Numărul 4 / 2011

 

ARTICOLE

 

 

JUGES ET DÉMOCRATIE [1]

Bjarne Melkevik *

 

 

Résumé : L'auteur défend la thèse que « juge » et « démocratie » peuvent se comprendre en tant que cooriginaire. S'opposant vigoureusement à toute opinion mettant l'office du « juge » dans une position aristocratique, ou encore de majesté, l'auteur caractérise une telle position comme stérile et contreproductive, là où il faut plutôt favoriser une coresponsabilité démocratique partagée par tous les acteurs juridiques ou non juridiques. Le juge dans une société qui valorise le « règne du droit » est au service d'un droit démocratique qu'il n'a pas à trahir sous aucun prétexte, ce qui doit nous faire comprendre le droit comme une coentreprise où les plaignantes et les avocats sont indispensables pour toute entreprise juridique digne de ce nom. Le jugement juridique peut alors se comprendre en tant qu'un apprentissage juridico-démocratique ou toutes les parties (le juge inclus) s'ouvrent, autant que possible, à la compréhension complexe d'un souhaitable « vivre ensemble ». L'auteur souligne de la sorte que le droit se fait en « troisième personne pluriel », en tant qu'un « nous » inclusif, et qu'il existe ainsi un « rendre compte » qui est autant juridique que démocratique.  Les juges seront aussi jugés, car dans la modernité juridique aussi bien la légalité que la légitimité appartiennent finalement aux propriétaires du droit, à tous qui s'engage en faveur d'un droit moderne et démocratique. En fin de compte, c'est notre responsabilité juridico-démocratique qui s'explique dans l'exigence d'un règne du droit et dans l'office de juge. 

 

Mots clef : Démocratie; Juges; État de droit; Règne du droit; Appareil judiciaire, Théorie du droit; Philosophie du droit.

 

 

Aborder un thème tel que « juges et démocratie » inspire l'humilité. Pouvant être appréhendé sous un angle ou un autre, l'inspiration que suscite ce thème est sans borne. Il convient cependant de circonscrire notre sujet d'abord en situant nos propos à l'intérieur de la philosophie du droit, pour ensuite concevoir le tandem « juges et démocratie » en tant qu'un puzzle, si vous nous permettez l'expression, où chaque pièce doit trouver sa place pour le bénéfice de la composition. Il en découle que la pièce « juge » s'explique avec l'autre, la « démocratie », et que ces deux éléments, considérés dans un tout avec d'autres pièces, nous portent vers notre responsabilité démocratique, en tant qu'auteurs-acteurs du droit, de faire fonctionner adéquatement et harmonieusement une société qui s'engage en faveur de la démocratie et de la modernité juridique. Un État de droit, ou encore l'exigence du « règne du droit », ne peut pas, en ce sens, prendre la forme d'une aristocratie judiciaire (comme cela se revendique fréquemment dans la doctrine constitutionnelle française) puisqu'il constitue une des garanties, ou « bouclier », dont la démocratie se dote pour ne jamais tomber dans son contraire. Le rôle du juge, judiciaire ou constitutionnel, consiste donc à agir en conséquence, c'est-à-dire en tant qu'instance de démocratie, de constitutionnalité et de droit.  En d'autres mots, le rôle du juge consiste à servir la démocratie, la constitutionnalité et le juridique.

Au-delà donc des contextes particuliers, soient-ils canadien ou colombien, ou encore de tout autre pays, il convient de revisiter, à l'aide des objectifs susvisés, quelques topiques - quelques « lieux » dans le sens de la culture juridique classique - qui illustrent nos propos. Notre choix, sans surprise, se pose alors sur les éléments suivants, à savoir (1) la « fonction moderne de juger », (2) le jugement et l'apprentissage démocratique et finalement (3) le rôle du juge dans la construction d'un « nous juridique ». Mais avant d'aborder discursivement ces thèmes, une vision plus large s'impose quant à notre façon de penser « démocratie et droit » à l'égard de l'office judicaire.

 

1.     Démocratie et droit.

 

Selon nous, le juge est au service de la démocratie, de la constitutionnalité et du juridique, compris comme une unité de réciprocité faisant référence à notre volonté commune de vivre dans une res republica. Le juge est au service de cette res republica et ne travaille pas pour le régime politique en place mais plutôt pour les propriétaires du droit et de la constitutionnalité, c'est-à-dire les individus en chair et en os en leur qualité d'auteurs-acteurs du droit. Dans une telle conception, il n'y a pas de contradiction entre démocratie, constitutionnalité et juridique, ces trois notions se conjuguant l'une dans l'autre pour former l'armature d'une société souhaitée politiquement et démocratiquement! Pour comprendre un tel modèle, il faut d'abord exposer son opposé.

 

            Le modèle libéral de non-réciprocité

Le modèle libéral de non-réciprocité entre démocratie et droit coïncide avec le constitutionnaliste autrichien Hans Kelsen puisqu'il en est le représentant le plus éminent.

Faisons donc un retour sur Kelsen, sur sa thèse voulant que c'est la nature du régime politique qui détermine aussi bien la constitutionnalité que le juridique et donc que le juge étatique (nonobstant sa place dans la hiérarchie judicaire) sert « le fait accompli » de ce régime quant à la constitutionnalité et au juridique. L'enseignement de Hans Kelsen consiste à soutenir qu'un régime politique est une réalité d'efficacité qui s'accapare du système judiciaire et législatif et donc, qu'en fin de compte, tout régime politique, soit-il démocratique ou dictatorial, autocratique ou théocratique, monarchique ou républicaine, détermine le « droit » en conséquence. Si Kelsen, homme d'une gauche social-démocratique, défend avec vigueur un régime politique démocratique, il refuse pourtant toute relation de réciprocité entre démocratie et droit. L'un ne va pas avec l'autre puisque c'est l'efficacité d'un régime politique qui détermine la nature du droit.

Rappelons dans ce sens que la théorie de Kelsen débute au sommet de la pyramide, à savoir « En-haut » et dans une absence absolue de tout agir ou de toute reconnaissance de l'activité humain. « En-haut » se situe le régime politique qui se manifeste tel qu'il est, à savoir, démocratique ou dictatorial, autocratique ou théocratique, monarchique ou républicain. En conséquence, le régime politique impose par « En-haut » pour décider la constitutionnalité et le juridique. Il en découle donc une logique qui commence par « En-haut », qui se détermine par « En-haut » et qui « retourne » vers « En-haut ». Il s'agit donc d'une thèse où le juridique et la constitutionnalité sont au service de ce « En-haut », ne se cultivant jamais de manière autonome, mais plutôt en tant qu'« annexe » à un régime politique. La « nature » du régime politique se résume à la non-autonomie de la constitutionnalité et du juridique,  la tâche de tout juge se résumant  à être fidèle et au service du régime en place. Le rôle du juge sera donc de respecter sa place dans le régime politique et agir comme agent de ce dernier. Si une telle position lui pose un problème de « conscience », il ne lui reste qu'à renoncer à son poste pour ainsi retrouver sa liberté en tant qu'acteur politique.

Suivant ce raisonnement, il y a du « droit » partout sur la terre, là où il y des régimes politiques et nous pouvons nous estimer heureux de vivre dans un régime politique démocratique puisque cela procure, autant au niveau du droit que de la constitutionnalité, un surplus appréciable et indispensable de liberté et de bonheur. Si donc une certaine réciprocité entre démocratie et droit pouvait éventuellement être constatée, elle ne sera qu'un accident historique heureux et surtout un bonheur pour le peuple qui peut en profiter. En ce sens, nous avons raison de nous réjouir de vivre et de faire partie d'un pays démocratique et de prôner politiquement (et diplomatiquement) les valeurs démocratiques pour des pays et des peuples qui n'en jouissent pas. Nous pouvons donc, en toute légitimité, favoriser une politique de démocratisation mondiale.

S'il est facile d'apprécier la construction intellectuelle de Hans Kelsen et de constater la manière par laquelle elle donne naissance à tout un vocabulaire et un imaginaire constitutionnel, voire même comment elle nous procure, en tant que juriste et constitutionnaliste, une « tranquillité » à l'intérieur du système qu'il est facile d'apprécier, il faut pourtant récuser, par principe, toute thèse de « non autonomie » de la constitutionnalité et du juridique, d'où l'intérêt d'examiner l'autre modèle, à savoir le modèle de réciprocité, voire de co-originalité, entre démocratie, constitutionnalité et juridique.

 

            Le modèle de la réciprocité entre privé et publique

Ce modèle prône la réciprocité des autonomies privées et publiques quant à la démocratie, à la constitutionnalité et au juridique. Il peut même se résumer dans une phrase qui constitue en fait une revendication pratique : nous voulons vivre libres dans une res publica libre.

Tant qu'un régime démocratique représente la forme moderne d'un vivre « libre » nous, en tant que propriétaires du droit et de la constitutionnalité, réclamons une réciprocité entre « démocratie et droit ». Ce modèle soutient donc que toute question de régime politique ne dépend que des individus, de leur assentiment et de leur volonté. Bref, il revient aux individus de prendre en charge leur régime politique et par leur ordre constitutionnel et juridique et, bien sûr, leur ordre judiciaire.

Comprenons bien que pour défendre une telle exigence, tant politique que juridique et constitutionnelle, nous n'avons pas besoin d'une quelconque métathéorie, soit-elle de droit naturel ou de positivisme juridique, non plus que d'une fondation en raison ou sur des principes éthiques, mais uniquement une insistance sur ce « nous voulons » qui nous engage maintenant et qui, historiquement, principalement dans un contexte « occidental », a engagé tant d'hommes et de femmes ayant le désir de marcher la tête haute dans une société libre. Précisons donc qu'en ce sens, ce « nous voulons » n'a pas de « nature positiviste» ou d'essence ontologique ou métaphysique, mais qu'il relève de notre volonté politique de « vivre libre ».

Suivant un tel modèle, la démocratie et le droit se conjuguent et doivent se penser en réciprocité parce que nous en sommes les « propriétaires ». Tout cela nous appartient en propre. Nous l'enlever relève du « vol »; c'est une atteinte à notre liberté, à notre volonté de vivre libres dans un « res publica libre », une atteinte à une constitutionnalité et à un juridique à notre mesure.

Il s'ensuit surtout que si la démocratie et le droit vont de paire, nous ne nous retrouvons jamais dans une position confortable de neutralité au-dessus de la mêlée, sinon toujours engagés dans notre temps, dans notre société, dans notre modernité et surtout dans notre « droit démocratique » et dans notre « constitutionnalité juridique ». Nous sommes engagés, qu'on le veuille ou non, car en tant qu'acteurs et auteurs du droit ce sont nos choix, aussi insignifiants et petits soient-ils, qui produisent la société dans laquelle nous vivons et qui produisent, bien sûr en ce qui concerne les auteurs-acteurs au premier plan, la constitutionnalité et le juridique. La question n'est donc pas d'introduire un nouveau concept de « démocratie » ou encore d'en peaufiner les contours, mais de s'assurer que les paramètres du public et de l'institutionnel correspondent, autant que possible, au désir des cosociétaires de vivre librement dans une « res publica libre ».

 

            Une prise de position

Bref, il s'agit de deux modèles, de deux façons de penser, de comprendre et d'agir tout à fait différents et qui débouchent sur des résultats totalement divergents. Si l'un des modèles, le premier, celui de Kelsen, se voit attribuer la tâche d'écrire heuristiquement une doctrine de constitutionnalité et de droit étatique, l'autre modèle a pour objet de nous rappeler notre rôle et notre responsabilité en tant qu'auteur-acteur dans le puzzle constitutionnel et juridique qui caractérise notre modernité. Vu de cette façon, le modèle de réciprocité entre droit et démocratie résorbe le modèle de non-réciprocité, puisqu'il recouvre le juriste et le constitutionnaliste en tant qu'acteurs dans l'idée de vivre libre dans un res publica. Acteur et donc un participant, participant et donc responsable, car en fin de compte c'est toujours, nous le défendons avec ardeur, notre volition qui est interpellée.

Si nous avons raison, en tout ou en partie, une telle réciprocité entre droit et démocratique s'avère propice pour mettre en lumière la responsabilité du juge d'aujourd'hui. Un juge qui doit désormais, en tant qu'acteur, être au « service » de ce modèle.

 

2.     Sur la fonction moderne de juger.

 

En effet, la première conséquence de la thèse de co-originalité entre « droit et démocratie » concerne la manière par laquelle s'opère la « fonction de juger » à l'égard de la « légalité » et de la « légitimité ». En fait, cette thèse de co-originalité entre « droit et démocratie » se concrétise, au niveau judicaire, par la réciprocité entre « légalité et légitimité ». Si la conception classique introduit la « légalité » et la « légitimité » en vases clos, sans communication, il convient aujourd'hui de les penser autant dans leur propre logique, qu'en communication l'une avec l'autre au niveau de la démocratie et du droit. Expliquons ces propos en récusant d'abord cette non-communication, pour ensuite envisager « légalité » et « légitimité » en communication au niveau de l'argumentation judiciaire.

            Comprendre la légalité et la légitimité en parallèle

Il n'y a guère de différence entre un partisan du juspositivisme ou du jusnaturalisme concernant le parallélisme entre « légalité » et « légitimé ». Quoi que, pour des raisons différentes qui ne nous intéressent guère ici, l'un comme l'autre fonctionne avec une logique qui reproduit intellectuellement d'un coté la « légitimé », qui est toujours comprise et pensée d'une façon extra-judicaire ou contraire à toute exigence de droit et, de l'autre coté, la « légalité » comprise et respectée dans sa dimension la plus concrète et « positiviste » que possible. En d'autres mots nous, les juristes, avons compris le parallélisme en question en suivant le paradigme du « politique » d'un côté et le « droit » de l'autre et donc la conséquence, à la fois logique et prévisible, que nous ne sommes pas compétents dans tous les domaines et qu'il nous faut aborder avec prudence un domaine aussi passionnant et passionné que la politique.

Si donc la politique est comprise comme le lieu de sélection par excellence de la législation et des textes constitutionnels, il s'ensuit aussi que ledit lieu existe dans une extériorité à l'égard de toute entreprise juridique et judiciaire. Il en découle donc que tout discours sur l'injustice et l'iniquité de la législation ou des dispositions d'un texte constitutionnel n'engage que le contestataire et la fraction à laquelle il (ou elle) appartient, l'espace public étant alors là pour lui et les siens en vue d'obtenir des changements.

Il y a quelque chose de profondément sain dans ce parallélisme entre « légalité » et « légitimité » en ce sens qu'il nous montre sans ombrage le sérieux que prend la question du droit dans notre contemporanéité, d'autant plus que ledit parallélisme constitue, sans le dire ouvertement, une membrane de protection en faveur du monde juridique (et surtout du monde judicaire) contre le monde politique et contre l'abîme que représente toute dépendance indue portant atteinte à la « légalité ». Il est en conséquence facile de comprendre que l'insistance, autant historique que jurisprudentielle, sur la « légalité » constitue en fait un garde-fou, un mur infranchissable, contre une soumission totale et inconditionnelle aux forces politiques (ou encore, dans quelques contrées du monde, théocratiques et idéologique-totalitaires).

Positif donc et pertinent, mais aussi un sentiment de découragement, une constatation que tout cela est pensé « d'en-haut » dans une logique unilatérale de partage de compétences où il manque toutefois un élément qui est devenu - dans notre actuelle modernité juridique et politique - primordial et incontournable, à savoir le citoyen en chair et en os et surtout son rôle de « propriétaire » unique et premier du droit. Il manque donc cette insistance sur les propriétaires du droit et leur volonté de vivre dans une société bien ordonnée où le mot « droit » possède alors tout son sens moderne.

 

            Argumentation et jugement

Ceci nous amène à l'argumentation, au fait que c'est aujourd'hui uniquement l'argumentation qui peut, juridiquement et constitutionnellement, faire le lien entre la légalité et la légitimité. En fait, l'argumentation pratique et judiciaire représente le lieu par excellence où s'épousent et se conjuguent la légalité et la légitimé.

Rappelons en ce sens que puisque la question des droits fondamentaux et la charpente constitutionnelle font référence aux textes historiquement situés, le sens que le projet juridique doit donner à ces textes doit toujours être actualisé par un processus qui ne peut pas être uniquement interprétatif. Le fait de l'interprétation ne consiste pas à découvrir ou à révéler un quelconque sens caché ou éminent, ou encore historique ou "libéral" mais, plus radicalement, à prendre le pouls du projet même de l'autolégislation.

En fait, le paradigme de l'autolégislation démocratique prend en charge l'interprétation comme projet dynamique pour le retrouver au niveau même des arguments et des raisons que nous pouvons honorer aujourd'hui. Il convient de la sorte d'enterrer le conflit interprétatif entre les partisans d'un sens "originel" et les partisans des valeurs "libérales" puisqu'aucune interprétation dans le domaine du droit ne peut se défaire des interprétations qui s'offrent déjà à eux historiquement (et systématiquement), de même qu'il est aussi vrai qu'une interprétation actualisée est irrémédiablement soumise à la liberté judiciaire (et juridique) qui ne peut se vérifier qu'au niveau argumentatif. Cela revient à dire qu'il faut soumettre le processus d'interprétation à l'auto-compréhension des auteurs et des destinataires des droits au niveau argumentatif. Il faut surtout que l'interprétation et l'argumentation autour des textes juridiques soient conçues comme étant une entreprise commune. En d'autres termes, il faut que le résultat de l'interprétation puisse être partagé de façon intersubjective par tous les cosociétaires juridiques et qu'il exprime une compréhension des auteurs du droit qui concourent à l'identité de la communauté juridique, soit un "nous" juridique.

Une telle conception de l'interprétation à l'égard des textes légaux doit nécessairement se retrouver dans l'argumentation. À un moment donné, le processus interprétatif veut "sauter" vers le développement d'arguments concernant ce qui doit être « juste » pour nous ou qui doit relever du"bien commun" que nous voulons réaliser. En nous adressant donc à ce niveau argumentatif, il convient de souligner que la légalité doit se faire, se soutenir et se prolonger par des arguments et des motifs. Que ce projet s'inscrive dans l'argumentation se voit de façon privilégiée dans le rôle de la dialectique qui sert à confirmer le rôle et les intérêts des auteurs du droit. L'argumentation sert en fait à examiner les narrations, les interprétations, les informations et les souhaits, tant sur le plan individuel que sur le plan social et normatif, tels que les expriment les cosociétaires en leur qualité, dans un premier temps, d'auteur, pour ensuite, l'affirmer, dans un deuxième temps, en tant qu'acteurs de leurs narrations. L'objectif qui se profile au niveau argumentatif est de filtrer les arguments pour sélectionner à la fois les bons arguments et les motifs situés, procéduralement, à l'intérieur d'un projet de légalité. C'est en cela que le procès judicaire actualise la légalité et la légitimité au bénéfice des auteurs-acteurs de droit.

            L'argumentation comme antidote contre tout dogmatisme

Avec une telle compréhension de la « légalité » et de la « légitimité », comprises l'une dans l'autre, la fonction de juger sera toujours de comprendre les auteurs-acteurs du droit dans une argumentation ouverte. Le propre du droit ne peut jamais être l'instance interprétative ou non plus s'englober dans les théories de l'interprétation qui se bousculent devant le prétoire. En fait, ces théories de l'interprétation, dites de « droit », deviennent contre-productives et néfastes puisqu'elles captent alors l'intérêt, à leur détriment, et obscurcissent le côté pratique du droit potentiellement réalisable.

En ce sens, il existe des raisons de récuser une tendance de plus en plus forte dans la théorie du droit qui consiste à utiliser le paradigme « interprétatif » en tant que « véhicule » ou méthode pour faire accepter des positions ou des philosophies particulières, ou extra-juridiques et éthiques. L'inflation de telles théories ou encore des « nouveaux concepts » semés à tout vent à titre de fondement, comme par exemple la super-constitutionnalité, l'infra-constitutionnalité, la constitution non-écrite ou encore des règles constitutionnelles non-écrites, les principes constitutionnels et ainsi de suite (sans aucun souci de complétude!), nous renseigne amplement sur ce désir singulier de doper la possibilité du droit au profit de la théorie, qu'elle soit utilisée comme fondement ou technique d'analyse. Le risque ici est que le paradigme de l'interprétation devienne un leurre pour l'esprit et une justification en soi, d'où le risque élevé de dogmatisme et de courte-vue, là où il faut le contraire. En se concentrant sur l'aspect argumentatif, il faut insister sur le fait que ce sont les « voix » qui doivent nous guider et nous convaincre dans notre souci de compréhension.

 

3.     Sur la philosophie du juge moderne

 

Si nous avons raison quant à la thèse de co-originalité entre « droit et démocratie », il s'ensuit qu'aujourd'hui le jugement judicaire doit se comprendre dans l'exigence d'un « rendre compte » démocratique. Au-delà du simple fait qu'un jugement judicaire constitue le « droit » pour les parties directement impliquées, il convient de le comprendre au-delà et surtout de l'envisager en tant que composante d'un processus d'apprentissage étendu quant à la constitutionnalité et au juridique. Il ne doit donc pas être conçu comme un résultat final, mais plutôt comme un « momentum » dans un dialogue « communicationnel » toujours en mouvement.

Examinons ce dialogue sous deux aspects, d'abord le caractère « non fini » se rattachant désormais à tout jugement judiciaire en tant qu'un rendre compte démocratique, pour ensuite analyser, logiquement, cette non-finitude qui fait en sorte d'insérer, positivement ou négativement, tout jugement judicaire dans un processus de formation de volonté et d'opinion démocratique.

 

            Un rendre compte démocratique

Une philosophie moderne du juge ne peut faire la sourde oreille aux clameurs de ce monde, ni aux voix faibles ou, à la limite, à l'inaudible. Le « juge » en tant que carrefour des attentes, ou encore le jugement judiciaire, est lui-même un objet de jugement et surtout un instrument permettant d'écouter les voix qui lui parviennent par la voie argumentative.

Les opinions qu'expriment les gens ordinaires doivent être respectées et considérées puisqu'elles composent un terreau fertile où se développent les interprétations et les arguments par lesquels se concrétisent les jugements dans nos affaires politiques, sociales, économiques, juridiques et constitutionnelles. Si le domaine du droit, réaffirmons-le, ne se constitue en aucune façon en tant qu'« interprétation » (ou encore de « traduction ») - ce qui nous amènerait inéluctablement à une conception théologico-politique (quoique entièrement laïque et plutôt païenne) qu'il convient d'éviter autant que la peste - admettons que toute question portant sur le droit se présente a priori comme une « argumentation » et surtout comme structurée sur le mode d'une argumentation en attente de jugement, du jugement des cosociétaires. La réalité juridique qui s'offre à nous met ainsi l'accent sur l'individu et sur les ressources individuelles disponibles en faveur d'un droit moderne. En fin de compte, toute question du droit se confirme ou se trahit au niveau des individus!

Il est opportun de souligner que former des jugements publics n'est certainement pas la même chose que d'avoir et de formuler des opinions. Contrairement à beaucoup de philosophes du droit qui adoptent trop rapidement une attitude de mépris et de dédain à l'égard des opinions, convenons qu'il ne s'agit là que d'un aveu de leur dédain et de leur idéalisation d'une philosophie des « hauteurs béantes ». Loin de telles impasses, reconnaissons l'intérêt et le respect pour les opinions, quelles qu'elles soient, telles qu'elles expriment fidèlement ce qui se pense et se ressent dans une société. Il faut tendre l'oreille puisque les «opinions» nous permettent de comprendre, autant que faire se peut, les motifs, les attentes et les morales des cosociétaires; bref, elles nous donnent un aperçu de la « vie interne » des hommes et des femmes ordinaires. Pourquoi alors se couper intellectuellement d'une des sources les plus importantes pour comprendre l'engagement des individus en faveur du droit et surtout de leur volonté d'instaurer un jugement juridique à leur mesure comme moyen de régler leurs différends?

Il n'y a rien qui puisse « se fonder en raison » en ce qui concerne le droit. Un tel discours ne relève que des naïvetés naïves, sinon exprime l'orgueil des philosophes endormis et l'attachement irrationnel qu'ils manifestent à leur « système »! À leur encontre, retenons que le droit n'a aucun fondement et que s'il existe des autorités, il n'en demeure pas moins vrai que nous naviguons toujours avec les moyens du bord. L'horizon d'une solution juridique de nos querelles dépend de notre volonté et de notre engagement - de même que des ressources saines de la tradition juridique - en faveur d'une issue en droit. C'est en fait sur les ressources saines qu'il faut insister, autant chez les cosociétaires que chez les juristes, en rappelant que le droit est toujours écrit sur le mode « faire ».

D'ailleurs rien ne changerait sans un esprit démocratique, à savoir sans une conscience démocratique chez les hommes et les femmes, une conscience ayant confiance en un droit possible et qui a été d'un si grand secours pour former les sociétés occidentales et modernes. Un tel esprit démocratique, ou encore cette conscience d'un droit possible fait par et pour nous, ne tombe toutefois pas du ciel. Il se construit pas à pas par nos engagements, par nos volontés, par nos opinions et par des jugements publics se faisant librement et sans contrainte. C'est un travail de Sisyphe qui nous attend - et mille ans ne seront certainement pas assez!

 

            Sur la formation de la volonté et de l'opinion

Une philosophie du juge fait également appel à la question de la formation de la volonté et de l'opinion. Il faut en ce sens souligner qu'il nous est interdit de penser cette formation comme la tâche d'une élite éclairée, qu'elle soit un juge ou un tribunal. Il faut récuser toute compréhension qui fait du juge un nouveau maître en vue d'instruire, de guider ou d'éclairer le peuple. Une telle conception n'a aucune valeur, sinon de véhiculer un paternaliste (ou maternalisme) contre-productif et méprisant. Il faut donc comprendre cette question autrement.

Il s'agit alors de mettre l'accent sur le fait que la volonté et l'opinion « publiques » ont principalement deux fonctions. L'une est de soutenir la formation d'un "nous juridique" là où il n'existe factuellement que des « je ». Dans ce sens, la promesse de l'autolégislation qui caractérise si bien la modernité juridique a besoin de faire concorder l'autonomie privée et publique, ce qui ne peut s'envisager que dans une telle formation de la volonté et de l'opinion. L'autre fonction est de mettre en marche la thématisation de notre situation individuelle, sociale ou culturelle et les perspectives de changement que nous voulons y apporter. C'est dans le processus de formation de la volonté et de l'opinion que nous devons retrouver les arguments et les informations qui peuvent nous permettre de comprendre les divergences de vue pour ainsi les apprécier à leur juste valeur.

Il s'ensuit que la formation d'une volonté et d'une opinion publiques renvoie alors aux démocrates qui souhaitent vivre dans le cadre d'un projet juridique commun et à leur mesure. La légitimité est ainsi implantée dans les mentalités modernes et démocratiques, avec des hommes et des femmes qui sont conscients de leur "droit" d'être des auteurs, des acteurs et des destinataires du droit, conscients de leur "droit" de puiser dans leurs ressources personnelles disponibles. Cela exige que tout ce qui peut être considéré comme légitime doive être agréé par des cosociétaires du projet juridique moderne, en leur qualité d'auteurs-acteurs.

Il s'ensuit qu'un jugement judicaire, comme élément de notre puzzle, s'adresse, en plus du destinataire immédiat, à la conscience des démocrates. Il s'adresse à l'espace public sans gloire et sans autorité pour y provoquer des débats, des discussions et surtout la prise de position sur le oui et le non. Or, souvent le « non » fait davantage honneur à notre modernité juridique qu'un « oui » servile!

 

            Sur la relativité de toute chose

 

Si la compétence judiciaire tire sa source de la volonté des auteurs-acteurs de « vivre libres dans un res publica libre », il s'ensuit aussi que cette compétence s'arrête devant la conscience démocratique des citoyens compris dans leur dimension politique. Une fois admis que les cosociétaires devraient être compris dans leur capacité d'autonomie, c'est alors la lutte contre l'arbitraire et contre le pouvoir de l'homme-sur-l'homme qui doit nous préoccuper.

 

4.     Sur un « nous juridique » moderne

Le dernier aspect sur lequel nous voulons dire quelques mots concerne le rôle fondamental que joue le paradigme d'un «nous juridique » dans la fonction du juge. Si, en tant que maître de la procédure, le juge énonce la norme à appliquer en dernier lieu, il le fait à partir des arguments et des raisons énoncés au prétoire. Le juge pèse les arguments et les raisons quant à la norme juridique à appliquer ou à construire et surtout, il effectue l'arrimage de la norme juridique avec l'état présupposé des "sources du droit". Il inscrit l'énonciation de la norme dans le "nous" juridique, ce qui confirme le projet moderne du droit et le discours d'application des normes dans la perspective de la première personne du pluriel, le nous, s'exprimant concrètement dans l'espace juridique. Or, cette opération s'effectue en se référant implicitement à l'État de droit en tant que sphère publique du droit d'une société moderne, démocratique et pluraliste. Il faut maintenant insister sur la stabilisation du jugement judiciaire d'abord en ce qui concerne l'espace publique et le juge moderne et ensuite, l'espace public considéré comme un apprentissage juridique, moral et politique.

            L'espace public et le juge moderne

 

Nous avons dit que l'élaboration du jugement judiciaire se produit dans un des espaces publics distinctif et qu'il est élaboré dans une logique de controverse, de contradiction, de bataille entre les auteurs-acteurs du droit. Cette conception du droit, laquelle tire sa légitimité et sa légalité dans les arguments des auteurs-acteurs du droit, fait en sorte que la norme juridique n'est pas un baume irénique à appliquer sur les plaies de la société. Avant tout rendement irénique, le droit doit être construit dans une perspective assurant la juridicité. Le droit peut alors être vu comme un projet, un apprentissage juridique quant aux droits que nous pouvons mutuellement nous donner en tant qu'auteurs-acteurs rationnels.

Insistons sur l'espace juridique comme un des lieux démocratiques permettant, aux niveaux individuel et collectif, la formation d'une volonté commune pouvant prendre en charge ce "nous" juridique déjà évoqué. En ce qui concerne l'individu, cette conception nous permet de le voir imbriqué dans la société de son temps, comme une partie intégrante d'une multitude de réseaux de relations ou de domaines du monde vécu. Plus important encore, elle nous permet de voir les intérêts qui émergent des histoires de vie et qui expriment, librement racontées, des expériences de tout ce qui porte un visage humain. C'est grâce aux ressources puisées dans le monde vécu que nous pouvons agir comme des sujets rationnels, personnalisés et socialisés. C'est encore notre assise en tant que réservoir de normativité et de solidarités concrètes, argumentativement disponibles pour énoncer les discours du droit. L'espace juridique, au plan individuel, donne une tribune au fait de vivre en société, de même qu'une voix à l'individu concernant les droits que nous devons mutuellement nous accorder.

En ce qui concerne le niveau collectif, l'espace juridique offre un lieu de communication thématisant les intérêts de tous. L'espace juridique peut être considéré comme une scène servant à thématiser, tester et ultimement à légitimer des solutions politiques et normatives. L'espace public devient le lieu de l'utilisation publique de la raison, ou plus précisément l'espace où se forment et se thématisent des arguments et des motifs. L'essence de cet espace est son aspect public, en ce sens que toute argumentation se fait en face de toute personne intéressée. L'espace juridique nous permet en somme de découvrir les thèmes pertinents pour l'ensemble de la société, d'interpréter les valeurs, de contribuer aux résolutions des problèmes et de produire de bonnes raisons tout en écartant les mauvaises. Tout cela est nécessaire pour le projet moderne du droit: les personnes "testent" les droits qu'elles doivent réciproquement s'accorder l'une et l'autre.

Il s'ensuit qu'il convient de comprendre l'espace public politique comme une caisse de résonance ou encore un système d'alerte doté d'antennes sensibles aux vibrations à l'échelle de l'ensemble de la société. L'espace public reproduit, en ce sens, linguistiquement et communicationnellement les problèmes qui ne trouvent de solution nulle part ailleurs et représente un endroit pour formuler les problèmes de façon convaincante et influente, pour les dédramatiser et pour proposer des solutions permettant d'alimenter notre désir de vivre dans une res republica libre. L'espace public sert, du point de vue de la théorie de la démocratie, à renforcer la pression qu'exercent les problèmes eux-mêmes de façon à ce qu'ils puissent être traités par le système politique et ultimement être repris et traités par l'ensemble des organismes parlementaires et éventuellement, à leur façon, se voir concrétiser dans des textes législatives.

 

            Le juge devant le rôle normatif de l'espace public

 

Commençons avec le rôle "normatif" de l'espace public puisqu'il devient ainsi l'interlocuteur principal de tout juge moderne. Conceptualisons l'espace public comme étant une structure de communication, comme un espace langagier formé par le pouvoir communicationnel des individus en chair et en os considérés comme étant les auteurs-acteurs de leurs droits.

Que l'espace public ait à jouer un rôle primordial quant à la légitimité se comprend aisément. En fait, l'espace public joue le rôle de terreau pour l'autolégislation des démocrates, les auteurs-acteurs du droit. C'est dans cet espace public que doivent se déployer les arguments et les raisons quant au processus de définition et de sélection de nos droits. Dans ce sens, l'espace public sert à inventer les "mesures" que les démocrates choisissent d'adopter pour traiter des problèmes ou leurs attentes. Mais la vraie preuve de la légitimité, c'est son épreuve factuelle dans l'espace existant effectivement.

L'espace public a une histoire qui a pu se réaliser dès le début de la modernité pour se concrétiser par la suite comme culturellement, politiquement, socialement et juridiquement.  Or, le problème même de l'espace public vient de sa facticité et du constat qu'il est le plus souvent monopolisé par des forces économiques, politiques, etc., voire qu'il doit fonctionner à partir de prémisses de différentes formes d'hétérogénéité. La légitimité, qui peut se faire effectivement dans l'espace public, ne peut en conséquence que dépendre d'un idéal normatif communicationnel d'égalité et de liberté souvent difficile à réaliser dans nos sociétés modernes.

À côte de la distribution inégale du pouvoir se trouve le fait que l'espace public puisse, dans notre modernité, être continuellement manipulé, détourné, dépolitisé, etc. Pire encore, l'inégalité économique, politique ou simplement symbolique, peut être pervertie jusqu'à devenir une menace même pour la démocratie. Il y a donc des raisons de nous mettre en garde contre la possibilité de manipulation d'informations pouvant détourner l'espace public de son rôle normatif.

Pourtant, au-delà de tout ce que nous pouvons dire sur la situation souvent très inégalitaire de l'espace public, il faut souligner, dans une perspective non-métaphysique, que nous ne possédons pas d'autres ressources pour faire l'expérience de la légitimité. Il est en conséquence important d'insister continuellement sur la perspective visant à renforcer le rôle de l'espace public, de même que sur l'exigence moderne de débusquer toute manipulation, tromperie, démagogie, etc., à son égard. Aussi longtemps que la démocratie met en avant une exigence d'égalité, tout doit être fait pour contrecarrer la manipulation dans l'espace public.  En effet, si la non-fondation de la légalité ne fait que la confirmer comme ouverte, si la légalité institutionnelle est procédurale et démocratique, il s'ensuit rationnellement que la légalité, vue à partir de la société ou de la périphérie, doit toujours être considérée comme en gestation, en devenir. 

 

            Conclusion : Responsabilité juridico-démocratique.

 

Arrivé à la fin de notre puzzle, il convient en dernier lieu d'insister sur notre responsabilité d'assurer que le mot « juge » sonne agréablement aux oreilles des citoyens et que la notion de « démocratie » ne sera pas considérée comme une farce jouée aux dépens de ces derniers. Si le travail des juges n'a guère changé techniquement et procéduralement, un changement énorme est en train de se réaliser quant au cadre démocratique où s'effectue ce travail et surtout quant aux attentes que les citoyens manifestent aujourd'hui à l'égard des tribunaux judicaires ou constitutionnels dans des démocraties modernes et avancées. Il convient d'être à l'écoute et d'assurer la responsabilité juridico-démocratique qu'occupe tout praticien du droit et bien sûr le juge en tant qu'acteur de la constitutionnalité et du juridique au service du « nous juridique ».

Si nous avons raison en disant qu'il faut comprendre le thème « juge et démocratie » par sa plus petite composante, à savoir le « propriétaire du droit », il faut théoriser davantage la question de « responsabilité » et la concevoir en tant que responsabilité juridico-démocratique. Il faut comprendre ce concept en tant qu'un « rendre-compte », tout comme un ordre démocratique se caractérise par le fait que tout détenteur d'un « pouvoir », d'une « décision » ou d'une «gérance », se place dans une logique où il doit « rendre compte ». Tout « pouvoir », toute « décision », toute « gérance », tout « jugement » ne doit se faire que pour et au nom de tous, de tous les citoyens en tant que tels et surtout en tant que « propriétaires du droit » (et de la constitutionnalité) dans la réalisation du « nous juridique ». « Rendre-compte » signifie que toute charge publique s'accompagne, certes d'une nécessité de justification et de légitimation dans des textes législatifs et constitutionnels, mais également à l'égard des « propriétaires du droit ».

Vu de cette façon, il faut savoir que si le « pouvoir » judiciaire aime être caché dans l'ombre de cabinets obscurs, il faut exiger qu'il s'expose, qu'il se fasse « public ». L'exercice du « pouvoir » doit être public en tant qu'élément d'une conception démocratique même de celui-ci; en conséquence, le tandem « juge et démocratie » représente alors ces deux dimensions de la vie juridique et de la vie démocratique qui s'épousent et se conjuguent en faveur d'une res republica libre dans laquelle les auteurs-acteurs du droit argumentent et alimentent la société dans un espace public qui considère et favorise la formation de notre « nous » juridique.

 

 

 

 

 

 

 

[1] Conférence donnée  au Seminario Internacional « Instituciones Judiciales y Democracia. Bicentenario de la Independencia y Centenario del Acto Legislativo 3 de 1910", Bogotá 2,3, y 4 de Noviembre 2010. Nous remercions l'Ambassade de Canada à Bogota, Colombie - par l'intermédiaire du Programme de relations académiques internationales des Affaires étrangères et du commerce international Canada - pour la subvention financière qui nous a permis de participer à cette conférence.

* Professeur en science juridique à la Faculté de droit à l'Université Laval (Québec - Canada). Bjarne.Melkevik@fd.ulaval.ca

 


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