Numărul 1 / 2008

 

 

 

 

DANS LA DIRECTION D'UNE RÉDÉFINITION DE LA RELATION ENTRE L'ORDRE CONSTITUTIONEL COMMUNISTE ET CELUI DE L'ÉTAT DE DROIT? CONSIDÉRATIONS SUR LA DÉCISION NO. 51/2008 DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

 

 

Radu CARP*

 

Abstract: Trying to redefine the relation between the communist constitutional order and that of the State of Right? Considerations on the Decision n° 51/2008 of the Romanian Constitutional Court.  This article focuses on the critical analysis of the Decision n° 51/2008 of the Constitutional Court of Romania. That particular judgment is, in summary, an involution of the constitutionalism in our country, because it represents a model of interpretation of the Constitution which can not be considered neutral. The main critique is represented by the fact that the Court exclusively melted the decision on the interpretation „à la lettre" of the Constitution, hence ignoring the constitutional values and principles. Furthermore, by declaring as nonconstitutional the entire Law n° 187/1999, the Court exceeded its own competences; on the other hand, it limited the exercise of the basic right concerning the access to information of public interest.

The qualification of the CNSAS (The National Council for Study of the former Securitate Services Archives) by the Court, as an obligatory administrative jurisdiction and also as an extraordinary instance is deeply erroneous: the CNSAS represents in fact a legal method to guarantee the access to information of public interest, trying in this manner to replace the effects of a lustration law.

The relations between the communist constitutional order and that post-communist one are characterized by a rupture, marked by two mechanisms of the State of Right, i.e. the Constitutional Court and the CNSAS. Nevertheless, in its Decision n° 51/2008 the Constitutional Court denies the necessity and the significance of the CNSAS.

 

 

Mots clés: état de droit, Constitution, ordre constitutionel

Cuvinte-cheie: stat de drept, constituţie, ordine constituţională

 

            I. La rélation entre la doctrine et la jurisprudence dans la lumière de l'impact des décisions de la Cour Constitutionnelle

 

            Tout étudiant à la Faculté de Droit apprend dès la prémière année d'étude que le droit romain a été longtemps caractérisé par la confusion entre la doctrine et la jurisprudence. En outre, les opinions exprimées dans la doctrine sont devenues obligatoires pour la prise d'une décision par les instances: de cette manière, dès l'époque de l'empereur Hadrian, les réponses données par les jurisconsults investis de ius publice respondendi étaient obligatoires non seulement pour une espèce donnée, mais aussi pour d'autres espèces similaires. Quand l'empereur Justinian a codifié le droit romain, il a accordé une importance spéciale à la doctrine: les travaux des jurisconsults ont été réunis en Digesta qui pouvait être invoquée devant les tribunaux. Progressivement, dans l'histoire du droit le rôle de la doctrine a été beaucoup diminué, mais, de nos jours aussi la doctrine peut et elle a le rôle d'influencer d'une façon décisive la jurisprudence. Seulement l'application simultanée de la doctrine et de la jurisprudence peut assurer la réalisation de la justice avec l'entier respect des principes de l'État de droit.

            En Roumanie on assiste à une dégradation de l'influence de la doctrine sur la jurisprudence, et cette constatation se réfère surtout à la justice constitutionnelle. Les décisions de la Cour Constitutionnelle sont principalement commentées par les représentants de la couche politique, et l'opinion des spécialistes en droit public reste souvent en second plan. Avec peu d'exceptions, notre doctrine de droit public ne commente plus les dispositions de la Constitution afin que la Cour Constitutionnelle reprenne ces interprétations, mais elle préfère interpréter la Constitution à l'entremise des décisions de la Cour Constitutionnelle. Le rapport inversé entre la doctrine et la jurisprudence a un impact négatif sur le développement du constitutionalisme roumain : la Cour Constitutionnelle est pratiquement devenue le seul interprète avisé de la Constitution et toute interprétation concurrente, sur des positions indépendantes, est regardée avec suspicion dans l'espace public. On est arrivé jusque là que l'on n'accorde plus la présomption d'impartialité à l'interprétation de la Constitution sur des positions doctrinaires.

            Cet article essaie d'expliquer pourquoi la Décision de la Cour Constitutionnelle no. 51/2008, qui a provoqué et qui provoquera certainement un intense débat dans l'espace public, est dans plusieurs aspects contraire à l'interprétation de la Constitution sur des positions neutres et qui génère un recul du constitutionalisme en Roumanie, avec des effets à longue terme.

 

 

 

 

            II. La théorie du „bloc de constitutionalité" et la position du juge constituant. Instruments pour l'interprétation des valeurs constitutionnelles

 

            Quel devrait être le standard de référence du contrôle de constitutionnalité en Roumanie ? La question n'est pas du tout absurde, la réponse n'est pas si évidente qu'elle paraisse à la première vue. On serait tentés de dire que ce type de contrôle se fait seulement par rapport à la Constitution. Cette interprétation n'est pas correcte. On considère qu'en Roumanie le juge constituant devrait tenir compte non seulement de la Constitution, mais aussi des principes constitutionnels, préexistants à la Constitution et qui la transcendent ou de la manière dont on accorde un contenu à ces principes, soit à l'intermédiaire de l'interprétation doctrinaire, soit à l'intermédiaire de la pratique jurisprudentielle. C'est la conclusion à laquelle on est aussi arrivé dans d'autres systèmes constitutionnels: la Cour Constitutionnelle de l'Allemagne affirmait dès 1951 qu' „il y avait des principes constitutionnels qui était dans une telle mesure l'expression d'un droit préexistent à la Constitution qu'ils liaient le constituant-même et les autres dispositions constitutionnelles qui n'avaient pas le droit à ce statut pouvaient être nulles à cause du fait de violer ces principes"[1]. La doctrine constitutionnelle française a développée la notion de „bloc de la constitutionalité" dont la Constitution de 1958, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et les principes qui ont une valeur constitutionnelle font partie, indifféremment s'ils sont inclus dans la constitution ou non[2]. La Cour Constitutionnelle de la Hongrie a aussi développé la théorie „de la Constitution invisible"[3] par l'entremise de laquelle la Cour  a décidé qu'elle peut interpréter et appliquer non seulement les dispositions de la Constitution, mais aussi tous autres principes de droit qui ont une valeur constitutionnelle.

            La doctrine roumaine de droit public reconnaît partiellement l'existence d'un „bloc de constitutionnalité" dont le juge constituant devrait tenir compte. Ainsi, Corneliu-Liviu Popescu considère que, après la révision de la Constitution de 2003, on peut parler d'un „bloc de constitutionalité" formé de : la Constitution de la Roumanie, le Communiqué vers le peuple du Conseil FSN du 22 décembre 1989 et le préambule du Décret-loi no. 2/1989, la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et les traités internationaux dans la matière des droits de l'homme dont la Roumanie fait partie, les actes politiques et juridiques du CSCE et ultérieur du OSCE[4]. Selon Dan Claudiu Dănişor „les traditions démocratiques du peuple roumain" et „les idéaux de la Révolution de décembre 1989" peuvent être considérées comme éléments du „bloc de constitutionnalité" roumain mais avec une condition : „un tel bloc pourrait être institue dans les cas ou la Constitution actuelle est lacunaire et les traditions démocratiques du peuple roumain contiennent des normes qui se referont a la problème juridique négligée par le système en vigueur"[5]. D'autres auteurs expriment à cet égard des points de vue plus nuancés. Ion Deleanu affirme qu'en Roumanie on peut parler d'un „bloc constitutionnel" dont il inclue la Constitution, les traités internationaux concernant les droits de l'homme dont la Roumanie est partie et d'autres traités ayant relevance constitutionnelle, les lois organiques et ordinaires concernant l'exercice du pouvoir, les Décisions qui ont comme objet l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des Députés et du Sénat[6]. Néanmoins, Ion Deleanu fait distinction entre „le bloc constitutionnel" et „le bloc de la constitutionalité", seulement le dernier ayant relevance en ce qui concerne le contrôle de constitutionalité. Même s'il admet la liaison entre le contrôle de constitutionalité et le bloc de constitutionalité, Ion Deleanu n'exprime pas son opinion en ce qui concerne le type de normes, hors celles constitutionnelles, que le juge constitutionnel puisse  invoquer. La théorie „du bloc de constitutionnalité" est implicitement rejetée par d'autres auteurs. Ainsi, on a affirmé que cette théorie ne peut pas être transposée dans tout régime juridique[7] ou que l'on ne peut pas ajouter à l'objet de l'interprétation de la Constitution, opération entreprise par la Cour Constitutionnelle, des normes juridiques inscrites dans d'autres actes normatives que la loi fondamentale, comme les traités internationaux[8] seraient.

            Dans la Décision no. 51/2008 la Cour Constitutionnelle de la Roumanie n'a pas appliqué la théorie du „bloc de constitutionalité", mais elle a préférée faire l'application de la lettre de la Constitution, en ignorant maintes fois le fait que la Constitution de la Roumanie parle aussi des valeurs constitutionnelles (article 1/par. 3), et l'interprétation du contenu de ces valeurs est à la charge de la Cour et de la doctrine de droit public. La Décision no. 51/2008 est un très bon exemple sur la manière dont la Cour comprend à ignorer les valeurs et les principes constitutionnels, en se concentrant exclusivement sur l'interprétation de la lettre de la Constitution. Au moment où elle a été confrontée avec l'option de donner une réponse au fonctionnement du CNSAS (le Conseil National pour l'Etude des Archives de la Securitate), la Cour Constitutionnelle aurait du premièrement faire une simulation, en essayant à voir sinon, éventuellement, l'interprétation sur la base des principes et des valeurs constitutionnels ne s'oppose pas à l'interprétation sur la lettre de la Constitution. S'ils avaient entrepris une telle opération, les juges de la Cour auraient observé que les deux types d'interprétation produisaient des résultats diamétralement opposés.

            La Constitution de 1991 énumérait au premier article les valeurs constitutionnelles. Avec la révision de 2003 on a ajouté le fait que celles-ci sont des valeurs „à l'esprit des traditions démocratiques du peuple roumain et des idéaux de la Révolution du décembre 1989". Cela signifie que le juge constitutionnel non seulement qu'il est obligé à tenir compte de ces valeurs, mais aussi que ces valeurs doivent être interprétées en tenant compte de : a) les traditions démocratiques développées en Roumanie ; b) les idéaux de la Révolution du décembre 1989. Dès l'année 2003 la liberté d'interprétation du juge constituant a été limitée, au sens que l'on énonce dans la Constitution-même les règles de l'interprétation qui, à la fois, se constituent dans des limites de l'interprétation.

            Par la Décision no. 51/2008 la Cour Constitutionnelle a dépassé ses propres limites d'interprétation. Si elles avaient interprété le mode de fonctionnement et la place du CNSAS au cadre des institutions publiques, aussi que la finalité de celui-ci conformément à la limite fixée par l'article 1 par. 3, la décision aurait été totalement différente.

            Le Président de la Roumanie a présenté le 18 décembre 2006 devant les Chambres réunies du Parlement et dans la présence des membres du Gouvernement le Rapport de la Commission Présidentielle pour l'Analyse de la Dictature Communiste en Roumanie. La condamnation du régime communiste de la Roumanie et la déclaration comme illégale de ce régime par l'entremise des trois des autorités dont la nature et le mode de fonctionnement sont décrites par la Constitution de la Roumanie (le Président, le Parlement, le Gouvernement) a offert au juge constitutionnel un guide d'interprétation des „idéaux de la Révolution du décembre 1989". Le document en discussion traite du problème de la Securitate de la manière suivante : „En condamnant ce régime (celui communiste), l'État démocratique roumain condamne ses instruments, premièrement [...] la Securitate" ; „au cas de la Securitate, il s'est agi d'une institution criminelle et terroriste"[9]. La qualification du point de vue juridique de la Sécurité a été faite au préambule de la Loi no. 187/1999 concernant l'accès au propre dossier et le procès de démasquer les conspirations de la sécurité comme police politique[10] : „Le pouvoir communiste instauré en Roumanie [...] a exercé, spécialement par le biais des organes de la Securitate d'État, comme police politique, une permanente terreur contre les citoyens du pays, contre leurs droits et libertés fondamentaux."

            Lorsqu'elle a été sollicitée à interpréter la nature du CNSAS, la Cour Constitutionnelle pouvait invoquer les conclusions de ce Rapport, puisqu'elles explicitaient un des principes inclus à l'article 1/par. 3 de la Constitution et elle pouvait aussi tenir compte du but du législateur, affirmé d'une manière explicite dans le Préambule de la Loi no. 187/1999. C'est surprenant le fait qu'à un moment antérieur, la Cour Constitutionnelle a compris se rapporter aux valeurs et aux principes constitutionnels, autant avant qu'après la révision de la Constitution en 2003. Ainsi, dans une décision de 2001, donc avant que les valeurs constitutionnelles ne puissent être interprétées en accord avec les traditions démocratiques préexistantes, la Cour a argumenté sa décision sur l'existence „d'une longue tradition démocratique en ce qui concerne l'utilisation de la longue maternelle dans les rapports entre les citoyens appartenant aux minorités nationales [...] et les autorités publiques" (la Décision no. 112/2001). De quelle manière peut-il, le juge constitutionnel, identifier la nécessité de l'invocation de ces traditions démocratiques et quels sont-ils les documents qui entrent dans la sphère des ceux qui font possible l'apparition de ces traditions ? Surprenant, c'est la Cour Constitutionnelle elle-même qui offre une réponse à cette question dans la même Décision no. 112/2001 : la Résolution de l'Assemblé Nationale qui a eu lieu à Alba-Iulia concernant l'union de la Transylvanie avec la Roumanie est invoquée. Cette Résolution ne fait pas partie d'une Constitution. D'ailleurs, dans le texte-même de la Résolution on précise qu'il s'agit de la proclamation d'une Assemblé qui n'a pas la qualité d'assemblé constituante („l'Assemblé nationale réserve aux territoires ci-dessus indiqués une autonomie provisoire jusqu'à la réunion de la Constituante élue sur la base du vote universel")[11].

            Par le fait que, la Cour Constitutionnelle a invoqué, même avant la révision de la Constitution de 2003, des déclarations politiques auxquelles elle a attribué un rôle au cadre de la théorie du „bloc constitutionnel", implicitement admise, l'invocation du Rapport de la Commission Tismăneanu et surtout la caractérisation de la Securitate comme institution criminelle et terroriste dans le fondement de la Décision no. 51/2008 se seraient nécessairement imposées, surtout dans les conditions de la révision de 2003.

                     On n'affirme rien de nouveau, mais on fait une interprétation de cette Décision sur la base de ce que la doctrine roumaine de droit public a déjà affirmé. Ainsi, Dan Claudiu Dănişor considère qu'il s'impose l'interprétation de la Constitution par rapport aux traditions démocratiques et aux idéaux de la Révolution du décembre 1989"[12]. En outre, l'auteur cité certifie cette conclusion en affirmant que : „non les idéaux (de la Révolution du décembre 1989) devront être interprétés par rapport aux dispositions constitutionnelles, mais les dernières par rapport aux idéaux"[13].

                        

 

            III. Le manque des arguments appuyés sur les droits constitutionnellement garantis dans l'argumentation de l'Avocat du Peuple

 

            L'Avocat du Peuple a dépose a la Cour Constitutionnelle son point de vue en écrit ou il a sollicite l'élimination de la Loi no. 187/1999 du „venin anticonstitutionnel". Cette affirmation est citée telle quelle dans la Décision no. 51/2008. À la suite, on analyse pourquoi l'Avocat du Peuple s'est exprimé dans cette cause et comment il aurait du le faire, par rapport aux dispositions de la Constitution. La loi no. 47/1992 concernant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Constitutionnelle prévoit qu'au cas où  elle est saisie avec une exception de non constitutionnalité, la Cour demande le point de vue de l'Avocat du Peuple et aussi d'autres autorités publiques (article 30). On trouve aussi la même disposition dans la Loi no. 35/1997 concernant l'organisation et le fonctionnement de l'institution de l'Avocat du Peuple (article 13/lit. d). Les autorités publiques auxquelles la Loi no. 47/1992 fait référence ne sont pas obligé à communiquer à la Cour Constitutionnelle le point de vue, mais la Cour est obligée le demander. La raison de ces dispositions est discutable. Pourquoi la Cour est-elle obligée à demander l'opinion à l'Avocat du Peuple dans tous les cas ? Est-ce qu'il serait plus logiquement et plus conformément à la façon dont la loi définit la finalité de cette institution („la défense des droits et des libertés des citoyens dans leurs rapports avec les autorités publiques" - article 1 de la Loi no. 35/1997) que l'opinion de l'Avocat du Peuple soit sollicitée seulement au cas où dans l'espèce qui fait l'objet de la discussion de la Cour Constitutionnelle des violations des droits de l'homme sont invoquées ? En écartant les considérations liées à la façon de fonctionnement de ces institutions, on retient que l'Avocat du Peuple aurait du baser son argumentation sur les droits garantis du point de vue constitutionnel et non de mettre en discussion la compatibilité entre la Constitution et les normes sur la base desquelles le CNSAS fonctionne! En agissant de cette manière, l'Avocat du Peuple a excédé ses propres compétences. La Cour Constitutionnelle aurait dû ne pas retenir une argumentation d'une institution qui a excédé ses compétences, or la Décision no. 51/2008 est conçue sur la logique contraire, les arguments de l'Avocat du Peuple étant entièrement appropriés par la Cour Constitutionnelle !

 

 

IV. La limitation du droit d'accès aux informations d'intérêt public

 

Un des droits fondamentaux garantis par la Constitution de la Roumanie est celui d'avoir accès à toute information d'intérêt public (article 31/par.1). Conformément au même article, les autorités publiques „sont obligées d'assurer l'information correcte des citoyens en ce qui concerne les questions publiques et les problèmes d'intérêt personnel" (par. 2). Ce droit correspond à l'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et il est inclus dans la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne (article 11 ; la Charte aura, dès l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la même valeur juridique comme le Traité, ratifié par le Parlement de la Roumanie le 4 février 2008). La raison de la Loi no. 187/1999 est de décrire les modalités de manifestation de ce droit fondamental, en vertu de l'article 2 de cette loi : „pour assurer le droit d'accès aux informations d'intérêt public, tout citoyen roumain ayant le domicile dans le pays ou à l'étranger, et la presse écrite et audiovisuelle aussi, les partis politiques, les organisations non-gouvernementales légalement constituées, les autorités et les institutions publiques ont le droit d'être informés, à la demande, sur la qualité d'agent ou de collaborateur des organes de la sécurité, comme police politique, des personnes qui s'occupent ou sont des candidats pour être élues ou nommées dans les suivantes dignités ou fonctions", celles-ci étant énumérées dans le même article 2. Le fondement de cette loi n'est pas donné par les attributions du CNSAS de donner des verdicts et de se substituer à l'autorité judiciaire, tel comme il résulte de la lecture de la Décision no. 51/2008 de la Cour Constitutionnelle, mais il est celui de donner contenu à un droit primordial garanti par la Constitution de la Roumanie et par les documents internationaux dont la Roumanie est partie. La Décision no. 51/2008 ne fait aucun renvoi à ce droit, que tangentiel. La Cour Constitutionnelle, en déclarant que la Loi no. 187/1999 est entièrement non-constitutionnelle a implicitement décidé que l'article 2 de cette loi est non-constitutionnel. Un tel raisonnement est contraire à la Constitution du moment que la Constitution précise très clairement à l'article 31 que ce droit ne peut pas être restreint. L'exercice de ce droit peut être restreint, mais seulement dans les conditions précisées par l'article 53, donc seulement par l'entremise de la loi et non par le biais d'une décision de la Cour Constitutionnelle. Par conséquent, en déclarant non-constitutionnelle la Loi no. 187/1999 entière, la Cour Constitutionnelle a agi contrairement aux articles 31 et 53 de la Constitution, en restreignant l'exercice d'un droit fondamental. Afin que cet argument ne puisse pas être invoqué, on a recouru à une astuce à la limite de la loi: la Décision no. 51/2008, entièrement faite publique par la Cour un jour après la prononciation (le 31 janvier), a été publiée dans le Moniteur Officiel[14] à grand' peine le 6 février, la date d'entrée en vigueur et de l'apparition dans le même Moniteur Officiel de l'OUG no. 1/2008 pour assurance de la continuité de quelques activités du CNSAS.

 

 

V. Le dépassement des compétences de la Cour Constitutionnelle par l'entremise de la connexion des toutes les dispositions de la Loi no. 187/1999

 

D'ailleurs, en déclarant la Loi no. 187/1999 entièrement non-constitutionnelle, la Cour a dépassé ses attributions. En vertu de l'article 31/par. 2 de la Loi no. 47/1992 „au cas d'admission de l'exception, la Cour va aussi se prononcer sur la constitutionalité des autres dispositions de l'acte attaqué, dont, d'une manière nécessaire et évidente, les dispositions mentionnées dans la plainte ne peuvent pas être dissociées". La Cour Constitutionnelle peut donc se prononcer aussi sur la non-constitutionalité d'autres dispositions qui font partie d'un acte normatif dont la constitutionalité est contestée, mais seulement au cas où ces dispositions sont dans une connexion directe avec celles contestées. Habituellement, si la Cour veut déclarer non-constitutionnelle une loi entière elle doit faire la preuve de la connexion entre toutes les dispositions incluses dans la loi respective. Ce n'est pas la façon d'avoir raisonner de la Cour lorsqu'elle a déclarée  non-constitutionnelles les dispositions de la Loi no. 187/1999 !

 

 

            VI. CNSAS - une juridiction administrative obligatoire ?

 

                   Une des principales raisons pour laquelle la Cour Constitutionnelle a déclaré que la Loi no. 187/1999 est non-constitutionnelle est celle que dans le système constitutionnel roumain il y a des juridictions spéciales administratives qui sont facultatives conformément à l'article 21/par. 4 de la Constitution et la juridiction judiciaire qui se réalise par les tribunaux, le CNSAS étant inclus dans la catégorie des juridictions administratives obligatoires. La Cour n'a pas réussi à démontrer le fait que le mécanisme présenté par la Loi no. 187/1999 décrierait une juridiction administrative obligatoire. Le simple fait qu'en vertu de cette loi-ci la décision du Collège CNSAS pouvait être attaquée dans la justice écarte le raisonnement conformément auquel on aurait à faire avec une juridiction administrative obligatoire. D'ailleurs, celui-ci est aussi le point de vue de la Cour d'Appel Bucarest - la IV-ème section civile dont la motivation est  reproduite dans la Décision de la Cour Constitutionnelle no. 51/2008: conformément à celle-ci, l'exception de non constitutionalité invoquée dans cette espèce est non fondée parce que : „aucune disposition constitutionnelle n'empêche le Parlement de conférer au C.N.S.A.S. des attributions juridictionnelles dans les conditions où l'accès à une instance n'est pas restreint". La Constitution a eu dans la vue seulement l'interdiction des situations où une juridiction administrative ne puisse pas être contestée devant les tribunaux. La Cour Constitutionnelle n'a pas démontré que la procédure décrite par la Loi no. 187/1999 viole le libre accès à la justice et d'ailleurs elle n'a pas poursuivi avancer dans cette direction d'interprétation. En revanche, la Cour a avancé jusque là qu'elle avait déclaré que le CNSAS exerçait une juridiction extraordinaire, et la Constitution interdit dans l'article 126/par. 5 les tribunaux extraordinaires. Ce raisonnement ne peut pas être accepté par un motif extrêmement simple : l'interdiction des tribunaux extraordinaires est faite dans l'article 126 qui se réfère seulement aux tribunaux, celle-ci étant aussi la dénomination utilisée dans la Constitution pour cet article. C'est vrai que l'par. 5 parle sur „des tribunaux" et non sur „des instances judiciaires", mais il serait absurde d'y conclure que le législateur constitutionnel a eu en considération dans le contenu du même article deux catégories d'instances. Si l'interdiction des instances extraordinaires avait eu en considération les juridictions administratives, le législateur constituant n'aurait pas mis cette interdiction à l'article 126, mais à la suite de l'article 21.

            Est-ce que conformément à la Loi no. 187/1999 le CNSAS aurait pu être qualifié comme juridiction administrative? La réponse est négative et elle résulte de l'examen de la manière dont la doctrine roumaine de droit public définit ces juridictions et de l'interprétation faite par la Cour Constitutionnelle elle-même. Ainsi, conformément à Tudor Drăganu, on est devant une juridiction administrative „dans tous les cas où la manière de solutionner des quelques litiges juridiques est confiée à des organes de l'administration publique distincts de l'organ émitent de l'acte et situé hors de son système hierarchique"[15]. Il est évident que le CNSAS ne correspond pas à cette définition puisqu'il vérifie des actes d'une institution qui n'existe plus dans l'ordre actuel de droit. La Cour Constitutionnelle a eu l'occasion de définir les juridictions administratives, en affirmant qu „il est nécessaire que par son statut légal le juge administratif ait les garanties d'indépendence et d'impartialité dans l'exercice de sa juridiction (...) puisque seulement dans ces conditions la juridiction administrative soit celle d'une instance administrative et non pas l'expression d'une simple compétence, au cadre s'une procédure administrative habituelle" (la Décision no. 64/1994). De cette interprétation il résulte clairement qu'en fait, la Cour Constitutionnelle n'a pas eu en considération la situation d'une institution publique dont l'objet d'activité est l'évaluation de l'activité d'une autre institution qui n'existe plus.

            On se pose naturellement la question pourquoi, lorsqu'elle a décidé que le CNSAS est une juridiction administrative obligatoire, la Cour Constitutionnelle n'a pas fait référence à sa propre jurisprudence, surtout à la Décision no. 64/1994?

            En réalité, le CNSAS n'est pas une juridiction de nature administrative, parce qu'il n'en réunit pas les critères de définition. Il n'est une forme de juridiction non plus, mais il est une modalité légale de garantir l'exercice du droit d'avoir accès aux informations d'intérêt public, au sens de l'article 31/par. 1 de la Constitution et sur les problèmes d'intérêt personnel, au sens de l'article 31/par. 2, auxquels on ajoute la transposition de l'intention du législateur de tenir lieu à une loi de la lustration, nécessaire dans les conditions où l'ordre consitutionnel après l'année 1989 se définit par une rupture de celui antérieur.

 

 

VII. CNSAS - juridiction judiciaire?

 

            Pour la Cour Constitutionnelle le CNSAS est caractérisé soit comme un organisme de juridiction administrative obligatoire, soit de juridiction judiciaire, ce qu'il fait que tout l'echafodage d'argumentation juridique utilisé par la Cour dans la Décision no. 51/2008 soit extrêmement fragile. La Cour considère qu'en vérifiant l'appartenance des quelques personnes aux services d'informations avant l'année 1990 on viole „le principe de la présomption de probité, déduit de la conception du législateur constituant qui se trouve à la base de l'article 23/par. 11 de la loi fondamentale". La disposition constitutionnelle critiquée par la cour se réfère aux décisions judiciaires. L'invocation de cet argument signifie que dans cette partie de la décision la Cour considère la juridiction du CNSAS étant judiciaire et non administrative, tel comme elle a conclu dans une autre partie de la même décision. Autrement dit, pour la Cour Constitutionnelle la juridiction du CNSAS peut appartenir simultanément à deux catégories constitutionnelles décrites du point de vue normatif comme opposées seulement parce que ce type d'argumentation conduit à l'identification de plusieurs arguments pour déclarer non-constitutionnels les règlements sur la base desquels le CNSAS est organisé !

 

 

VIII. La non-constitutionalité de l'article 16 de la Loi no. 187/1999

 

            De l'analyse de la Loi no. 187/1999 toute entière, on considère qu'une seule disposition ait dû être déclarée non-constitutionnelle par la Cour Constitutionnelle. Il s'agit de la disposition conformément à laquelle la décision du Collège CNSAS par l'entremise de la quelle une personne était déclarée en tant que colaboratrice de la Sécurité pouvait être attaquée à la cour d'appel, la section civile, dans la compétence de laquelle le contestataire a son domicile (article 16/par. 1), la décision de la cour d'appel étant définitif et irrévocable (article 16/par. 2). Cette décision avait la nature d'un acte administratif et il était nécessaire d'exister la possibilité légale de la contester devant les instances de contentieux administratif. Le contrôle judiciaire des actes de l'administration publique par le biais du contentieux administratif est garanti par l'article 126/par. 6 de la Constitution. La Cour Constitutionnelle aurait pu déclarer en tant que non-constitutionnel seulement l'article 16 de la Loi no. 187/1999, comme contraire à l'article 126/par. 6 de la Constitution parce qu'il interdisait la contestation de la décision du Collège CNSAS devant les instances de contentieux administratif. Ce motif de non-constitutionalité n'existe plus à présent parce que l'OUG no. 1/2008 précise que „dans 60 jours de la communication par la Direction d'Investigations des résultats de la vérification, les personnes qui ont fait l'objet des vérifications peuvent contester leur résultat au Collège CNSAS à voie administrative; celui-ci a l'obligation de solutionner la contestation dans 30 jours ou directement aux instances de contentieux administratif, dans les conditions de la Loi du contentieux administratif no. 554/2004 avec les modifications et les complètements ultérieures" (article 2/par. 3).

 

 

 

IX. La nature juridique du CNSAS

 

            Même s'il n'est pas déclaré d'une manière explicite, un autre motif pour lequel la Cour Constitutionnelle a déclaré non-constitutionnelle la Loi no. 187/1999 est celui que le CNSAS est définit dans l'article 7/par. 2 de cette loi comme: „un organisme autonome avec personnalité juridique, soumis au contrôle du Parlement". La Cour Constitutionnelle a déclaré que „cette définition est insuffisante pour établir la nature juridique du Conseil. L'institution n'est pas nominalisée dans la Constitution, et la définition citée ne correspond pas aux termes utilisés par la Loi fondamentale, pour son intégration dans une des autorités publiques ayant statut constitutionnel". Le fait que le CNSAS n'est pas mentionné dans la Constitution ne signifie pas qu'il se situe hors du cadre légal et constitutionnel de réglementation des autorités publiques. D'ailleurs, il y a beaucoup d'autres autorités publiques qui ne sont pas réglementées par la Constitution et on n'a pas douté de la constitutionnalité des leurs lois-cadres de fonctionnement. C'est intéressant que ni par l'entremise de la Constitution, ni par l'entremise de la Loi no. 47/1992 concernant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, la nature juridique de la Cour Constitutionnelle n'est complètement clarifiée, celle-ci n'étant pas définie expressis verbis comme autorité publique (conformément à l'article 1/par. 1 de la Loi no. 47/1992 „ la Cour Constitutionnelle est indépendante par rapport à tout autre autorité publique" d'où on peut déduire qu'elle est à son tour une autorité publique). On se demande d'une manière rhétorique pourquoi la Cour Constitutionnelle n'a pas appliqué le raisonnement qu'elle a développé au cas du CNSAS en ce qui concernait son propre statut constitutionnel...

            L'OUG no. 1/2008 n'a pas précisé quelle est la nature juridique du CNSAS, celle-ci étant une des solutions les plus critiquables du nouveau cadre normatif de fonctionnement du CNSAS.

 

 

            X. L'invocation par la Cour Constitutionnelle des quelques syntagmes situés hors du cadre constitutionnel

 

            La Cour Constitutionnelle affirme dans la Décision no. 51/2008 que le CNSAS ne vérifie pas si les services d'informations visés par la Loi no. 187/1999 „avaient pour objectif la répression contre les adversaires du régime communiste ou s'ils servaient à la sécurité nationale" et ainsi la loi d'organisation du CNSAS „crée les prémisses d'une forme de responsabilité morale et juridique collective". Celle-ci signifierait qu'avant l'année 1989 il y avait en Roumanie des services d'informations qui n'ont pas du tout contribué à la répression des adversaires du régime communiste, une affirmation qui n'a pas un contenu normatif, mais tout simplement déclaratif, celle-ci pouvant être acceptée seulement par le biais de l'examen des conclusions d'une recherche de nature historique. En procédant de cette manière, la Cour Constitutionnelle excède sa propre compétence et elle offre des verdicts sur la nature des services d'informations de la Roumanie avant l'année 1989. De pareilles considérations sont l'apanage des historiens et non du juge constituant. En outre, la Constitution n'utilise pas le syntagme „sûreté nationale" employée par la Cour, mais celui de „sécurité nationale" (article 53). Ainsi, en faisant l'affirmation citée ci-dessus, la Cour se situe hors du cadre constitutionnel en vigueur, en invoquant un syntagme qui n'a aucune valeur du point de vue du législateur constituant. La Cour élargit aussi sa propre compétence dû au fait qu'elle recourt à la caractérisation du point de vue normatif de quelques situations nées et achevées avant de l'entrée en vigueur de la Constitution qu'elle est appelée à interpréter. On ajoute aussi le fait que ni les constitutions de la période du régime communiste n'utilisaient au moins le syntagme „sûreté nationale", ce qui signifie que le raisonnement utilisé par la Cour ne peut être en aucun cas expliqué par rapport à un cadre constitutionnel, mais seulement par le biais des convictions personnelles des juges.

 

 

 

            XI. Continuité relative vs. rupture dans la qualification des relations entre l'ordre constitutionnel communiste et celui postcommuniste : des typologies

 

            Si l'on analyse la manière dont dans d'autres pays confrontés avec le problème de la transition d'un régime autoritaire à un démocratique se sont confrontés avec le problème de la définition du nouvel ordre constitutionnelle par rapport à l'ancien, on constate qu'il y a deux typologies : une est celle de la rupture, et l'autre celle de la continuité relative[16]. La Tchécoslovaquie et, subséquent, la République Tchèque correspondent à la première typologie : ainsi, en 1992 la Cour Constitutionnelle a décidé que la Loi de la lustration est constitutionnelle, en argumentant que „dans une société démocratique il est nécessaire que les employés de l'État et des autorités publiques doivent accomplir certains critères de nature civique qui peuvent être caractérisés par la loyauté vers les principes démocratiques sur lesquels l'État est fondé"[17]. Cela signifie que ceux qui ont fait partie des autorités de l'État communiste ne peuvent pas occuper des fonctions dans les autorités publiques qui définissent l'ordre de droit postcommuniste parce qu'il y a des différences majeurs entre les deux.

            Plusieurs pays peuvent être inclus dans la deuxième typologie, parmi lesquels on rappelle la Hongrie et l'Afrique du Sud. Dans ces pays la transition vers la démocratie a été faite sur la base de la continuité constitutionnelle avec le régime politique antérieur. Les nouvelles normes constitutionnelles ont été édictées sur la base des règles des constitutions précédentes. En Hongrie une nouvelle Constitution n'est pas apparue, mais on a préféré l'amélioration de celle de 1949. Le même parcours a été suivi au cas de l'Afrique du Sud, par le biais de la transformation du régime d'apartheid dans un régime démocratique. Cette continuité a été l'argument utilisé par la Cour Constitutionnelle de la Hongrie lorsqu'elle a été appelée à se prononcer sur la constitutionalité de la Loi de la lustration de 1994. La Cour a utilisé dans ce contexte l'expression „révolution sur l'empire du pouvoir de la loi". Par opposition, conformément à la Cour Constitutionnelle de la Tchécoslovaquie, même lorsque l'on constate une continuité entre les anciens règlements et ceux postcommunistes on se trouve toujours dans la présence d'une rupture entre les deux ordres constitutionnels parce qu'il y a une „discontinuité des valeurs". Pourtant, même dans les pays qui ont utilisé la théorie de la continuité, celle-ci a été considérée être seulement relative : la Cour Constitutionnelle de la Hongrie affirmait dans la même décision de 1994 que „le droit des individus d'accéder des informations d'intérêt public prévale devant la protection des informations personnelles à propos de ceux trouvés dans des positions politiques importantes" et que „l'espace personnel protégé du point de vue constitutionnel des dignitaires et des hommes politiques est plus restreint que celui des autres citoyens". En l'Afrique du Sud le paradigme de la continuité avec l'ancien régime a été atténué en instituant une Commission pour la Vérité et la Réconciliation[18] et par le biais de la manière dont la Cour Constitutionnelle a compris se rapporter à l'ordre constitutionnelle antérieure. Cette Commission n'est pas au moins mentionnée dans la Constitution (si l'on avait utilisé la logique de la Cour Constitutionnelle de la Roumanie, la Commission pour la Vérité et la Réconciliation aurait été déclarée non-constitutionnelle pour cette raison !). La Cour Constitutionnelle de l'Afrique du Sud a atténué le paradigme de la continuité en affirmant que „la Constitution n'est pas seulement une codification d'un passé acceptable et légitime. Elle retient du passé uniquement ce qui est acceptable et qui représente une rupture radicale et décisive avec cette partie-là du passé qui est inacceptable [...] Le passé a été caractérisé par l'inégalité, l'autoritarisme et la répression. L'avenir est fondé sur ce que se justifie dans une société démocratique basée sur la liberté et l'égalité"[19].

            Comment pourrait-on caractériser le rapport entre l'ordre constitutionnel post-communiste et celui communiste en Roumanie? On considère qu'en Roumanie une rupture s'est produit entre les deux ordres constitutionnels, par le simple fait qu'après l'année 1989 une nouvelle Assemblée Constituante et une nouvelle Constitution qui a abrogé entièrement celle qui s'appliquait le 22 decembre 1989 sont apparues . Bien sûr, cette conclusion doit être relativisée:  par la disposition de la Constitution de 1991 qui prévoit que les juges de la Cour Constitutionnelle doivent avoir 18 ans d'ancienneté dans le domaine juridique la continuité avec l'ancien régime a été marquée; l'expérience dans l'ancien régime a été considérée comme une condition essentielle pour l'interprétation de la Constitution de 1991. Les mécanismes de l'État de droit par l'entremise desquels la rupture avec l'ancien régime a été marquée ont été la Cour Constitutionnelle (avec l'amendement cité ci-dessus) et CNSAS. Dans la Décision no. 51/2008 la Cour Constitutionnelle a nié la nécessité d'une institution qui marquait la rupture avec l'ordre constitutionnel ancien, sans tenir compte que juste cette rupture a fait possible l'apparition de la Cour Constitutionnelle elle-même. Par conséquent, au même temps avec cette décision, il n'est plus clairement quel est le rapport entre l'ordre constitutionnel du régime communiste et celui de l'État postcommuniste. Pour clarifier cette question fondamentale la solution n'est pas la mise en contexte de la manière dont la Cour Constitutionnelle interprète la Constitution, mais il est besoin d'un nouveau cadre constitutionnel.

 

* Maître de conférences à l'Université de Bucarest, Faculté de Sciences politiques et Administratives. Traduction établie par Mlle Delia Ropan, sous la direction de l'auteur.

[1] Southwest Case, I BverfGE 14 (1951).

[2] Sur la notion de „bloc de la constitutionalité" à voir Louis FAVOREU, Patrick GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean - Louis MESTRE, Otto PFERSMANN, André ROUX, Guy SCOFFONI, Droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 2006, p. 117.

[3] Sur cette théorie, à voir Radoslav PROCHAZKA, Mission accomplished. On founding constitutional adjudication in Central Europe, CEU Press, Budapest, 2002, p. 223 et s.

[4] Corneliu - Liviu POPESCU, Constituţionalizarea formală, prin  revizuirea constituţională a normelor care consacră valorile Revoluţiei române din decembrie 1989, Dreptul, no. 1/2005, p. 24. L'intégration des traités internationaux dans la matière des droits de l'homme au cadre du „bloc de constitutionalité" roumain est soutenue par le même auteur dans une autre contribution (Controlul constituţionalităţii tratatelor internaţionale, Dreptul, no. 11/2005, p. 13).

[5] Dan Claudiu DĂNIŞOR, Despre consecinţele instituţionalizarii tradiţiilor democratice ale poporului român şi idealurilor Revoluţiei din 1989, Revista de Drept Public, no. 1/2007, p. 24.

[6] Ion DELEANU, Instituţii şi proceduri constituţionale, C.H. Beck, Bucarest, 2006, p. 446 - 447.

[7] Ioan MURARU, Mihai CONSTANTINESCU, Blocul de constituţionalitate, Dreptul no. 8/1999, p. 27 - 30.

[8] Ioan MURARU, Mihai CONSTANTINESCU, Simina TĂNĂSESCU, Marian ENACHE, Gheorghe IANCU, Interpretarea Constituţiei. Doctrină şi practică, Lumina Lex, Bucarest, 2002, p. 8-9.

[9] Raportul Final al Comisiei prezidenţiale pentru Analiza Dictaturii Comuniste, Humanitas, Bucarest, 2007, p. 776.

[10] Le M.Of. no. 603 du 9 décembre 1999.

[11] Cristian IONESCU, Dezvoltarea constituţională a României. Acte şi documente - 1741 - 1991, R. A. Le Moniteur Officiel, Bucarest, 1998, p. 500.

[12] Dan Claudiu DĂNIŞOR, Drept constituţional şi instituţii politice, vol. I, C.H. Beck, Bucarest, 2007, p. 693.

[13] Ibidem, p. 695.

[14] Le M.Of. no. 95 du 6 février 2008.

[15] Tudor DRĂGANU, Liberul acces la justiţie, Lumina Lex, Bucarest, 2003, p. 30.

[16] Sur la manière dont la jurisprudence des pays trouvés en transition ont compris à utiliser la typologie de la continuité relative ou de la rupture, à voir Renata UITZ, Constitutions, Courts and history. Historical narratives in constitutional adjudication, CEU Press, Budapest, 2005, p. 204 et s.

[17] Norman DORSEN, Michel ROSENFELD, András SAJÓ, Susanne BAER, Comparative Constitutionalism - Cases and Materials, Thomson/West, St. Paul, 2003, p. 1272.

[18] Sur le fonctionnement de la Commission pour la Vérité et la Réconciliation dans l'Afrique du Sud, à voir Jon ELSTER, Closing the books. Transitional justice in historical perspective, Cambridge University Press, Cambridge, 2004.

[19] Shaballala and Others v. Attorney General of the Transvaal and Another, 1996 South Africa 725 (C.C.).

 


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