptés par le Conseil et le Parlement. Quant aux décisions, elles entrent en vigueur par leur notification au destinataire et au moment de cette notification; elles peuvent rétroagir dans les mêmes conditions que les directives; du reste, elles obéissent aux mêmes règles (motivation, mention de l'accomplissement des exigences requises pour leur adoption etc.). Enfin, les recommandations sont des actes à caractère facultatif, normatif ou individuel, adressées aux Etats ou aux particuliers.

Le Traité constitutionnel ne modifie pas pour l'essentiel la répartition des compétences exécutives, ni leur nature. Ainsi, la Commission les détient en principe, ses attributions pouvant être, comme actuellement, propres et déléguées, ces dernières constituant la règle; elle applique les lois du Conseil, du Parlement, du Conseil et du Parlement, les accords des Communautés avec les tiers - la règle - ou les dispositions du Traité - l'exception. La nouveauté consiste dans le fait que la délégation n'est plus obligatoire - ce qui peut paraître une régression -, les lois pouvant réserver au Conseil (indépendamment de qui est leur auteur) les compétences de les appliquer; il est vrai,  toutefois, que ces cas doivent être justifiés. La délégation doit être contenue dans la loi ou la loi-cadre à appliquer; les actes adoptés de cette manière peuvent compléter ou même modifier les lois mais sous des aspects non-essentiels; les lois doivent préciser clairement les objectifs, le contenu, la durée et l'étendue de la délégation, celle-ci pouvant en outre être révoquée; enfin, les actes adoptés par délégation ne peuvent entrer en vigueur que si dans le délai fixé par la loi l'auteur de celle-ci n'exprime pas d'objections. Les autres considérations sur la délégation, faites antérieurement, restent valables. Reste aussi valable la "comitologie", celle-ci allant être définie par une loi. Quant au Conseil, à part l'exécution de ses lois ou de celles du Parlement il détient aussi des compétences d'exécution des dispositions du Traité, dans des cas spécifiques. Les actes exécutifs peuvent être, comme actuellement, normatifs ou individuels, les premiers s'appelant règlements pour le Conseil et pour la Commission agissant dans le cadre d'une compétence propre, respectivement règlements délégués pour la Commission agissant dans le cadre d'une compétence déléguée, les autres s'appelant décisions. A leur tour, les règlements peuvent être obligatoires dans leur intégralité ou de type cadre, comme les actuels règlements d'exécution et directives d'exécution, et ont le même régime juridique qu'eux, c'est-à-dire le même régime juridique que les règlements et directives en général. Les décisions aussi ont le même régime juridique que les actuelles décisions.

A part ces fonctions fondamentales qui sont la fonction législative (où on inclut aussi l'initiative législative, comme une de ses étapes) et la fonction exécutive, il est connu que les organes législatif et exécutif détiennent par tradition d'autres fonctions aussi, même si parfois elles sont incluses à tort dans les premières (cela à cause du fait que certaines de ces fonctions s'expriment dans des actes caractéristiques pour les fonctions déjà mentionnées, comme on verra): l'adoption du budget, le contrôle sur l'exécutif, la déclaration de la guerre et la conclusion de la paix, la ratification des traités internationaux, la nomination/l'élection/la participation à la nomination ou à l'élection d'autres organes de l'Etat - pour l'organe législatif; l'initiative et l'exécution du budget, la négociation des traités internationaux et, éventuellement, la conclusion d'accords simplifiés, la représentation internationale, la dissolution du législatif, la nomination/l'élection/la participation à la nomination ou à l'élection d'autres organes de l'Etat, le contrôle administratif sur les particuliers (y compris le droit d'appliquer des sanctions administratives) - pour l'organe exécutif.  Certaines d'entre elles se retrouvent aussi au niveau de l'Union Européenne, avec des particularités dues au fait que celle-ci n'est pas un Etat; en plus, il existe des attributions qui ne se retrouvent pas au niveau des Etats, cela toujours pour la raison que l'Union est une organisation internationale. Les actes adoptés dans l'exercice de ces fonctions peuvent être des lois (on se rend compte du fait que ce sont des lois au sens formel et non matériel) ou, le plus souvent, des décisions et des recommandations; les décisions ne sont pas celles d'exécution des actes législatifs mais des actes sui generis, comme on l'a montré, tandis que les recommandations peuvent être aussi des actes adressés aux tiers que des actes sui generis[25].  Nous allons aborder ces fonctions à tour de rôle.

Quant à la fonction budgétaire, actuellement elle appartient au Conseil et au Parlement, qui décident ensemble dans le cadre d'une procédure complexe mais avec la particularité que le Conseil a le dernier mot pour les dépenses obligatoires et le Parlement pour les dépenses non-obligatoires, formellement le budget étant pourtant adopté par le Parlement par une décision. Le Traité constitutionnel supprime la différence entre les deux catégories de dépenses et fait du Parlement le titulaire de cette fonction, c'est-à-dire qu'il a le dernier mot, car la procédure reste complexe, impliquant le Conseil aussi. En réalité le pouvoir du Parlement n'est pas si grand, parce que le budget doit respecter le cadre financier pluriannuel adopté par le Conseil par une loi. Donc, le Conseil (et par son intermédiaire les Etats membres) s'est réservé finalement le contrôle des ressources de l'Union! Le budget est adopté lui aussi par une loi, le projet étant présenté par la Commission (les étapes sont les mêmes mais leur nom a changé: actuellement l'acte déposé par la Commission s'appelle ante-projet et la position du Conseil s'exprime dans un projet).

Le Conseil sera impliqué dans le processus de légiférassions par la voie de l'approbation, comme on l'a vu. Il disposera aussi - comme il dispose actuellement - du pouvoir de coordonner les politiques économiques des Etats, de quelques attributions en matière d'exécution du budget, du pouvoir de conclure les accords de l'Union avec les tiers (y compris les accords de retrait de l'Union; la conclusion équivaut à une ratification), du pouvoir de négocier des accords dans des cas spécifiques (politique monétaire), du pouvoir de réviser le Traité dans des cas spécifiques (révision simplifiée), du pouvoir de nommer les membres des autres organes ou de proposer/recommander leur nomination (par exemple il adoptera la liste des membres de la Commission, la liste des membres de la Cour des Comptes, nommera les membres du Comité Economique et Social et ceux du Comité des Régions, recommandera au Conseil Européen la nomination des membres du directoire de la Banque Centrale Européenne), du pouvoir d'approuver les règlements intérieurs d'autres organes et d'autres attributions spécifiques qu'on ne peut encadrer nulle part (par exemple la constatation que dans un Etat membre il existe un risque clair de violation des valeurs sur lesquelles repose l'Union, la suspension d'un Etat de sa qualité de membre, l'admission de principe d'un nouvel Etat dans l'Union etc.); actuellement il a aussi le droit de représenter les Communautés et l'Union sur le plan international, droit qui dans les Communautés est partagé avec la Commission, le Traité constitutionnel ne prévoit plus rien en ce sens en ce qui le concerne.

La Commission a, comme attributions propres autres que celles mentionnées, le pouvoir d'appliquer le budget (dans ce cadre elle gère divers fonds communautaires), pour lequel le Parlement lui donne décharge, le pouvoir de négocier les accords conclus en forme simplifiée (les soi-disant accords administratifs), un pouvoir de coordination envers les Etats dans certaines matières (par exemple en matière de monopoles commerciaux), le pouvoir de contrôle administratif (sur les Etats et sur les particuliers, mais le pouvoir de sanction n'existe que pour ces derniers; sont incluses ici les clauses de sauvegarde), pour lequel elle est nommée "la gardienne des traités", et le droit de  représentation internationale des Communautés, exceptant la Politique Extérieure et de Sécurité Commune où c'est le Haut Représentant nommé par le Conseil qui remplit cette fonction (à un niveau inférieur par rapport à la présidence du Conseil). Le Traité constitutionnel ne change Presque rien de ces attributions, sauf le fait qu'il ne mentionne plus rien des accords administratifs, et maintient l'exception pour la politique extérieure et de sécurité commune, avec la modification que le Haut Représentant est remplacé par un président de l'Union. Parmi les attributions déléguées figurant actuellement la négociation des accords des Communautés avec les tiers et la modification des accords qui prévoient une forme simplifiée en ce sens, la différence entre ces deux attributions consistant en ce que dans le premier cas la délégation est obligatoire, les exceptions étant prévues par les traité eux-mêmes, tandis que dans le deuxième elle est facultative. Ces attributions sont maintenues dans le Traité constitutionnel, avec la précision que les accords des Communautés sont remplacés par les accords de l'Union, mais continueront à être exceptés les accords conclus dans le cadre de la politique extérieure et de sécurité commune.

A part le pouvoir de légiférer, seul ou avec le Conseil, et celui d'adopter le budget, déjà mentionné, le Parlement est impliqué dans le processus législatif et dans le processus décisionnel en général par les formes de la consultation et de l'avis conforme, comme on l'a montré. Il a un pouvoir de contrôle politique sur la Commission et sur le Conseil (même si dans ce dernier cas le contrôle n'est pas assorti de sanctions), il nomme ou élit les membres d'autres organes (par exemple il approuve la Commission toute entière) ou est impliqué dans une telle nomination (par exemple il approuve le président de la Commission, il est consulté lors de la nomination des membres du directoire de la Banque Centrale Européenne), il est impliqué dans la conclusion des accords avec les tiers par la voie de la consultation ou de l'avis conforme (y compris pour les accords d'adhésion), il est impliqué aussi dans la révision normale du Traité par la consultation. Le Traité constitutionnel garde en gros ces attributions, les exceptions étant les suivantes: l'avis conforme devient l'approbation, le Parlement élit le président de la Commission, il décide dans certains cas de révision simplifiée du Traité, il approuve aussi les accords de retrait de l'Union, enfin, dans le cadre de la révision normale du Traité il doit donner son approbation si le Conseil décide de ne pas convoquer la Convention.

En dehors des institutions mentionnées, qui composent la séparation des pouvoirs au sens classique du terme (bien que les modalités de cette séparation ne soient pas du tout classiques), ils en existent d'autres aussi; leurs attributions s'exercent par des décisions sui generis. Ces institutions sont: le Conseil Européen et le ministère des affaires étrangères, le dernier étant créé par le Traité constitutionnel.

Le Conseil européen est et restera, même si sous une formulation légèrement différente, un organe essentiellement politique, l'organe suprême de l'Union: il donne à celle-ci les impulsions nécessaires à son développement et définit les orientations et les priorités politiques générales. Donc, il n'a ni pouvoir législatif, ni exécutif. Il a quand même des attributions telles que la désignation du président de la Commission, la constatation qu'un Etat viole les droits de l'homme et autres de ce genre, attributions qu'on peut appeler politiques et vont donc de pair avec son statut. Le Traité constitutionnel les garde et même les renforce: le Conseil Européen propose le président de la Commission, nomme le ministre des affaires étrangères avec l'approbation du président mentionné, nomme le directoire de la Banque Centrale Européenne, détient un pouvoir de révision du Traité dans des cas spécifiques (révision simplifiée),  donne au Conseil l'autorisation de statuer à la majorité qualifiée au lieu de l'unanimité, quand celle-ci est le quorum normal. Si on cherchait à tout prix une comparaison avec les pouvoirs (au sens d'organes) rencontrés dans le droit interne, on pourrait le considérer - partiellement - comme un chef d'Etat (collégial cette fois-ci)!

Enfin, l'institution d'un ministre des affaires étrangères constitue une des grandes nouveautés du Traité constitutionnel. Membre de la Commission - comme on a dejà mentionné -, il dispose du droit d'initiative dans le cadre de la politique extérieure et de sécurité commune, applique cette politique (élaborée par le Conseil, bien sûr) en qualité de mandataire du Conseil, négocie des accords dans la matière, assure la représentation de l'Union sur le plan international dans le cadre de cette politique et assure la cohérence entre les actions extérieures de l'Union menées dans tous les domaines. Comme il est normal, il préside le Conseil affaires étrangères (c'est-à-dire le Conseil composé de ministres compétents dans la matière).

Quelques mots sur le régime juridique des recommandations et des décisions sui generis. Ainsi, quant aux recommandations, tandis qu'actuellement il n'est rien prévu, le Traité constitutionnel stipule qu'elles nécessitent une proposition préalable (en principe de la Commission, si elles sont adoptées par le Conseil) si cela est prévu pour l'adoption d'un acte dans la matière concernée; de même, elles nécessitent l'unanimité si cela est prévu pour l'adoption d'un acte dans la matière concernée. Il n'est rien stipulé sur leur entrée en vigueur; il faut quand même considérer que les recommandations entrent en vigueur comme les autres actes, c'est-à-dire par leur publication dans le Journal Officiel de l'Union si elles sont des actes normatifs, généraux,  respectivement par leur notification au destinataire si elles sont des actes individuels. Quant aux décisions, le Traité prévoit que si elles indiquent un destinataire elles doivent lui être notifiées et entrent en vigueur de cette manière,  respectivement que si elles n'ont pas un destinataire elles sont publiées dans le Journal Officiel de l'Union.

Si le Traité ne prévoit pas le type d'acte à adopter dans un cas déterminé, l' institution compétente le choissit seule, avec le respect du principe de proportionnalité et des procédures applicables.

 

 

[1] C'est-à-dire la compétence d'adopter des réglementations primaires des relations sociales

[2] Cette procédure n'est pas nécessairement législative, dans son cadre étant adoptés aussi des actes qui n'ont pas un caractère législatif car ils ne sont pas même normatifs (les décisions)

[3] Voir, pour la caractérisation comme législative de cette compétence, J.-M. Favret, "Droit et pratique de l'Union Européenne", Gualino éd., Paris, 2001, p.88; J. Tillotson, "European Community Law: text, cases and materials", Cavendish Publishing Limited, London, 1996, p.101-103

[4] Actes normatifs obligatoires dans tous leurs éléments

[5] Actes individuels obligatoires en ce qui concerne l'objectif à atteindre, les moyens étant laissés à la disposition des Etats, qui en sont les destinataires

[6] C'est-à-dire attribuent aux particuliers des droits et/ou des obligations que ceux-ci peuvent invoquer, respectivement qui peuvent être invoquées devant les juridictions; en dépit du fait que le Traité, comme les traités actuels, utilise la formule "...sont directement applicables", en réalité il s'agit de l'effet direct et non de l'applicabilité directe (ou immédiate), celle-ci voulant dire que les actes communautaires font partie de droit, en vertu de leur ratification (pour les traités), respectivement de leur adoption (pour les actes des institutions et pour les accords communautaires avec les tiers), donc sans autre formalité, des ordres juridiques nationaux; le problème de l'applicabilité directe est celui du monisme et du dualisme; évidemment, seuls les actes à applicabilité directe peuvent produire un effet direct mais ils ne le produisent pas nécessairement

[7] Celui-ci est membre de la Commission, respectivement vice-président chargé des relations extérieures, mais, en vertu de sa qualité, est nommé par le Conseil Européen avec l'approbation du président de la Commission

[8] D. Simon, "Le système juridique communautaire", PUF, Paris, 1998, p.128; P.S.R.F. Mathijsen, "A guide to European Union Law", Ed. Sweet & Maxwell, Londra, 1995, p.77; S. Van Raepenbusch, "Droit institutionnel de l'Union Européenne et des Communautés Européennes", De Boeck Université, Bruxelles, 1998, p.520; J. Megret e.a., "Droit de la Communauté Economique Européenne", Ed. de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, vol. 9 "L'Assemblée, le Conseil, la Commission, le Comité économique et social", 1979, p.149-151

[9] Le régime des propositions diffère de celui des recommandations et des demandes; ainsi, les propositions sont nécessaires en règle générale pour que l'organe législatif puisse statuer (dans la matière concernée, bien sûr), tandis que les recommandations et les demandes non; conséquence logique, le retrait d'une proposition par son auteur empêche l'organe législatif de statuer, tandis que le retrait d'une recommandation ou d'une demande ne produit aucun effet; le quorum de vote au sein du Conseil dépend de son attitude envers les propositions de la Commission, c'est-à-dire qu'est nécessaire l'unanimité si le Conseil apporte des modifications aux propositions, tandis que, s'il les reprend telles quelles, la majorité qualifiée est suffisante (à condition toutefois que les traités n'exigent pas l'unanimité dans cette matière); les recommandations et les demandes ne produisent pas un tel effet

[10] C'est-à-dire la compétence d'adopter des réglementations secondaires des relations sociales sur la base des réglementations primaires, respectivement des actes individuels d'exécution tant sur la base des réglementations primaires que sur la base des réglementations secondaires

[11] Même plus, un auteur affirme que le (seul) titulaire du pouvoir exécutif est le Conseil, parce que la Commission l'exerce en règle générale sur délégation de la part de celui-ci, comme on verra (voir J.P. Jacqué, "Droit institutionnel de l'Union Européenne", Dalloz, Paris, 2001, p.171, 251 et 389-391); on pourrait soutenir que, en vérité, au moins formellement cela est exact dans les cas de compétence déléguée de la Commission; mais, si on tient compte du fait que la délégation est obligatoire, les cas spécifiques que le Conseil peut retenir devant être justifiés, on pourrait soutenir que le titulaire réel est la Commission; la Commission est d'autant plus le titulaire également formel et réel dans les cas de compétence propre, autonome; d'ailleurs un autre auteur considérait, même avant l'adoption de l'Acte Unique, quand la délégation n'était pas obligatoire, que les compétences reçues du Conseil sont toujours propres, la différence par rapport à celles attribuées directement par les traités étant qu'elles ont un caractère indirect; elles représenteraient des compétences nouvelles, nées en même temps que les actes de droit dérivé qu'elles doivent appliquer et, donc, distinctes des compétences du Conseil; dans la conception de cet auteur cela découle de l'indépendance de la Commission envers le Conseil, du manque de toute hiérarchie entre les deux organes (voir J. Megret e.a., op.cit., vol. 9 cit., p.177); si dans le contexte dans lequel elles ont été faites ces affirmations apparaissent plus que discutables (à cause du caractère facultatif de la délégation), après l'Acte Unique elles sont pleinement soutenables

[12] Par exemple: l'adoption des règlements d'application concernant le droit de rester des travailleurs salariés, l'adoption des règlements d'application en matière de concurrence

[13] Les traités ne disent rien sur l'application des accords conclus par les Communautés avec les tiers; en admettant qu'il faut les assimiler aux actes du Conseil, parce qu'ils sont conclus par celui-ci, il s'ensuit que la Commission a besoin en principe de délégation pour les appliquer, sauf les cas où les traités lui accordent directement cette compétence

[14] Donc, dans l'ancienne variante la délégation était clairement une faculté pour le Conseil et non une obligation (voir J. Megret e.a., op.cit., vol. 9 cit., p.176)

[15] Cela est quand même valable seulement dans la situation dans laquelle la délégation n'est pas absolument obligatoire

[16] Un auteur considère toutefois que l'Acte Unique confirme l'image de la Commission d'exécutif naturel des Communautés, donc principal (voir J. de Ruyt, "L'Acte Unique Européen", Ed de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 1989, p.139)

[17] Ph. Manin, "Les Communautés Européennes, l'Union Européenne", Ed. Pedone, Paris, 1998, p.252

[18] J. Megret e.a., op.cit., vol. 9 cit., p.178

[19] Ibidem; J.-M. Favret, op.cit., p.97

[20] Idem, p.181; Arrêt CJCE "Rey Soda/Cassa Conguaglio Zucchero" 23/75 de 30.10.1975

[21] Voir J. de Ruyt, op.cit., p.143-144 (l'auteur remarque toutefois que, bien que la "comitologie" soit gênante pour la Commission, surtout les comités de gestion et de réglementation, il est préférable que la Commission reçoive délégation de la part du Conseil, même au prix de l'acceptation d'un comité plus envahissant, que de ne pas en recevoir; les Etats membres peuvent devenir réticents à charger la Commission des attributions d'exécution, si elle insiste trop avec les comités consultatifs; or, l'exécution par la Commission est essentielle dans la perspective où de plus en plus de secteurs seront harmonisés et donc réglementés au niveau communautaire, sans elle le marché commun ne pouvant plus exister)

[22] Cela signifie, par exemple, que les actes d'application ne peuvent pas être soumises à des procédures plus difficiles que celles selon lesquelles ont été adoptés les actes à appliquer ou que les attributions propres de la Commission ne peuvent pas être subordonnées à des conditions non-prévues par les traités (voir J. Megret e.a., op.cit., vol. 9 cit., p.182-183)

[23] Il a été statué que les réglementations à caractère exécutif de la Commission peuvent instituer aussi des sanctions (administratives), même si la délégation accordée ne le prévoit pas expressément, cela parce que les sanctions sont inhérentes à l'application effective du droit communautaire (voir Arrêt CJCE "Allemagne/Commission" 240/90 de 27.10.1992)

[24] Qui ne se confondent pas avec les décisions appelées par la doctrine sui-generis, c'est-à-dire celles qui sont adoptées dans l'exercice des attributions qui ne sont ni législatives, ni exécutives

[25] C'est-à-dire celles qui sont utilisées dans le cadre du processus décisionnel, dans les rapports interinstitutionnels (par exemple la recommandation adressée au Conseil par la B.C.E., la recommandation adressée au Conseil par la Commission en vue d'ouvrir des négociations avec des pays tiers etc.)

 

 


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