Numărul 2 / 2008

 

LE DROIT CIVIL ROUMAIN ENTRE  RECODIFICATION „NATIONALE” ET UNIFORMISATION EUROPÉENNE

 

Dr. Manuel GUŢAN*

 

 

                Résumé: L’article se propose de mettre en évidence la nécessite organique de la société roumaine contemporaine pour recodifier son droit civil, dans le contexte ou au niveau de l’Union Européenne il y a aussi une nécessite organique d’approfondissement de la convergence juridique,  y compris en matière de droit civil. On peut pas discuter aujourd’hui le problème de la légitimité de la recodification nationale en matière de droit civil, puisque la Roumanie, en tant qu’Etat souverain, peut encore établir seule sa politique législative. On peut toutefois questionner l’opportunité de la réforme et, d’autre part, les modalités de la réforme. Le problème de l’opportunité pourrait se poser puisqu’au niveau de l’Union Européenne, une série de commissions de spécialistes en droit comparé travaillent au projet d’un Code civil européen (qui réglementerait de façon unitaire le droit de propriété, les contrats et les obligations). L’existence d’une nécessité européenne d’uniformisation dans ces cas-là peut mettre en question la nécessité d’une recodification nationale. En même temps, on peut poser des problèmes sur la nécessité du recours au transplant juridique, les sources d’inspiration, la manière dans laquelle le législateur roumain a réalisé une évaluation rationnelle du lieu, quantité et type d’institutions juridiques à être importées. Cette entière problématique peut être évaluée de la perspective de la commensurabilité et de la convergence culturelle - juridique mais aussi de la perspective des aspects liés à l’orgueil et de la dignité juridique nationales.

 

 

 

Cent trente trois ans ans après l’entrée en vigueur du Code civil roumain (le Code civil Al. Ioan Cuza), après les nombreuses modifications subies au fil du temps et sous différents régimes politiques, après quelques tentatives echouées de recodification, un débat sur un nouveau Code civil roumain paraît aujourd’hui suffisamment opportune. Un Code civil né en 1865 deja malformé, marqué par d’importantes lacunes et fortement critiqué par les spécialistes, decodifié[1] dans en bonne partie par une série d’actes normatifs qui l’ont partiellement abrogé, ne peut eviter la démarche naturelle de recodification. La problématique est délicate et ne saurait être abordée sans une incursion historique dans les moments, mécanismes et significations de l’adoption du Code civil roumain de 1865 (I), sans une évaluation des implications historiques et contemporaines de la recodification en Roumanie (II), sans une analyse des modalités choisies par le législateur roumain pour achever la recodification (III) et sans une contextualisation européenne du processus (IV).

 

  1. I.                   La codification du droit civil dans la Roumanie moderne – entre transplant juridique et orgueil juridique national

 

Une complexe et complète compréhension du problème de la recodification contemporaine du droit civil roumain nécessite une incursion historique dans la manière dans laquelle on a construit ce droit civil roumain moderne, ainsi que dans la manière ou les acteurs de la scène juridique roumaine, la société civile roumaine dans son ensemble; y se sont rapportés. En parlant génériquement, l’histoire de la codification du droit civil dans la Roumanie moderne a été un balancement éternel entre le besoin d’importer droit de l’Europe occidentale et le besoin de contourer une identité juridique nationale.

Le Code civil roumain de 1865 a été le résultat d’une importation juridique irrationnelle realisée par l’élite politico-juridique roumaine de l’époque, au but de consolider et de moderniser d’urgence le jeune Etat unitaire roumain qui avait été né en 1862. Les Principautés roumaines Moldova et Valahia avaient élu, en 1859, le même prince -  Al. Ioan Cuza-, bien que la Convention de Paris de 1858 (acte è valeur constitutionnelle, imposé par les grands pouvoirs européens) imposait l’election des princes différents dans chacun des Principautés. On a accompli ainsi l’idéal de l’unité nationale exprimé avec d’insistence pendant la Revolution roumaine de 1848. Après un considérable effort diplomatique de la part des roumains, les pouvoirs européens ont accepté le prince commun, mais seulement pendant le règne de Cuza. Conscient de l’importance du moment et de la chance historique de construction nationale qui s’était ouverte aux roumains, le prince Cuza a poursuivi, par des réformes rapides, le but de consolider l’Etat roumain nouveau-né. Sur le plan politique, l’union a été accomplie en 1862 par l’unification, à Bucarest, des deux gouvernements et des deux parlements roumains. Il était très clair, toutefois, que l’unité nationale devait, pour être consolidée et corectement exprimée, être doublée par une unité sur le plan juridique. L’idée n’était pas nouvelle aux Principautés roumaines, ”L’identité de la législation – prévoyait l’article 426 du Règlement Organique de la Moldavie de 1832[2] - étant le plus grand moyen d’accomplir une tellement morale union...”. Même la Convention de Paris, tout en négligeant le désir d’union politique des roumains, elle encourageait leur unité juridique par la création des codes communs (condici) civil, pénal, commercial et de procédure (art. 35, par. 2). Dans ces circonstances, la réforme juridique est devenue prioritaire et urgente.

Sous l’aspect de la technique législative, l’adoption des codes, surtout d’un Code civil, n’était pas une nouveauté dans le contexte de l’uniformisation juridique et de l’unification nationale. En France, le Code Napoleon de 1804 était deja devenu un modèle de l’unité juridique nationale et un symbôle de l’identité juridique française. En considerant cet aspect, il n’est pas étonnant que les plus intenses efforts de codification, ainsi que les plus grandes disputes, se sount groupés autour de l’adoption d’un Code civil roumain. Dans une Europe des nations, se manifester comme nation sur le plan juridique signifiait avoir non seulement une constitution, mais aussi un Code civil. Pour pouvoir être considerée une nation, la Roumanie devait avoir un Code civil. Pour devenir, toutefois, d’une nation en retard, encore marquée par des puissants traits féodaux, une nation moderne européenne, la Roumanie devait avoir un Code civil européen. Il restait d’etablir les modalités de construction d’un tel édifice juridique.

En considérant ces aspects, il n’est pas étonnant que la réaction de Cuza a été, en octobre 1859, assez prompte: il a proposé à la Commission centrale de Focsani un projet de loi pour adopter en Roumanie tous les codes français – civil, penal, commercial, de procédure civile et de procédure penale – par traduction en roumain. Il ne s’agissait pas d’une reprise inconditionnelle, mais d’une adaptation aux réalités et aux besoins de la société roumaine: il seriont modifiés les articles des codes français qui se trouvaient dans une incompatibilité flagrante à la religion et les coutumes du pays[3]. L’importation massive et irrationnelle qui se préconisait était toutefois naturelle dans un contexte d’acculturation juridique marqué par le retard de la société roumaine, par le complèxe européen des élites roumaines et, surtout, par l’énorme admiration de la plupart de celle-là pour la culture française. Dans les circonstances ou presque tous les membres de l’élite juridique roumaine avaient fait leurs études juridiques en France, y compris des doctorats en droit, renoncer à la comparaison juridique, à l’acte libre et conscient de choisir entre plusieurs alternatives, devant le prestige du droit francais, était le plus naturel. D’autant plus naturel que chez les roumains, la dimension du préstige du droit français n’était pas exterieure, mais fortement interiorisée et vecue en tant que telle. Le droit français n’était pas préstigieux parce que les autres le disaient ou grâce aux dimensions geographiques de sa reception, mais parce que l’élite juridique roumaine avait repris par l’éducation une partie des donnees informationnelles – ideatiques et conceptuelles – de la culture juridique française. Ils se manifestaient au niveau des valeurs, idéaux, langue et langage comme des juristes français. Ëtre juriste signifiait, pour le juriste roumain du milieu du 19e siècle, être juriste français.

Dans ce contexte-là, il est très intéressant l’écran culturel identitaire mis par Cuza devant la réception juridique: le droit français devait être repris entièrement, mais avec des limites très claires: la religion et les coutumes du pays. La religion chretienne-orthodoxe et les anciennes coutumes devaient être respectées, et les normes juridiques importées devaient s’adapter à ces réalités-là. Même en l’absence d’une approche réelement comparative, l’effort minime d’adapter le droit importé à la culture générale et juridique de la société roumaine était un acte qui sauvait, par sa rationalité, la démarche de construction d’un droit roumain moderne et vraiement national. Cette tendance s’est amplifiée en 1864, quand le prince Cuza, en renonçant tout d’un coup  à l’idée de la traduction conditionnelle du Code civil français, invitait le Conseil d’Etat (institution récemment créée, d’après le modèle français) à elaborer un projet de Code civil ayant comme modèle le projet de Code civil italien de Pisanelli, redigé en 1860. Il parait que, à coté de l’éxigence de l’adaptation aux realités roumaines, venait d’apparaître la nécessité d’une législation actualisée – ce que le Code civil français, avec ses nombreuses lacunes, ne pouvait pas offrir. Paradoxalement, dans le contexte de l’autoritarisme du prince, instauré par Cuza, le président du Conseil d’Etat, C. Bosianu, ne donna pas cours à l’invitation de Cuza et rédigea le projet du Code civil roumain ayant comme modèle principal le Code civil français. Au-délà de l’interessante rupture a l’intérieur de l’élite politico-juridique roumaine, il faut remarquer la force du prestige du Code civil français dans la Roumanie de l’époque, par rapport à une culture juridique roumaine trop faible pour s’opposer. Par conséquent, en considérant l’importation juridique irrationnelle et la dimension de la contamination juridique, on pourrait parler même d’un impérialisme juridique involontaire[4] de la part des français, en Roumanie. Le fait que ce code a été rédigé par la commission Bosianu en 6 semaines n’est pas une excuse pour le resultat des travaux, car la commission a travaillé sur un premier projet de Code civil roumain redigé en 1862-1863. Cet aspect peut consolider les critiques contre le Code civil roumain, grâce au manque de relevance critique  de cette periode assez longue, quand il y aurait un temps suffisant pour une comparaison juridique critique et séléctive.

Certainement, le Code civil  roumain, qui est entré en vigueur le 1 decembre 1865, n’a pas été entierement une traduction fidèle du Code civil francais[5]. Même en refusant de donner cours aux propositions de Cuza, la commission Bosianu a eu en vue la finalité de la modernisation et de l’actualisation. Des 1914 articles du code, 105 ont été inspirés par la législation belge des hypothèques et autres 45 articles dans la matière des obligations ont été inspirés par le projet de Pisanelli. Trop peu pour éviter les accusations d’importation juridique massive, mais suffisament pour soutenir que le but de modernisation et d’actualisation a été partiellement acquis. Cette finalité a malheureusement éliminé la comparaison juridique et le choix conscient entre alternatives en faveur de la reprise par des législations comme celle belge ou italienne qui n’étaient pas d’autre chose que des versions actualisées du Code civil français.

On peut donc constater les consequences suivantes:

  • L’élaboration du Code civil roumain a été faite sur les fondements d’une importation juridique irrationnelle qui n’a pas pris en considération toutes les particularités culturelles-juridiques du peuple roumain. Il est vrai qu’on a gardé quelques institutions traditionnelles roumaines en matière de famille[6] et de succéssions, mais trop peu pour pouvoir dire que la culture juridique roumaine a représenté une alternative viable pour l’élite politico-juridique roumaine. Le plus surprenant c’est que la renonciation au désiderat essentiel et obligatoire de la compatibilité de l’importation juridique avec la culture juridique de l’importeur a frappé dans le coeur même de l’identité nationale roumaine (au moins de ce temps-là): la religion orthodoxe. Bien que Cuza ait été le plus conscient que possible de l’impact qui l’aurait l’atteinte aux valeurs religieuses du peuple roumain, la commission Bosianu a repris fidèlement l’esprit laique et anticlericaliste du Code civil francais dans un pays orthodoxe, ou l’Eglise n’avait jamais eu des prétentions d’hégémonie sur l’Etat.[7]
  • Le code a été édicté par des raisons plus politiques que juridiques ou economiques, d’ou le désintérêt pour son application, même aux élites. Il est certain que ce Code civil n’a pas répondu aux besoins économiques des grands propriétaires fonciers roumains qui, intéressés a obtenir des profits plus élevés de par le travail des paysans, n’avaient pas l’intérêt d’appliquer les principes liberaux et égalitaristes en matière de contrats et obligations du nouveau Code civil.  Ainsi, la législation des engagements agricoles qui  est entrée en vigueur en 1866 s’est gravement eloignée des principes du Code civil, en perpetuant des rapports juridiques et économiques entre propriétaires et paysans, inspirés par les anciennes réglementations néo-féodales.[8] Dans ces conditions-là, les accusations apportées par l’ancienne doctrine roumaine[9] contre le manque de recouvrement par le législateur roumain des évidentes lacunes du Code civil français étaient inutiles. Des institutions comme les personnes morales, le travail en relation avec le capital, la propriété littéraire et artistique, la faillite civile, les assurances, les syndicats etc., qui n’étaient pas réglementées par le Code civil français et étaient ignorées par le code roumain, étaient en même temps incompatibles avec l’économie agraire néo-colonialiste de la Roumanie de 1864. Ce manque du legislateur roumain n’a été qu’une oeuvre d’adaptation aux nécessités économiques du moment.
  • Le code a manqué de la légitimité démocratique: il n’a pas été débattu au Parlement, mais il a été „octroyé” par le prince. Il est vrai, d’autre part, qu’une codification et unification juridique d’une telle ampleur a été toujours achevée dans le contexte d’une volonté politique ferme, même aux véléites autoritaires[10]. Cette volonté politique autoritaire a été d’autant plus nécessaire que, naturellement pour une reception juridique qui n’a pas pris en compte le contexte culturel de la société importatrice, le Code civil a été rejeté avec dureté dans certaines sphères influentes de la société roumaine. La réaction prompte et ferme de l’Eglise orthodoxe roumaine, l’immense scandale qui a suivi et le mode dans lequel cette crise a été administrée consolident ces aspects.[11].
  • Le code n’a pas eu un rôle de cohésion sociale. Le peuple roumain, formé dans sa plupart des paysans illettrés, s’est senti pour longtemps dans la présence d’une legislation imposée par le prince, étrangère à ses traditions juridiques. En outre, le langage plein de néologismes français du Code civil roumain a rendu inutile le désiderat de son accessibilité de masse. C. Dissescu, important doctrinaire roumain du 19e siècle, considérait même que la société roumaine de l’epoque s’était scindée en deux camps, en opposant la grande masse de ceux qui ignoraient la loi, à la sois-disante oligarchie des connaisseurs de la loi[12]. Le code a eu, sans doute, un rôle essentiel, dans le temps, dans la promotion de l’uniformité et de l’unité juridiques en Roumanie. Ce qui, éventuellement, a été l’aspect positif majeur de sa creation.

L’ élaboration de ce Code civil roumain n’a pas été reçue avec de l’enthousiasme par les spécialistes, on ne lui a pas conféré des latitudes symbolistiques identitaires-juridiques et n’a pas été identifié en tant que monument des valeurs morales nationales. Dans l’imaginaire populaire, il a été perçu pour longtemps comme un corps étranger, et aux yeux de la doctrine il a été perçu comme manquant de legitimité. Tout le monde était toutefois conscient de la nécessité de son existence. Bien que rejeté comme symbole culturel roumain, le Code civil n’a pas échappé à une dure dispute au centre de laquelle s’est trouvé le besoin de définition identitaire-juridique du peuple roumain. Au moment ou l’élite juridique roumaine est devenue consciente de soi-même comme acteur actif sur la scene de la modernité, elle s’est découverte comme étant définie premièrement comme importatrice irrationnelle de droit. Le discours sur soi et sur la culture dont il fait partie s’est déroulé, par consequent, dans les paramètres de l’impuissance juridique, de la faiblesse culturelle et des formes importées sans aucun fond autochtone, tout cela sur le fond de plus en plus ample d’orgueil juridique national. On a implicitement posé des questions sur la nécessité de l’importation juridique et, là ou la réponse a été positive, sur les modalités de l’importation juridique. Inévitablement, on a senti le besoin d’un triage de l’entier processus d’ élaboration du Code civil au but de la découverte de la contribution roumaine: on a mis attentivement en évidence le fait qu’il s’agit d’un processus critique qui a déterminé le fait de ne pas reprendre in corpore du Code civil francais[13], qu’on a procédé à son actualisation par l’importation des institutions actuelles et avancées d’autres législations, tels que „notre Code civil était plus avance que le Code français en plusieurs matières”[14], et aussi le fait que les institutions juridiques traditionnelles des roumains étaient présentes dans le code[15]. Par conséquent, on a ignoré ou minimalisé des aspects incommodes comme: le très grand nombre d’articles repris, souvent par traduction mot-à-mot du texte français, le fait que la sois-disante modernisation du Code français a été achevée par la reprise d’un nombre infime (par rapport au total) d’articles de la législation italienne et belge et le nombre d’institutions prises de la tradition roumaine a été insignifiant. Au delà des qualités et défauts réels du Code, on a commencé un processus faible de mitisation, de transposition du Code dans le langage de l’orgueil national.

Ce processus identitaire a progressivement évolué vers lq conscience de l’inévitabilité de l’importation juridique et vers assumer les conséquences naturelles de celle-là. Le déplacement de l’accent des causes sur les effets a conduit vers une perspective de l’adaptation des formes importées au fond national.  Par la suite, la doctrine s’est réconciliée avec le fait qu’il n’y a pas un Code civil original, roumain et, sans renoncer au discours de l’originalité, melé avec le sentiment de l’orgueil juridique, a déplacé l’accent sur le mode dans lequel le Code civil a été mis en pratique, appliqué par les divers acteurs du droit. On a developpé ainsi, dans la doctrine juridique roumaine, une coordonnée épistemologique de l’originalité du droit appliqué qui, combinée avec la nécessité de calmer l’orgueil juridique national, a déterminé la comprehension du droit civil appliqué et adapté comme dimension spéciale de l’identité juridique nationale. Ainsi, sous l’aspect de la culture et de l’identité juridique nationale, les roumains ne s’identifient pas avec le droit des livres, avec le texte de la loi, mais, plutôt, avec le droit de la jurisprudence et de la doctrine. En posant les problèmes dans les termes de la theorie des „formants” du droit de R. Sacco[16], on pourrait dire que, dans la Roumanie d’antan, le droit (civil) résidait dans une combinaison harmonieuse de texte de loi (formant légal) étranger, jurisprudence (formant jurisprudentiel) et doctrine (formant doctrinal) roumaines, ou coéxistaient harmonieusement l’importation juridique avec la mentalité et la culture juridique nationale. Sous l’aspect de l’identité juridique nationale, le formant légal passe au plan secondaire pour faire de la place au formant jurisprudentiel et a celui doctrinal. Ainsi, à la différence des français qui, en temps, se sont juridiquement identifiés avec le Code civil en soi, avec ses valeurs pérénes sculptées dans le texte de loi qui se veut changé le moins possible, les roumains se sont identifiés avec le Code vivant, retrouvé dans la doctrine et dans la jurisprudence.

Toutes ces considérations ont, de notre point de vue, des importantes conséquences sur toute tentative de recodification du droit civil en Roumanie. Il est bien de retenir que, à la différence des Français qui percevraient comme une perte d’identité toute revision essentielle ou abrogation du Code civil de 1804, les Roumains n’auraient aucun sentiment de perte de soi si le Code civil serait amputé ou abrogé. Cet aspect ne signifie pas que je suis à la faveur de la recodification. Tout au contraire. Ayant en vue que le droit civil vivant, le vrai droit civil roumain se retrouve essentiellement dans la doctrine et dans la jurisprudence, je trouve inutile toute recodification du droit civil. Le Code civil, avec ses modifications et actualisations, pourrait être appliqué sans problèmes. Mais, si on considère une recodification nécessaire pour des raisons formelles, je considère une telle démarche inéfficace et inutile, si la doctrine et la jurisprudence roumaines ne seraient correctement refletées dans le nouveau texte de loi et les eventuelles importations ne seraient pas evaluées du point de vue comparatif et critique avec ce que le droit civil vivant veut dire. En même temps, toute importation juridique irrationnelle qui ne tenait pas compte de tous ces aspects representerait une répetition inutile des erreurs du passé.

 

  1. II.                La nécessité de la recodification[17] du droit civil roumain apres 1989

 

Du point de vue technico-juridique, la finalité essentielle de la codification dans la tradition juridique romano-germanique est de systématiser et de rationaliser le droit, d’assurer la cohérence, la certitude et la prédictibilité juridique, l’accéssibilité du droit et, implicitement, l’égalité en droits des citoyens à travers l’accès rapide et simple à la loi.[18] Les mots ”simplicité et justice égale et intelligible pour tous” inscrits sur le tombeau de Napoleon au Dome des Invalides sont très relevants pour ce mode d’organiser la normativité juridique. Traditionnellement, la condition essentielle d’atteindre ces buts l’était et l’est encore le monisme juridique. On ne peut pas parler de certitude et de prédictibilité juridique que dans la présence d’une seule source juridique écrite[19], dans ce cas-ci, le code. Toute multiplication des sources formelles du droit en matière de droit civil ne fait que créer d’incertitude et d’incohérence juridique.

Au-delà de l’opportunité du débat sur l’anachronisme et l’inutilité de la codification ou de la recodification, dans le contexte de la multiplication, de nos jours, des sources formelles du droit et des centres du pouvoir politique, on peut poser le probleme d’une réelle nécessité de la recodification du droit civil dans la Roumanie actuelle. Il est certain que, si on prend en considération les aspects technico-juridiques et les finalités de la codification dans la tradition romano-germanique, le fait que le droit civil roumain actuel a son siège dans une série de codes, lois, décrets, ordonnances d’urgence et arrêtés du Gouvernement paraît défier toute idée de cohérence, systématisation et certitude juridique. La décodification du droit civil roumain s’est produite constamment dans les 133 annees d’application, dans les conditions ou y se sont succedés divers régimes politiques – césarisme princiaire (1864-1866), monarchie constitutionnelle (1866-1938; 1944-1947), dictature royale (1938-1940), dictature militaire (1940-1944), république populaire (1947-1965), république socialiste (1965-1989) et, plus recemment, république semiprésidentielle (1991 – présent)-, ainsi que des diverses epoques socio-économiques: de la société moderne néo-coloniale exportatrice de céréales[20] (1864-1917) au capitalisme liberal ”bourgeois” (1918-1948) et de l’économie planifiée socialiste (1948-1989) à la transition post-socialiste vers l’economie du marché (1989 – présent). Dans presque toutes les périodes on a posé, sous la pression des divers facteurs politiques, juridiques ou économiques, le problème de la modification ou même de l’élaboration d’un nouveau Code civil. En accomplissant une primordiale fonction politique qui a diminué sa qualité juridique, le Code civil de 1865 a été fortement critiqué des les débuts de la doctrine roumaine, a été même remplacé, en 1939, par un nouveau Code civil de la Grande Roumanie (qui n’a pas été mis en application)[21] et a connu les pressions d’une tentative communiste de recodification. Tous ces aspects n’ont pas conduit, jusqu’ç nos jours, a la concretisation d’une recodification, ainsi que l’ancien Code civil du prince Cuza se trouve encore en vigueur.

Evidemment que, inevitablement, sous la pression du contexte socio-politique et economique mntionné, diverses institutions du Code civil ont été modifiées tandis que d’autres ont été abrogées. Il est important a retenir que ces réformes se sont toujours achevées par l’abrogation des articles correspondantes du Code civil et par la réglementation des nouvelles institutions à travers des lois, décrets et même nouveaux codes[22]. Cette démarche a permis au législateur communiste de réglementer une série d’institutions du droit civil ”socialiste” ( la propriété corporatiste ou celle socialiste de l’Etat, par ex.), sans inutilement abroger des institutions du droit civil ”bourgeois” qui ne correspondaient pas à la philosophie  marxiste-leniniste. Juste pour cela, après la Revolution de 1989, il n’a pas été question de resuscitement, recuperation ou déterrement[23] du Code civil mais, tout simplement, de revalorification des institutions qui sont toujours restées en vigueur depuis Cuza, dans le nouvel contexte politico-economique. Après 1989, la Roumanie a reoccupé sa place dans la famille romano-germanique[24], place consolidée par la présence continue de son Code civil[25].  Donc, de notre point de vue, dans les conditions ou le Code civil de 1865 n’a jamais été abrogé, il ne s’agit pas aujourd’hui d’une recodification qui redonnerait aux Roumains un Code civil, mais d’une recodification qui pourrait offrir au système de droit roumain postrevolutionnaire et au droit civil toutes les avantages  mentionnées de la codification. On peut donc faire référence à la cohérence, rangement, systématisation, rationalisation, reformulation de langage, accéssibilisation, actualisation et non à la recodification dans le sens de la construction ab initio d’un Code. En d’autres termes, c’est l’accomplissement d’un désidérat historique: la volonté des roumains de construir un Code civil qui soit capable de refléter le mode dont ils pensent, sentent, écrivent et parlent[26]. C’est la seule perspective idéatique viable qui soutienne la nécessité de la recodification en Roumanie, dans les conditions ou, sous l’aspect de la dynamique du droit civil vivant, la codification est inutile.

A ce moment-ci, on ouvre un autre problème. Du point de vue de la symbolistique, un Code civil peut être, comme on a déjà constaté, l’expression de la culture juridique d’une nation, un symbole de l’identité (juridique) nationale[27]. Une construction juridique ayant la dimension et le champ d’application d’un Code civil devrait avoir une fonction unificatrice tant sur le plan juridique que sur le plan social et culturel, et amplifier le sentiment de l’appartenance à une communaute (juridique)[28]. Dans ce contexte-là, il faudrait, et peut-être le nouveau Code civil roumain puisse jouer le rôle d’un catalysateur de l’identité et de la fierté nationale, comme dans le cas du Québec et de la France? Ou soit-il la ”constitution civile” de la Roumanie? Est-il utile de poser aujourd’hui le problème de la recodification dans des termes d’identité culturelle? Si on entend par recodification actuelle du Code civil un moment d’affirmation de la culture juridique roumaine et de construction d’une attendue identité juridique, alors, dans la  perspective historique, le problème peut être posé ainsi. Une revanche historique sur l’importation juridique irrationnelle, une chance de prouver que l’adaptation/”roumainisation” du droit importé a bien fonctionné, une chance de démontrer qu’on peut construir le droit tout seuls, toutes ces perspectives pourraient contenter au moins les élites juridiques roumaines. Au-delà de cet aspect, il est discutable si ce Code civil qui n’a jamais existé dans la conscience du peuple roumain, qui a été abordé purement du point de vue instrumentaliste, pourrait représenter aujourd’hui un élément de cohésion sociale et un monument symbolique de la culture juridique nationale autour de laquelle le peuple roumain puisse se catalyser. En regardant, cependant, la moitié pleine de la verre, on peut affirmer que ce détachement du Code civil et de ses possibles significations peut conférer à la mentalité juridique roumaine la maléabilite nécessaire à l’intégration juridique européenne.

Indépendamment du fait s’il l’est ou pas opportun de parler, en Roumanie, du Code civil comme d’un bastion de l’ identité juridique nationale (en tout cas, on préfère à un faux sentiment d’orgueil juridique, une attitude pragmatique, fonctionnaliste, sur le rôle du Code civil dans la société), il serait normal que toute démarche de recodification soit précédée d’un débat public sur les valeurs que ce Code civil devrait consacrer dans le contexte socio-économique et politique actuel. L’assimilation du Code civil avec „la vraie constitution” de la France[29]  par la doctrine française est intéressante dans la mesure ou elle nous rappelle qu’un Code civil n’est pas une simple construction technico-juridique abstraite, mais il est l’expression d’une attitude épistemologique collective spécifique, qui donne de la substance et de la couleur à la culture juridique nationale[30]. En considérant la spécificité de l’évolution historique, cette évaluation devrait impliquer une analyse correcte et complète de la mesure ou chaque formant du droit – légal, jurisprudentiel et doctrinal - a contribué à la promotion de ces valeurs et de promouvoir ce qui est vraiment actuel et national. Evidemment, comme le montre l’histoire des codifications, le rôle central dans cette demarche devrait être joué par les doctrinaires, ceux qui, par exégèse et analyse critique sont les plus compétents d’avoir une vision d’ensemble, de principe, sur la réforme[31]. Ayant en vue le rôle historique de constructeur de ”Code civil vivant” de la jurisprudence, les praticiens devraient aussi avoir un poids egal aux doctrinaires dans ce processus.

 

  1. III.         Les modalités de la recodification du  droit civil roumain

 

L’un des plus usités instruments de la légiferation et de la recodification, au passé et surtout au présent c’est le droit comparé. Une comparaison juridique qui prend en considération les solutions juridiques offertes par d’autres systèmes de droit aux mêmes problèmes socio-économiques peut être une modalité éfficace de réforme juridique nationale. Théoriquement, le droit comparé permet au réformateur national de prendre en considération, dans une manière équilibrée, tant les ressources juridiques du système de droit et de la culture juridique nationale, que les solutions étrangères. La comparaison juridique découvre au législateur les points faibles des solutions juridiques nationales et prend en considération la meilleure et la plus appropriée solution externe. Le droit comparé montre au réformateur national qu’il ne doit pas avoir peur de l’importation juridique, mais, en même  temps, il lui  découvre combien, comment et d’ou doit-on importer. L’importation juridique ne devrait outrepasser les besoins du système importateur, elle doit être faite dans une telle manière que les institutions juridiques importées n’irritent pas la culture juridique nationale et, par conséquant, elle doit être faite du système/des systemes étrangers les plus appropriès.[32] Une telle importation rationnelle, faite sur des bases critiquement comparatives, peut eviter des convulsions sociales internes et, en plus, elle peut offrir au système juridique importateur la chance de se manifester comme puissant, de ne se laisser comblé par d’autres systèmes de droit et de conserver son identité.[33] En même  temps, la comparaison juridique permet une correcte évaluation des nécessités de conserver le propre système de droit, en balance avec le besoin de ne pas manifester une inutile autarchie juridique, dans un monde marqué par des rapides changements et par la globalisation.[34] Dans la mesure ou le nouveau Code civil roumain se veut (aussi) une expression de l’identité juridique nationale, une telle approche comparative rationale est obligatoire.

En analysant le seul et succint document officiel qu’on a eu à la disposition regardant la rédaction du nouveau Code civil – l’éxposition des motifs du Gouvernement qui a accompagné, en 2004, au Senat, le projet du Code civil – il en résulte que le droit comparé ait représenté l’une des modalités de travail les plus importantes du collectif d’universitaires qui a élaboré le projet: „à l’ élaboration du projet, on a valorifié... surtout des réglementations nouvelles, modernes, existantes dans d’autres législations, parmi lesquelles les plus importantes qu’on mentionne du point de vue du poids de leur utilisation comme matériel documentaire: le Code civil français modifié en 2001, le Code civil du Québec de 1994, avec les modifications et complétments ultérieurs, celui-ci représentant une version ameliorée, aux influences de common law, du Code civil français”. De ces informations, il ne résulte pas comment a-t-on utilisée la méthode comparative (si, par exemple, on a utilisé la méthode fonctionnelle et comment) et ni quels ont été les finalités de cette démarche (vérifier l’actualité des réglemetations du Code civil roumain, obtenir «la meilleure solution», obtenir des structures nouvelles et de nouveaux concepts juridiques etc.), mais on précise relativement les sources importantes de la démarche comparative: les codes civils du Québec et de la France. Il y a une série d’aspects qui peut être remarquée en analysant l’éxposition gouvernementale[35]:

a)              Le Code civil français n’est pas perçu comme un terme de comparaison proprement-dit, une simple alternative possible parmi d’autres, selectionnée à la suite d’un processus d’analyse et d’évaluation. On ne poursuit pas de décéler les similarités et les différences entre le droit civil roumain et le droit civil français, ou entre le droit civil français et un autre relevant d’un système de droit étranger, afin de découvrir la meilleure solution qui réponde aux besoins de réforme du droit roumain contemporain. Tout au contraire, le code civil français est regardé comme repère obligatoire de la réforme du droit civil roumain. Conformément à l’éxposition des motifs, le code civil français est plus qu’un élément obligatoire de comparaison, il est un élément obligatoire de ”corélation” législative. Cela n’est pas étonnant, en considérant que, au niveau de la mentalité juridique roumaine, le code civil français est resté un élément constitutif de la culture juridique roumaine, et la doctrine et la jurisprudence françaises, des repères obligatoires dans toute démarche scientifique en matière de droit civil;

b)              Par conséquent, il ne doit pas être surprenant que’on ait fait appel, comme terme de comparaison, au Code civil du Québec, ayant en vue que celui-ci a été (dès sa parution en 1866) et il l’est aujourd’hui, tributaire à la tradition juridique romano-germanique et surtout au Code civil français. Les influences du common law se sentent seulement en matière de droit international privé, transportation de marchandises et des épreuves.[36] Ainsi, la peur que le système de droit roumain, qui appartient à la tradition romano-germanique, sera invadé massivement par la tradition  common law est mal fondée.

c)              Les codes civiles de la France et du Québec ont été, dès le debut, non seulement des termes obligatoires pour la corélation/comparaison juridique, mais aussi des sources obligatoires de l’importation juridique. Le fait qu’on a importé avec préponderance de ces systèmes de droit, légitime notre opinion qu’il s’agissait plus de la découverte des solutions juridiques appropriées par sa „réalimentation” de ses sources originaires. Dans ces conditions, sous l’aspect de l’(in)existence des alternatives réelles, la recodification présente ressemble en bonne mesure à la codification originaire de 1864. La différence consiste  toutefois en le fait que, à 1864, le droit roumain était une tradition juridique totalement ouverte vers la communication et la récéption d’autres traditions juridiques, dans le but de contourer un système de droit national apparement clos; tandis qu’aujourd’hui on parle d’une relative ouverture vers communication et réception, le système de droit roumain (au moins en matière de droit privé) se manifestant en tant que tradition juridique vivante, dont la normativité est suffisamment contourée pour restreindre l’intérêt d’absorber une information juridique nouvelle et diversifiée[37]. Ayant en vue que la culture juridique française est une partie de la tradition juridique roumaine contemporaine[38], il n’est pas surprenant que l’ouverture du réformateur roumain s’est realisée en grande mesure vers le Code civil français et celui du  Québec, malgré l’éxistence, aujourd’hui, d’un marché dur des modèles juridiques, ou le modèle français ne détient pas du tout la suprématie[39].

d)              Probablement le plus surprenant élément de la démarche „comparative” est l’implication de l’Agence canadienne pour développement international, par „conseils périodiques regardant le projet, participation effective dans les commissions de travail, ainsi que par la transmission des matériaux documentaires et d’études de droit comparé”. Il faut préciser ici que, dans la mesure ou l’aide juridique (legal aid) [40] pourrait être classifiée aujourd’hui comme une forme contemporaine d’impérialisme juridique masqué sous des bonnes intentions, on peut mettre en question la rationnalité du processus d’importation juridique et la présence réelle d’un processus comparatif dans la préparation du nouveau Code civil roumain. Aussi, dans les conditions ou le législateur national est le plus competent à détecter les besoins de la société roumaine et d’évaluer les possibles solutions  existantes, en vue de leur compatibilisation avec la culture générale et juridique de la société roumaine, on peut poser la question: dans quelle mesure une démarche comparative faite „d’en dehors” peut-elle avoir du succès? Une analyse comparative realisée par des spécialistes roumains a beaucoup plus de chances d’etablir dans quelle mesure les institutions juridiques importées ont la chance d’être compatibles avec le système de droit et la culture juridique nationale, pour que la démarche réformatrice soit une de consolidation juridique nationale et non de colonisation juridique[41]. L’expérience historique nous a appris que n’importe combien de véléites d’adaptateurs de droit importé on aurait, ce processus présuppose une période assez longue et des déséquilibres socio-juridiques et économiques.

D’autre part, toutefois, la collaboration avec les experts canadiens peut être considerée très utile pour le législateur roumain: entré en vigueur en 1866, un an après le code de Cuza, l’ancien Code civil du Québec a été massivement inspiré par le Code civil français de 1804; la recodification finalisée en 1991 a eu en vue aussi seulement une actualisation, un perfectionnement du Code civil existant, en fonction des nouvelles réalités socio-économiques[42];

e)              L’importation juridique a été considérablement réduite qu’en 1864, car le but de la recodification a été en premier lieu ordonnateur et pas createur. On a gardé, mais reformulées et reconceptualisées, la plupart des normes du Code civil de Cuza et on a systematisé une série de normes de droit civil qui se trouvaient en dehors du code. Dans ce contexte, le droit civil roumain adapté par la doctrine et la jurisprudence est devenu un réel compétiteur sur un marché très large et dur des modèles juridiques.

f)               Une différence essentielle de la rédaction du code de 1865 est le fait que l’irrationnalité de l’importation juridique ne vise que le choix des sources d’inspiration, mais pas la quantité du droit importé. Pendant la rédaction du nouveau code civil, on a considéré, naturellement, la contribution de la doctrine roumaine et de la jurisprudence des cours roumaines, inexistantes il y a 133 ans.

Plus que ces aspects liés au droit comparé, surprend l’esprit dans lequel on fait aujourd’hui la réforme du Code civil roumain. Il est vrai que, comme j’ai deja précisé, étant une oeuvre de l’élite politico-juridique roumaine de l’époque, realisée rapidement par des raisons plutôt politiques que socio-juridiques, la codification de Cuza n’a pas pu s’arroger des prétentions d’instrument de cohésion nationale, comme il a été le Code civil français. Ce qui frappe, toutefois, c’est le quasi-anonimat et la discrétion des travaux de rédaction, l’absence des amples débats publiques tant dans le monde des spécialistes que dans la société civile et, surtout, l’indifférence de la classe politique. Pour faire une brève comparaison avec l’élaboration du Code civil du Québec de 1994, on doit remarquer que le projet de celui-là a été élaboré par une „armée” de plus de 200 spécialistes (c’est vrai, au cours de plus de quatre décénnies), tandis que le Code civil roumain a été élaboré par quelques spécialistes des universités (c’est vrai, les plus préstigieuses du pays) de Bucarest et de Cluj-Napoca, à coté de quelques praticiens; le projet du Québec a été soumis à des nombreux débats et analysé dans un nombre impressionnant d’ouvrages scientifiques, tandis que le projet roumain a été analysé seulement dans les observations des différents corps profesionnels-juridiques roumains et dans quelques ouvrages scientifiques, sans exister un dialogue réel dans la société civile sur le mode de rédaction, les sources d’inspiration, les solutions retenues etc.[43]; le projet du Québec a été accompagné d’une monumentale éxposition de motifs – Commentaires du ministre de la justice (sur) le Code civil du Québec – qui a analysé article par article en exposant les sources d’inspiration, tandis que le projet roumain a été accompagné, dans le Sénat de la Roumanie, d’une éxposition de motifs de 13 pages, présentée par un sécretaire de l’Etat au Ministère de la Justice; au projet canadien on a apporté, dans les débats parlementaires, presque 1000 amendements, tandis que le projet roumain a été adopté par unanimité au Sénat, sans amendement, suite à deux séances[44].

Rien de ces évolutions ne met en évidence le postulat d’une symbolistique nationale de la recodification. Le moment identitaire se pert dans une procédure aux véléites de simple codification administrative.

 

  1. IV.         La codification du droit civil roumain en contexte européen

 

Une recodification du droit civil roumain au début du 21eme siècle ne peut pas négliger le contexte européen dans lequel se manifeste l’Etat roumain et dont le droit roumain doit s’intégrer. Par conséquent, au delà du désidérat d’une recodification qui doit refléter les valeurs de la société roumaine, on doit discuter la récéption par la legislation roumaine des valeurs et des institutions juridiques européennes, avec ou sans la culture (juridique) roumaine. A coté des transformations subies par le droit civil roumain dans le contexte de la réforme initiée volontairement par le législateur national, il connaît et va connaître, avec une de plus en plus grande amplitude, des pressions réformistes extérieures, suite aux obligations qui reviennent à la Roumanie comme Etat membre de l’Union européenne. Dans ces conditions, surtout dans les rapports avec l’UE, la Roumanie se trouve dans une situation assez délicate du point de vue de la construction juridique: d’une part, elle se considère à l’époque de la recodification historique realisée sur des bases plus ou moins comparatives et par l’appel aux sources originaires d’importation juridique et, d’autre part, elle se trouve dans la position de récépteur et importateur inconditionnel de droit communautaire. D’une part, elle désire construir un Code civil apte à refléter ses choix juridiques et moraux nationaux et, d’autre part, il y a une déconstruction juridique nationale par l’absorbtion obligatoire des normes communautaires. La Roumanie avait, après 1989, une chance historique de renoncer à l’importation juridique irrationnelle de droit et de reconstruir son droit sur des bases comparatives naturelles. Malheureusement, l’option pour le prestige économique de l’UE et l’opportunité de l’intégration européenne a annulé les chances d’une évaluation rationnelle, comparative et fondée sur les critères de l’éfficacité économique des alternatives à suivre dans la transition vers l’économie de marché.[45]

Dans ces conditions, la Roumanie se voit devant un dilème aux implications culturelles: à ce moment-ci, elle a la chance de réaliser une congruence, autant que possible, entre la société et le droit, en donnant à son droit une dimension culturelle nationale; d’autre part, elle se trouve sous la pression d’une ingénierie culturelle exercée par le droit européen. Le dilème est d’autant plus grand que, dans le contexte de l’intégration européenne, la manifestation d’une identité juridique roumaine à travers la mentionnée valorisation culturelle du droit adapté par la doctrine et par les cours, est inéfficace, car la transposition et l’application du droit communautaire dans les systèmes de droit nationaux doivent, de nouveau, suivre des rigueurs méthodologiques spéciales.

Ainsi, la Roumanie n’a pas d’autre solution que de faire face aux deux charges et pressions: la recodification nationale en matière de droit civil et l’importation/transposition du droit communautaire dans le droit national. En même  temps, pour faire face à ces pressions, on peut parler d’une européanisation de la culture juridique roumaine. Il est important que ces processus soient synchronisés, pour ne pas créer des blocages et des conflits, ayant en vue les normes de conflit existantes entre le droit national et le droit communautaire.

En ce qui concerne l’harmonisation du droit civil roumain avec le droit communautaire, à travers la transposition des directives communautaires dans la matière, il y a, au niveau des Etats membres de l’UE, des procédures bien définies. On a, d’une part, la transposition des directives à travers des lois ou des actes normatifs administratifs ou, plus récemment, la transposition par l’introduction des normes communautaires dans les codes civils des Etats membres. La France, les Pays-Bas et l’Allemagne[46] sont des exemples positives à ce sujet.

La Roumanie, en tant qu’Etat candidat et puis membre de l’Union (depuis 2007), est obligée de transposer, à son tour, dans sa legislation et par les méthodes technico-juridiques qu’elle agrée, la totalité des directives communautaires. Dans le processus de transposition des directives qui réglementent institutions de droit civil, on peut remarquer - ayant en vue aussi le contexte de la recodification du droit civil roumain – quelques problèmes délicats, qui mettent en évidence l’absence d’une approche dans l’esprit européen de la réforme juridique en Roumanie. Un exemple significatif serait la transposition dans le droit roumain de la Directive CEE no. 85/374 de 25 juillet 1985 sur la responsabilité pour les biens défectueux. Il est surprenant, d’abord – en considérant la succession dans le temps des événements juridico-législatives – que l’institution de la responsabilité pour les produits défectueux n’a pas été consacrée par le droit civil roumain dans le contexte de l’accomplissement conscient des obligations européennes, à travers la transposition de la directive communautaire dans la matière, mais dans une manière presque inconsciente et involontaire, dans le contexte de la recodification du droit civil roumain. Ainsi, le projet du nouveau Code civil roumain comprend l’institution dans la 4eme section, La responsabilité pour le dommage causé par les animaux ou les biens du Chapitre V – Le fait illicite, qui fait partie du Titre II – Les sources des obligations, du 5eme Livre, Les obligations. Il est intéressant que tous les articles en cause du projet roumain (1115-1116; 1119-1120) sont reprises, presque mot-à-mot, des dispositions du Code civil du Québec (art. 1468-1469 et 1473), qui réglementent aussi l’institution de la responsabilité pour les produits défectueux. Une analyse comparative de la directive européene et du texte canadien (implicitement du texte roumain) met en évidence des différences importantes en ce qui concerne la définition de la notion de ”producteur” et des causes d’éxoneration de responsabilité du producteur (art. 7 de la directive)[47], ainsi que des différences d’une plus petite ampleur en ce qui concerne la notion de „produit défectueux”.

Dans la même  année des débats du projet du Code civil, l’Etat roumain, suite aux obligations qui lui revenaient en vertu de l’Accord d’association de la Roumanie a l’UE de 1995 de harmoniser la législation interne avec l’acquis communautaire, a transposé la Directive 85/374 de 1985 par la Loi no. 240 de 2004 (republiée en 2008) sur la responsabilité des producteurs pour les dommages générés par les produits défectueux. La loi roumaine reprend fidèlement les dispositions de la directive communautaire mentionnée. Ainsi, paradoxalement,[48] il y a, à present, sur la scène juridique roumaine, deux actes normatifs – un code en état de projet et une loi en vigueur – qui réglementent d’aprés des coordonnées différentes – canadiennes et européennes – la même  institution juridique. En présupposant que le projet de Code civil entrerait en vigueur dans sa forme actuelle, il serait normal  que, en vertu de son but de systématisation et de simplification de toutes les institutions du droit civil, d’abroger tous les actes normatifs qui réglementaient les mêmes institutions séparément. La loi 204/ 2004 devrait être, par conséquent, abrogée, et les dispositions du nouveau Code civil deviendront les seules applicables dans la matière. Toutefois, ayant en vue que ces dispositions ne transposent que partiellement la directive, le nouveau Code civil supportera les conséquences des principes de l’application prioritaire et de l’effet direct (ou indirect, s’il y a le cas) du droit communautaire.

La cause de cette possible situation est très claire: la préférence du législateur roumain pour l’importation juridique de la législation canadienne en matière d’obligations. Evidemment, le Code civil du Québec ne s’est pas proposé de consacrer l’institution de la responsabilité pour les produits défectueux telle comme est reglementée par la directive européenne (qui lui a seulement servi de modèle[49]). Dans ce contexte, il en résultent très clairement les conséquences du choix – pourrait-on dire, irrationnel - du legislateur roumain pour cette source d’inspiration, sans prendre en considération les intérêts et les obligations de la Roumanie qui découlent, à ce moment–ci, de sa qualité de membre de l’UE. Une solution plus appropriée serait – si on a considéré que cette institution doit être reglementée par importation juridique, l’appel au Code civil français qui, par l’article 1386, 1-18, transpose fidèlement ladite directive.

Ces aspects lèvent des questions sur la rationnalité de la démarche comparative qui a été derrière la recodification du droit civil roumain, au moins en matière d’obligations. Il serait désirable, par conséquent, de réevaluer, d’une perspective européenne, le processus de recodification du droit civil. Dans ce contexte, afin de réunir les dimensions roumaine et européenne de la réforme, afin d’achever une cohérence entre roumain et européen en matière de droit civil, une recodification du droit civil roumain qui comprenne les normes de droit communautaire devant être transposées dans le droit national serait une solution plus que heureuse.Il serait une modalité éfficace de réconcilier la multiplication, dans le contexte de l’intégration juridique européenne, des centres du pouvoir politique qui adoptent des normes juridiques applicables sur le territoire national, avec les éxigences de rationalisation et systématisation du droit, spécifiques à la tradition romano-germanique. Une telle démarche sera, toutefois, toujours problématique, au moins sous deux aspects: d’une part, il y a le problème d’une compatibilisation des institutions communautaires importées, afin de ne pas créer au sein du Code civil, paradoxalement, des îles autonomes de droit[50], qui submineraient la cohérence du Code civil; d’autre part, le problème de la possibilité d’une pression continue de la part du droit communautaire, au fur et à mesure celui-là se développerait. Une avalanche continue de droit communautaire mettrait le législateur national dans une permanente difficulté, en rendant nécessaire d’éviter la „hybridisation” du Code civil national. Le législateur national devra s’adapter à une expérience de la codification ou il ne peut plus contrôler, comme traditionnellement, le passé, le présent et l’avenir.[51] Il peut contrôler certainement le passé, il peut administrer le présent, mais l’avenir commence à échapper de sous son contrôle.

Avant de parler de l’européanisation du droit civil roumain, on devrait discuter de l’européanisation de la culture juridique roumaine et, surtout, de l’européanisation de la mentalité des doctrinaires du droit civil roumain. Il y a aujourd’hui la sensation, dans cette doctrine, que le droit civil est une branche du droit qui ne sera pas atteinte par le rouleau communautaire (surtout dans les conditions ou, chez nous, comme en France, le droit commercial – branche sur laquelle on exerce les plus nombreuses pressions de la part du droit communautaire – n’est pas compris dans le code civil). Il faut bien être conscients que, au niveau européen, on parle de l’unification du droit civil européen en matière d’obligations, propriété, contrats; qu’à l’initiative du Parlement européen, se portent des débats sur l’opportunité d’un Code civil européen; qu’il y a différentes commissions formées d’universitaires et de praticiens de tous les Etats membres, qui travaillent pour rédiger des principes communs européens du droit civil.[52] Une  européanisation des cours et manuels de droit civil roumain serait alors bienvenue. Par la recherche, sur des bases comparatives, du droit civil des Etats membres de l’UE, par la comparaison du droit civil national avec le droit civil européen, par une méthode d’enseignement du droit civil qui fasse référence en pérmanence au droit européen privé, les facultés de droit et leurs professeurs pourraient créer les „briques” et le „mortier”  de l’unification du droit civil dans l’UE.[53] Aussi, les juges roumains devront comprendre qu’il n’est que recommandé, mais même  obligatoire de recourir au droit comparé en intérpretant et en appliquant tant le droit national que le droit communautaire. Dans l’absence de telles démarches, toute recodification du droit civil en Roumanie risque d’être compromise.

 

  1. V.            Conclusions

 

En récapitulation, on peut conclure que:

  • Le nouveau Code civil roumain est une recodification (en un sens large) du droit civil roumain, faite par le législateur d’un Etat souverain, dans le but légitime d’”administrer” sa propre législation dans la matière, décodifiée en grande mesure durant les 133 ans d’application continue du Code civil de 1865. Malheureusement, au-delà des objectifs de la codification, le processus souffre d’un quasi-anonimat, de l’absence des amples débats publiques, du désintérêt de la doctrine et de l’indifférence des hommes politiques.
  • La recodification du droit civil roumain n’est pas une démarche nécessaire, s’il est ancré seulement dans un contexte purement national. La tradition juridique roumaine montre qu’en matière de droit civil, la vraie dimension roumaine se retrouve dans la jurisprudence et dans la doctrine. Celles-ci ont eu les ressources nécessaires tant d’adapter le droit importé aux nécessités de la société roumaine, que de créer la cohérence nécessaire a une application unitaire du droit civil. Mise en contexte européen, la démarche de la recodification se prouve utile que si on incluerait dans le nouveau code les institutions de droit civil européen, mises en accord avec les institutions roumaines. Ainsi, la gagnante sera la cohérence du droit civil roumain.
  • Le droit comparé a été au fondement du processus de recodification. Toutefois, on ne constate pas un recours à large échelle au choix d’un grand nombre d’alternatives et de modèles juridiques mais, plutôt, on peut remarquer un besoin d’actualiser le droit civil par sa corélation avec les sources originaires d’importation juridique, mais dans les circonstances ou on n’importe toujours ce qu’il le faut, combien il le faut et d’ou il le faut.
  • On constate une nécessité imperative d’européanisation du droit civil roumain, tant au niveau de la codification, qu’au niveau de la doctrine et de la jurisprudence. Tant le législateur roumain, que les doctrinaires et les praticiens, paraîssent d’avoir perdu de vue le fait que le droit civil national est et sera soumis à des grandes pressions de la part du droit communautaire.

 

 


* Chargé de cours et vice doyen de la faculté de Droit de l’Université „Lucian Blaga” de Sibiu, où il enseigne l’histoire du droit et la théorie générale du droit comparé ; manuelgutan@gmail.com.

[1] En ce qui concerne les significations de la recodification, voir M. McAuley, Proposal for a Theory and a Method of Recodification, dans Loyola Law Review, vol. 49/2003, pp. 274 et suiv.

[2] Les Règlements Organiques ont été redigés un pour chaque Principauté - Moldova și Valahia- par des commissions de nobles roumains, sous la directe surveillance des Russes, qui ont temporairement occupé les Principautés entre 1828-1834. Ils ont representé, entre 1831 et 1858, les actes fondamentaux de l’organisation des deux pays roumains.

[3] Voir V. Erbiceanu, Aplicarea principiilor dreptului francez în România și reacția provocată în viața noastră socială și culturală, dans Dreptul, 1904, p. 188

[4] Voir M. Guțan, Romanian Tradition in Foreign Law Import: Between Necessity and Weakness, dans Imperialisme et Chauvinisme juridiques. Rapports présentés au colloques a l’occasion du 20e anniversaire de l’Institute Suisse de droit comparé, Lausanne, 3-4 octobre 2002, Schulthess, Zurich, 2004, pp. 70-71

[5] Cela ne signifie pas moins que les articles qui ont été importés n’ont pas été reprises, le plus souvent, mot-à-mot.

[6] Cela n’a pas été par hasard. Tel comme remarquait J. Carbonnier, ”la famille est l’institution juridique pour laquelle le droit compte le moins, car l’essentiel lui vient des moeurs et de la morale”. Voir M.-F. Bureau, Code et famille: avant-garde ou fixité? Codification, Don Quichotte et autre histoires, dans Les Cahiers de droit, vol. 46/2005, p. 397

[7] Pour les effets de cette situation, voir M. Guțan, Building the Romanian Modern Law – why is it Based on Legal Transplant?, dans Acta Universitatis Lucian Blaga. Seria jurisprudentia (English Edition), Supplement 2005, pp. 139 et suiv.

[8] Pour des details, voir E. Cernea, Criza dreptului în România la 1907, Editura Universității din București, 2001, pp. 38 et suiv.

[9] Voir C. Hamangiu, I. Rosetti Bălănescu, Al. Băicoianu, Drept civil român, All, București, 1996, p. 25

[10] Voir J.-L. Baudouin, La réforme du droit des obligations, dans Les Cahiers de droit, vol. 30/1989, pp. 823-824; P. Legrand, Strange Power of Words: Codification Situated, dans Tulane European and Civil Law Forum, vol. 9/1994, p. 8-9

[11] Voir V. Erbiceanu, op.cit., pp. 193 et suiv.

[12] Voir V. D. Zlătescu, Drept privat comparat, Editura Oscar Print, București, 1997, p. 173

[13] Al Herlea, Studii de istorie a dreptului, vol.3, Editura Dacia, Cluj-Napoca, 1997, p. 11

[14] A Rădulescu, Izvoarele dreptului civil, dans Pagini din istoria dreptului românesc, Editura Academiei RSR, București, 1970, p. 185

[15] Ibidem, pp. 184-187

[16] R. Sacco, La comparaison juridique au service de la connaissance du droit, Economica, Paris, 1991, pp. 33 et suiv.

[17] On utilise dans cet ouvrage le terme „recodification” dans son sens le plus large, y compris l’idée de simple revision. Le nouveau Code civil roumain n’est pas un nouveau code dans le sens substantiel du terme. Il ne crée pas, il plutôt ordonne, reformule et actualise. Dans le langage technico-juridique français, il s’agirait plutôt d’une codification-modification ou d’une codification innovation que d’une codification compilation ou codification administrative. Voir R. Cabrillac, Les enjeux de la codification en France, dans Cahiers de droit, vol. 46/2005, pp. 539 et suiv. Voir, aussi, B. Fauvarque-Cosson, Modern Developement in French Codification, dans Edinburg Law Review, vol. 4/2000, pp. 353 et suiv.

[18] Voir M. McAuley, op.cit., pp. 265 et suiv.

[19] P. Legrand, op.cit., p. 31

[20] Voir D. Chirot, Schimbarea socială într-o societate periferică, Corint, București, 2002, pp. 254 et suiv.

[21] Voir collectif, Istoria dreptului românesc, vol. II, partea a doua, Editura Academiei RSR, București, 1987, pp. 267-268

[22] Parmi les plus importantes modifications: le Decret 32/1954 sur les personnes juridiques et physiques, qui a abrogé les articles correspondantes du Code, et le Code de la famille de 1954, qui a abrogé toutes les institutions du Code civil liées a la famille.

[23] C’est souvent incorrecte la perception éxterieure sur l’evolution du Code civil roumain avant et après 1989. Le professeur M. Grimaldi est en erreur quand il écrit sur le Code civil roumain ”englouti lors du naufrage du système juridique socialiste” ou sur le fait que les pays de l’Est  (probablement la  Roumanie aussi) se faitent reconstruir entièrement le droit civil. Voir M. Grimaldi, ”Codes et codification”: pour souligner la dixième anniversaire de l’entrée an vigueur du Code civil du Québec et le bicentenaire du Code Napoleon, dans Les Cahiers du droit, vol. 46/2005, p. 19, note 28; p. 16. Au contraire, la Roumanie a été le seul Etat socialiste du bloc est-européen qui n’a pas abrogé son Code civil ”bourgeois”.

[24] Voir V. D. Zlătescu, Le droit roumain dans le grand système romano-germanique, dans Revue internationale de droit comparé, nr. 4/1991, pp. 829 et suiv.

[25] La continuité de l’application du Code civil de 1865, avec sa propriété privée de type romain, a facilité en Roumanie la transition vers l’économie de marché. Voir aussi V. D. Zlătescu, Le droit de la transition en Roumanie, dans Revue internationale de droit comparé, nr. 4/1995, pp. 975 et suiv.

[26] Une recodification du droit civil roumain permettrait de reformuler et de reconceptualiser les dispositions restées en vigueur du Code civil. Ce serait une chance de „décodifier” le code du point de vue linguistique, et de le rendre plus accessible aux spécialistes. Justement pour cela, ayant en vue que chez nous il n y a pas eu de préoccupations pour l’accessibilité du code à toutes les catégories sociales et, même s’il a existé, on a pas réussi une telle chose, le nouveau Code civil pourrait consacrer un langage juridique rigoureux et actuel et le nombre des definitions soit augmenté pour clarifier les spécialistes. En tout cas, comme reconnaît aussi M. Grimaldi, la simplicité et l’accesibilité linguistique du Code civil sont purement  demagogie. Voir op.cit., p. 22

[27] M. McAuley, op.cit., p. 268

[28] Voir R. Cabrillac, op.cit., pp. 541 et suiv.

[29] Voir R. Cabrillac, Le Code civil est-il la véritable constitution de la France?, dans Revue Juridique Themis, vol. 39/2005, pp. 245 et suiv.

[30] M. Grimaldi, op.cit., pp. 26-27

[31] Voir M. Billau, La doctrine et les codes. Quelque reflexions d’une civiliste francais, dans Les Cahiers du droit, vol. 46/2005, pp. 448 et suiv.

[32] Voir G. Ajani, The role of Comparative law in the adoption of new codifications, dans Rapports nationaux italiens au XVeme Congres International de Droit comparé, Bristol 1998, Giuffre Editore, 1998, p. 69

[33]  voir M. Guțan, Romanian Tradition in Foreign Law Import: Between Necessity and Weakness, op.cit., pp. 65 et suiv.

[34] voir A. Hartmathy, Codification in a Period of Transition, dans U. C. Davis Law Review, vol. 31/1997-1998, p. 797

[35] On précise que les affirmations presentées dans ce qui suit visent seulement l’éxposition de motifs du Gouvernement. Dans l’absence des informations claires sur les modalités, les sources et les objectifs de la commission de rédaction, ainsi que sur le rôle précis joué par les canadiens dans l’ élaboration du code, nos opinions pourraient être atteintes d’une trop grande subjectivité. On nous assume toutefois la charge de revenir sur tout cela des que plus d’informations seront rendues publiques.

[36] P.-G. Jobin, Le droit comparé dans la réforme du Code civil du Québec et sa première intérpretation , dans Les Cahiers de droit, vol. 38/1997, p. 490

[37] Pour la dynamique de la tradition juridique nationale, voir H. P. Glenn, La tradition juridique nationale, dans Revue internationale de droit comparé, nr. 2/2003, pp. 263 et suiv.

[38] Il est intéressante, dans ce  contexte, l’intérpretation  que P. Glenn la donné à la syntagme ”droit commun” reglementée par les Dispositions préliminaires du Code civil du Québec de 1994 et reprise par l’article 2 du nouveau Code civil roumain. En faisant une parallèle entre le sens romain de l’expression, qui visait un droit unique applicable, sans accepter la pluralité juridique, et le sens donne au Moyen Age européen à l’expression ius commune – de droit commun supplétif, appliqué par rapport aux normes particulières de l’Europe occidentale -, l’auteur souligne les avantages de la dernière intérpretation  pour la compréhension des différents phénomènes juridiques contemporaines. Voir H. P. Glenn, La Disposition preliminaire du Code civil du Québec, le droit commun et les principes généraux du droit, dans Les Cahiers du droit, vol. 46/2005, pp. 339 et suiv. Il est important à retenir, pour l’évolution de la tradition juridique roumaine, la permanente relation entre le Code civil français, la doctrine et la jurisprudence de droit civil françaises, et le droit civil roumain. Le droit civil français pourrait être entendu, d’apres l’intérpretation  de Glenn, comme un droit commun supplétif pour le droit civil roumain, et le droit civil du Québec pourrait le devenir. Ainsi, on comprend mieux pourquoi la recodification du droit civil roumain se rapporte prioritairement au droit civil français ou d’inspiration française.

[39] Voir G. Canivet, French Civil Law Between Past and Revival, dans Loyola Law Review, vol. 51/2005, pp. 46 et suiv.

[40] voir M. Bogdan, International Developement Aid as a Creator of a New Small Mixed Legal Systems, dans Imperialisme et Chauvinisme juridiques, op.cit., pp. 55 et suiv.

[41] P.-G. Jobin, op.cit., p. 500

[42] voir J.-F. Niort, Le Code civil face aux défis de la société moderne: une perspective comparative entre la revision française de 1904 et le nouveau Codecivil du Québec de 1994, dans McGill Law Journal, vol. 39/1993-1994, p. 852

[43] On pourrait expliquer ainsi la frénésie des sénateurs roumains qui, sans attendre les débats sur le problème par la société civile, et contre la position du Ministère de la Justice, qui soutenait l’inutilité d’une telle réforme, dans les conditions de la modification dans le même sens de l’institution par le projet de Code civil, ont adopté, dans la séance de 13 fevrier 2008, la modification de  l’art. 1 du Code de la famille. Paniqués que cet article, qui prévoit que „la famille a comme fondement le mariage librement consenti entre les époux” pourrait être interprété, apres 54 ans d’application, comme acceptant les mariages entre les personnes du même sexe (?), ont remplacé le texte avec la formule „la famille a comme fondement le mariage librement consenti entre un homme et une femme”. Voir http://www.cdep.ro/pls/steno/steno.stenograma?ids=6446&idm=9&idl=1 . On découvert ici une absence totale de compréhension de la manière dans laquelle on devrait faire la réforme dans un domaine tellement socio-sensible et socio-dépendent comme le droit de la famille, dans le contexte ou en Roumanie a lieu la recodification du droit civil et, implicitement, du droit de la famille.

[44] En ce qui concerne les traits du processus d’adoption du Code civil du Québec, voir P. A. Crepeau, Reflexions sur la codification du droit privé, dans Osgoode Hall Law Review, vol. 38/2000, pp. 268 et suiv.

[45] Voir G. Ajani, By Chance and Prestige: Legal Transplant in Russia and Eastern Europe, dans The American Journal of Comparative Law, vol. 43/ 1995, pp. 114-116

[46] Dans le dernières années, le législateur allemand a commencé a renoncer à l’implémentation des directives européennes à travers des lois spéciales et à intégrer les dispositions communautaires directement dans le Code civil (BGB) par des nouveaux paragraphes. Voir Th. M. J. Mollers, European Directives on Civil Law – Shaping a New German Civil Code, dans Tulane European and Civil Law Forum, vol. 18/2003, pp. 17 et suiv.

[47] La directive européenne limite drastiquement les causes d’éxoneration de responsabilité du „producteur” pour les produits défectueux, en excluant le cas de force majeure réglemente par le  Code canadien et, implicitement, par le projet roumain. La marge de dérogation des Etats membres vise seulement à établir la limite pécuniaire de la responsabilité générale du producteur pour la mort ou les lésions corporelles causées. Cette limite ne peut, toutefois, être inférieure au montant de 70 millions d’euros.

[48] Le paradoxe ne fait pas référence à la concurrence des deux actes normatifs, car le nouveau Code civil n’est pas en vigueur, mais au fait que, en même temps, on a conçu la réglementation de la même institution par rapport aux sources différentes d’importation juridique.

[49] Voir G. Remillard, Codification et mondialisation, dans Revue internationale de droit comparé, vol. 46/2005, p. 605

[50] Voir J.-L. Baudouin, Quo Vadis, dans Les Cahiers de droit, vol. 46/2005, p. 618

[51] Voir C. Kessedjian, Le temps du droit au XXI siècle – Compatibilite avec la codification?, dans Les Cahiers de droit, vol. 46/2006, p. 550

[52] Je mentionnerais ici la Commission pour le droit contractuel européen, créée en 1980 et dirigée par le professeur danois Ole Lando (d’ou le nom de Commission Lando), qui travaille à un projet gigantesque intitulé Les principes du droit européen des contrats. Voir O. Lando, The Common Core of European Private Law and the Principles of European Private Law, dans Hastings International & Comparative Law Review, vol. 21/1997-1998, pp. 809 et suiv. Il faut aussi mentionner le Groupe d’études sur un Code civil européen, coordonné par le professeur allemand Christian von Bar, groupe crée en 1998. Voir Chr. Von Bar, From Principles to Codification: Prospects for European Private Law, dans Columbia Journal of European Law, vol. 8/2002, pp. 379 et suiv.

[53] Voir P. Schlechtriem, Towards a European Law – The Contribution of Law Faculties to Reform and Unification of Private Law, dans European Journal of Law Reform, vol. 1/1999, pp. 47 et suiv.


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