Numărul 2 / 2008

 

L'HARMONISATION DES REGLEMENTATIONS EN MATIÈRE DE SANCTIONS DE L'INEXÉCUTION DU CONTRAT

 

Aurel BĂIEŞU*

 

                Résumé : Le régime des contrats est aujourd'hui d'une brûlante actualité sur le plan international. La doctrine n'a jamais manqué d'attirer l'attention sur l'impérieuse nécessité de respecter ses engagements contractuels afin de maintenir un climat de confiance indispensable au développement des échanges et à la prospérité. Un appel à la définition de nouvelles règles est soutenu par ceux qui dénoncent le vieillissement de ce régime dans certains pays et la diversité des règles qui le constituent à travers le monde. A part du principal outil international contraignant dans le domaine du commerce transnational, la Convention des Nations Unies sur le contrat de vente internationale de marchandises, cette conjonction a conduit à l'apparition des certains projets d'origine privée connus sous les noms de  "Principes UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international", "Principes du droit européen du contrat", rédigés par la Commission pour le droit européen du contrat, et le projet de Code européen des contrats de l'Académie des privatistes européens de Pavia.

 

 

            Le régime des contrats est aujourd'hui d'une brûlante actualité sur le plan international. La doctrine n'a jamais manqué d'attirer l'attention sur l'impérieuse nécessité de respecter ses engagements contractuels afin de maintenir un climat de confiance indispensable au développement des échanges et à la prospérité. Un appel à la définition de nouvelles règles est soutenu par ceux qui dénoncent le vieillissement de ce régime dans certains pays et la diversité des règles qui le constituent à travers le monde. A part du principal instrument international contraignant dans le domaine du commerce transnational, la Convention des Nations Unies sur le contrat de vente internationale de marchandises (Convention de Vienne), cette conjonction a conduit à l'apparition des certains projets d'origine privée connus sous les noms de  "Principes UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international" élaborés par l'UNIDROIT (Principes UNIDROIT) et "Principes du droit européen du contrat", rédigés par la Commission pour le droit européen du contrat (Principes DEC).

            Le Vocabulaire Capitant retient qu'une harmonisation peut consister à «unifier des ensembles législatifs différents par élaboration d'un droit nouveau empruntant aux uns et aux autres», elle se rapproche ainsi de l'unification. L'harmonisation peut également correspondre d'après le Vocabulaire Capitant à un «simple rapprochement entre deux ou plusieurs systèmes juridiques[1]». Il faut tenir compte également de l'aspect doctrinal de l'harmonisation, qui ne s'intéresse pas aux seules lois mais correspond plus à un accord sur la façon de traiter certains problèmes. C'est dans ce contexte que nous allons examiner les réglementations en matière de  sanctions de l'inexécution du contrat dans le nouveau Code civil moldave.

            Dans le Code civil de la République de Moldova (C. civ. R. M.) les réglementations en matière de sanctions de l'inexécution du contrat ont leur siège dans différents chapitres du Troisième Livre: dans le Titre I «Des obligations en général », notamment dans le chapitre V « Les effets  de l'inexécution de l'obligation»; dans le Titre II « Des contrats en général », notamment dans le chapitre III « Le contrat synallagmatique » et dans le chapitre VII  « La résolution, la résiliation et la révocation du contrat». Dans le droit civil moldave la notion de  l'inexécution du contrat, comme notion générique, se divise en deux types: l'inexécution fautive, imputable au débiteur et l'inexécution due à une impossibilité, qui n'est pas imputable au débiteur.

            Pour suite, nous allons examiner l'inexécution imputable au débiteur. Ce type d'inexécution existe quand il n'y a pas de situation d'impossibilité et le débiteur est tenu d'exécuter le contrat. Selon le droit moldave, dans ce cas d'inexécution le créancier a une série de moyens (sanctions) : il peut invoquer l'exception de l'inexécution (a), en suite le créancier a une option principale: il peut poursuivre l'exécution de l'engagement, en nature (b) ou par équivalent sous forme de dommages-intérêts (c), soit il peut opérer la résolution du contrat (d), en réclamant, le cas échéant, des dommages-intérêts. Pour réaliser l'exécution forcée en nature, l'exécution par équivalent ou la résolution, le créancier doit d'abord, en principe, mettre en demeure le débiteur. Voici le schéma consacré par le C. civ. R. M. en ce qui concerne l'ensemble des moyens en cas d'inexécution du contrat synallagmatique.   

            Ce système de moyens est consacré, en principe, tant dans la majorité des codes civils de l'Europe continentale, que dans les instruments d'unification du droit des contrats (la Convention de Vienne, Principes UNIDROIT et les Principes DEC). En ce qui concerne la common law, en cas de violation du contrat (breach of contract)[2], la partie lésée possède les remèdes (remedies) suivants: elle peut réclamer des dommages-intérêts  - damages; demander l'exécution forcée en nature - specific performance; la restitution - restitution ou la résolution - rescission. On voit que, sauf la restitution, les remèdes de la common law, en principe, correspondent aux sanctions des systèmes romanistes.

          a) L'exception de l'inexécution. La règleexceptio non adimpleti contractus selon laqelle „dans tout rapport synallagmatique obligatoire, chaque partie ne peut réclamer de l'autre l'exécution de ses engagements, si de son côté elle n'exécute pas ou n'offre pas d'exécuter ses propres engagements"[3], est connue dans tous les systèmes romanistes. Dans le C. civ. R. M. elle est consacrée dans l'art. 705 al. 2, qui reproduit, en principe, les prévisions du § 320 du Code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch - BGB):       la partie qui est obligé en vertu d'un contrat synallagmatique peut refuser de fournir la prestation dont elle est redevable jusqu'à ce que la contre-prestation soit effectuée, à moins qu'elle ne soit obligée d'exécuter la première ou que cette obligation ne résulte de la loi ou de la nature de l'obligation.

        Quant au C. civ. fr., quelques textes spéciaux admettent cette suspension du contrat: par exemple, en matière d'assurance,la suspen­sion de la garantie est organisée après mise en demeure de l'assuré; en matière de vente,l'article 1612 permet au vendeur de retenir la chose tant qu'il n'est pas payé; il en est de même en matière d'échange (art. 1704). Mais la jurisprudence a reconnu d'une manière générale en toutes matières le droit de suspendre le contrat à celui qui ne reçoit pas satisfaction. Et, parce qu'il procède de la structure même du contrat, ce mécanisme est d'ordre public.

         Les règles sur l'exception d'inexécution se retrouvent également dans les instruments de droit uniforme. Dans la Convention de Vienne l'exception d'inexécution constitue le fondement des dispositions retenues par l'article 58: en principe, et sauf clause contraire du contrat, l'acheteur n'est pas tenu de payer le prix aussi longtemps que la marchandise n'a pas été, non seulement livrée, mais encore proposée à son examen, tandis que le vendeur a le droit de refuser de se dessaisir de ces mêmes marchandises tant que le prix ne lui a pas été réglé. L'exception d'inexécution est consacrée aussi dans l'art.9.201 des Principes DEC et dans l'art.7.1.3 des Principes UNIDROIT.

            b) L'exécution en nature. La condamnation du débiteur à l'exécution en nature a son fondement dans l'art.512 al.1 du C. civ. R. M., qui reproduit, en principe, les prévisions du § 241 al.1 du BGB: en vertu de l'obligation, le créancier a le droit d'exiger du débiteur une prestation et celui-ci est tenu de l'exécuter.

Dans le droit français, le droit à l'exécution est considéré comme l'effet le plus direct du principe de la force obligatoire du contrat[4]. D'ailleurs ce droit a été explicitement affirmé par l'article l de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures d'exécution : « Tout créancier », dispose en effet ce texte, « a le droit de contraindre le débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ».

            Les systèmes de droit nationaux contiennent des approches différentes sur le rôle de l'exécution en nature. Si l'exécution en nature est au premier plan dans les droits continentaux, c'est le contraire dans les pays anglo-américains: l'exécution en nature (spécifie performance s'il s'agit d'une obligation de faire, injunction s'il s'agit d'une obligation de s'abstenir) n'y est accordée qu'exceptionnellement. Les parties se font des promesses réciproques. Celle qui n'exécute pas sa promesse doit des dommages-intérêts. D'emblée, le débiteur s'engage en quelque sorte soit à exécuter volontairement sa prestation, soit à payer des dommages-intérêts.

La raison de cette réticence est que les juges anglo-américains, chargés de surveiller les mesures d'exécution forcée, ne voulaient pas s'encombrer des conflits et complications qu'impliquait l'exécution forcée d'une obligation non pécuniaire. La jurisprudence a tout de même admis l'exécution en nature, lorsque le paiement de dommages-intérêts n'est pas du tout apte à satisfaire les intérêts du créancier. Ce cas de figure est cependant considéré comme exceptionnel[5].

            Dans la Convention de Vienne, l'article 28 a-t-il retenu une position de compromis, une solution à supposer qu'elle soit de celles sur lesquelles un accord aurait pu être trouvé entre les conceptions des pays de droit continental et ceux de common law[6]: il prévoit que « si, conformément aux dispositions de la présente convention, une partie a le droit d'exiger de l'autre l'exécution d'une obligation, un tribunal n'est tenu d'ordonner l'exécution en nature que s'il le ferait en vertu de son propre droit pour les contrats de vente semblables non régis par la présente convention». 

         Ajoutons que tant les Principes DEC (art. 9.102(1)) que les Principes Unidroit (art. 7.2.2, al. 1) consacrent la solution caractéristique pour le droit continental. Les premiers affirment en effet que « le créancier d'une obligation autre que de somme d'argent a le droit d'exiger l'exécution en nature... » et les seconds qu'« à défaut par le débiteur de s'acquitter d'une obligation, autre que de somme d'argent, le créancier peut en exiger l'exécution ». Mais les prévisions citée contiennent de nombreuses limitations du droit à l'exécution en nature, inspirées de la common law; le créancier ne peut pas faire valoir ce droit lorsque : a) l'exécution est impossible en droit ou en fait; b) l'exécution ou, s'il y a lieu, les voies d'exécution exigent des efforts ou des dépenses déraisonnables; c) le créancier peut raisonnablement en obtenir l'exécution d'une autre façon; d) l'exécution présente un caractère strictement personnel; ou e) le créancier n'exige pas l'exécution dans un délai raisonnable à partir du moment où il a eu, ou aurait dû avoir, connaissance de l'inexécution.

       c) Les dommages-intérêts (la responsabilité contractuelle). La règle générale sur le dédommagement du créancier (la responsabilité pour l'inexécution) est consacrée dans l'art.602 al.1 du C. civ. R. M. : «Lorsque le débiteur n'exécute pas une obligation, il est tenu à la réparation du préjudice qui en résulte, à moins qu'il ne prouve que l'inexécution de l'obligation ne lui est pas imputable». Le droit moldave, de même que les autres systèmes juridiques, consacre le principe de la réparation intégrale du préjudice; l'art. 607 al.2  du C. civ. R. M. dispose : « celui qui est tenu à la réparation d'un dommage doit rétablir l'état des choses qui aurait existé si le fait générateur de l'obligation de réparer n'était pas survenu ». De même, dans l'art. 610 al.1 et 2 est prévu que le dédommagement comprend la perte que le créancier a subie et le gain manqué, en précisant qu'est considéré comme gain manqué celui qui était possible dans les conditions d'un comportement normal du débiteur. Il faut noter que les prévisions énoncées reproduisent, en principe, celles des §§ 280 al.1, 249 al.1 et 252 du BGB.

       Le principe de la réparation intégrale du préjudice est consacré, également, dans l'art. 1149 C.civ. fr., l'art. 74 de la Convention de Vienne, l'art. 9.502 des Principes DEC et l'art.7.4.2 des Principes UNIDROIT.

       Ce principe n'est pas absolu. Une exception concerne le préjudice indirect: le débiteur n'est jamais tenu de réparer que le dommage, subi par l'autre partie,  qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution (art. 610 al.3 C. civ. R. M., art. 1151 C. civ. fr.).

       Le caractère direct du préjudice se manifeste dans le lien de causalité entre l'inexécution du contrat et le préjudice subie par le créancier. La Cour Suprême de Justice de la République de Moldova dans une décision de 2005 a statué qu'en réclamant le gain manqué, la partie lésée doit prouver  le lien de causalité entre l'obligation violée et le gain manqué; elle doit démontrer qu'elle pouvait et qu'elle devait obtenir un bénéfice et que c'est uniquement l'inexécution par le cocontractant de ses obligations qui l'a privé de ce bénéfice[7].

       Une autre exception du principe de la réparation intégrale du préjudice résulte de l'art.610 al.4 et 5 C. civ. R. M. : il n'est pas réparable le préjudice, qui, compte tenu de l'expérience du débiteur, ne pouvait pas être raisonnablement prévu lors d'une appréciation objective, hors le cas où l'inexécution de l'obligation est due à son dol.

            De même façon, le droit français, la Convention de Vienne, les Principes DEC et les Principes UNIDROIT prévoient le critère de la previsibilité pour limiter la responsabilité du débiteur; celui-ci est tenu du seul préjudice qu'il a prévu, ou qu'il aurait pu raisonnablement prévoir, au moment de la conclusion du contrat comme une conséquence probable de l'inexécution (art.1150 C. civ. fr., art.74 la Convention de Vienne, art.9.503 des Principes DEC et art.7.4.4 al Principiilor UNIDROIT).

            La common law accepte le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans que l'on juge nécessaire de faire une distinction formelle entre damnum emergens et lucrum cessans. Mais elle qualifie ce principe en déclarant que le préjudice subi, pour donner lieu à réparation, ne doit pas être trop éloigné (too remote). Il peut sembler à première vue que, en posant cette exigence, on veuille consacrer la distinction entre préjudice direct et indirect. En réalité, c'est la règle de la previsibilité qui est consacrée par le droit anglais, car la question de savoir si le préjudice est ou non too remote est jugée en se demandant si le préjudice en question était ou non prévisible lors de la conclusion du contrat[8].

         Dans le contexte de la responsabilité contractuelle il serait utile d'aborder la problématique de la faute, du fait qu'elle est traitée de différentes manières dans les systèmes juridiques nationaux et les instruments de droit uniforme. Le régime de la faute est loin d'être harmonisé; certains systèmes imposent une responsabilité du débiteur de plein droit ; d'autres exigent l'existence  de la faute; enfin un troisième groupe de législations ont adopté un système mixte, où le débiteur dans certains cas est responsable de plein droit, tandis que dans d'autres cas il est responsable uniquement pour la faute.

            Selon un concept traditionnel dans plusieurs systèmes de droit romanistes la responsabilité contractuelle a toujours son fondement dans la faute du débiteur[9]. Le droit civil moldave également consacre le principe de la responsabilité fautive, ce qui résulte des dispositions de l'art.602 al.1 du C. civ. R. M., selon lesquelles la faute du débiteur est présumée, celui-ci est tenu  de prouver que l'inexécution ne lui est pas imputable; aussi que des dispositions de l'art.603 al.1 du C. civ. R. M., selon lesquelles le débiteur est tenu responsable pour le dol (l'intention) et la faute (l'imprudence ou la  négligence).

           Dans le droit français la charge de la preuve de la faute est basée sur la distinction entre les obligations de moyens et celles de résultat. S'il s'agit d'une obligation de moyens, la charge de prouver la faute incombe au créancier : celui-ci doit démontrer que le débiteur n'a pas usé de tous les moyens possibles, n'a pas eu la diligence suffisante. Si l'obligation est de résultat, la charge de la preuve va peser sur le débiteur : dès lors qu'est établie l'inexécution, il en est présumé responsable est s'est à lui de prouver que l'inexécution est due à une force majeure, au fait du créancier ou d'un tiers.

           Le concept de la faute dans la common law est totalement différent de celui consacré dans les systèmes romanistes: la responsabilité de plein droit (objective) - strict liability - opère en principe, étant prévues de nombreuses exceptions quand la responsabilité est basée sur la faute[10].

           Les instruments de droit uniforme n'opèrent pas avec la notion de faute en qualité de condition de la responsabilité contractuelle. Dans ce sens le concept consacré dans les instruments visés est plus proche de la common law que des systèmes continenteaux. Le droit aux dommages-intérêts découle de la seule inexécution. Le créancier doit seulement prouver l'inexécution, c'est-à-dire qu'il n'a pas reçu ce qui avait été promis. Il n'est pas besoin notamment de prouver en plus que cette inexécution est due à une faute du débiteur. La preuve sera plus ou moins facile à apporter selon le contenu de l'obligation et notamment selon qu'il s'agit d'une obligation de moyens ou d'une obligation de résultat. Quand l'obligation du débiteur consiste en la production d'un résultat, l'absence du résultat escompté ouvre au créancier le droit de demander des dommages et intérêts, qu'il y ait ou non la faute du débiteur, sauf si l'on se trouve dans un cas d'exonération. Quand le débiteur est tenu d'une obligation de prudence et de diligence, il n'est responsable que quand il a manqué à son obligation, ce qui veut dire qu'il n'a pas été aussi prudent et diligent qu'il l'avait promis, et en l'absence de clause déterminant le niveau de diligence et de prudence attendu, cela équivaut à la commission d'une faute[11].

 

            Dans se contexte il n'est pas sans intérêt d'examiner l'oportunité d'introduire dans le C. civ. R. M. le concept de la distinction entre les obligations de moyens et celles de résultat, car la présomption de la faute du débiteur pour n'importe quelle inexécution, prévue dans l'art.602 al.1 C. civ. R. M., ne paraît pas être toujours justifiée. On peut remarquer que ce concept, adopté par le droit français et les systèmes juridique d'inspiration française, s'applique également, sans être légiféré exprès, dans d'autres systèmes nationaux. Ce concept a été aussi adopté dans les Principes UNIDROIT (art.5.1.4 et 5.1.5).

        d) La résolution. La norme centrale sur la résolution du contrat pour défaut d'exécution ou exécution défectueuse se trouve dans l'art.709 du C. civ. R. M. qui dispose dans son alinéa Ier que, lorsque dans un contrat synallagmatique le débiteur ne fournit pas une prestation échue ou ne la fournit pas conformément aux stipulations contractuelles, le créancier peut résoudre le contrat s'il a imparti au débiteur, sans succès, un délai raisonnable pour exécuter ou remédier.

            Il faut mentionner que la norme énoncée a reproduit, en principe, les prévisions du BGB (§ 323 al.1), de même que d'autres normes en matière de résolution:

- le créancier ne peut résoudre le contrat que pour la partie inexécutée, à moins qu'il ne démontre que l'exécution partielle n'a pas d'intérêt pour lui (art.709 al.3 C. civ. R. M., § 323 al.5 C phr. 1 . BGB);

- le créancier est autorisé à résoudre le contrat par anticipation, c'est-à-dire avant même l'échéance de la prestation, dès lors que les conditions de la résolution sont manifestement déjà réunies (art.709 al.4 C. civ. R. M., § 323 al.4 BGB);

- le créancier est dispensé de fixer un délai supplémentaire au débiteur lorsque celui-ci se refuse sérieusement et définitivement à exécuter, également lorsque les parties ont prévu dans leur contrat une date ou un délai d'exécution et que le créancier a lié son intérêt pour l'opération au respect de cette date ou de ce délai ou encore lorsque des circonstances particulières justifient la mise en œuvre immé­diate de la résolution (art.710 C. civ. R. M., § 323 al.2 BGB);

- la résolution est exclue si la violation de l'obligation est de peu d'importance (art.711 b) C. civ. R. M., § 323 al.5 BGB);

- la résolution est exclue lorsque le créancier est responsable seul ou à titre principal de l'événement qui lui aurait permis de résoudre; il en va de même si un événement analogue dont n'a pas à répondre le débiteur s'est produit à un moment où il se trouvait en état de retard d'acceptation (art.711 lit.c) C. civ. R. M., § 323 al.6 BGB).

           Le C. civ. R. M. (art.748 al.2) a récepté également les solutions du BGB en matière de résiliation  du contrat à exécution successive pour motif grave:  tout contrat à exécution successive peut être résilié, pour motif grave, par chacune des parties sans qu'elle ait à respecter un délai de préavis. Il y a motif grave lorsque la continuation du rapport contractuel jusqu'au terme convenu ou jusqu'à l'expiration d'un délai de préavis ne peut être imposée, eu égard aux circonstances de l'espèce et aux intérêts respectifs des par­ties, à celle d'entre elles qui résilie. Mais alors le créancier ne peut résilier qu'après lui avoir imparti sans résultat un délai pour remédier à cette violation ou lui avoir adressé, également sans résultat, une mise en garde contre son attitude. Ici aussi la priorité est donnée à l'exécution.

         En ce qui concerne les instruments de droit uniforme, toute leur philosophie est d'éviter, autant que possible, que la résolution du contrat soit prononcée. C'est donc pour ça que les auteurs  de ces instruments ont entendu enfermer les cas de résolution dans des limites assez rigoureuses.

         Dans la Convention de Vienne la résolution est soumise à de strictes conditions de fond et de procédure, qui sont définies par les articles 49 et 64 lesquels figurent parmi les dispositions relatives aux moyens dont dispose respectivement chacune des deux parties, en cas d'inexécution des obligations de leur cocontractant. S'agissant des conditions de fond, ces deux textes prévoient, tout d'abord, que la résolution peut être décidée lorsque le manquement de la partie en défaut « constitue une contravention essentielle au contrat ». L'article 49 autorise l'acheteur à «déclarer le contrat résolu... en cas de défaut de livraison, si le vendeur ne livre pas les marchandises dans le délai supplémentaire imparti par l'acheteur conformément au paragraphe 1 de l'article 47 ou s'il déclare qu'il ne les livrera pas dans le délai ainsi imparti ». Et, de son côté, l'article 64 prévoit que le vendeur peut prononcer la résolution « si l'acheteur n'exécute pas son obligation de payer le prix ou ne prend pas livraison des marchandises dans le délai supplémentaire imparti par le vendeur conformément au paragraphe 1 de l'article 63 ou s'il déclare qu'il ne le fera pas dans le délai ainsi imparti ». Pour être applicables, ces dispositions supposent donc que le créancier de l'obligation violée ait, conformément aux articles 47 ou 63, fixé au débiteur un délai supplémentaire pour réparer l'inexécution.

         Les Principes DEC (art.9.301) et les Principes UNIDROIT (art.7.3.1) prevoient le droit du créancier de résoudre le contrat dans les cas suivants:

            - s'il y a inexécution essentielle de la part de l'autre partie;

            - en cas de retard, si le débiteur n'exécute pas dans le délai supplémentaire pour l'exécution de ses obligations accordé par le créancier.

Observations sur l'ensemble du système.

           En matière de sanctions de l'inexécution du contrat le nouveau Code civil moldave a établi un mécanisme équilibré de protection des intérêts des deux parties du contrat, en leur accordant un système de moyens (sanctions, remèdes) efficaces dans des conditions litigieuses, en vue de sauver et de continuer le rapport contractuel. D'une part, le Code civil moldave place devant le créancier un arsenal de sanctions, pour défendre ses droits et ses intérêts lésés. Un trait caractéristique des droits romanistes consiste en ce qu'il n y a pas une hiérarchie entre les sanctions. La loi n'offre pas certaines sanctions de préférence à d'autres, comme dans les systèmes de la common law, ou les dommages-intérêts occupe une  place privilégiée. Le droit moldave, en suivant le modèle d'autres systèmes romanistes, a situé toutes les sanctions au même niveau. Un créancier est donc libre d'utiliser telle ou telle sanction selon les circonstances et même de combiner différentes sanctions. C'est au créancier de décider de la sanction qu'il estime la plus adéquate à la situation.

           De l'autre part, les intérêts du débiteur sont protégés par l'institution de l'obligation du créancier  d'accorder au débiteur une «dernière chance» - un délai supplémentaire raisonnable pour exécuter ou réparer en nature, ou, au moins, de sommer le débiteur, avant de procéder à la résolution ou de réclamer des dommages-intérêts, solution inspirée du droit allemand (la doctrine Nachfrist). On peut donc constater que le droit moldave, en suivant le modèle allemand, offre au débiteur une protection renforcée par rapport au droit uniforme (les Principes UNIDROIT el les Principes DEC), qui n'oblige pas le créancier d'accorder au débiteur un délai supplémentaire pour l'exécution; ce n'est qu'un droit du créancier de le faire. Cette différence peut être expliquée par rapport au champ d'application des deux corps de droit: tandis que le droit uniforme a pris comme exemple le contrat de commerce international entre commerçants expérimentés, le droit civil a vocation à s'adresser à tout ou chacun et doit donc tenir compte des faiblesses et du manque d'expérience du débiteur[12].

           Le droit civil moldave a le but de promouvoir le principe  favor contractus - la favorisation du contrat.  Le fait qu'un contrat concerne souvent des intérêts importants et que les procès auxquels il peut donner lieu soient complexes et coûteux a imposé l'élaboration d'un certain nombre de mesures privilégiant sa survie. Ce principe, qui se glisse dans plusieurs dispositions du Code civil moldave, se retrouve encore plus particulièrement dans la matière des sanctions de l'inexécution du contrat: la vie du contrat sera privilégiée en ce sens que les règles viseront plus à aménager des réponses à donner à l'inexécution plutôt qu'à viser à la résolution du contrat. Ainsi, selon les articles 709 et 735 du C. civ. R. M., la résolution ne sera possible que s'il y a une  inexécution essentielle la part de l'autre partie. Dans le même contexte s'inscrivent les prévisions sur l'obligation du créancier d'accorder au débiteur un délai supplémentaire pour l'exécution, qu'on a évoqué plus haut. Ça veut dire que, lorsque des difficultés dans le cadre de l'exécution du contrat apparaissent, les règles du Code civil moldave sont conçues d'une telle manière que les parties soient encouragées d'entreprendre des mesures en vue de permettre l'exécution complète et conforme du contrat.

           L'examen des prévisions en matière de sanctions de l'inexécution du contrat démontre que le législateur moldave a fait des efforts appréciables pour que le nouveau Code civil soit harmonisé avec les codes civils occidentaux, pour faire face au défi européen et au processus de l'unification du droit européen du contrat, déjà largement engagé.

 

 

 

 

 

 

 

* Maître de conférences à l'Université d'Etat de Moldova, Chişinău - droit civil et le droit commercial international. aurelbaiesu@yahoo.com.

 

[1] Vocabulaire Juridique, Association Henri Capitant, dir. G. Cornu, 7ème éd., Puf, 1998.

[2] Pour la notion de breach of contract etces effets: Treitel G.H. The Law of Contract, Sweet & Maxwell/Steevens & Sons, London, 1991, p.731 et s.

[3] Cassin R. De l'exception tirée de l'inexécution dans les rapports synallagmatiques (exceptio non adimpleti contractus) et ses relations avec le droit de rétention, la compensation et la résolution, thèse, Paris, 1914, p. 739.

[4] Viney G. Exécution de l'obligation, faculté de remplacement et réparation en nature en droit français, in Les sanctions de l'inexécution  des obligations contractuelles. Etudes de droit comparé, sous la direction de M. Fontaine et G. Viney, Bruylant Bruxelles, LGDJ Paris, 2001, p. 182.

[5] Le Monnier de Gouville La responsabilité contractuelle: droit comparé français et anglais, thèse Montpellier I, 1997, p.247; Jolowicz J.A. Droit anglais, Paris, Dalloz, 1992, p.136 et s.; Seroussi R. Introduction aux droit anglais et américains, 2e édition, Dunod, Paris, 1999, p.110; Ogus A.-I. Les remèdes, in Le contrat aujourd'hui : comparaisons franco-anglaises, sous la direction de Tallon D. et Harris D., LGDJ, Paris, 1987, p.304-314.

[6] Heuzé V. La vente internationale des marchandises. Droit uniforme, LGDJ, Paris, 2000, p. 359. 

[7] Décision de la Chambre économique de la Cour Suprême de Justice de la République de Moldova du 21.04.2005 nr.2re-128/2005 //Buletinul CSJ a RM 8/10, 2005.

[8] McKendrick E. Contract law. Text, cases, materials, Oxford University Press, Oxford, New York, 2003, p.1058 - 1065; David R., Pugsley D., Les contrats en droit anglais, 2e édition, LGDJ, Paris, 1985, p.326.

[9] Planiol M., Ripert G. Traité pratique de droit civil français, Tome VI Obligations Première partie, LGDJ, Paris, 1952,  p.499; Bénabent A. Droit civil. Les obligations, 2 édition, Montchrestien, 1989, p 149 ; Terré F., Simler P., Lequette Y, Droit civil. Les obligations, 9e édition, Dalloz, Paris, 2005, p.558-559; Flour J., Aubert L., Flour Y., Savaux E., Les obligations. 3. Le rapport d'obligation, Dalloz, 4e édition, Paris, 2006, p.140.

[10] Treitel G.H., op. cit., p.9.

[11] De Lamberterie I., Rouhette G., Tallon D., Les Principes du droit européen du contrat: L'exécution, l'inexécution et ses suites, La documentation Française, Paris, 1997, p.232;Principes relatifs aux contrats du commerce international, Rome, Unidroit, 1994 , commentaire de l'art. 7.4.1.

[12] Babusiaux U. L'influence des instruments internationaux d'uniformisation du droit sur le nouveaux droit allemand général des troubles de l'exécution du contrat, in La réforme du droit allemand des obligations, sous la direction de C. Witz et F. Ranieri, Société de législation comparée, Paris, 2004, p.192.

 

 


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