Numărul 2 / 2008
LA CASSATION ET LE RECOURS REGLEMENTES PAR LA PROCEDURE CIVILE ROUMAINE
Sebastian SPINEI*
Résumé : Le recours civil est l’une des institutions procédurales qui ont connu, dans le droit roumain, de fréquents changements. Parmi ceux-ci, ceux survenus à partir de 1993 ont démontré que le législateur roumain n’a pas réussi à isoler, de façon satisfaisante, les données du recours, respectivement celles qui pourraient conférer l’identité réelle à cette voie d’attaque. L’échec de l’identification d’un modèle théorique de référence a engendré des oscillations et des hésitations et même l’incidence de solutions légales et jurisprudentielles arbitraires, erronées, déficitaires ou contradictoires. Nombre de ces solutions n’ont bénéficié ni du support d’une logique formelle consistante et efficace, ni du fondement de la connaissance du bloc de règles fondamentales, aptes à gouverner un système cohérent des voies d’attaque et un remède procédural présentant la physionomie particulière du recours. Le recours réglementé par la procédure roumaine actuelle est le légataire du recours en cassation de la procédure d’avant la guerre. Ce dernier provient du droit français et a fonctionné pendant la période 1862-1948, selon des principes et des règles concrets identiques à ceux du droit français : le recours ne représentait pas le troisième degré de la juridiction commune, mais une juridiction à fonction spéciale ; l’instance de recours ne remplaçait pas la décision attaquée par sa propre décision, n’instrumentait pas et ne solutionnait pas non plus le fond du procès ; dans le recours on ne réexamine pas les faits, mais on vérifie seulement la conformité de la décision à la loi ; l’appréciation des faits est l’attribut souverain des instances du fond. Ce sont les traits du recours dans le soi disant système de la « cassation pure ». Mais, dans le système de droit roumain, le recours a été pendant longtemps (1952-1993) l’unique voie d’attaque ordinaire. Avant 2000, le recours était qualifié par la loi comme deuxième voie ordinaire d’attaque. La fonction de voie ordinaire d’attaque remplie dans les périodes mentionnées a été assurée par des règles et des normes procédurales appropriées à ce type de fonction. Mais beaucoup de ces règles et normes continuent à être toujours actives aujourd’hui, lorsque le recours tend à s’aligner au système classique de la cassation. Ce conflit entre les normes qui ont survécu, de nouvelles normes inadéquates et des intentions diffuses ou incertaines est à présent la source du recours qui se présente et agit comme une voie d’attaque hybride. C’est toujours dans la même zone qu’il résulte une série de paradoxes ou d’inconsistances du recours réglementé par la procédure civile roumaine.
I. Le système de la Cassation.
Le système de la Cassation remonte au Moyen Age, là où l’on configurait le principe grâce auquel les solutions des juges régionaux pouvaient être sanctionnées par un juge à compétence nationale. Ainsi Philippe Auguste (1165 – 1223, n.n.) est-il le premier monarque français qui impose la voie d’exercer un « appel » contre la décision d’une juridiction seigneuriale, respectivement de la « cour » d’un vassal à la « cour » de son suzerain. De là, le droit du roi comme suzerain de tous les seigneurs féodaux de n’intervenir initialement que si ceux-ci refusaient de juger. Saint Louis (1214 – 1270, n.n.) introduit « l’appel » aux « cours du roi » contre les décisions des juridictions seigneuriales[1]. En 1492 on crée[2] un Grand Conseil au sein du Conseil royal afin de censurer les décisions du Parlement. On a considéré[3] que c’est dans ce cadre-ci qu’ont apparu pour la première fois les éléments définitoires du recours en cassation : enfreinte de la loi, raison de déclenchement de la voie d’attaque ; renvoi de l’affaire, après contrôle et cassation de la décision, à une autre juridiction, pour que celle-ci statue sur le fond. En 1578, le Conseil royal se divise en deux sections – le Conseil d’Etat (pour le jugement des procès de nature publique) et le Conseil des parties (ou le Conseil privé) pour le jugement des procès d’intérêt privé.[4] L’ordonnance de Blois (1579) d’Henri III et l’Edit de Rouen (d’Henri IV, donné, paraît-il, en 1597) introduisent pour la première fois le mot « cassation »[5]. Une ordonnance de 1660 appartenant au roi Louis XIV réglemente la forme des demandes en cassation[6]. En 1667, une ordonnance importante[7] du même monarque exprime le principe de la cassation, déclarant nulles et sans effet ni valeur les décisions données contre les dispositions contenues dans les ordonnances, les édits et les proclamations[8]. En 1790 on crée, à la place du Conseil des parties[9], un Tribunal de Cassation « unique et sédentaire auprès du Corps législatif », qui devient en 1804 la Cour actuelle de Cassation de France.[10] L’évolution historique de ces institutions judiciaires met en évidence les éléments de la Cassation – conceptet institution distincte, particulière, structure logique et fonctionnelle unitaire qui intègre plusieurs dimensions. Selon Piero Calamandrei, la Cassation se présente comme un binome Recours – Cour de Cassation[11]. Selon d’autres auteurs[12], les éléments de l’institution de la Cassation sont : une voie d’attaque extraordinaire nommée recours ; un organisme judiciaire suprême, placé au sommet de la pyramide du système judiciaire – la Cour de Cassation ; une procédure distincte (sui-generis); une fonction spéciale, celle de nomophylaxie judiciaire[13] L’analyse historique relève aussi les éléments définitoires du recours ou purvoi en cassation – le fondement du déclenchement de la voie d’attaque (qui est exclusivement la violation de la loi, et non pas l’établissement incorrect de l’état de fait) et la technique d’envoyer l’affaire, après le jugement du recours, à une autre juridiction pour qu’elle statue sur le fond. On ne doit pas faire abstraction du fait que le recours a été conçu comme étant de la compétence d’une instance suprême, la voie d’attaque étant, à l’origine, indissolublement liée à l’organe judiciaire appelé à la solutionner.
C’est de ces trois éléments essentiels – le fondement, la solution et l’instance compétente – que découlent également les autres règles qui régissent les procédures du recours en cassation – on n’examine pas l’état de fait, mais uniquement la conformité de la décision à la loi ; le recours ne représente pas un troisième degré de juridiction ; l’instance de recours ne remplace pas la décision attaquée par sa décision, n’instrumente pas le fond de la cause ; l’établissement des faits est l’attribut souverain des instances du fond. Enfin, nous pouvons déceler, après avoir fait la présentation des éléments d’ordre historique concernant le recours en cassation, les fonctions principales de la Cour Suprême. Le recours a été initialement conçu comme une voie d’attaque extraordinaire qui devait être solutionnée par une instance suprême. Cette orientation n’est pas hasardée, étant donné qu’on envisageait ainsi de conférer à la plus haute instance des fonctions d’importance spéciale et d’intérêt général : assurer le respect de la loi par toutes les instances[14], assurer l’unité d’interprétation et d’application de la loi, l’exercice d’une forme d’autorité sur toutes les instances par son placement au sommet du système hiérarchique.[15]
II. La réglementation du recours en Roumanie
En 1859 a été rédigé un projet de la loi de la Cour de Cassation qui est entré en vigueur en 1861, la Cour étant créée le 15 mars 1862 à Bucarest[16]. La procédure du recours a été réglementée par les lois de la Cour de Cassation et, pour certaines matières, dans les lois d’accélération des litiges[17] jusqu’en 1948, quand elle a été introduite dans le Code de procédure civile. A l’entre deux-guerres, le recours avait une réglementation presque identique à celle du droit français, auquel il a été emprunté : dans la quasi-totalité des situations, il était solutionné par la Cour de Cassation et ne constituait pas un troisième degré de juridiction vu qu’il ne représentait pas un jugement du fond, mais une voie d’attaque d’annulation, non de réformation. En 1852, la voie d’attaque de l’appel a été supprimée, le recours restant la seule voie ordinaire d’attaque[18] et constituant le deuxième degré de juridiction. Ainsi conçu, le recours donnait l’occasion à rééditer le jugement et la première solution était remplacée par la décision de l’instance de contrôle sur le fond du litige, soit suite à la modification de la première[19], soit suite à la cassation qui était succédée par la rétention de la cause pour le rejugement du fond[20]. Ces solutions que l’instance de recours prononçait justifiaient la qualification de voie ordinaire d’attaque, attribuée au recours et permettaient l’exercice de ce type de fonction. Par la loi no 56 de 1993, on a réintroduit l’appel, le recours étant maintenu comme une deuxième voie ordinaire d’attaque, et, par conséquent, comme troisième degré de juridiction[21]. Mais, tout comme on l’a montré, la qualification légale du recours comme voie ordinaire d’attaque ne correspondait pas tout à fait au contenu de la réglementation qui limitait les raisons du recours et attribuait à celui-ci un caractère non-suspensif d’exécution[22]. D’autre part, le législateur a mis le jugement des recours dans la compétence des instances inférieures et non pas de l’instance suprême, préservant aussi la solution de la cassation avec rétention pour le rejugement du fond, qui implique des attributions d’instances de fond. On a apprécié dès lors que la réforme apportée n’était pas satisfaisante, le législateur prenant pour modèle le Code de 1948 et non pas la réglementation antérieure, par acela même s’éloignant du modèle et du but de la fondation d’une Cour unique et suprême et du rôle que le recours doit remplir dans le procès civil[23]. Ultérieurement, par l’ordonnance no 138 de 2000, on a attribuée au recours la qualification expresse de voie extraordinaire d’attaque. Cependant, on n’a pas modifié la compétence de jugement du recours et on n’a pas éliminé non plus le procédé de la rétention de la cause pour rejugement après cassation. Davantage encore, on a réintroduit la solution de la modification de la décision attaquée. Une modification spectaculaire de la physionomie du recours a eu lieu suite à l’adoption de l’O.U.G. no 58 de 2003, par laquelle on a tenté une reforme de substance dans la matière par le retour à la solution de l’entre deux-guerres, définitoire pour le recours en cassation, plus précisément celle que le recours soit donné en compétence presque exclusive à la Cour Suprême de Justice, appelée Haute Cour de Cassation et de Justice, suite à la révision de la Constitution en octobre 2003[24]. Mais la réglementation des solutions que la Cour pouvait apporter au recours n’était que partiellement adéquate, vu qu’on a maintenu la possibilité de modifier l’arrêt attaqué, malgré que, en cas de cassation, la cause fût envoyée vers rejugement. Mais très vite, suite à l’adoption de l’O.U.G. no 65 de 2004 et de la loi no 219 de 2005, on a rétabli la règle précédente, conformément à laquelle le recours est solutionné pas l’instance immédiatement supérieure à celle qui a prononcé la décision d’appel (art. 299 alinéa 2 c.pr.civ.)[25].
III. Problèmes engendrés par la réglementation actuelle. La fonction du recours réalisée dans les périodes antérieures a été assurée par des règles et des normes procédurales appropriées à ce type de fonction. Mais nombre de ces règles et normes continuent à être toujours actives aujourd’hui, lorsque le recours tend à s’aligner au système classique de la cassation. Ce conflit entre les normes qui ont survécu, de nouvelles normes inadéquates et des intentions diffuses ou incertaines est à présent la source du recours qui se présente et agit comme une voie d’attaque hybride. C’est à partir de la même zone qu’il résulte toute une série de paradoxes ou d’inconsistances du recours .
III. 1. Orientations doctrinaires et jurisprudentielles discutables.
La doctrine et la pratique définissent le recours comme voie d’attaque non-dévolutive, tandis que les solutions de rétention en vue du rejugement après cassation et de modification que la loi prescrit le légitiment comme voie dévolutive (rapporté à l’ensemble de l’activité de l’instance de recours). Autrement dit, par la légifération de la possibilité de modifier l’arrêt attaqué et par la consécration de l’étape procédurale du rejugement après cassation, on a confié à l’instance de recours des attributions d’instance de fond : l’instance de recours solutionne le fond de la cause[26], pouvant établir un état de fait différent de celui retenu par l’instance dont la décision a été attaquée ; en donnant la solution sur le fond, l’instance de recours prononce une décision susceptible d’exécution forcée[27].
Les instances de recours considèrent qu’elles ne peuvent administrer des preuves même pas après cassation. En réalité, interprétant de façon rigide le texte légal (art 305 c.pr.civ.) qui montre que, par la voie du recours, on ne peut pas produire de nouvelles preuves, les tribunaux et les cours d’appel s’arrogent des prérogatives de Cours de Cassation, ignorant la pratique et la doctrine antérieures à 1993, qui statuaient, par exemple, que « si l’on admet le recours et si la décision de la première instance est cassée, à l’occasion du rejugement du fond après cassation, on peut admettre et administrer de nouvelles preuves : nouveaux témoignages, interrogatoires, expertises, recherches locales. Dans ces cas, les nouvelles preuves doivent être indiquées dans la requête de recours non pour être administrées dans le but de l’admission du recours, mais à l’occasion du jugement du fond, supposant que le recours sera admis »[28], ou que « l’instance de recours, par la décision même de cassation, dispose l’administration des preuves, telles la citation des témoins, etc. »[29].
Le recours est qualifié simultanément comme étant une voie d’attaque non-dévolutive et de réformation, mais le recours en cassation était non-dévolutif, à force d’être une voie d’attaque d’annulation[30] - une voie d’attaque ne peut pas être non-dévolutive si elle tend à réformer la décision attaquée, vu que la réformation était le résultat de la dévolution. Comme voie d’attaque de réformation, dévolutive, et au cours de laquelle on peut administrer des preuves, le recours présente à présent toutes les données pour se manifester comme troisième degré de juridiction, ce qui signifie multiplication des voies d’attaque et insécurité juridique.
En essayant d’imprimer au recours un caractère plus prononcé ou exclusif de voie de vérification de la légalité, on a supprimé des causes d’ouverture du recours, ce qui a justement comme résultat, dans notre opinion, le recouvrement d’illégalités possibles commises par les instances par l’élimination des moyens de les signaler[31].
Enfin, nous rappelons la question formelle de la discordance entre la dénomination de notre instance suprême, celle de Cour de Cassation, et le manque de compétence en matière de cassation ou de jugement des recours.
III.2. Conséquences de l’attribution de la compétence à solutionner les recours aux tribunaux et aux cours d’appel
Le recours remplit en d’autres systèmes de droit, tout comme autrefois chez nous, une fonction spécifique à cette voie d’attaque, c'est-à-dire celle d’assurer l’uniformité de la jurisprudence par une interprétation unitaire de la loi[32]. Comme on a observé, l’appel n’est plus suffisant pour une bonne administration de la justice ; il faut toujours éviter que les différentes juridictions statuent différemment sur les mêmes questions. C’est pourquoi la juridiction de la Cour de Cassation a été placée au-dessus de toutes les autres[33]. Mais, à présent, dans le droit roumain, il y a une discordance entre la fonction, exprimée au niveau normatif, de l’instance suprême, celle d’uniformisation de la jurisprudence, et l’absence des instruments adéquats, c'est-à-dire de l’attribution à solutionner les recours. Mais, autant que chez nous la compétence à juger les recours appartient aux 41 tribunaux et aux 15 cours d’appel, la fonction en discussion est restreinte à la circonscription de chacune de ces instances, d’où le risque de la soi-disant fédéralisation de la justice en Roumanie[34], c'est-à-dire du fonctionnement parallèle de plusieurs jurisprudences, différente d’une circonscription judiciaire à l’autre[35]. Or, il est profondément inéquitable que la perte ou le gain d’un procès dépende de la circonscription où la partie, conformément aux normes de compétence, est obligée à se faire juger et où les instances ont une pratique différente de celle administrée dans d’autres circonscriptions[36].
IV. Le projet du Nouveau Code de Procédure Civile Roumain .
Le projet du nouveau Code de Procédure Civile tente, apparemment, de s’aligner de nouveau au système de la Cassation, par le contour de principes directeurs tels : - l’institution de la compétence presque exclusive en faveur de la Cour de Cassation (la Haute Cour de Cassation et de Justice) dans le jugement des recours (article 460 alinéa 3) ; - le retour à la solution unique, traditionnelle, de cassation par la Cour Suprême de la décision attaquée, avec le renvoi de la cause aux instances inférieures en vue du rejugement. Mais, par les modifications préconisées, peu d’affaires pourront arriver en recours à l’avenir devant la Cour de Cassation, étant donné le système de compétences envisagé par le nouveau Code. De la sorte, conformément aux prévisions de l’article 88, la Cour juge les recours déclarés contre les décisions des cours d’appel, des arrêts prononcés par les tribunaux en contentieux administratif et d’autres décisions, dans les conditions de la loi. Les cours d’appel prononcent des décisions en premier ressort, dans la matière du contentieux administratif concernant les actes des autorités et des institutions centrales, et dans l’appel, contre les décisions prononcées par les tribunaux en matière de propriété intellectuelle, certains conflits de travail, expropriation, la reconnaissance des titres exécuteurs étrangers, la réparation des préjudices produits par erreurs judiciaires, et d’autres requêtes qui n’entrent pas dans la compétence d’autres instances. Par disposition expresse (article 460 alinéa 2 c.pr.civ.), le recours est supprimé dans la plupart des matières où la compétence de première instance revient au tribunal de première instance (instance de premier degré dans le système roumain de compétences, à part le tribunal). Il s’agit de requêtes concernant : la nullité ou le divorce, la tutelle de l’enfant mineur, l’obligation légale d’entretien, les enregistrements dans le registre d’état civil, l’évacuation, les servitudes, l’établissement de la frontière, la possession, les obligations de faire, les conflits de travail. D’autre part, le recours est supprimé, conformément à la même disposition, dans la matière du partage judiciaire et, par interprétation, dans le cas des requêtes ayant une valeur de plus de 100.000 lei (environ 30.000 euros). En corroborant les dispositions concernant la compétence (articles 85-88), les requêtes ayant une valeur de plus de 100.000 lei vont être jugées en première instance par le tribunal, en appel à la cour d’appel et en recours à la Cour de Cassation. Cette solution législative a pour effet que, dans la plupart des matières, la voie d’attaque du recours a été purement et simplement éliminée.
Les voies d’attaque qui vont accomplir la fonction d’uniformisation de la jurisprudence, à côté du recours qui va opérer seulement dans des matières considérées de plus grande importance, seront le recours dans l’intérêt de la loi et la demande déduite à la Cour de Cassation pour la prononciation d’une décision préalable pour sollutionner certains problèmes de droit, institution nouvellement introduite dans la procédure roumaine[37]. La mesure de supprimer la voie d’attaque du recours dans les matières mentionnées est, peut-être, une mesure révolutionnaire qui va avoir des effets positifs – elle élimine la position de « Cours de Cassation régionales » de tribunaux et de cours d’appel[38] et, de façon certaine, supprime le problème d’une éventuelle surcharge de la Cour Suprême. Mais nous ne pouvons pas éviter d’exprimer notre regret que la Roumanie n’ait plus eu depuis 1948, qu’elle n’ait pas, à présent et à l’avenir non plus, une Cour de Cassation qui ait exercé sa fonction disciplinaire, le rôle de « gardien des lois » et de protecteur des justiciables contre l’excès de pouvoir des instances, et enfin, la fonction d’instrument d’uniformisation de la jurisprudence. Nous croyons que le Droit roumain aurait eu besoin, pendant ces années-là, d’une telle institution.
* Sebastian Spinei est chargé de cours à la Faculté de Droit de l’Université « Lucian Blaga » de Sibiu, Roumanie. Il enseigne la procédure civile. sebastianspinei@gmail.com. [1] (Joseph-Edouard) Boitard, Leçons de Procédure civile, publiées par Gustave de Linage, revues, annotées, complétées et mises en harmonie avec les lois récentes par G.F. Colmet – Daage, Cotillon, Librairie du Conseil d’Etat, Paris, 1868, vol. I, p.4 . [2] C’est Charles VIII qui l’introduit cf. A. (Aimé-Bernard-Yves-Honoré) Rodière, Traité de compétence et de procédure en matière civile, A. Durand et Pedone-Lauriel – Editeurs, Libraires de la Cour D’Appel et de L’Ordre des avocats, Paris, 1878, Tome I, p.6 . [3] E. (Eugene) Garsonnet, Ch. (Charles) Cézar-Bru, Traité théorique et pratique de Procédure Civile et Commerciale en justice de paix et devant les Conseils de prud’hommes, Librairie de la Société du Recueil Sirey, Paris, 1915, p.597. [4] E. Garsonnet, Ch. Cézar – Bru, op. cit., p.598, C.E. (Charles-Eugène) Camuzet, Manuel des matières du code de Procédure civile, 7e édition, Marescq Jeune, Paris, f.a., p.XXI . [5] « Déclarons que les arrêts de nos cours souveraines ne peuvent être cassés ni rétractés que par les voies de droit (…) » Sont déclarées « nuls et de nul effet et valeur” les décisions qui contreviennent aux normes légales – E. Garsonnet, Ch. Cézar – Bru, op. cit., p.598, 599 . A voir aussi Constantin Hamangiu, Richard Hutschneker, George Iuliu, Recursul în casaţie şi contenciosul administrativ, Editura Naţională S. Ciornei, Bucarest, 1930, p.IV . Pour la périodisation, à voir aussi Pierre-Clément Timbal, André Castaldo, Histoire des institutions publiques et des faits sociaux, Dalloz, Paris, 1985, p.715. Idem, p. 345, pour „les Cours souveraines”. [6] E. Garsonnet, Ch. Cézar – Bru, op. cit., p.600 . [7] Connue sous le nom de „Code Louis” (Victor G. Cădere, Tratat de procedură civilă, Editura Cultura Naţională, Bucarest, 1928, p.42), d’après le nom du roi Louis XIV. [8]E. Garsonnet, Ch. Cézar – Bru, op. cit., p.600. V. et P.-C. Timbal, A. Castaldo, op. cit., 455. L’ordonnance est à l’origine du Code français de procédure civile. [9] C. Hamangiu, R. Hutschneker, G. Iuliu, op.cit., p.V, C.E. Camuzet, op.cit., p.XXI . [10] Boitard, op.cit., vol.II, p.126, V.G.Cădere, op.cit., p.115. A voir aussi Ioan Leş, Implicaţiile teoretice şi practice determinate de viitoarea organizare a instanţei supreme, dans Pandectele Române, Supplément 2004, p. 181. [11] Apud José Antonio Silva Vallejo, El Recurso de Casacion: analisis y contenido, p.3, pe www. amag. edu.pe/ docs/ Silva_ El%20recurso%20de %20 casacion. htm#_ftn3 . [12] Ibid. [13] A voir infra, note 14. [14] C’est dans ce sens qu’on a apprécié que l’instance suprême remplit une fonction disciplinaire - E. Garsonnet, Ch. Cézar – Bru, op.cit., p.605. La Cour a la mission de « gardien des lois et du Droit en général » – V. Cădere, op.cit., p.113. Dans une formule célèbre, on a dit que l’instance suprême, dans le système de la Cassation (ou, plus exactement, la Cassation comme institution , comme structure pluridimensionnelle), remplit une fonction nomophylactique ou de nomophylaxie judiciaire (Nomofilaquia judicial)– Piero Calamandrei, apud J.A. Silva Vallejo, op.cit.(gr. nomos – loi, norme; phylassein- garder, phylax- gardien, philaxis-garde – n.n.), protégeant la norme juridique face aux décisions qui y contreviennent (J.A. Silva Vallejo, op.cit.) ou, dans une autre expression, protégeant le Droit face à l’abus du pouvoir judiciaire (Galo García Feraud, Apuntes sobre Casación Civil, sur www. revistajuridica online.com) . [15] Loic Cadiet, Droit judiciaire privé, Editions Litec, Paris, 1998 : la justice civile apparaît comme l’ensemble des instances (des juridictions) hiérarchisées sous l’autorité de la Cour de Cassation (p. 89). La juridiction de la Cour est la clé de voûte de l’organisation judiciaire, le sommet de la hiérachie judiciaire française (p.121). V. Cădere, op.cit. : la juridiction de la Cour a caractère général et supérieur; la Cassation a le pouvoir d’anéantir les décisions données dans le mépris, la violation ou l’ignorance de la loi; la Cour est l’organisme judiciaire supérieur à tous les autres (p.113) . “La Cour Suprême a le but spécial de faire les instances respecter la volonté du législateur et de maintenir, par l’interprétation donnée aux textes dans les procès déduits aux jugements, l’unité de jurisprudence qu’ est la loi en action”. “Casser les décisions qui violent la loi, réprimer les excès de pouvoir des magistrats, préserver l’ordre des juridictions et réaliser ainsi l’unité de jurisprudence, voilà la haute mission de la Cour de Cassation, qui a été nommée à si juste titre la Cour Suprême du Droit”. La Cour est l’auxiliaire et le soutien du législateur” – Faye, Royer, Tarbé, cités par C. Hamangiu et autres., dans op.cit., p.24 . “On a convenu de limiter les degrés de juridiction à deux, mais de placer à la fois au dessus une Cour unique et suprême qui, associée au pouvoir législatif, soit le haut gardien gardien de la loi qui maintient l’unité de législation sur tout le territoire du pays, par l’uniformisation de la jurisprudence, qui ne permet pas aux magistrats d’interpréter différemment les lois du pays, mais qui les oblige à conformer les décisions aux règles édictées par le législateur”– D.P. Vioreanu*, apud Viorel Mihai Ciobanu, Tratat teoretic şi practic de procedură civilă, Editura Naţional, Bucureşti, 1997, vol II, p.363 . Dans le droit canadien, on confère également à la Cour Suprême, par disposition légale expresse, la vocation et la fonction supplémentaire de tribunal additionnel propre à améliorer l’application du droit canadien – art. 3 de la loi de la Cour Suprême du Canada) . * Dimitrie Paul Vioreanu (1831-1881) – juriste, professeur et homme politique. Après avoir obtenu, dans le pays, une licence en droit, il obtient le doctorat en droit à Paris. De retour dans le pays, il a été nommé premier-procureur de la Cour de Cassation et professeur de droit civil et administratif dans le cadre de la Faculté de Droit de Bucarest. Il a détenu trois fois la fonction de Ministre de la Justice (15 août - 11 octobre 1863; 2 février - 18 avril 1870; 4-24 avril 1876). A partir de 1866, il a détenu la fonction de président de la Haute Cour de Cassation et de Justice. Il a été élu à plusieurs reprises sénateur et député dans le Parlement roumain (à voir le site www.compendium.ro/pers_detalii.php?id_pers=2267) . [16] V.G. Cădere, op. cit, p.116, C. Hamangiu, R. Hutschneker, G. Iuliu, op. cit., p.XI . [17] On a adopté successivement plusieurs lois nommées « d’accélération des litiges » le 23 mai 1925, le 10 juillet 1929, le 23 juin 1943 (1 no 394). A voir aussi Graţian Porumb, Codul de procedură civilă comentat şi adnotat, vol.II, Editura Ştiinţifică, Bucarest, 1962, pp.16-18. [18] Decr. no 132 du 19 juin 1952 . [19] Art. 312 point 2 lettre b c.pr.civ. [20] Art. 312 point 2 lettre c c.pr,civ. [21] Dans l’exposition d’arguments au projet de la loi pour l’organisation judiciaire, on a fait référence à la démocratisation de la justice par l’institution du triple degré de juridiction. Sur la ligne de la même « conséquence », le Code de procédure a placé le recours dans le titre consacré aux voies ordinaires d’attaque. La jurisprudence de l’instance suprême et celle de la Cour Constitutionnelle ont fait elles aussi des références répétées au système de trois degrés de juridiction – Ioan Leş, Sisteme judiciare comparate, Editura All Beck, Bucureşti, 2002, p.44. A voir aussi V.M.Ciobanu, op.cit., I, p.46, Ion Deleanu, Tratat de procedură civilă, Editura Servo-Sat, Arad 2001, vol. I, p.35. [22] V.M. Ciobanu, op.cit., II, pp.317, 364. [23] Idem, 364-365. [24] A voir V.M. Ciobanu, Un pas important pentru reforma justiţiei în România, dans Pandectele Române no 4/2003. La nouvelle organisation de l’instance suprême a représenté un retour à nos traditions dans la matière, mais aussi un meilleur alignement de notre système judiciaire aux systèmes de justice occidentale - I. Leş, Implicaţiile…, in loc. cit., p.181 . [25] Déjà par l’O.U.G. no 65 du 9 septembre 2004, le recours contre les décisions des tribunaux étaient revenues dans la compétence des Cours d’Appel. On montrait dans le préambule de cet acte normatif qu’on avait eu en vue le grand nombre de causes à juger en recours par la Haute Cour de Cassation et à la fois le fait que le libre accès à la justice suppose aussi l’approchement du citoyen par rapport à l’instance, mais aussi le fait que la surcharge en matière civile de la Haute Cour ralentit l’activité de jugement, aspect qui porte atteinte au droit au jugement des procès dans un délai raisonnable et au droit à un procès équitable. Nous sommes d’avis que ces considérations sont discutables. Cela malgré que la modification antérieure eut été très bien reçue par les spécialistes (à voir V.M. Ciobanu, Un pas important pentru reforma justiţiei în România, dans Pandectele Române no 4/2003, pp. 195-207, G. Boroi, Modificările codului de procedură civilă, Precizări introductive, dans Curierul judiciar no 8/2003, pp.1-3), le retour à notre tradition de l’entre deux-guerres était en concordance aussi avec les systèmes occidentaux actuels ( à voir I.Leş, Implicaţiile…), et des solutions pour l’élimination de quelques inconvénients avaient été proposées dans la doctrine (à voir V.M.Ciobanu, op cit) ou adoptées par le législateur par la loi no 195 de 2004 (à voir I. Leş, S. Spinei, Noile modificări aduse Codului de procedură civilă în urma aprobării O.U.G. nr. 58/2003 prin Legea nr. 195/2004, dans Curierul Judiciar no 6 de 2004, pp. 1-8) . C'est-à-dire que, par l’adoption de l’O.U.G. no 65 de 2004 et de la loi no 295 de 2004, l’intention de reforme substantielle a échoué de façon prématurée, Valentin Mitea, Unele implicaţii ale O.U.G. nr. 58/2003 privind modificarea şi completarea Codului de procedură civilă, ale Legii nr. 195/2004 pentru aprobarea O.U.G. nr. 58/2003, precum şi ale O.U.G. nr. 65/2004 pentru modificarea Codului de procedură civilă, dans Curierul Judiciar no 1 de 2005, p.106. [26] La décision de la première instance va etre reformée par jugement chez l’instance de recours –V.Dongoroz, dans Vintilă Dongoroz, Siegfried Kahane, George Antoniu, Constantin Bulai, Nicoleta Iliescu, Rodica Stănoiu, Explicaţii teoretice ale Codului de procedură penală român . Partea specială . Vol. II, Editura Academiei R.S.R., Bucureşti, 1976, p.241. [27] A voir Alex Weil, François Terré, Droit civil, Dalloz, Paris, 1979, p.217. [28]Alexandru Velescu, Recursul civil, Editura Ştiinţifică, Bucureşti, 1965, p.120. Par la suite, l’auteur montre toujours que « par les dispositions contenues dans le décret no 471 de 1957(qui a ajouté à l’alinéa 2 de l’article 306 la thèse finale reproduite ci-dessus – n.n.; à voir l’auteur et l’œuvre citée, p. 119) en ce qui concerne les preuves, dans l’instance de recours, celle-ci n’a pas été transformée en une instance d’administration de preuves. Le recours ne saurait etre solutionné qu’en raison des preuves qui se trouvent dans le dossier de la première instance et des inscrits nouveaux produits dans le recours. Dans le seul cas où le recours est admis et qu’on juge le procès à fond après cassation, l’instance de recours peut admettre et administrer de nouvelles preuves, dans cette nouvelle phase du procès ». De là, l’idée que la rétention en vue du rejugement est une phase distincte dans le jugement du recours, l’instance ne jugeant plus en tant qu’instance de recours, mais en tant qu’instance de rejugement ou de fond, exerçant une fonction différente de celle d’instance de contrôle. [29] Ilie Stoenescu, Savelly Zilberstein, Drept procesual civil . Căile de atac şi procedurile speciale, Editura Didactică şi Pedagogică, Bucureşti, 1981, p.59. A voir aussi S.Spinei, Natura activităţii instanţei şi posibilitatea administrării probelor în situaţia reţinerii cauzei spre rejudecare după casare, în procesul civil, dans Dreptul no 6 de 2007. [30] A voir S.Spinei, Argumente pentru reconsiderarea calificării recursului ca şi cale de atac de reformare şi pentru introducerea în clasificări a categoriei căilor de atac de anulare, dans Curierul Judiciar no 2 de 2006. [31] L’article 304 point 11 c.pr.civ., qui prévoyait la cas d’ouverture du recours consistant dans le fondement de la décision sur une faute grave de fait, découlant d’une appréciation erronée des preuves administrées, a été abrogé par l’O.U.G. no 138 de 2000. Le point 10 qui avait en vue un manque de prononciation de l’instance sur un moyen de défense ou sur une preuve administrée qui étaient décisives pour la solution du procès, a été abrogé par la loi no 219 de 2005. A voir aussi S.Spinei, Notele distinctive ale recursului, dans Curierul Judiciar no 2 de 2006. [32]V.G. Cădere, op.cit., p.113, C. Hamangiu, R. Hutschneker, G. Iuliu, op.cit., p.24, 43, I. Leş, Implicaţiile …, p. 185, V.M. Ciobanu, Un pas important …, p.195 . [33] A. Weil, Fr. Terré, op.cit., p.216. [34] V.M. Ciobanu, Un pas important…, pp.196, 198. [35] A voir aussi Valentin Mitea, Unele implicaţii…, p.101, Rodica Borza, Consideraţii critice în legătură cu modificările aduse Codului de procedură civilă prin Ordonanţa de urgenţă a Guvernului nr. 58/2003, dans Dreptul no 10 de 2003, p.26 . [36] „Il serait choquant que le gain d’un procès dépende de la juridiction compétente” – A. Weil, Fr. Terré, op.cit., p.216. On a observé de même que l’exigence de l’application uniforme du droit, assurée par le système du recours à la juridiction suprême, est réclamée par le principe de l’égalité devant la loi – Henri Schupbach, Le recours en cassation ; spécialement en procédure civile neuchateloise, Imprimerie Henri Jaunin S.A., Lausanne, 1961, sur http://doc.rero.ch/ lm.php? url=1000,40, 4, 20050810111218-EI/2_these_SchuepbachHR.pdf, p.26 . [37] La décision prononcée par la Cour est obligatoire pour toutes les tribunaux. [38] Cependant, ces tribunaux vont continuer de prononcer, par le jugement des appels, la dernière décision dans les procès déduits au jugement.
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